F. LES COOPÉRATIONS RENFORCÉES
Les
coopérations renforcées, c'est-à-dire la
possibilité pour une partie des Etats membres de réaliser,
ensemble, un approfondissement de la construction européenne dans un
domaine déterminé, paraissent une possibilité
particulièrement utile dans la perspective de l'élargissement.
Le traité d'Amsterdam a reconnu et organisé cette
possibilité, mais en posant au lancement des coopérations
renforcées des conditions très restrictives.
Les évolutions possibles doivent être envisagées pilier par
pilier.
Dans le cas du
premier pilier
, dès lors qu'il y a vote à
la majorité qualifiée, la formule des coopérations
renforcées ne présente plus le même intérêt.
Compte tenu de la proposition annoncée par la délégation
d'une large extension du domaine régi par la majorité
qualifiée, il ne paraît pas utile de revendiquer, pour ce pilier,
des possibilités accrues de recours aux coopérations
renforcées.
Dans le cas du
deuxième pilier
, le système en vigueur de
l'" abstention constructive " a l'avantage de faire peser le poids
d'un blocage sur le pays qui refuse d'agir. Et, de toute manière, si un
pays membre se trouve fondamentalement opposé à une action dans
un domaine, on ne peut guère envisager de surmonter une telle opposition
en ayant recours, dans le cadre de l'Union, à une coopération
renforcée. Cependant, on peut constater qu'actuellement se pratiquent
des " coopérations parallèles " en matière de
politique étrangère et de sécurité commune par la
mise en place de " groupes de contact ". (On entend par
" coopérations parallèles " des coopérations
renforcées se développant en dehors des traités). Il est
clair que la visibilité et la cohérence de la PESC seraient
meilleures si de telles initiatives pouvaient se situer dans le cadre des
traités. Il paraît donc souhaitable que les dispositions
concernant le deuxième pilier soient améliorées afin de
rendre plus facile l'action d'une partie des Etats membres au nom de l'Union.
Sur les affaires de
défense
(qui, actuellement, n'entrent pas
dans les compétences de l'Union), des négociations vont se
poursuivre durant l'année qui vient. Ce n'est qu'au terme de celles-ci
que l'on pourra apprécier s'il convient d'inclure les dispositions
concernant la défense dans la CIG. En tout état de cause, les
" coopérations parallèles " ont déjà fait
leurs preuves en ce domaine, notamment avec l'Eurocorps. Les propositions
actuellement formulées en matière de " capacités
militaires " (corps d'armée de 50.000 hommes capables
d'intervenir dans les soixante jours) ne visent pas à mettre en place
une armée européenne, mais un ensemble de forces armées
nationales rassemblées autour d'un objectif ; il apparaît
d'ailleurs que l'Eurocorps pourrait constituer le noyau central de cette force
européenne. En matière de défense, il semble donc que
l'essentiel -y compris dans la perspective souhaitable à terme de
recours à des coopérations renforcées- soit de laisser
subsister la possibilité, qui existe actuellement, de recourir à
des coopérations parallèles, c'est-à-dire à des
coopérations hors du traités.
Dans la perspective de l'élargissement, le
troisième
pilier
paraît être le domaine où des coopérations
renforcées pourraient s'avérer les plus utiles. C'est d'ailleurs
dans ce domaine de la coopération policière et judiciaire qu'est
née précisément la première coopération
renforcée avec les accords de Schengen. Dans la ligne des conclusions du
programme d'action adopté par le Conseil européen de Tampere, il
est vraisemblable qu'un certain nombre d'initiatives prises dans le cadre de
l'actuel troisième pilier pourraient être plus facilement mises en
oeuvre en recourant, le cas échéant, à des
coopérations renforcées. Ne serait-il pas, par exemple,
nécessaire de pouvoir développer " Eurojust " entre
certains Etats membres même si certains autres restaient
réticents ? Il paraît donc souhaitable que la
Conférence intergouvernementale assouplisse les conditions de recours
à la coopération renforcée pour le troisième pilier.
La délégation a donc retenu les deux propositions suivantes :
-
proposition n° 1 :
dans le cas de la PESC, il est
suggéré que les dispositions relatives à
l'" abstention constructive " soient rédigées de
manière à permettre plus facilement à certains Etats
membres d'agir au nom de l'Union pour la réalisation des objectifs
assignés à celle-ci par le traité ;
-
proposition n° 2 :
dans le cas du troisième
pilier, il est proposé de supprimer la possibilité pour un Etat
membre de s'opposer au lancement d'une coopération renforcée.