2. Les conséquences de la dégradation de la situation financière des débiteurs

La plus grande fragilité financière des ménages multiplie les risques d'incidents pendant l'application du plan et, par conséquent, le retour des dossiers en commission de surendettement pour un nouvel examen . En effet, incapables de surmonter les difficultés qu'ils rencontrent pour respecter les modalités des plans conventionnels (impossibilité de vendre leurs biens immobiliers, alors que c'est une condition nécessaire au désintéressement des créanciers, diminution des ressources depuis la mise en place du plan...), les débiteurs sont contraints de revenir devant la commission pour demander une modification du plan 15( * ) .

Le retour des dossiers devant les commissions de surendettement est encore plus systématique en cas de situation inextricable liée à l'absence totale de ressources de la part du débiteur.

En effet, face à ce genre de situation, les commissions de surendettement sont mal armées. Certes, la loi prévoit la possibilité de remises de dettes en phase amiable, mais cette mesure se heurte à la réticence des débiteurs. En phase de recommandation, les outils à la disposition des commissions de surendettement sont encore plus limités.

Pourtant, la loi les oblige à proposer une solution puisque l'absence de ressources ou de capacité de remboursement du débiteur (c'est-à-dire l'impossibilité d'élaborer un plan organisant et assurant le redressement du particulier) n'est pas un motif d'irrecevabilité 16( * ). Les circulaires du ministère de l'Économie et des Finances des 22 février 1993 et 28 septembre 1995 rappellent ainsi que les plans doivent être adaptés à chaque cas concret, étant précisé que la commission n'est limitée par aucune règle dans le choix de ses modalités. Or, en l'absence de capacité de remboursement, le plan le mieux adapté est, concrètement, le report des échéances, dans l'espoir d'une amélioration de la situation financière du débiteur. C'est d'ailleurs ce que les pouvoirs publics recommandent puisqu'ils engagent les commissions à s'abstenir de rejeter ces dossiers et les incitent à solliciter des créanciers un abandon de leurs créances (solution qui est très généralement refusée) ou, à tout le moins, à encourager la signature de moratoires, de surcroît reconductibles si la situation du débiteur ne s'est pas améliorée à l'expiration de ce gel des créances.

La pratique des moratoires tend donc à se généraliser. Statistiquement et en données cumulées, le pourcentage des plans comportant des reports de dettes est de 28 % en phase amiable et de 57,9 % en phase de recommandation. Parmi ces moratoires, 58 % sont d'une durée inférieure ou égale à un an. En effet, ces moratoires de courte durée recueillent la préférence des créanciers car ils leur permettent de ne pas perdre le contact avec les débiteurs.

Or, cette pratique entraîne de graves effets pervers. En effet, la multiplication des moratoires affaiblit un peu plus la pertinence toute relative du taux de réussite défini par la Banque de France, qui correspond en fait au taux de conclusion des plans conventionnels. Les statistiques fournies par la banque centrale font état d'une amélioration continue du taux de réussite, qui passe de 45 % en 1990 à 69 % en 1996.

Évolution du taux de réussite entre 1990 et 1996

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Taux de réussite

45 %

58 %

62 %

63 %

63 %

66 %

69 %

Source: Banque de France

Toutefois, on peut s'interroger sur la réalité du taux de réussite lorsque l'augmentation de ce dernier s'accompagne d'une conclusion croissante de moratoires. La réussite apparaît alors plutôt comme une solution de repli face à une situation pour laquelle les commissions de surendettement n'ont pas les moyens suffisants pour apporter une réponse définitive.

En outre, les cas d'amélioration de la situation du débiteur sont malheureusement rares. En conséquence, lorsque la période fixée par le moratoire est écoulée, le dossier est généralement déposé de nouveau auprès des commissions de surendettement, qui n'ont guère d'autre solution que de proposer un nouveau moratoire. Or, la généralisation de cette pratique contribue à augmenter le nombre de dossiers soumis à réexamen.

Il n'existe pas de statistiques à l'échelon national sur la progression du nombre des retours de dossiers, mais il semble que celui-ci augmente régulièrement et fortement.

Dans la commission de surendettement des Alpes-Maritimes, par exemple, les chiffres sont les suivants :

1995 : 169  dossiers redéposés, soit 13,9 % des dossiers déposés ;

1996 : 241 dossiers redéposés, soit 17,3 % des dossiers déposés ;

1997 : 128 dossiers redéposés, soit 18 % des dossiers déposés (sur cinq mois).

Par ailleurs, il apparaît que ces réexamens soient pour une grande partie responsables de l'augmentation globale du nombre de dossiers déposés. Ainsi, les redépôts consécutifs à un moratoire sont estimés à environ 15 % des dossiers en 1996 , chiffre à rapprocher de la progression de plus de 20 % du nombre de dossiers déposés entre 1995 et 1996.

Or, la multiplication des réexamens constitue un risque sérieux d'engorgement pour les commissions qui, outre l'examen des nouveaux dossiers, ont à se pencher de nouveau sur des situations qu'elles ont déjà étudiées. A long terme, c'est l'efficacité de l'ensemble du dispositif de traitement du surendettement qui risque d'être remis en cause par l'accroissement incontrôlé des retours de dossiers.

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