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NOMINATION DE MEMBRES DE COMMISSIONS

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté deux candidatures pour la commission des affaires culturelles et une candidature pour la commission des affaires économiques et pour la commission des affaires sociales.

Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- M. Jean-Pierre Chauveau membre de la commission des affaires culturelles, en remplacement de M. Jean-Pierre Raffarin, dont le mandat de sénateur a cessé ;

- Mme Lucienne Malovry membre de la commission des affaires culturelles, en remplacement de Mme Nelly Olin, dont le mandat de sénatrice a cessé ;

- M. Benoît Huré membre de la commission des affaires économiques et du Plan, en remplacement de M. Hilaire Flandre, décédé ;

- et M. Claude Bertaud membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. François Fillon, dont le mandat de sénateur a cessé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Richert.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Cohésion sociale

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi complété par une lettre rectificative de programmation pour la cohésion sociale.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 41.

Art. additionnels avant l'art. 41 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Art. 41

Articles additionnels avant l'article 41 (suite)

M. le président. L'amendement n° 438, présenté par Mme Demessine, MM. Muzeau,  Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 41, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 61 de la loi n° 2004809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Lors de la discussion du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, nous avions eu l'occasion de souligner l'inquiétude de notre groupe devant la possibilité de voir transférer aux collectivités locales la gestion de l'enveloppe budgétaire des aides à la construction de logements, et pas seulement de construction sociale.

Sur l'article, nous avions une position claire et précise ; nous indiquions ceci : « le logement est une question de solidarité nationale, une question de politique et d'orientations nationales,... à déclinaisons certes locales, mais dont la compétence doit clairement demeurer dans les attributions de l'Etat ». Nous ajoutions ensuite : « En clair, le transfert de compétences se produit au moment même où les engagements de l'Etat sont en sensible réduction ». Rappelons-nous tout de même que, deux années de suite, le budget de l'Etat en matière de logement avait diminué de manière conséquente.

Nous indiquions encore que nous ne pouvions accepter une décentralisation de l'aide à la pierre qui tendrait de plus en plus à s'apparenter, au fil des ans, à son extinction progressive et à l'abandon des nécessités de la solidarité nationale en la matière.

Ce qui était vrai lors de l'examen du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales garde donc toute sa valeur aujourd'hui. La loi de programmation fait état, entre autres dispositions, d'un effort financier plus important de la part de l'Etat, mais il n'en demeure pas moins que cela fait suite à plusieurs années de réduction des enveloppes budgétaires, les autorisations de programme ouvertes par la loi n'étant qu'une forme de rattrapage des retards accumulés.

Le logement, singulièrement le logement social, doit être une priorité nationale, et la bonne volonté ou la détermination politique de certains élus locaux à résoudre, ou à tenter de résoudre, les problèmes posés en la matière ne peut faire oublier que le risque est grand de voir les fonds destinés à la construction sociale utilisés de manière fort diverse et variable d'un point à l'autre du territoire national.

Les mal logés et les jeunes couples en attente d'un logement, les ménages souffrant d'ores et déjà des discriminations et de l'exclusion sous toutes ses formes ont besoin, vu l'urgence de la situation, d'une politique du logement de portée nationale dont l'Etat doit assurer la maîtrise d'oeuvre ; nous en avons d'ailleurs longuement parlé précédemment.

Toute autre démarche est source d'incompréhension, et les collectivités locales ne doivent pas avoir à gérer la pénurie de constructions sociales, source de nouvelles désillusions pour les demandeurs.

C'est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Valérie Létard, rapporteur de la commission des affaires sociales. Il ne me paraît pas souhaitable d'abroger une disposition trois mois seulement après son adoption. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. S'il ne vous paraît pas souhaitable de modifier une des dispositions de la loi relative aux libertés et responsabilités locales trois mois après son adoption, rappelez-vous, madame le rapporteur, que, voilà vingt-quatre heures, un membre de la majorité a défendu ici même un amendement visant justement à revenir sur l'une des dispositions de cette même loi. Nous voyons bien que, sur l'ensemble des travées, les inquiétudes sont diverses, certes, mais que les préoccupations aboutissent parfois à la même volonté de suppression !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 438.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 439, présenté par Mme Demessine, MM. Muzeau,  Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 63 de la loi n° 2004809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Cet amendement proposant la suppression de l'article 63 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales procède des mêmes attendus que celui que nous venons de défendre, visant à la suppression de l'article 61 de la même loi.

Si nous considérons la politique du logement comme une priorité nationale, il convient, pour cela, de créer les conditions adéquates, au travers d'une politique maîtrisée et définie par l'Etat lui-même

En effet, les conventions globales de patrimoine, passées par les organismes bailleurs sociaux, ne sont en réalité rien d'autre qu'une nouvelle forme de discrimination entre locataires et demandeurs de logement. Au nom de quels critères pourra-t-on procéder à la modulation de la facturation du service rendu, telle qu'elle est prévue par les articles L. 445-1 à L. 445-7 du code de la construction et de l'habitation ?

Ce qui est certain, en revanche, c'est que les différences de niveau de loyer font et feront obstacle par nature à la fluidité du parcours résidentiel des locataires et des demandeurs de logement, d'autant que la réforme des aides personnelles au logement a déjà tendance à nuire à la capacité de « solvabilisation » des locataires.

Les différences de loyer, motivées par les conventions globales, c'est la porte ouverte à l'attribution discriminatoire de logement, à la relégation ou au cantonnement dans certains ensembles immobiliers bien précis des locataires connaissant les situations les plus difficiles, au détriment de la plus élémentaire justice sociale.

Enfin, les conventions globales de patrimoine ne constituent dans les faits qu'un pis-aller au problème du financement du logement social, qui ne peut se résoudre durablement en se contentant d'accroître les produits de gestion courante des organismes d'HLM.

Comment d'ailleurs comprendre le maintien de cette situation alors que le projet de loi de programmation lui-même pointe une partie des questions, notamment la pression de la taxe sur le foncier bâti, posées par ce mode de financement du logement social ?

C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à adopter cet amendement, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Valérie Létard, rapporteur. Pour les même motifs que pour le précédent amendement, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 439.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 395 rectifié, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :

Avant l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article L. 2252-1 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « de droit privé » sont insérés les mots : « , à l'exclusion des organismes d'habitation à loyer modéré ou des sociétés d'économie mixte opérant dans le secteur du logement social, »

La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Il s'agit plus d'une proposition à étudier pour l'avenir, proposition dont je pense qu'elle concerne tous les maires, de droite comme de gauche, que d'une disposition à intégrer dès aujourd'hui à ce projet de loi.

En réalité, la garantie d'emprunt donne lieu à une dangereuse dérive. L'accord d'une telle garantie, possibilité qui figure dans l'article L. 2252-5 du code général des collectivités territoriales, est devenue par tradition une obligation, sans aucun caractère légal, pour que les communes obtiennent 20 % des logements.

Cette simple possibilité, devenue obligatoire, présente un danger considérable pour les communes si l'on veut bien considérer qu'une commune n'est pas une banque, qu'elle ne peut pas garantir un emprunt, qu'elle ne dispose ni de fonds propres ni de réserves. Tout ce système est donc fictif, et il serait faux de penser qu'à partir du moment où la commune garantit l'emprunt tout ira bien. Je ne comprends d'ailleurs pas qu'une banque aussi importante que la Caisse des dépôts et consignations accepte de la société de bail à qui elle propose un emprunt une garantie aussi fictive que celle d'une commune, laquelle n'a aucune capacité financière, et donc strictement aucun moyen de rembourser.

On part du principe qu'un bailleur social ne peut pas faire faillite ; mais si cela devait arriver, ce qui est possible, la commune se trouverait dans une situation catastrophique. En effet, il est précisé dans les documents que font signer aux maires les bailleurs sociaux, et qui doivent recevoir l'aval du conseil municipal, que la commune est tenue de rembourser à première demande tout emprunt non honoré par le bailleur. Il suffit que ce dernier n'honore pas un emprunt pour que la mairie reçoive immédiatement un ordre de virement sans que personne ne se préoccupe de savoir si elle a, ou n'a pas, les moyens de payer.

Cette garantie financière est totalement fictive, je le répète : tout se passe comme si l'on demandait à un client de garantir l'emprunt souscrit par son fournisseur pour fabriquer son produit ; c'est totalement impossible et inimaginable, mais c'est ainsi ; c'est la mode !

On tourne en rond, car, si le bailleur n'obtient pas cette garantie, il devra s'adresser à la Caisse nationale de garantie, laquelle, en l'absence de la garantie de la commune, majorera son crédit de 3 % à 4 %. Je comprends mal cette logique dans la mesure où la commune n'a de toute façon pas les moyens financiers de garantir l'emprunt. C'est une totale incohérence, sauf à dire que la Caisse nationale de garantie garantit aussi la commune si cette dernière doit rembourser l'emprunt à la Caisse des dépôts et consignations.

Si l'on veut prolonger cette fiction, qui ne me gêne au demeurant pas mais qui me paraît dangereuse, la commune devrait pouvoir obtenir une garantie de paiement soit d'une caisse de l'Etat, soit de la Caisse nationale de garantie dont c'est la fonction, et ce sans avoir à payer un quelconque pourcentage de l'emprunt souscrit par le bailleur pour construire des logements sur son territoire.

M. le président. Veuillez conclure, mon collègue.

M. Serge Dassault. J'en arrive au second point de mon intervention.

Les communes sont confrontées à un autre problème : les maires ne peuvent aujourd'hui disposer que de 20 % des logements sociaux, l'usage des 80 % restants étant réservé aux préfets et au 1 % patronal. Mais si les logements relevant du préfet et du 1 % patronal restent vacants, il appartient alors au bailleur social de choisir les locataires. Par conséquent, le maire qui a besoin de loger ses administrés n'a pas, malgré l'existence de ces logements sur le territoire communal, la possibilité de le faire, ce qui suscite les plaintes et les récriminations de la population. Le choix revient en effet aux bailleurs sociaux, à la place et souvent contre la volonté du maire.

Je propose donc d'autoriser le maire à utiliser tous les logements qui sont construits sur la commune pour y loger les habitants de cette dernière, les bailleurs sociaux n'y ayant alors accès qu'à condition que le preneur fasse défaut.

Telles sont mes deux propositions, qui ne sont peut-être pas à prendre en compte dès aujourd'hui, mais qu'il faudrait éventuellement intégrer dans la nouvelle loi sur l'habitat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Valérie Létard, rapporteur. Cette disposition ne me paraît pas souhaitable pour deux raisons.

En l'absence de garantie des communes, les organismes d'HLM devraient en souscrire par leurs propres moyens, soit par le biais de la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, soit directement par voie bancaire.

Cela leur poserait des difficultés financières dans les deux cas. En effet, la CGLLS ne pouvant assurer actuellement ce rôle, il faudrait augmenter sensiblement les contributions à la caisse des organismes d'HLM pour lui donner des capacités financières suffisantes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Monsieur le sénateur, ayant été maire, je comprends bien l'intention qui est la vôtre.

Je formulerai néanmoins une première objection d'ordre technique : la confiance des Français dans les livrets de caisse d'épargne est garantie par l'article 19 du code des caisses d'épargne qui prévoit effectivement des garanties d'emprunt. Ces garanties peuvent être apportées par la commune ou, comme l'a souligné Mme Létard, par une mise en redressement d'un bailleur social, et c'est alors la CGLLS qui intervient. Si l'on se privait de la CGLLS, il faudrait assumer ce risque financier, et cela entraînerait un surcoût d'environ 4 %, soit l'équivalent de 150 millions d'euros. Au moment où nous consentons des exonérations de taxes sur le foncier bâti et des aides pour que les bailleurs sociaux construisent plus, cela « plomberait » une bonne partie de notre plan de relance du logement social ! Nous sommes donc là réellement face à une difficulté technique.

Les réservations, quant à elles, ne sont pas un droit d'utilisation ; en effet, c'est une proposition qui est faite via le contingent préfectoral, et une commission se réunit pour attribuer les logements.

A l'époque où j'étais rapporteur de la loi de décentralisation, j'ai étudié la possibilité de transférer ces garanties sur un territoire plus pertinent - les établissements publics de coopération intercommunale, par exemple. Il est possible de travailler en ce sens.

Le Gouvernement ne pouvant, pour des raisons techniques, accepter votre amendement en l'état, monsieur le sénateur, il émet un avis défavorable

M. le président. Monsieur Dassault, l'amendement est-il maintenu ?

M. Serge Dassault. Je demande au Gouvernement d'étudier les moyens d'offrir une garantie aux communes. Ces dernières n'ont en effet pas les moyens de rembourser, et nous nous trouvons donc dans une fiction totale. Ce n'est pas une garantie, c'est une fausse garantie !

Cela étant, je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 395 rectifié est retiré.

L'amendement n° 525 rectifié, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :

Avant l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° de l'article L. 2252-2 du code général des collectivités territoriales est abrogé.

Cet amendement n'a plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 440, présenté par Mme Demessine, MM. Muzeau,  Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 64 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L'article 64 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales portait sur la faculté laissée aux communes de participer financièrement aux opérations en matière de logement menées par les établissements publics de coopération intercommunale dotés de la compétence « habitat » et gérant l'affectation de l'enveloppe des aides publiques à la construction.

Cet article étant la conséquence des dispositions d'autres articles de la même loi, notamment des articles 61 et 63, que nous souhaitions supprimer, il nous paraît donc parfaitement naturel de proposer également son abrogation.

M. le président. L'amendement n° 526 rectifié, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :

Avant l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2252-5 du code général des collectivités territoriales est abrogé.

Cet amendement n'a plus d'objet.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n°440 ?

Mme Valérie Létard, rapporteur. Comme sur les précédents amendements déposés par le groupe CRC, et pour les mêmes motifs, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 440.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 441, présenté par Mme Demessine, MM. Muzeau,  Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions du 5°, du 6°, du I, du IV et du V de l'article 65 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales sont supprimées.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L'article 65 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales présente, comme chacun sait, deux caractéristiques essentielles.

La première est assez positive, puisqu'elle consiste à regrouper dans une même structure les fonds sociaux destinés à la solidarité dans le logement et à la prévention des impayés de factures de services téléphoniques ou d'énergie.

La seconde l'est beaucoup moins, puisqu'elle consacre le transfert de la gestion de ces fonds sociaux aux collectivités locales, et singulièrement aux départements, par disparition pure et simple de la ligne de financement du fonds de solidarité logement dans le budget de l'Etat.

Lors du débat parlementaire sur cette question, nous avions, à l'instar des membres du groupe socialiste, déposé un amendement de suppression de ces mesures.

Les propos que nous avions tenus alors gardent à l'évidence toute leur validité.

A l'expérience, alors même que le processus de transfert pose d'incontestables problèmes puisque, par exemple, les fonds destinés a priori à prévenir les impayés d'électricité ou de téléphone ne sont pas directement financés par l'Etat, tout laisse à penser qu'il faut rendre à l'Etat la pleine maîtrise de la solidarité en matière de logement.

Les associations de défense des mal logés, les associations de consommateurs et de locataires avaient, lors du débat sur la décentralisation, fait part de leurs inquiétudes. Depuis, elles les ont confirmées. Nous nous faisons donc leur porte-parole aujourd'hui, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de programmation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Valérie Létard, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, et ce toujours pour les mêmes raisons. Je précise que la dotation des fonds de solidarité pour le logement, les FSL, a été sensiblement augmentée en 2004 pour préparer cette décentralisation, sachant que cette dotation servirait de base pour le montant des transferts financiers de l'Etat aux départements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 441.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 442, présenté par Mme Demessine, MM. Muzeau,  Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 66 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L'article 66 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales a consacré le transfert de la gestion du logement étudiant aux collectivités locales. Force est de constater que les questions que nous avions pointées lors de la discussion du projet de loi de décentralisation se sont effectivement posées, dans la pratique.

L'état global du bâti, la situation sociale des résidents, la forte pression des besoins en logement, singulièrement en région d'Ile de France, sont autant de contraintes dans la mise en oeuvre de cette dévolution. Nous avions notamment indiqué ceci, lors de la discussion de l'article 66 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales : «  la question du logement étudiant est une source importante d'inégalité d'accès aux études, donc d'inégalité sociale. A l'évidence, l'Etat n'a pas fait face à ses obligations nées de l'augmentation du nombre d'étudiants depuis de nombreuses années. »

La dernière rentrée universitaire a, hélas ! confirmé l'acuité de la situation, puisque les étudiants sont au premier rang des victimes de la libération du marché et de l'explosion des loyers du secteur privé. Quel étudiant peut-il aujourd'hui, à Paris, s'acquitter d'un loyer de plusieurs centaines d'euros pour disposer d'un logement suffisamment grand - un studio - pour y travailler, s'y reposer, y vivre dans le confort minimum nécessaire à la poursuite de son cursus universitaire ?

L'article 66 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales n'a rien résolu du problème crucial de la pénurie de logements étudiants, attendu que les financements en la matière ne sont de toute manière vraiment pas à la hauteur. Il convient donc de rendre à la collectivité nationale la conception et la mise en oeuvre des solutions adaptées à cette situation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Valérie Létard, rapporteur. Toujours pour les mêmes motifs, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est défavorable, pour les mêmes raisons également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 442.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant l'art. 41 (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Art. 42

Article 41

Compte non tenu du programme national de rénovation urbaine prévu par les articles 6 à 9 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, 500 000 logements locatifs sociaux seront réalisés, au cours des années 2005 à 2009, selon la programmation suivante :

Nombre de logements

2005

2006

2007

2008

2009

Total

Logements financés par des prêts locatifs à usage social (PLUS) et prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI)

58 000

63 000

63 000

63 000

63 000

310 000

Logements financés par des prêts locatifs sociaux (PLS)

22 000

27 000

27 000

32 000

32 000

140 000

Logements construits par l'association agréée prévue à l'article 116 de la loi de finances pour 2002

10 000

10 000

10 000

10 000

10 000

50 000

TOTAL

90 000

100 000

100 000

105 000

105 000

500 000

Les crédits alloués par l'État à ce programme et aux autres actions financées par la ligne budgétaire consacrée au logement locatif social hors politique de la ville seront ouverts par les lois de finances des années 2005 à 2009 pour les montants suivants (en M ? valeur 2004) :

Années

2005

2006

2007

2008

2009

Total

Autorisations de programme

442

482

482

482

482

2 370

Crédits de paiement

465

594

610

610

482

2 761

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 443, présenté par Mme Demessine, MM. Muzeau,  Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. - Compte non tenu du programme national de rénovation urbaine prévu par les articles 6 à 9 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et programmation pour la ville et la rénovation urbaine, 700 000 logements locatifs sociaux seront réalisés, au cours des années 2005 à 2009, selon la programmation suivante :

Nombre de logements

2005

2006

2007

2008

2009

Total

Logements financés par des prêts locatifs à usage social (PLUS) et prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI)

100.000

100.000

100.000

100.000

100.000

500.000

Logements financés par des prêts locatifs sociaux (PLS)

24.000

29.000

29.000

34.000

34.000

150.000

Logements construits par l'association agrée prévue à l'article 116 de la loi de Finances pour 2002

10.000

10.000

10.000

10.000

10.000

50.000

TOTAL

134.000

139.000

134.000

144.000

144.000

700.000

Les crédits alloués par l'Etat à ce programme et aux autres actions financées par la ligne budgétaire consacrée au logement locatif social hors politique de la ville seront ouverts par les lois de Finances des années 2005 à 2009 pour les montants suivants (en M d'euros valeur 2004) :

Années

2005

2006

2007

2008

2009

Total

Autorisations de programme

600

850

900

1000

1000

4350

Crédits de paiement

664

834

904

1000

1000

4402

 

II. - Les taux prévus aux articles 575 et 575A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L'article 41 du présent projet de loi porte sur la programmation effective de la construction de logements sociaux pour les cinq années de mise en oeuvre du présent texte.

Les objectifs fixés par l'article sont relativement lisibles et susceptibles de fournir une forme de symbolique propre à cette loi de programmation. C'est là un objectif en apparence ambitieux, et surtout largement supérieur à la réalisation des dernières années, puisque, depuis plusieurs exercices, nous sommes sur un cycle de construction d'environ 50 000 à 55 000 nouveaux logements locatifs sociaux. Le goulet d'étranglement de la demande s'enserre d'autant plus que le sensible ralentissement de la construction de logements en accession, par le biais du prêt à taux zéro, consacre la persistance d'une demande insatisfaite allant sans cesse croissant.

Nous nous trouvons dans une situation où seul l'investissement locatif privé, à loyers répondant aux seuls critères de marché, est en progression. Mais ces prix étant discriminatoires, les listes d'attente s'allongent aussi sûrement que progresse la rentabilité de ces investissements.

L'effort que le Gouvernement entend mener en matière de construction sociale est en apparence important. Pour autant, les véritables moyens financiers nécessaires à sa mise en oeuvre ne sont manifestement pas réunis.

Cet effort annoncé par le Gouvernement est en effet largement dépendant de bien des facteurs, qu'il s'agisse du coût du foncier, comme de la bonne volonté des élus locaux, dans le cadre des compétences des structures intercommunales, à prévoir effectivement la réalisation de logements sociaux dans leurs opérations d'urbanisme - et on a bien vu tout à l'heure que, quand on parlait de logements sociaux, on ne parlait pas des prêts locatifs sociaux, les PLS.

Mais il dépend aussi étroitement de la capacité financière des opérateurs eux-mêmes, de l'engagement des organismes collecteurs du 1 %, et de celui des collectivités locales, dans le cofinancement des opérations menées dans le cadre de la loi de programmation.

On peut même craindre que cela ne conduise, faute de pouvoir effectivement bousculer les plans de financement, à ne pas atteindre les objectifs visés. En bout de loi de programme, en effet, 482 millions d'euros en autorisations de programme seraient mobilisés pour la réalisation de logements.

Or, ce montant est à rapprocher des sommes consacrées à la ligne prêt locatif aidé-prime à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, ou PLA-PALULOS, qui se situait, avant l'exercice 2004, sur des bases extrêmement proches. L'Union sociale pour l'habitat regrette d'ailleurs que la loi de programmation ne permette pas de faire autre chose que de rattraper le retard accumulé. Pour sa part, le Conseil économique et social, dans le rapport Prud'homme, relève que les besoins de logements, pour faire face à la demande urgente et rattraper le retard, se situent au niveau de 120 000 constructions neuves.

Le compte n'y est pas, hélas ! avec cet article 41, malgré bien des apparences séduisantes, reconnaissons-le. Il faut aller plus loin et programmer un volume plus conséquent de constructions neuves, tandis que le parc privé doit être au plus libéré de l'application de la seule loi du marché.

Notre amendement vise donc clairement à lever les incertitudes, nées d'un bouclage hasardeux du plan de financement de la programmation, et à situer les besoins au niveau requis par la crise du logement que connaît notre pays. Et quant aux coûts, 200 à 300 millions d'euros annuels en plus pour le logement social, ce n'est finalement que relativement peu au regard, entre autres, de la dépense fiscale engendrée par l'aide à l'investissement locatif privé.

M. le président. L'amendement n° 343 rectifié, présenté par MM. Repentin,  Raoul et  Desessard, Mmes Le Texier et  San Vicente, M. Vezinhet, Mmes Printz et  Boumediene-Thiery, MM. Godefroy,  Lagauche et  Mélenchon, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I - Rédiger comme suit le tableau proposé par cet article :

Prêts

2005

2006

2007

2008

2009

Total

Prêts locatifs à usage social (PLUS)

38 000

41 000

41 000

41 000

41 000

202 000

Prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI)

20 000

22 000

22 000

27 000

27 000

118 000

Prêts locatifs sociaux (PLS)

22 000

27 000

27 000

27 000

27 000

130 000

Logements construits par l'association agréée prévue à l'article 116 de la loi de finances pour 2002

10 000

10 000

10 000

10 000

10 000

50 000

Total offre nouvelle

90 000

100 000

100 000

105 000

105 000

500 000

 

II - En conséquence, compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

... - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'augmentation du nombre de logements locatifs sociaux, les taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.

La parole est à Mme. San Vicente.

Mme Michèle San Vicente. Le droit au logement est-il inscrit dans la Constitution ? Non. Reconnu comme droit social en 1946 puis réaffirmé par la loi de 1998, le droit au logement n'est pas garanti mais fixé par la loi, et, quand la loi ne précise pas clairement ses objectifs et qu'elle renvoie à d'autres lois ou décrets, on peut légitimement se poser des questions sur le bien-fondé des mesures proposées.

La majorité des pays européens considèrent, par exemple, que les problèmes de logement locatif social tiennent plus à la localisation de l'offre qu'à son aspect strictement quantitatif, et que l'aménagement du territoire y tient toute sa place.

Y a-t-il une crise du logement ? Oui, bien sûr, mais pas pour tout le monde ! L'immobilier se porte bien, « boosté » par les aménagements Robien.

Ce projet de loi, monsieur le ministre, semble privilégier le logement intermédiaire, mais dans une économie à deux vitesses où les inégalités sociales continuent à s'accentuer. Le passage d'une politique du logement social à une politique sociale du logement peut-il répondre d'une manière efficace et suffisante aux besoins ?

Si les objectifs poursuivis sont globalement communs, ils relèvent en revanche de cadres et de logiques différents, se rattachant parfois à la politique de la ville, parfois à la politique du logement.

La contradiction existe bel et bien, comme l'ont prouvé nos collègues Thierry Repentin et Roland Muzeau.

Le logement intermédiaire peut-il s'adresser au public prioritaire, celui dont notre rapporteur nous parlait tout à l'heure ?

On aura beau hiérarchiser les priorités, le rôle social de la propriété privée correspond plutôt à un parcours résidentiel descendant, monsieur le ministre. L'inflation des loyers, les exigences en tous genres de cautions ou de garanties interdisent l'accès au logement pour ceux de nos concitoyens qui disposent de faibles revenus.

S'agissant du prêt locatif social en HLM, la situation, à quelques nuances près, est similaire.

M. le ministre Jean-Louis Borloo tient un discours très volontariste, mais il semble que sa préférence va à des logements de type PLS, alors que la demande de PLUS, les prêts locatifs à usage social, et de PLAI, les prêts locatifs aidés d'intégration, est plus importante. Où est l'erreur ? Peut-être faudrait-il déplacer le curseur ?

Cet amendement vise donc à distinguer la programmation des PLUS et celle des PLAI, et à augmenter le nombre de ces logements en réduisant le nombre de PLS. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 576, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :

réalisés

par le mot :

financés

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Valérie Létard, rapporteur. Les intentions des auteurs de l'amendement n° 443 sont tout à fait louables, mais le programme de construction affiché à l'article 41 est déjà très ambitieux : les crédits qui y seront consacrés représentent un effort sans précédent de l'Etat pour répondre aux besoins de logements sociaux.

Cet amendement me paraissant irréaliste, j'émets donc un avis défavorable.

J'en viens à l'amendement n° 343 rectifié. A l'heure où l'objectif de mixité sociale est essentiel à la réhabilitation de l'image des quartiers, il ne me paraît pas opportun de diminuer le nombre de logements intermédiaires qui pourront être réalisés ces prochaines années. Il s'agit en effet d'éviter le maintien de ghettos existants, ainsi que les futures ghettoïsations d'espaces programmés pour la construction, la rénovation ou la production de nouveaux logements. La commission émet donc un avis défavorable.

Elle est en revanche favorable à l'amendement de précision n° 576.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Je tiens à dire, s'agissant de l'amendement n° 443 de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, que, pour comprendre la situation actuelle du logement, il faut revenir sur le passé, cette situation ne s'étant pas créée du jour au lendemain.

Je citerai simplement quelques chiffres.

Pour parvenir à un équilibre, il faut à peu près 80 000 constructions de logements locatifs sociaux. Or, si l'on considère les chiffres de 1998 à 2002, on constate que 46 476 logements ont été construits en 1998, 42 000 en 1999, 38 000 en 2000 0 - le niveau le plus faible de toute l'histoire de la construction de logement social, une baisse historique ! -, 47 000 en 2001 et 44 000 en 2002 !

Monsieur Muzeau, votre amendement signifie donc : « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais », ou bien encore : « Prônons la vertu quand nous ne sommes plus aux affaires » ! En effet, pendant ces cinq années que j'ai citées, c'est bien vous qui étiez au pouvoir !

Mme Annie David. Vous reconnaissez des erreurs !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Je ne veux pas polémiquer, madame David, mais je pense qu'il est nécessaire de faire preuve de réalisme.

Le gouvernement actuel a déjà fait beaucoup pour redresser la barre : je pense à la création récente de l'Agence nationale de rénovation urbaine, l'ANRU, qui dispose de financements considérables pour construire, entre autres, du logement social, mais aussi à la baisse du taux du livret A qui, quoi qu'on en pense, allège considérablement le coût du financement des opérations en HLM.

L'objectif de l'article 41, qui prévoit la construction de 500 000 logements, est donc très ambitieux.

Vous nous avez d'ailleurs dit à plusieurs reprises, mon cher collègue, que cet objectif était tellement ambitieux que vous doutiez qu'il fût réalisé. Pourquoi nous demander alors de construire 700 000 logements ? Vous êtes en totale contradiction avec vos propres propos ! Il n'est donc pas très réaliste de proposer une augmentation de la construction de 200 000 logements, chiffre qui correspond précisément à ce que vous n'avez pas réalisé entre 1997 et 2002.

Si l'objectif de 500 000 logements, hors programme national de rénovation urbaine, ou PNRU, est atteint, nous aurons alors bien perçu la demande existante et, espérons-le, apporté la réponse à la crise du logement dont souffrent nos concitoyens.

Vous ne pouvez pas prôner des bons sentiments alors que la situation actuelle est en grande partie due à l'inefficacité du gouvernement auquel vous avez participé !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste souffrent d'une triple crise d'amnésie.

La première vient d'être évoquée par Dominique Braye. En effet, sauf erreur de ma part - mais j'étais porte-parole de mon groupe lors de l'examen de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite loi SRU... -, les responsables en charge de la politique du logement étaient à l'époque M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement en charge du logement, M. Besson, puis Mme Lienemann, secrétaires d'Etat au logement.

Les chiffres viennent d'être rappelés par M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Et si l'association Abbé Pierre a tiré à juste titre la sonnette d'alarme en faisant remarquer que nous étions en pleine crise et qu'il fallait rattraper le retard en accomplissant un effort exceptionnel, c'est bien parce que ce retard avait été creusé au cours des années précédentes, un certain nombre de contresens historiques ayant d'ailleurs été faits! Ainsi, à l'époque, par exemple, l'argent du 1 % logement n'était pas dirigé à 100 % vers le logement.

J'en viens à la deuxième crise d'amnésie, à propos de l'amendement n° 343 rectifié du groupe socialiste. En effet, si l'amendement des sénateurs du groupe CRC est totalement irréaliste, en revanche celui qui est présenté par le groupe socialiste a le mérite d'être cohérent par rapport à la position évoquée tout à l'heure par M. Repentin.

Selon l'article 55 de la loi SRU présentée par les ministres auxquels je faisais allusion à l'instant, les PLS étaient comptés comme logements sociaux. A cette époque, on ne disait pas qu'il y avait un problème de PLS, de PLUS ou de PLAI.

Quant à nous, nous présentons cette loi de programmation financière comprenant des objectifs chiffrés qui indiquent clairement la part des PLS et la part des logements financés en PLUS et en PLAI, après avoir organisé une large concertation avec le monde HLM.

Monsieur Muzeau, contrairement à ce que vous avez dit, l'Union sociale de l'habitat, dans son avis sur ce projet de loi, a jugé que les moyens financiers prévus par le Gouvernement permettront d'atteindre les objectifs fixés. C'est écrit en toutes lettres dans cet avis !

Vous avez évoqué tout à l'heure, madame San Vicente, le problème du logement étudiant. J'ai présenté à la fin du mois de juin un plan spécial pour le logement étudiant car, là aussi, une crise s'était creusée au cours des années 1998, 1999 et 2000. Nous avons consacré des moyens supplémentaires, en particulier en PLS, à la construction de logement étudiant.

Monsieur Repentin, madame San Vicente, demandez donc à M. Ayrault s'il lui paraît inutile de bénéficier de PLS pour résoudre la crise du logement étudiant ! Lorsque je suis allé le voir à Nantes, il m'en a fait la demande et il a obtenu ces financements dans le mois qui suivait.

De la même manière, si l'on veut construire des logements pour personnes âgées, il faut bien faire des PLS.

Sur ces différents points, nos chiffres rejoignent ceux qui sont indiqués par l'association Abbé Pierre.

Enfin - et c'est la troisième crise d'amnésie -, vous pensez que l'on résout la crise du logement uniquement grâce au parc locatif public. (M. Roland Muzeau proteste.) Je m'adresse au groupe socialiste, monsieur Muzeau !

Or nous la résolvons aussi grâce au parc locatif privé. Nos objectifs chiffrés sont très importants : nous avons prévu de consacrer en 2006 des moyens aussi importants au parc locatif privé qu'au parc public, afin de reconquérir des logements vacants, en particulier en conventionnant des logements dans le parc locatif privé.

J'annoncerai la semaine prochaine le barème du prêt à taux zéro rénové. Vous constaterez que nous réalisons une vraie grande réforme d'accession sociale à la propriété, au sein de laquelle le logement est utilisé comme un ascenseur social.

Le nombre de personnes qui auront accès au prêt à taux zéro va doubler, passant de 100 000 à plus de 200 000. Ces personnes libéreront des places dans le parc locatif, que nous pourrons offrir pour le logement social.

Nous mettons donc en place une véritable politique d'ensemble du logement, en poursuivant des objectifs très volontaristes.

Je l'ai dit, l'amendement du groupe CRC me semble totalement irréaliste. L'amendement du groupe socialiste a le mérite de la cohérence ; mais, pour notre part, nous réalisons ce que nous avons négocié contractuellement avec nos partenaires, les bailleurs sociaux et les organismes d'HLM.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 443.

M. Roland Muzeau. Ce débat est intéressant !

Monsieur Braye, vous n'avez pas toujours tort et, en l'occurrence, les chiffres que vous avez indiqués sont incontestables. Il n'aurait d'ailleurs plus manqué que vous les tordiez dans un sens ou dans un autre !

Mais une fois que l'on a donné ces chiffres, il faut faire au moins l'effort de se remémorer l'état de la situation du logement pendant toutes ces années.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Une très forte croissance ! Une croissance historique ! Vous auriez pu faire beaucoup de choses !

M. Roland Muzeau. Ne soyez pas si pressé, monsieur Braye !

Au cours de ces années, où la croissance était effectivement très forte, il s'est passé plusieurs phénomènes.

Tout d'abord, monsieur Braye, vous et les élus de votre sensibilité dans leur grande majorité - certes, il y a toujours des exceptions qui confirment la règle -, vous avez partout et massivement « plongé » sur les programmes d'accession à la propriété, développant très fortement ce type de construction dans les communes et les territoires dont vous aviez la charge.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Nous n'étions pas aux affaires !

M. Roland Muzeau. Dans le même temps, vous avez refusé de construire du logement social. Certes, les crédits existants étaient insuffisants, comme nous le disions à l'époque, mais ils étaient suffisants pour aller bien au-delà des résultats que vous avez annoncés.

Je vous rappelle en effet, monsieur Braye, que les directions départementales de l'équipement restituaient en moyenne, pendant cette même période, 50 % de leurs crédits en fin d'année en raison d'une consommation insuffisante.

Telle était l'orientation de la construction pendant ces années de fort développement économique ! Les crédits publics à la construction de logement social retournaient au budget de l'Etat puisque les DDE ne parvenaient pas à les consommer.

Des efforts extrêmement importants avaient également été consacrés aux primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, ou PALULOS, rendant un certain nombre de crédits fongibles et permettant de réaliser des travaux de réhabilitation massifs dans les programmes de logements sociaux.

Par conséquent, monsieur Braye, lorsque l'on cite des chiffres, il faut en citer tous les éléments constitutifs. Cela n'atténue en rien les défauts des gouvernements précédents, défauts que nous sommes assez grands pour reconnaître ; mais j'aimerais que vous en fassiez autant quand c'est votre tour ! La simple vérité exigeait cette mise au point de ma part.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 443.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 343 rectifié.

M. Thierry Repentin. Dans le prolongement de la réflexion de notre collègue, j'aimerais à mon tour apporter quelques éléments de réflexion. Les uns et les autres pouvons toujours invoquer le passé, fût-il récent, et faire dire aux chiffres ce que nous aimerions entendre.

Toutefois, s'agissant d'un secteur comme le logement, on ne peut pas croire qu'il est possible d'obtenir des résultats tangibles entre le moment de la décision et le moment de la réalisation, dans un délai très court, donc

J'ai observé l'évolution sur une quinzaine d'années. Il faut être clair : depuis plus de dix ans, hors logement intermédiaire - et c'est une donnée importante -, la production de logement locatif ne cesse de baisser. Et la chute la plus brutale a été constatée au cours des années 1994 et 1995, période durant laquelle nous sommes passés de quelque 80 000 logements à quelque 60 000 logements. Le vrai décrochage est là !

Le Gouvernement était alors soutenu plutôt, voire tout à fait, par vos amis. Mais je n'en tire pas pour autant de conclusion politique quant à une défaillance de ce gouvernement.

Depuis cette date, et malgré une reprise en 1997, la construction n'a cessé de diminuer pour retomber à 43 000 en 2003. Un plan de relance a été mis en place en 2001, par le gouvernement que vous avez cité. L'analyse du résultat de ce plan de relance figure dans une réponse à un questionnaire budgétaire sur le budget pour 2004. Le ministère du logement y indique sur une page complète, chiffres à l'appui, que ce plan a permis de relancer une production de logements locatifs sociaux, en offrant notamment deux avancées : d'abord, par la possibilité de porter les taux maximaux de subvention des PLUS à un niveau plus intéressant, ensuite, grâce à l'intervention des fonds du 1 %.

Vous le voyez, un avis plutôt positif est exprimé sur ce plan de relance, y compris dans les documents issus du ministère du logement lui-même.

J'en reviens à l'amendement n° 343 rectifié, qui, c'est vrai, n'affiche pas une ambition aussi grande que l'amendement n° 443. Nous nous en tenons strictement aux ambitions du Gouvernement dans le cadre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

Au risque de me répéter - mais mieux vaut se répéter que se contredire -, nous estimons, c'est vrai, que la programmation telle qu'elle est proposée ne nous permettra pas de répondre précisément aux demandes des catégories qui ont le plus de difficultés à se loger. La part de PLS dans votre programme nous semble disproportionnée, en effet, par rapport à l'ambition politique affirmée dans l'exposé des motifs de votre projet de loi.

Ce que nous devons dire aussi - et on ne le répétera jamais assez -, c'est que ce programme n'est envisageable que si, durant cette période, l'aide des collectivités locales est bien supérieure à celle que l'Etat consentira lui-même pour les 500 000 logements sociaux. En effet, selon les estimations effectuées, y compris celle de l'Union des HLM, le plan est financé comme suit : 450 millions d'euros venant de l'Etat, 210 millions d'euros venant des partenaires sociaux, 450 millions d'euros venant des organismes d'HLM  et au moins 600 millions d'euros en provenance des collectivités locales.

De fait, la participation de l'Etat dans la programmation du logement social devient minoritaire, alors que cette dernière relève de sa responsabilité

Nous vous proposons, par l'amendement n° 343 rectifié, de répondre plus précisément aux demandes qui s'expriment sur le terrain. Au risque de décevoir le rapporteur de la commission des affaires sociales, je le redis : faire plus de PLS nous aidera, nous élus des zones urbaines sensibles, ou ZUS, ou des zones de redynamisation urbaine, ou ZRU, à apporter qualitativement de la mixité sociale. Mais, que ce soit sur le plan quantitatif ou qualitatif, ailleurs, dans les territoires où l'effort n'a pas été fait dans le passé, nous ne répondrons pas à la demande.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 343 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 576.

M. Thierry Repentin. Nous aimerions qu'il s'agisse d'un simple amendement de précision. Or on passe d'un objectif du Gouvernement de 500 000 logements locatifs sociaux qui seront réalisés à 500 000 logements locatifs sociaux qui seront financés. La différence est substantielle puisqu'il est dit d'emblée qu'on ne parviendra pas à les réaliser !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Monsieur Repentin, nous n'avons pas toujours les mêmes opinions, mais j'apprécie vos arguments et la qualité du débat.

Toutefois, là, vous affirmez une contrevérité : on apprécie toujours les logements en fonction des logements financés. Il en est ainsi depuis des années dans tous les documents du ministère du logement !

Par ailleurs, vous ne pouvez pas nous opposer un certain nombre d'arguments tel celui selon lequel l'Etat ne consacrerait à ce programme que 450 millions d'euros. Que faites-vous de la TVA à 5,5 %, monsieur Repentin ? Et que faites-vous de l'exonération de la taxe foncière sur le bâti, sans parler du reste ?

Je vous invite donc à dire les choses telles qu'elles sont et à essayer de ne pas masquer la vérité. Quoi que vous disiez, il n'en reste pas moins que, l'année dernière, nous avons réalisé 56 000 logements sociaux. Faut-il vous rappeler que, pendant toutes les années où vous étiez au pouvoir, vous en êtes restés en moyenne à 40 000 ? Si pénible que soit pour vous ce souvenir, je vous rappelle que, en 1993 et 1994, nous avons construit beaucoup plus de logements sociaux, sous la houlette de Hervé de Charrette, alors ministre du logement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 576.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 41, modifié.

(L'article 41 est adopté.)