b) La fiscalité des revenus encourage l'expatriation des cadres

Pour des cadres de haut niveau libres de s'installer à Paris, à Londres, à Bruxelles ou à New York, le choix d'une résidence prend en compte la rémunération nette perçue. Celle-ci dépend non seulement du niveau du salaire, mais également du niveau d'imposition. Là encore, que ce soit l'impôt sur le revenu ou la fiscalité des stocks-options, le régime fiscal français incite à l'expatriation.

L'impôt sur le revenu

En matière d'imposition sur les revenus des personnes physiques, le taux marginal pratiqué en France est supérieur à celui de nos principaux partenaires européens.

TAUX MARGINAL DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

 

Etats-Unis

Allemagne

Espagne

Belgique

France

Italie

Royaume-Uni

Taux marginal

39,6 %

51 %

48  %

55 %

54 %

46 %

40 %

Dernière tranche à partir de
(en francs)

1 741 372

402 497

433 620

397 231

295 070

456 300

278 024

Source : Direction Générale des impôts, Ministère de l'économie et des finances.

Les contribuables à revenu élevé sont évidemment très sensibles à leur taux marginal d'imposition. Lorsque celui-ci leur semble confiscatoire, ils sont tentés de réduire leur offre de travail ou bien, ce qui est le plus fréquemment le cas, de s'installer à l'étranger.

En France, avec une assiette étroite et en forte progressivité, l'impôt sur le revenu pèse principalement sur les hauts revenus. Il n'y avait, en 1997, que 15,71 millions de foyers sur 31,18 millions acquittant l'impôt, soit 50,4 %. Les 5 % de contribuables situés en haut de l'échelle bénéficiaient de 22 % du revenu national et acquittaient 50 % de l'impôt. Les 50 % du bas de l'échelle avec 18,6 % du revenu national, supportaient 2,8 % de l'IRPP.

Le taux marginal d'imposition sur le revenu ne devient, toutefois, un réel motif de délocalisation que pour la minorité disposant des plus hauts revenus. En effet, le niveau d'imposition est atténué en France par un abattement de 10 et de 20  % dont bénéficient les salariés et de diverses déductions, au premier rang desquelles le système du quotient familial, qui n'existe qu'assez rarement à l'étranger.

Ainsi, l'impôt sur le revenu n'est plus élevé en France qu'au Royaume-Uni que pour les contribuables dont le revenu salarial dépasse 1,2 million de francs pour un célibataire, et 1,6 million de francs pour un couple marié. En dessous de ces seuils, il est plus avantageux d'être imposé en France.

LA TAXATION DU REVENU EN FRANCE ET AU ROYAUME-UNI



CÉLIBATAIRE SANS ENFANT

COUPLE MARIÉ, DEUX ENFANTS

 

Imposition

 
 

Imposition

 

EN FRANCE

 

AU ROYAUME-UNI

EN FRANCE

 

AU ROYAUME-UNI

REVENUS*

 

REVENUS

REVENUS

 

REVENUS

2 000 000

1 500 000

45 %

41,9 %

 

2 000 000

40,8 %

 

1 000 000

37,4 %

36,5 %

35,9 %

34,7 %

2 000 000

1 500 000

1 000 000

1 500 000

37,3 %

36,4 %

34,6 %

2 000 000

1 500 000

1 000 000

 

31,3 %

29,5 %

600 000

500 000

 

31 %

29,2 %

600 000

500 000

600 000

500 000

28,6 %

26,5 %

 

1 000 000

27,6 %

 
 

20 %

200 000

 

19,1 %

200 000

200 000

150 000

16 %

14,9 %

14,5 %

11,9 %

150 000

100 000

600 000

500 000

17 %

16,5 %

13,6 %

12,7 %

150 000

100 000

100 000

7,6 %

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

4 %

50 000

200 000

3,4 %

 
 
 
 

150 000

1,9 %

 

50 000

0 %

 
 

1,6 %

50 000

 
 
 

100 000

0 %

 
 
 
 

50 000

 
 

Revenu* : sans déduction spécifique ni réduction d'impôt, ni déduction de frais réels, et avant déductions forfaitaires, en francs (parités monétaires au 31/12/98 (1£ = 9,483 F)

Source : Direction de la législation fiscale, Ministère de l'économie et des finances.


Encore l'avantage fiscal doit-il compenser largement le coût de la vie qui dépasse nettement à Londres ce qu'il est Paris, en particulier, en matière de loyers, de soins médicaux et d'éducation. Il n'en demeure pas moins que la minorité concernée occupe un créneau stratégique. Pour les métiers de la banque et de la finance par exemple, l'avantage fiscal d'une imposition en Grande-Bretagne est tel qu'il est un des éléments qui incite les grandes banques françaises à délocaliser leurs salles des marchés à Londres, le niveau des charges sociales et de la fiscalité en France rendant difficile la rémunération, au niveau du marché, de métiers totalement internationalisés.

L'avantage fiscal dont bénéficient ceux qui s'installent en Grande-Bretagne est particulièrement sensible pour les contribuables qui perçoivent des revenus en dehors du territoire britannique. Ces contribuables sont considérés comme des " résidents non domiciliés ", par opposition aux contribuables " domiciliés ", pour qui l'Angleterre est un lieu de séjour permanent. Les "résidents non domiciliés" ne payent un impôt que sur les revenus perçus au Royaume-Uni ou qui sont rapatriés. Ceux perçus en dehors de la Grande-Bretagne, tels que les comptes domiciliés à Jersey ou Guernesey, échappent, en toute légalité, au fisc. Cette " souplesse " du droit fiscal britannique contribue à attirer en Angleterre cadres et dirigeants d'entreprises européens.

Une fiscalité des stock-options décalée par rapport à celle appliquée à l'étranger.

Eléments essentiels à la rémunération des cadres des entreprises, les stocks options font en France, depuis 1995, l'objet d'une imposition moins avantageuse que celle pratiquée dans les autres grands pays industrialisés.

Introduits en droit français par la loi du 31 décembre 1970, qui a complété la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, ces plans d'option sur actions sont une forme mixte d'intéressement et de participation au capital dans laquelle l'entreprise consent à son personnel le droit d'acquérir ses propres actions à des conditions privilégiées, lui offrant ainsi l'opportunité de réaliser une plus-value spécifique.

Son principe est simple. Le mécanisme se décompose en trois étapes distinctes :

- l'attribution : la société attribue au bénéficiaire le droit, pendant une période donnée, de se porter acquéreur d'un certain nombre de titres à un prix déterminé. Ce prix, éventuellement inférieur au prix du marché, reste fixe pendant toute la période durant laquelle le droit, ou " option ", est ouvert au bénéficiaire ;

- la levée : le bénéficiaire choisit de " lever " l'option qui lui a été attribuée, c'est-à-dire d'exercer son droit d'acquisition. Bien entendu, il n'a intérêt à le faire que si le cours, pour les actions cotées, ou la valeur, pour les actions non cotées, ont progressé au-delà du prix invariable initialement fixé lors de l'attribution de l'option : il réalise alors une plus-value dite d'acquisition. Cette étape implique pour lui une sortie de fonds, puisqu'il doit acquérir au prix convenu les actions sur lesquelles portait son option ;

- la cession : le bénéficiaire revend les actions qu'il a acquises sur option. Ce n'est qu'à ce stade qu'il rentre dans ses fonds et que la plus-value d'acquisition, jusque là virtuelle, se concrétise. Il réalisera une plus-value supplémentaire si la valeur des actions a continué de s'apprécier depuis la levée de l'option.

Ainsi, le gain retiré d'un plan d'options sur actions est différé, aléatoire et fonction de la contribution des bénéficiaires à la prospérité de l'entreprise. Ces trois caractéristiques font du plan d'options sur actions un instrument remarquablement efficace de motivation et de fidélisation des cadres supérieurs et des dirigeants des sociétés.

Comme les autres mécanismes d'intéressement et de participation, le plan d'options sur actions bénéficiait à l'origine d'un régime fiscal et social avantageux. L'évolution récente de la législation a, cependant, beaucoup réduit l'intérêt de ce dispositif en France.

Indépendamment de son pouvoir de motivation du personnel, le plan d'options sur actions était jusqu'en 1995 une forme de rémunération particulièrement intéressante pour l'entreprise au regard de l'impôt et des cotisations sociales.

L'avantage représenté par la plus-value d'acquisition (différence entre le prix de souscription ou d'achat et la valeur réelle de l'action à la date de la levée de l'option) était jusqu'en 1995 exonéré des cotisations patronales de sécurité sociale ainsi que de toutes taxes assises sur les salaires. En outre les charges exposées du fait de la levée des options de souscription ou d'achat d'actions consenties à leurs salariés était fiscalement considérées comme des charges déductibles du résultat imposable de l'entreprise.

Pour le bénéficiaire, à condition que les actions soient conservées pendant une période de cinq années à compter de la date d'attribution de l'option, la plus-value d'acquisition était, antérieurement à 1996, taxée lors de la cession des titres, au taux de 26 %, régime des plus-values mobilières.

Depuis 1995, l'évolution de la législation fiscale et sociale applicable aux options de souscription ou d'achat d'actions a conduit à une augmentation très sensible de leur imposition.

Ainsi, la loi de finances initiale pour 1996 a porté à 30 % le taux d'imposition applicable à la plus-value d'acquisition réalisée lors de la levée d'option, auquel il faut ajouter 10 % de prélèvements sociaux depuis 1998, soit 40 % de taux d'imposition.

En outre, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a soumis aux cotisations sociales la plus-value d'acquisition lorsque le délai fiscal d'indisponibilité de cinq ans entre l'attribution de l'option et la cession des titres n'est pas respecté.

Avec un taux d'imposition de 40 % de la plus value d'acquisition et un délai de conservation de 5 ans, le régime français est, comme le montre le tableau suivant, nettement moins favorable que ceux en vigueur aux Etats-Unis (20 % pour un délai de conservation de 3 ans), en Grande-Bretagne et au Pays-Bas qui exonèrent les plus-values d'acquisition si l'option est levée après trois ans ou plus après son attribution et en Belgique qui les exonère totalement sans conditions de délais.

RÉGIME FISCAL DES PLANS D'OPTIONS D'ACHATS D'ACTIONS

COMPARAISON INTERNATIONALE


PAYS

ATTRIBUTION DES OPTIONS

LEVÉE DE L'OPTION

Imposition de l'avantage (excédent de la valeur de l'action à la date de levée de l'option, sur le prix de l'option)

CESSION DES ACTIONS

Imposition de la plus-value (excédent du prix de vente de l'action sur la valeur de l'action à la levée de l'option)

DÉLAI DE CONSERVATION DES ACTIONS

PLAFOND ATTRIBUTION

FRANCE

(Plans d'options de souscriptions ou d'achats d'actions)

Imposition du rabais à l'IR (régime TS) si >5 % lors de la levée, pour options attribuées depuis 1.1.90 + cotisations sociales et CSG-CRDS (si options levées à compter du 1.1.95)

Détention 5 ans entre attribuion et cession :

options attribuées avant le 20.09.95 = imposition 54( * ) au taux de 26 % 55( * )

options attribuées depuis le 20.9.95 = imposition au taux spécifique de 40 % (IR 56( * ) + 10 % (CSG - CRDS +2 % social) lors de la cession

Détention < 5 ans entre attribution et cession : imposition à l'IR (TS, régime du quotient) lors de la cession + 10 % de cotisations sociales

Imposition selon régime général des plus-values (taux de 26 %) 2

. 5 ans entre date d'attribution et date de cession (sauf cas particuliers : licenciement, retraite, invalidité, décès).

. Pas de délai entre levée et cession.

Non

BELGIQUE

Oui. Rabais imposable comme un revenu ordinaire (taux maxi 56,6 %)

De plus, imposition à l'IR de la valeur des options lors de l'attribution. Base = 15 % en général 57( * ) de la valeur des actions à cette date.

Exonération (suppression des conditions de délai de levée)

Exonération

(régime général des plus-values mobilières)

Suppression du délai

Suppression des plafonds

ETATS UNIS

 
 
 
 
 

1. Incentive Stock-Options ou ISO

Exonération de l'attribution

Rabais : non (surcoût si le salarié détient plus de 10 % du capital de la société)

Imposition lors de la cession selon le régime des plus-values si le délai de conservation des actions est respecté (taux maxi 20 %) ou comme un revenu dans le cas contraire (taux maxi actuel 39,6 %)

Imposition selon le régime général des plus-values (taux maxi 20 %)

- 2 ans après l'attribution de l'option

- 1 an après la levée de l'option

100.000 $ annuels (600.000 F), plus report non utilisé des années antérieures.

2. Employee Stock Purchase Plans ou ESPP

Rabais : oui 15 % maximum de la valeur des titres. Imposition du rabais comme un revenu ordinaire (taux maxi 39,6 %)

Idem régime ISO ci-dessus.

Idem régime ISO ci-dessus

Idem régime ISO ci-dessus

25.000 $ annuels (150.000 F).

PAYS BAS

Rabais : imposition à l'IR (TS) : taux maxi 60 %.

De plus, lors de l'attribution, imposition par anticipation du gain tiré de la levée, déterminé forfaitairement 58( * )

Détention 3 ans entre attribution et levée : exonération

Détention < 3 ans entre attribution et levée : imposition de l'avantage à l'IR (TS, taux maxi 60 %), mais après déduction du gain forfaitaire déjà imposé lors de l'attribution

Exonération (régime général des plus-values mobilières)

Non

Non

ROYAUME-UNI

 
 
 
 
 

1. " Compagny share options plans (CSOPs)

Exonération de l'attribuion.

Mais si rabais imposition de celui-ci (TS)

Exonération si levée comprise entre 3 et 10 ans après l'attribution et si 3 ans écoulés depuis levée précédente.

Imposition selon régime général des plus-values : abattement annuel de 5 % de la plus-value de la 3 ème à la 10 ème année de détention, puis IR de droit commun (taux maxi 40 %)

Non

Attributions à/c 17.7.95 : plafond global de 20.000 £ (200.000 F), porté à 30.000 £ (300.000 F) en 1996.

2. Projet PLF avril 2000 : Plans attribués par PME (actifs 150 MF) à dix postes clés 59( * )

Exonération de l'attribution

Exonération si levée 3 ans au moins après l'attribution

Imposition selon barème général de l'IR (taux maxi 40 %) mais réduction du taux d'IR de 6 points par année de détention depuis l'attribution. Exonération à partir de 7 ans de détention

Non

100.000 £ (1 MF)

Source : Direction de la Législation fiscale, Ministère de l'Economie et des Finances.



La fiscalité des stock-options en vigueur en France place nos entreprises en position d'infériorité par rapport à celles implantées à l'étranger. Elle incite les cadres qui souhaitent lever des plans de stock-options à s'expatrier pour bénéficier à Londres ou à Bruxelles d'exonération totale de leurs plus-values et elle empêche les Français qui ont bénéficié de stock-options à l'étranger de revenir en France avant d'avoir levé leur option. Le rapport sur la " fuite des cerveaux français aux Etats-Unis ", diligenté par l'Ambassade de France aux Etats-Unis, constate que " l'augmentation de la taxation des plus-values des stock-options, depuis décembre 1996, en France constitue pour certains Français, ayant acquis de telles actions en travaillant aux Etats-Unis, un obstacle majeur à leur retour en France " 60( * )

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