CLÔTURE

Mme Audrey Bélim, sénatrice de La Réunion. - Je remercie la délégation sénatoriale aux outre-mer, sa présidente et Teva Rohfritsch de cette belle initiative qui nous a permis de nous retrouver et d'échanger.

Je retiens que nous disposons déjà d'un arsenal de leviers possibles. Son application effective est indispensable, car la vie chère, ce sont des hommes, des femmes, des familles qui la subissent. Du point de vue légistique, nous, sénateurs, serions bien plus efficaces si nous parvenions à travailler ensemble ; beaucoup de nos analyses convergent. De notre côté, nous avons déjà formulé nombre de propositions, afin de renforcer encore, sous l'angle des moyens et des compétences, l'arsenal existant. Nous pouvons demain marcher d'un même pas au service de nos territoires et de leur croissance économique.

Mme Solanges Nadille, sénatrice de la Guadeloupe. - Merci aux présidentes Micheline Jacques et Johanne Peyre de cette co-organisation du colloque ainsi qu'à Teva Rohfritsch d'en avoir eu l'idée.

Je précise à l'attention de M. Emmanuel Massa que la péréquation tarifaire dans le domaine de l'énergie n'est qu'une déclinaison du principe de continuité territoriale.

Je ne manquerai par ailleurs pas de revenir vers M. Simon Genevaz, car une difficulté s'annonce dans nos territoires ultramarins, par définition éloignés de notre chère patrie, la France, avec l'application à compter du 1er janvier 2026, sur le ciment et les engrais, de la taxe issue du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne (CBAM).

Je termine par cette remarque : au lieu de parler de handicap structurel, mettez-vous dans la tête que les outre-mer sont autrement capables...

M. Georges Naturel, sénateur de la Nouvelle-Calédonie. - Cet échange a établi un état des lieux, un diagnostic de la situation et montré que nous disposons de nombreux outils.

Un élément manque toutefois à nos réflexions, le facteur humain. Un dirigeant d'entreprise ne saurait ignorer les caractéristiques de nos sociétés et un manager qui arrive de l'Hexagone doit prendre le temps de comprendre le mode de fonctionnement des ultramarins.

Il a été question de la pêche et du nucléaire. Je pourrais aborder celle du nickel, prégnante en Nouvelle-Calédonie. Le nickel y est véritablement, aujourd'hui encore, un mal, car toute l'économie locale en dépend. Nous pourrions encore évoquer la banane en Martinique. Dans nos territoires, la diversification de l'activité économique est importante.

Mme Annick Girardin, sénatrice de SaintPierre-et-Miquelon. - À l'écoute de la présentation que, tous, vous avez faite des partenaires, de l'ingénierie et de la matière grise disponibles dans ces territoires, on ne peut que s'interroger : pourquoi cela ne marche-t-il pas ? Le problème est sans doute autre.

Bpifrance a beaucoup évolué dans sa proposition en direction des territoires ultramarins ; mais combien de personnes, sur place, savent ce que vous faites ? La dynamique fait défaut. Il manque, dans chaque territoire, un chef de file bien identifié qui rassemble l'ensemble des acteurs et partenaires. Aucune île, pays, territoire d'outre-mer ou RUP ne dispose d'autant de moyens que nous, dans les Drom. Mais ils sont, ou sous-utilisés, ou mal utilisés, et leur emploi est davantage soumis à des contrôles qu'il ne bénéficie d'un accompagnement.

La délégation sénatoriale aux outre-mer a confié à Marie-Laure Phinéra-Horth, sénatrice de la Guyane, à Lana Tetuanui, sénatrice de la Polynésie française, à Vivette Lopez, sénateur du Gard, ainsi qu'à moi-même une mission intitulée « Les filières d'excellence et filières d'avenir des outre-mer », qui s'inscrit dans le droit fil de ce colloque. Nous allons dresser un état des lieux de la situation et des freins au développement de ces territoires, et tâcher de proposer des réponses ; car les territoires ultramarins ne sont pas des territoires qui présentent un handicap, mais des territoires de solutions. Pour dégager ces dernières, encore faut-il agréger l'ensemble des réponses qui existent déjà et celles que nous pouvons encore apporter.

Nous sommes parfois notre premier « problème ». L'enjeu est celui de notre volonté de nous organiser.

Je suis une fédéraliste et j'espère que tous les territoires d'outre-mer s'uniront pour obtenir un statut unique, une base commune que nous déclinerons ensuite en fonction de nos évidentes particularités et différences.

Mme Micheline Jacques, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer. - Je remercie de ces échanges très riches et je suis ravie d'entendre mes collègues dire qu'il faut travailler main dans la main. J'ai toujours pensé que les questions des outre-mer devaient être traitées de manière transpartisane, parce que c'est l'union qui fait la force. Nous pouvons en effet travailler à une colonne vertébrale commune, quitte, après, à l'adapter à la diversité des réalités de nos territoires respectifs.

C'est l'Iedom qui a fait état à leur sujet de vulnérabilité, ce que je me suis contentée, dans mon propos introductif, de relever. S'il est vrai que nos territoires possèdent des atouts, ils sont aussi, à tous les niveaux, entravés par des freins.

À l'échelon européen, l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'UE permet des adaptations au droit de la concurrence en raison des spécificités de nos territoires. Pour autant, la culture des outre-mer est encore absente en France et notre Gouvernement ne la défend pas suffisamment auprès de l'Union. Une collègue non ultramarine ayant travaillé sur la coopération régionale a exprimé son sentiment que lorsque l'Union européenne s'est construite, il n'a pas été tenu compte de l'existence de territoires ultramarins disséminés un peu partout dans le monde, ce qui me paraît plein de bon sens. Or c'est une force pour l'Union européenne, plutôt qu'une faiblesse.

La délégation aux outre-mer a déposé une proposition de résolution européenne prévoyant d'élargir à l'énergie, au traitement des déchets et au secteur de l'agroalimentaire le « paquet législatif RUP » accordé pour les matériaux de construction. Les citrons du Brésil ne peuvent par exemple pas traverser l'Oyapock pour être vendus à Cayenne ; ils doivent d'abord transiter par Rungis ! Ce sont des aberrations qui ont un impact carbone et un impact sur le coût de la vie.

Au plan national, des adaptations sont également à apporter au système normatif. Je plaide pour que soit engagée par le Parlement une étude sur le régime d'exonérations de la Lodéom. M. Olivier Jacob l'a décrit comme un atout majeur pour nos territoires. C'est vrai, mais nous nous dirigeons aussi vers une smicardisation dans nos entreprises, car les exonérations prévues ne concernent que les salaires n'excédant pas le Smic, alors que nous avons besoin d'une main-d'oeuvre qualifiée en ingénierie. Il serait judicieux de revoir ce dispositif, afin d'inciter les entreprises à embaucher à un plus haut niveau de qualification.

Évoquons encore le travail informel. À Mayotte, par exemple, quelque 60 % des entreprises évoluent dans l'économie informelle. Dans notre rapport d'information sur l'adaptation des moyens d'action de l'État dans les outre-mer, nous avons révélé que 40 millions d'euros en liquide quittent chaque année Mayotte pour les Comores voisines, selon les informations recueillies lors de notre déplacement sur place. C'est une déperdition de fonds qui seraient utiles au territoire.

Sur la défiscalisation, j'ai demandé à ce qu'une mission soit menée afin de mieux l'adapter aux réalités de nos territoires. Compte tenu de leur topographie, ce sont les utilitaires de tourisme qui y sont le modèle de véhicule prédominant. Des foyers n'ont toutefois pas les moyens d'acquérir un véhicule neuf. La fiscalité pourrait encourager l'achat de véhicules de seconde main et favoriser ainsi l'économie circulaire.

Au sujet de l'énergie, quand le Gouvernement a décidé de revoir à la baisse le tarif de rachat de l'électricité photovoltaïque, j'ai proposé, par voie d'amendement, d'exclure les territoires ultramarins, qu'une telle révision pénalisait fortement. Mon amendement a été rejeté. Des entreprises, notamment réunionnaises, qui avaient massivement investi dans l'énergie solaire se sont retrouvées en très grande difficulté et cela a pu en décourager d'autres d'investir à leur tour dans les énergies renouvelables. La loi, et particulièrement la loi budgétaire, doit leur assurer davantage de visibilité sur l'avenir.

Enfin, au niveau local, la fiscalité joue un rôle nodal et il conviendrait de la reconsidérer. La Guadeloupe a effectué un travail des plus intéressants sur sa fiscalité locale et sur le potentiel qu'elle représente, en vue d'une possible évolution. J'invite les autres territoires à l'imiter. Mieux développer l'économie dans nos territoires passe par une meilleure compréhension du potentiel fiscal de chacun d'entre eux.

Je remercie sincèrement Mme Johanne Peyre et son équipe de Isle, Teva Rohfritsch, qui a été la cheville ouvrière de l'organisation de ce colloque, ainsi que tous les intervenants. Je pense que ce n'est qu'un début et, ainsi qu'Annick Girardin l'a souligné, nous allons poursuivre nos travaux pour la croissance des économies ultramarines.

Ce colloque a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.

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