B. UNE FILIÈRE DONT LES PRODUCTIONS DOMINENT LE MARCHÉ MONDIAL
1. Des productions diversifiées et d'excellence24(*)
La filière viticole française est une filière d'excellence qui s'explique notamment par la diversité et la qualité de ses productions, 95 % sous appellation, et la profondeur de son offre : vins blancs, rouges, rosés, champagnes, spiritueux, etc. Ses productions sont unanimement reconnues pour leur excellence.
Au sein de l'économie agricole, la viticulture occupe une place prépondérante. En 2021, sur les 387 290 exploitations agricoles françaises, 58 310 sont viticoles, soit 15 % de l'ensemble, occupant une SAU, en 2023, de 782 214 ha, dont 745 000 ha en production, soit seulement 3 % de la SAU totale. 73 % des exploitations ont des surfaces inférieures à 20 ha. Et pourtant, la valeur créée par ces surfaces modestes est considérable25(*). À titre de comparaison avec le premier et troisième producteur mondial de vin, les vignobles italien et espagnol occupent respectivement une superficie de 782 000 ha et de 930 000 ha soit environ 5,82 % et 3,8 % de leur surface agricole utilisée26(*).
a) Les surfaces par segments
En 2023, 56 % du vignoble français est destiné à la production de vin AOP, 27 % en IGP et 5 % en VSIG. On constate une stabilité, entre 2015 et 2023, des surfaces avec, dans le détail, une forte augmentation des surfaces en cognac et une baisse des surfaces en AOP. Les évolutions récentes des surfaces, très importantes, seront traitées dans une partie distincte du rapport.
Source : FranceAgriMer
Le plus grand vignoble demeure, de loin, celui du Languedoc-Roussillon avec une surface de plus de 185 000 ha, soit près d'un quart de la surface totale du vignoble français. Le deuxième vignoble est celui du Bordelais, avec un plus de 119 000 ha. Par comparaison, l'addition des vignobles de Bourgogne, du Beaujolais, de la Savoie et du Jura aboutit à une surface de 50 000 ha.
Source : FranceAgriMer
b) Les productions par segments
Si les surfaces en AOP représentent le double de celles en IGP, il n'en va pas de même pour les productions, en raison du plafonnement des rendements plus strict au sein des cahiers des charges AOP. En 2023, plus de 19 M d'hectolitres (hl) ont été produits en AOP, près de 12 M en IGP et 2,5 M en VSIG, pour une production totale de 33,5 Mhl. Cette production connaît des fluctuations grandissantes en raison du changement climatique, qui fera l'objet de développements particuliers. Ainsi, la production de 2018 s'était établie à 37,8 Mhl, celle-ci s'est effondrée en 2021 à moins de 28 Mhl, pour repasser à 33,5 Mhl en 2023. À noter qu'il s'agit de la production de vin, en incluant la production de vin aux fins de production de spiritueux, la production française s'établit à 47,3 Mhl en 2023, selon les données Agreste.
c) Une bascule historique du vin rouge vers le vin blanc
La France, pays du vin rouge, a connu en 2023 un basculement historique vers le vin blanc, qui représente désormais la production dominante, en lien avec les évolutions des attentes du consommateur. Ainsi, en 2023, sur les 33 Mhl produits, 12,8 M le sont en rouge, 13,4 en blanc et 6,9 en rosé. En réalité, si la proportion de vins blancs a augmenté, c'est aussi et surtout que la production de vin rouge a fortement diminué par rapport à 2018.
d) La France, premier vignoble bio du monde
La mission d'information tient à souligner l'avance de la viticulture en matière de développement des productions sous mention Agriculture biologique. Alors même que l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) fixe l'objectif de 21 % de la SAU cultivée en agriculture biologique au 1er janvier 2030, 23 % des surfaces viticoles le sont déjà en 2023, soit près d'un quart du vignoble, représentant plus de 170 000 ha. Ces chiffres flatteurs font de la France, selon FranceAgriMer, le premier vignoble biologique du monde.
Cette attention à l'environnement s'observe aussi dans le nombre très élevé de certifications environnementales de niveau 3, ou haute valeur environnementale (HVE), souvent première étape dans une démarche d'évolution des pratiques. Selon les données du Masa, alors qu'au 1er juin 2025, 9,6 % des exploitations agricoles sont certifiées HVE, représentant 8 % de la SAU française, 62 % des exploitations viticoles sont certifiées, ce qui est considérable. Dans le Bordelais par exemple, en 2024, 60 % des surfaces sont certifiées.
Si la viticulture est, il est vrai, historiquement grande consommatrice de produits phytopharmaceutiques, il est indéniable qu'elle est également la filière la plus résolument engagée dans des démarches vertueuses.
En outre, de récentes études tendent à montrer que les exploitations en agriculture biologique sont performantes, voire même, concernant notamment la viticulture à l'échelle de l'unité de production, plus performantes que des exploitations conventionnelles. Une publication de 2024 de l'Insee note qu'« En dépit d'un endettement plus élevé en moyenne (les dirigeants étant notamment plus jeunes), les exploitations bio affichent généralement un niveau de rentabilité économique équivalent aux structures en mode conventionnel.
Quatre filières agricoles concentrent 42 % des exploitations AB : maraîchage de plein air, viticulture, élevages de bovins lait et élevages de poules pondeuses. Parmi celles-ci, les résultats économiques rapportés à l'unité de production (hectare, vache, poule) sont bien souvent supérieurs en agriculture biologique, mais les résultats par exploitant non-salarié ne le sont pas toujours, car les exploitations biologiques sont souvent de taille plus petite. »
Il s'agit bien entendu d'un constat global, basé sur des données de 2020. Cinq ans plus tard, chacun peut constater la crise touchant le secteur bio, et notamment le secteur viticole bio.
2. Un leader mondial
a) Une puissance commerciale réelle
La valeur de la production viticole s'élève, en 2023, à 15,5 Mds€, alors même que la viticulture ne représente que 3 % des surfaces agricoles exploitées.
Avec, en 2023, une balance positive des exportations de vins de 11 Mds€27(*) en valeur pour le vin, de 3,76 Mds€ pour les spiritueux, et de 14,73 Mds€ au total, la viticulture est la principale source de l'excédent commercial français en matière agroalimentaire, contrôlant 17 % des parts de marché mondial.
Comme l'a illustré le rapport de septembre 2022 sur la compétitivité de la ferme France des sénateurs Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, le solde positif de la balance agroalimentaire française n'est désormais dû qu'à la performance de son secteur vins et spiritueux. Ce rapport souligne qu'en retranchant ce secteur stratégique, la balance française est déficitaire depuis 2006. Ce constat s'applique aux récentes statistiques pour 2024, qui montrent une nouvelle dégradation de la balance agroalimentaire française, en chute de 27 % par rapport à 2023, à 3 895 M€, et maintenue à flot par un solde vins et spiritueux dégradé, mais toujours significatif de 12 991 M€. À l'échelle de l'ensemble de la balance commerciale française, la filière vins et spiritueux représente le troisième excédent sectoriel, soulignant une fois encore le rôle crucial de cette filière.
Parmi les fleurons français en matière d'exportation figurent les vins de Bourgogne, le champagne ainsi que le cognac.
Source : FEVS
Ainsi, en 2024, sur un total de 10,9 Mds€ d'exportations de vins, le champagne pesait pour 3,8 Mds€, soit plus du tiers de la valeur totale. La Bourgogne, vignoble de 32 400 ha, soit 4 % du vignoble national, exportait pour 1,6 Mds€, soit 14,6 % de la valeur totale des exportations de vin. Autrement dit, les ventes de champagne et de vin de Bourgogne représentent à elles seules, en 2024, 49,6 % de la valeur totale des exportations de vin en 2024, alors même qu'elles ne représentent que 15,6 % des volumes exportés28(*).
Enfin, les exportations de cognac, malgré un net recul, s'élèvent en valeur en 2024 à 3 Mds€, contribuant donc pour plus de 20 % à l'excédent global vins et spiritueux de la France. Au sein même de la catégorie des spiritueux, le cognac représente près de 67 % de la valeur totale, loin devant les liqueurs puis la vodka, et alors même qu'en volume ce taux tombe à 29,7 %. Il convient toutefois de souligner les performances grandissantes de l'industrie française du whisky, dans un contexte baissier pour l'ensemble des autres spiritueux, qui enregistre, en 2024 (+ 21 %) une quatrième année consécutive de croissance de ses exportations29(*).
Les cinq premiers clients de la France sont les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine, l'Allemagne et Singapour. On notera l'importance des États-Unis puisque le pays représente, en 2024, 24,5 % du total des ventes à l'étranger, loin devant le Royaume-Uni, à 10,7 %. La Chine poursuit sa fermeture avec un repli de plus de 20 % sur un an, pour tomber à 6,1 % des ventes françaises.
b) Une production en valeur qui surpasse largement celle de la concurrence
À l'échelle de l'Union européenne, qui dispose d'un vignoble 3,08 Mha pour la campagne 2024/202530(*), la France, l'Italie et l'Espagne représentent près des trois quarts des surfaces.
Le plus vaste vignoble est le vignoble espagnol, d'une superficie de 930 000 ha31(*), représentant par là même le plus vaste vignoble au monde (13 % des surfaces), avec une production pour 2023 estimée par l'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) à 31 Mhl.
La France et l'Italie disposent de surfaces inférieures, mais de rendements supérieurs. Les surfaces des deux pays sont proches, 782 000 ha en 2023 pour la France, et 728 000 ha32(*) en 2024 pour l'Italie.
L'Italie est depuis 2007, et à l'exception de 2011, 2013, 2014 et 2023, premier producteur mondial. En 2024, sa production est de 44 Mhl. Pour 2025, sa production attendue serait de 47 Mhl.
Si la France n'est plus, sauf quelques exceptions, le premier producteur européen en volume, son excellence se constate en étudiant la valorisation de ses productions. Avec une production en 2024 d'une valeur de 15,5 Md€ et un solde commercial positif de 14,3 Md€, la France devance très largement l'Italie dont les volumes d'exportation dépassent pourtant les 20 Mhl, contre 11 à 12 Mhl pour la France.
Dans sa réponse au questionnaire de la mission, FranceAgriMer indique que la France exporte à un prix moyen de 9,08 €/l, lorsque l'Espagne et l'Italie plafonnent respectivement à 1,52 € et 3,74 €. La valorisation est ainsi la véritable force de la filière française, même si l'établissement note que le revers de cette stratégie est une plus grande volatilité « en volume, mais surtout en valeur par rapport à ses concurrents, notamment pendant/après Covid ou lors de la période de forte inflation récente. »
La France s'est en outre imposée dans des marchés émergents en véritable leader, à l'image de l'Afrique du Sud où ses exportations de vins représentent 75 % des importations en valeur (39,7 Mds€ en 2024) du pays, devant l'Italie (11 %), l'Australie (4 %) et le Portugal (3 %). Cette dynamique sud-africaine est parallèle à l'essor des ventes de spiritueux, au total, la part en valeur des importations de vins et spiritueux français est passée de 4 % en 2004 à 12 % en 2014 et à 30 % en 202433(*). Également en Australie, la France est passée du deuxième fournisseur de vins du pays en 2014 avec des importations en valeur (167 Mds€), à premier fournisseur en 2024 (255 Mds€)34(*).
Ainsi, la France est-elle véritablement, encore à ce jour, leader sur un marché particulièrement compétitif à l'international. Ce constat est d'autant plus frappant que l'index d'intensité à l'export publié par l'OIV (% exports/prod.) souligne qu'environ 30 % seulement de la production française de vin est exportée, contre environ 45 % pour l'Italie voire même plus de 60 % pour l'Espagne. Se pose, du reste, la question de la dépendance de la filière à la santé du marché national et à l'état de la consommation.
Cette place de leader ne saurait néanmoins masquer la polycrise dans laquelle la filière est entrée, qui se traduit notamment par une dégradation croissante de ses indicateurs de santé économique.
* 24 Les données et illustrations de cette partie proviennent de FranceAgriMer et de sa publication « Les chiffres clés de la filière Viti-Vinicole 2023 ». Certaines données sont de 2021, car non actualisées annuellement, quand d'autres le sont annuellement, permettant de mentionner les données 2023.
* 25 Voir supra.
* 26 Contributions écrites des conseillers agricoles auprès des ambassades de France en Italie et Espagne.
* 27 Vins et spiritueux Commerce extérieur Bilan 2023, FranceAgriMer, juin 2024.
* 28 Source : calculs Sénat à partir des données FEVS.
* 29 En 2024, selon les chiffres de la FEVS, les exportations de whisky français s'élèvent à 133 M€ en valeur, derrière le brandy et le rhum (133 M€ chacun).
* 30 Source : Commission européenne.
* 31 Source : contribution écrite du conseiller agricole de l'ambassade de France en Espagne.
* 32 Source : contribution écrite du conseiller agricole de l'ambassade de France en Italie.
* 33 Contribution écrite de la direction du Trésor.
* 34 Contribution écrite du conseiller agricole à l'ambassade de France à Canberra.










