3. Certaines activités halieutiques outre-mer sont néanmoins remarquables et prometteuses

Les ZEE de F outre-mer recèlent certaines ressources mises en valeur par des armements métropolitains, et dont l'exploitation est source de bénéfices non négligeables. En outre, les milieux insulaires tropicaux sont le support de Productions marines importantes.

3.1 La crevette guyanaise

Selon l'IFREMER, les ressources halieutiques de la Guyane sont importantes niais mal mises en valeur. Faute d'un savoir-faire local, la Guyane ne gère pas elle-même sa production halieutique et en est réduite à une économie de comptoir. Toute la production est débarquée et, pour sa plus grande partie, immédiatement exportée sans retombées économiques significatives. En effet, plus de 3700 tonnes ont été exportées en 1996, pour un montant de 174,9 millions de francs. La pêche est dominée par la maîtrise professionnelle d'étrangers, (les ressortissants du Guyana monopolisent la pêche industrielle à la crevette), même si les armements sont métropolitains. Le nombre de licences et le TAC de 4.000 tonnes de crevettes sont fixés par l'Union européenne. Les Vénézuliens occupent le créneau de la pêche des poissons rouges (vivaneaux et mérous). Des bateaux utilisant 48 licences viennent pêcher dans les eaux communautaires directement depuis le Venezuela. Ces licences sont gratuites mais il sont tenus de débarquer 75 % de leur pêche chez des négociants avec lesquels ils ont passé des contrats. Les Brésiliens, Surinamais, Haïtiens occupent la pêche dite côtière sur les 350 km du littoral-La richesse que constitue cette ressource est avérée et, depuis 1985, un total annuel de capture est défini, afin de garantir le renouvellement des espèces crevettières. Un nombre limité de licences est délivré chaque année par le Préfet de Région. Mais des pillages nombreux, déjà évoqués, permettent de douter de la pertinence de cette politique.

Enfin, on peut faire état d'une certaine inertie des exploitants. Ils s'opposent fortement à la pénétration de leur secteur. En effet, tout le secteur primaire de la Guyane vit sur des subventions d'État et des aides communautaires. Dans le cadre du POSEIDOM tout armateur obtient un écu par kilo de crevettes débarqué et commercialisé vers les pays européens.

3.2 La pêche dans les mers australes

La COMATA, filiale du groupe Intermarché et la SAPMER sont les deux compagnies françaises qui pêchent dans les mers australes. La pêche pratiquée est celle de la légine 31 ( * ) , poisson très apprécié sur le marché japonais. Le port d'attache de la COMATA est celui de la Pointe des Galets à la Réunion. C'est là qu'elle fait ses transbordements. Chaque année, la ! COMATA y dépense entre 1,5 et 2 millions de francs pour l'entretien du navire. La Réunion n'est rien de plus qu'une base et les carences de son | équipement ont été évoquées : par exemple, il n'y a qu'une seule prise pour l'alimentation en courant de terre, ce qui oblige les navires à attendre leur tour, parfois très longtemps. Par rapport à Port-Louis, sur l'île Maurice, le port de la Réunion apparaît sous-équipé. D'autre part, il n'y a pas de cale sèche suffisamment grande à la Réunion, ce qui explique que le carénage se pratique à Madagascar. Les coûts des passages portuaires et les prix des carburants dissuadent les armateurs d'y débarquer les produits de leur pêche. Enfin, les tarifs de conservation dans les équipements de la chaîne du froid sont inabordables. Au cours des auditions, les conditions d'accueil ont été évoquées, en termes souvent réservés. La Réunion, pratiquant des tarifs particulièrement dissuasifs d'installation des fonctions de commercialisation et de traitement des produits de la pêche, a conduit les professionnels à acheminer vers la métropole leurs produits pour en assurer la transformation et la valorisation.

L'expédition de la légine se fait en containers réfrigérés. Sur le marché japonais, le filet se vend entre 4 et 6 dollars le kilo ; sur le marché européen, les prix sont nettement inférieurs, au maximum de 4 dollars, auxquels il faut ajouter les frais de transport.

Sur Kerguelen, la COMATA a un quota de 1950 tonnes et la SAPMER un quota de 1550 tonnes, les deux palangriers ukrainiens un quota de 1000 tonnes, pour lequel ils paient une redevance de 3 millions de francs. Pour la surveillance des quotas, des contrôleurs sont en permanence à bord des navires français.

L'armement SAPMER pêche également la langouste autour de Saint-Paul et Amsterdam. Cette ressource est très difficile à gérer mais produit une valeur ajoutée intéressante. On estime que 400 à 500 tonnes peuvent y être pêchées dans des conditions d'exploitation régulière. En 1995-1996, 420 étaient autorisées ; en 1996-1997, seulement 340 tonnes pouvaient être pêchées. Cette pêche fait également l'objet de prélèvements illégaux, dont les plus importants ont eu lieu en 1971-1972 et en 1986-1987. Depuis, les stocks se reconstituent mais les conditions de survie de cette pêche sont subordonnées à l'exploitation par un seul navire. À cette condition, la ressource peut être stable. La vitesse de croissance de la langouste est très lente.

3.3 La filière thon devrait se développer

Les ressources thonières et les ressources profondes dans l'Océan Indien, vont être mises en valeur économiquement. Mais, toute l'activité thonière française de l'Océan Indien passe par les Seychelles, qui est le port le plus facilement accessible depuis les zones de pêche. La compagnie Viking, qui pêche le thon et l'espadon autour de la Réunion, envisage d'étendre sa zone de pêche et passera un contrat avec les Seychelles, à moins que les négociations engagées avec Mayotte portent leurs fruits. Pour l'instant, aucun thonier français ne fait escale à Mayotte, car l'accueil y est déplorable les professions nécessaires n'y sont pas représentées. Ici aussi, la question de la formation professionnelle est posée avec acuité.

Dans la mesure où la France est importatrice de thon, alors qu'elle pourrait mettre en valeur cette ressource, la perspective de développement de cette filière constitue un enjeu important, à ne pas négliger.

3.4 Aquaculture et perliculture

En Polynésie Française, les lagons des îles hautes comme ceux des atolls ont toujours été exploités dans le cadre de cueillettes et de pêches familiales. Aujourd'hui, l'essentiel de la production de crustacés est assuré par des fermes aquacoles privées. Le tableau retrace la production des quatre dernières années et la confronte au volume des importations.

Évolution de la production locale et des importations de crustacés en Polynésie Française.

(en kilogrammes)

1993

1994

1995

1996

Variations 1996/1995

Production locale de crevettes

57 333

60 487

52 226

54 314

4,0 %

Production locale de chevrettes

8 227

7 714

6000

3 200

- 46,7 %

Importations

179 834

156 972

234 920

176 938

- 24,7 %

Total

245 394

225 173

293 146

234 452

- 20,0 %

Source : IEOM (EVAAM).

Les élevages de chevrettes sont confrontés à un problème de mortalité, qui explique la chute de la production. D'autre part, on constate que les importations sont, selon les années, deux à trois fois supérieures à la production locale. On peut en déduire que l'offre locale ne suffit pas à la demande. En outre, les perspectives de développement de cette activité semblent limitées car peu de sites sont adaptés, sur le territoire, à l'élevage de crustacés

En Nouvelle-Calédonie, l'aquaculture s'articule autour de la production et de la commercialisation d'un type de crevette de haute qualité (la crevette des pénéïdes stylirostris). Ce type de production a été entrepris à titre expérimental en 1981 avec l'appui de l'IFREMER. En 1994, dans un but de rationalisation de la production, la SOPAC a été créée, qui regroupe tous les producteurs sauf un. La province du Nord a connu une très forte progression de sa production crevettière depuis le début de la décennie 1990, alors que cette activité se limitait jusqu'alors au sud de l'île.

Depuis 1990, la production a augmenté de près de 80 %.

1990

1992

1993

1994

1995

1996

Variations 1996/1990

Production

de crevettes de mer

540

734

632

691

878

964

78,5 %

La production calédonienne a été aussi victime d'un problème de mortalité, qui a entraîné une diminution de son volume. En outre, si l'aquaculture de crevettes est une activité qui porte ses fruits, les difficultés ne sont pas absentes, qui la rendent fragile. La crevette calédonienne est aux prises avec une insuffisante compétitivité, un faible taux de survie de la production, une offre insuffisante face à la demande, un endettement financier élevé des entreprises aquacoles. Pour que l'activité progresse, il faudrait en réduire les coûts, atténuer les problèmes du syndrome 93 (mortalité) et miser sur l'excellente qualité du produit.

En effet, l'étroitesse du marché local exige qu'une partie de la production soit exportée. Or, la Chine, la Thaïlande, l'Indonésie et l'Equateur, qui sont les principaux pays producteurs de crevettes d'aquaculture, ont des coûts et disposent de quantités sans comparaison avec la production néo-calédonienne. Cette concurrence sévère ne peut être négligée.

Bien que fournissant une production dont la valeur contribue à améliorer la balance des comptes, les élevages de crustacés n'ont qu'une importance locale et leur avenir se trouve pour l'instant bloqué par les concurrences de l'Amérique du Sud (Equateur) et surtout du Sud-Est asiatique et de l'Extrême-Orient (Chine continentale et Taïwan, Thaïlande, Philippines et Indonésie).

La perliculture, qui a connu en Polynésie Française un essor important, alimente le premier poste d'exportations du Territoire. La production exportée est passée de 206 kg en 1985 à 5100 kg en 1996 et de 1,4 à 14,7 milliards de francs CFP au cours de la même période. La perliculture permet à la Polynésie de couvrir 3 % de ses importations.

Le seul véritable impact de la perliculture ayant une signification à l'échelle du territoire se localise aux Tuamotu-Gambier où cette activité a pu prendre le relais de la plonge de la nacre.

L'essentiel de l'activité économique est dans les mains d'une dizaine de sociétés privées disposant d'importantes infrastructures. À côté d'entrepreneurs venus de métropole, ce sont de plus en plus des Tahitiens d'origine chinoise qui s'imposent par leurs capacités financières et leur gestion.

Le secteur perlier polynésien se trouve limité par le contrôle encore tout puissant des professionnels japonais tolérant cette production en raison de sa marginalité (moins de 1 % du marché). Les perspectives sont préoccupantes en raison de l'existence de maladies bactériologiques et du développement d'une concurrence de nouveaux producteurs du Sud-Est asiatique (Philippines, Thaïlande, Birmanie).

En outre, certains problèmes se posent, comme la baisse des cours, de la qualité ainsi que la gestion des lagons. En effet, l'installation de nouvelles fermes ne tient pas compte de la capacité trophique des lagons, les rejets sont à l'origine d'une sédimentation importante, les cheptels sont touchés par des épizooties, dues à la monoproduction.

Des pistes de recherche ont été lancées pour élever d'autres espèces d'huîtres perlières.

L'aquaculture et la perliculture, bien que faisant figure d'activités dynamiques à l'échelle d'un territoire, ne semblent pas permettre de rétablir l'équilibre économique des collectivités d'outre-mer qu'elles concernent. La pêche dans son ensemble, en fait, même si elle connaît une forte progression dans le futur, devra trouver des marchés. Elle ne peut pas compter sur l'exiguïté des marchés locaux. À cet effet, certaines études sont menées, notamment par la société Cofrépêche. L'existence d'une ressource non négligeable, parfois originale et peu exploitée, permet-elle d'envisager que l'outre-mer se spécialise sur certains créneaux de pêche ? Certains progrès sont envisageables, mais il faut prendre en compte les contraintes insulaires de l'outre-mer, qui font douter de la compétitivité des productions locales et invitent à relativiser la notion d'un développement très important.

* 31 1 Toothfish en anglais.

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