refus de prêt aux personnes malades

M. le président. La parole est à M. Robert Hue, auteur de la question n° 76, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

M. Robert Hue. Madame la ministre, la signature, le 19 septembre 2001, de la convention dite « Belorgey » était censée faciliter l'accès à l'assurance des personnes présentant « un risque aggravé concernant leur état de santé », qui ne devaient donc plus se voir opposer un refus de crédit ou des tarifs prohibitifs.

Trois années de discussions avaient été nécessaires pour que cette convention voie le jour, mobilisant autour de Jean-Michel Belorgey, conseiller d'État, les associations de malades, les professionnels de l'assurance, ainsi que les ministères de la santé et des finances.

Or cette convention n'a pas été appliquée. Pour régler ce problème, de nouvelles dispositions sont entrées en vigueur, le 8 janvier 2007 : la convention dite AERAS, ou « S'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé », qui annule et remplace la convention Belorgey.

Ces nouvelles dispositions comportent, je dois le reconnaître, de réelles avancées, mais elles restent nettement insuffisantes. En effet, certaines compagnies bancaires ou sociétés de crédit semblent ignorer les dispositions adoptées et omettent d'en parler à leurs clients, ou alors se contentent de proposer une garantie décès dans des dossiers qui, pourtant, sont particulièrement délicats.

Il est inadmissible que des personnes soient aujourd'hui exclues du marché de l'immobilier et interdites d'acquisition sous prétexte qu'elles sont ou ont été malades, parce qu'elles sont considérées comme un risque pour les banques et les compagnies d'assurance.

Or plus de 9 000 personnes se voient ainsi chaque année refuser l'accès au crédit immobilier - l'assureur refuse de les garantir, souvent sans même motiver sa décision -, ou bien doivent subir des surprimes effrayantes. Ainsi, et je vous livre le témoignage de l'un de mes administrés, pour un simple souffle au coeur, la surprime appliquée au prêt peut dépasser 9 600 euros sur vingt ans !

Tout cela est extrêmement choquant.

Par ailleurs, les compagnies d'assurance ne prennent pas en compte de manière satisfaisante les progrès thérapeutiques accomplis au cours de ces dernières années ; en effet, nous le savons, certaines maladies, autrefois mortelles, deviennent aujourd'hui chroniques, ce qui est heureux.

Le précédent Président de la République, Jacques Chirac, avait pris un engagement, à l'époque où ces conventions étaient en discussion, déclarant : « La vie, avec ou après le cancer, c'est aussi pouvoir faire des projets et les mener à bien ».

Cependant, au début du mois, dans cet hémicycle, le secrétaire d'État chargé des sports, M. Laporte, annonçait que l'application de certaines dispositions de la loi exigeait une évaluation, qui serait rendue le 1er juillet 2008.

Madame la ministre, que vont faire en attendant les gens qui souhaitent emprunter aujourd'hui ? Comment voulez-vous que j'explique aux personnes qui viennent me demander de l'aide, comme il en vient sans doute aussi dans vos permanences, mes chers collègues, qu'elles devront attendre juillet 2008 pour que la loi, votée pourtant en janvier 2007, soit enfin appliquée ? C'est une aberration !

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, je souhaite savoir ce que le Gouvernement a l'intention de faire pour que les malades et leur famille ne subissent plus une situation que l'on peut qualifier de double peine. En d'autres termes, quelles dispositions comptez-vous prendre afin que la convention AERAS soit respectée et améliorée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, merci, tout d'abord, de votre question, qui porte sur un sujet sur lequel, au-delà de nos divergences politiques, nous nous sommes souvent retrouvés.

Comme vous l'avez souligné, de nombreuses personnes malades, en rémission complète ou même guéries, se voient fréquemment opposer un refus lorsqu'elles sollicitent un prêt à la consommation, un prêt immobilier ou un prêt professionnel, faute d'être couvertes par le contrat d'assurance garantissant les risques décès et invalidité que demandent les établissements de crédit.

Ce refus est ressenti par ces personnes comme une double peine - je reprends tout à fait à mon compte l'expression que vous avez employée, monsieur le sénateur -, qui les empêche de se reconstruire et de refaire leur existence.

En outre, lorsque ces personnes obtiennent une proposition d'assurance, elles ne sont pas toujours en mesure d'acquitter les surprimes demandées, dont le montant est parfois très élevé. Vous avez cité la somme de 9 600 euros sur un contrat de vingt ans : les chiffres observés sont effectivement de cet ordre de grandeur.

Ces situations, difficilement vécues par ceux de nos concitoyens qui ont surmonté parfois depuis longtemps déjà la maladie et qui ont souvent repris le cours normal de leur vie, constituent une entrave à la réinsertion.

Monsieur le sénateur, vous avez souligné les progrès permis par la convention AERAS, signée le 6 juillet 2006 par le ministre de l'économie et des finances, le ministre de la santé et des solidarités, les fédérations professionnelles de la banque, de l'assurance et de la mutualité ainsi que les associations de malades et de consommateurs.

Cette convention met en place un dispositif global visant à faciliter l'accès à l'emprunt et à l'assurance des personnes présentant un risque aggravé de santé. Comme vous l'avez noté, elle comporte des avancées par rapport à la précédente convention, à savoir davantage de transparence dans les décisions de refus, la prise en compte de la couverture du risque invalidité et la création d'un mécanisme de prise en charge des surprimes en faveur des emprunteurs, sous condition de ressources.

La convention AERAS, dont les stipulations ont été consacrées par la loi du 31 janvier 2007, est entrée en vigueur au début de cette année, très exactement le 6 janvier 2007.

Depuis cette date, les instances prévues par la convention ont été installées - elles fonctionnent sans difficulté - et des actions de communication ont été lancées par l'ensemble des parties signataires afin de faire connaître la convention.

L'État, pour sa part, a créé un site internet qui totalise plus de 90 000 connexions depuis le mois de janvier 2007.

De leur côté, les établissements de crédit et les entreprises d'assurance ont mis en place le mécanisme de mutualisation des surprimes.

Enfin, vous le savez, la loi du 31 janvier 2007 prévoit une évaluation des conditions d'application de la convention AERAS au plus tard le 1er juillet 2008.

Monsieur le sénateur, je suis très attachée à la mise en oeuvre concrète, sur le terrain, des dispositions de cette convention.

J'ai donc demandé qu'un groupe de travail soit constitué afin d'élaborer, avec l'ensemble des parties signataires, les indicateurs permettant d'évaluer objectivement le respect des engagements pris ou le caractère éventuellement insuffisant des mesures arrêtées dans le cadre de cette convention.

Cette évaluation de la convention AERAS constitue pour moi une phase essentielle, qui doit permettre aux pouvoirs publics de tirer toutes les conséquences de l'application de ce texte et de chercher, le cas échéant, des solutions de rechange.

Néanmoins, je suis extrêmement sensible aux précisions que vous m'avez apportées s'agissant de la mauvaise volonté dont font preuve certains établissements, en violation de la loi. Croyez bien que, sans attendre le résultat des travaux du groupe de travail, ni le terme de la période probatoire, je saurai rappeler aux partenaires concernés leurs obligations légales.

Nous le devons aux malades et anciens malades qui se heurtent à ces difficultés.

M. André Trillard. Bravo, madame la ministre !

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Madame la ministre, vous abondez dans mon sens, ce qui n'a rien d'étrange puisque, chacun l'aura constaté, nous avons la même appréciation de ce problème.

Je note que le groupe de travail que vous avez mis en place avant même l'évaluation de la convention AERAS devrait permettre d'améliorer le dispositif, et je vous en remercie, madame la ministre, mais je regrette que cette évaluation, comme vous l'avez confirmé, ne soit disponible qu'en juillet 2008, certes, conformément à la loi, mais tout de même bien tardivement...

Je n'ajouterai rien sur la double peine que subissent les personnes concernées, notamment dans une période où l'accès au crédit immobilier est particulièrement difficile, ce qui pèse lourd, d'ailleurs, dans la situation sociale actuelle.

Le délai constaté dans la mise en oeuvre concrète de cette loi peut écarter bien des gens du marché immobilier. Nous connaissons la conjoncture et nous savons que la crise qui sévit actuellement aux États-Unis peut avoir des conséquences en France, notamment un relèvement des taux, ce qui réduirait d'autant l'accès des ménages à l'emprunt. Aussi, des milliers de gens qui auraient pu bénéficier d'un prêt risquent de ne pas pouvoir donner suite à leur projet immobilier et se trouver dans une situation difficile.

Je vous remercie donc, madame la ministre, d'accélérer sensiblement la mise en oeuvre de ce dispositif.

réglementation applicable au contrat de travail

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 67, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, ma question porte sur le problème posé par l'usage du contrat à durée déterminé unique pour le remplacement successif ou simultané de plusieurs salariés en congé payé.

Auparavant, en effet, lorsqu'un chef d'entreprise embauchait pour une courte durée une personne chargée de remplacer plusieurs employés partis en congé, il devait lui proposer un contrat mentionnant le nom et la qualification de ces personnes.

Or cette pratique a été remise en cause, il y a peu, par la Cour de cassation. L'article L. 122-1-1, alinéa 1, du code du travail dispose que le contrat à durée déterminée peut être conclu pour remplacer un salarié « en cas d'absence ». C'est à partir d'une interprétation littérale de cette disposition que la Cour de cassation a fondé la requalification de contrats à durée déterminée, ou CDD, en contrats à durée indéterminée, ou CDI, dans le cadre de deux décisions rendues le 28 juin 2006.

Dans la première affaire, le CDD avait été conclu afin de pourvoir au remplacement de trois personnes partant successivement - je dis bien « successivement » - en congés payés. Dans la seconde, un CDD unique avait été conclu pour remplacer plusieurs personnes, expressément désignées, et absentes, cette fois, simultanément.

En première instance, les juges avaient admis la pratique du recours à un seul CDD pour pallier l'absence de plusieurs salariés, dès lors que le salarié embauché à titre précaire connaissait la durée de son engagement et les noms et qualifications de ceux dont il assurait le remplacement.

Toutefois, la Cour de cassation est revenue sur ces décisions, puisqu'elle oblige désormais les employeurs à ne conclure qu'un seul CDD par salarié remplacé, sous peine de requalification du contrat en CDI.

La pratique qui consiste à conclure un seul CDD à temps complet pour remplacer plusieurs personnes à temps partiel se trouve dorénavant interdite. Il est à craindre que cette nouvelle jurisprudence ne suscite un formalisme excessif, de nature surtout à compliquer la gestion des absences.

Madame la ministre, serait-il possible de remédier à cette situation qui, vous en conviendrez, est tout à fait regrettable ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, qui est retenu par un calendrier social un peu chargé. (Sourires.) Cela me donne toutefois le plaisir de répondre à votre question sur le recours au contrat à durée déterminée unique pour le remplacement de plusieurs salariés, en vous apportant, au nom de mon collègue, les précisions suivantes.

Le code du travail encadre le recours au CDD pour motif de remplacement d'un salarié, en prévoyant, à l'article L. 122-1-1, que celui-ci ne peut intervenir que pour le remplacement d'un seul salarié.

En effet, l'absence de plusieurs salariés est un aléa courant de l'activité d'une entreprise. Autoriser le recrutement en CDD pour le remplacement de plusieurs salariés absents reviendrait à contourner le principe selon lequel le CDD « ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise », au sens de l'article L. 122-1 du code du travail. C'est le raisonnement sur lequel s'est fondée la Cour de cassation dans deux arrêts du 28 juin 2006.

M. Xavier Bertrand tient à vous indiquer, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est particulièrement attentif à l'évolution du marché du travail. Il a donc invité les partenaires sociaux à entamer des négociations sur la modernisation du marché du travail et la sécurisation des parcours professionnels. Ces négociations paritaires sont actuellement en cours et le Gouvernement souhaite laisser toute latitude aux partenaires sociaux pour qu'ils élaborent des propositions. C'est pourquoi, à ce stade, il ne peut ni ne veut formuler d'orientation sur le CDD.

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Madame la ministre, je vous remercie de la réponse que vous m'avez apportée au nom de votre collègue Xavier Bertrand, dont chacun comprendra bien qu'il ne puisse être présent. Personnellement, je lui souhaite de connaître un plein succès dans l'entreprise qu'il conduit actuellement au mieux.

M. Jean-Louis Carrère. Chacun ses choix !

M. Georges Mouly. J'ai obtenu une précision : le code du travail étant ce qu'il est, il n'est pas possible d'aller dans le sens de la simplicité...

Pour conclure sur une note d'espoir, je forme le voeu que les partenaires qui doivent réfléchir à ce problème aboutissent à un résultat qui, à tout le moins, satisfasse les chefs d'entreprise.

procédure pénale

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, auteur de la question n° 44, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Pierre Michel. Madame le garde des sceaux, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre présence. Tous mes collègues n'ont pas, comme moi, l'honneur de recevoir une réponse du ministre à qui leur question est adressée !

Ma question, très simple, concerne un principe général de procédure pénale selon lequel il revient à la partie poursuivante, celle qui exerce l'action publique, d'identifier l'auteur d'une infraction, quelle que soit cette infraction. Ce principe souffre-t-il des exceptions ? Si tel est le cas, lorsque l'identification n'est pas possible ou qu'elle est contestée, quelle peut être la suite de la procédure ?

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous me demandez si certains principes généraux de procédure pénale sont toujours applicables, s'il existe des exceptions à la règle selon laquelle l'identification de l'auteur d'une infraction incombe à la partie poursuivante, et, lorsque cette identification est contestée, quelles suites il convient de donner à la procédure pénale.

Le code de procédure pénale ne prévoit pas de dispositions particulières régissant la charge de la preuve. Toutefois, celle-ci obéit à deux principes généraux.

En premier lieu, toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie.

En second lieu, la charge de la preuve incombe à la partie poursuivante ; le plus souvent, il s'agit du ministère public, mais ce peut être également la partie civile, lorsque celle-ci est à l'initiative des poursuites.

La loi prévoit toutefois un certain nombre de présomptions dispensant la partie poursuivante d'apporter la preuve de l'élément matériel ou intentionnel de l'infraction, en matière douanière, en matière routière et s'agissant du délit de non-justification de ressources.

Il n'existe pas en droit français de système de preuves légales, contrairement à ce qui prévaut en droit anglo-saxon, par exemple. L'article 427 du code de procédure pénale consacre au contraire le principe de la liberté de la preuve en vertu duquel, « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ».

Il appartient au procureur de la République, chargé d'exercer l'action publique, de déterminer si les éléments de preuve recueillis au cours de l'enquête sont suffisants pour engager des poursuites pénales contre un individu. Si ces éléments lui paraissent insuffisants, il peut, en vertu des articles 40 et 40-1 du code de procédure pénale, classer sans suite la procédure.

Dans le cas où un dossier d'instruction a été ouvert, et à l'issue des investigations, le magistrat instructeur, après avoir recueilli les observations des parties et les réquisitions motivées du procureur de la République, apprécie s'il existe des charges suffisantes permettant d'ordonner le renvoi d'une personne mise en examen devant la juridiction de jugement. À défaut, le juge d'instruction rend une ordonnance de non-lieu, conformément aux articles 175 et 177 du code de procédure pénale.

De même, conformément aux articles 470, 541 et 363 du code de procédure pénale, toute juridiction de jugement est également fondée, si elle estime que les éléments de preuve présentés contre la personne poursuivie ne sont pas suffisants, à renvoyer celle-ci des fins de la poursuite, en prononçant une décision de relaxe ou d'acquittement.

En d'autres termes, si le procureur de la République peut engager la poursuite quand les pièces apportées lui semblent assez probantes, le juge peut malgré tout en décider autrement à tout moment.

Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je suis en mesure de vous apporter sur cette question.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Madame le garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse très complète, d'autant plus qu'elle vient confirmer mon sentiment sur ce sujet.

Je vous ai interrogée sur ce problème - il faut tout de même que je m'en explique -, parce que, comme d'autres parlementaires, j'ai été alerté par un certain nombre de nos concitoyens qui sont las des méthodes du Centre national de traitement du contrôle automatisé, dont les services sont implantés à Rennes.

En effet, alors que les tribunaux, notamment les tribunaux administratifs, ont annulé des arrêtés de suspension de permis de conduire au motif que le respect du contradictoire n'était pas respecté - vous apprécierez la gravité de ce motif pour la suite -, le centre de Rennes continue à se montrer récalcitrant et tarde à produire le cliché, alors que ce dernier permettrait de contester l'infraction ou de savoir qui en est l'auteur - car ce n'est pas forcément le titulaire de la carte grise. Et, lorsque finalement on obtient ce cliché, même s'il se révèle inexploitable - soit la photographie est prise de dos, soit, quand elle est prise de face, le conducteur n'est pas identifiable - si le titulaire de la carte grise refuse d'avouer l'infraction ou d'en dénoncer l'auteur, l'aveu ou la dénonciation n'étant pas obligatoires, le centre de Rennes se permet de prononcer une amende pénale ; pour ma part, je conseille de ne pas la payer. Ensuite, on attend...

Des associations se sont créées, ce qui n'est pas un très bon signe. C'est pourquoi, madame le garde des sceaux, je souhaite que vos services ainsi que ceux du ministère de l'intérieur - puisque ce sujet concerne les deux ministères - revoient la procédure de contestation des infractions routières, lorsque celles-ci sont constatées de manière automatisée, donc hors la présence des intéressés.

nouveau système d'immatriculation des véhicules

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 60, adressée à Mme le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Madame le ministre, nous sommes très touchés que, conformément à votre habitude, vous soyez présente pour répondre à cette question orale, alors que vous étiez voilà quelques instants encore auditionnée par la commission des lois de la Haute Assemblée.

M. Jean Boyer. À mon tour, madame le ministre, je tiens à vous remercier de votre présence, malgré un agenda que nous savons très chargé ce matin.

Le nouveau dispositif d'immatriculation des véhicules déçoit de nombreux automobilistes, particulièrement dans les départements ruraux. En effet, ils ne seront plus identifiables, alors que, contrairement aux habitants des très grandes villes, ils aspirent à se retrouver - ils en ressentent parfois même le besoin ! -, lorsqu'ils sont à l'étranger ou dans des départements métropolitains très éloignés du leur.

Ce dispositif datant de 1950 va subir une profonde mutation à partir du 1er janvier 2009. Une immatriculation attribuée chronologiquement dans une série nationale, et non plus départementale, sera dévolue à vie aux véhicules, quels qu'en soient les propriétaires successifs. Cela entraînera par conséquent la disparition des chiffres indiquant le département. La faculté accordée aux automobilistes d'ajouter une identification locale, départementale ou régionale aura un coût qui risque d'être dissuasif au moment de l'acquisition d'un véhicule neuf ou d'occasion, et nécessitera certainement un délai supplémentaire.

À la fin de l'année 2013, l'ensemble du parc automobile français devrait être immatriculé selon ce nouveau système. Comme vous le savez, madame le ministre, la disparition des identités locales est loin de faire l'unanimité dans l'opinion, ainsi qu'en témoigne un récent sondage révélant que 64 % des Français déplorent cette modification.

Je souhaite savoir comment le Gouvernement entend répondre à cette attente. A-t-il l'intention de proposer un moratoire dans l'application de ce nouveau dispositif ?

L'identification automobile fait partie de notre histoire, de notre culture, de notre identité locale. Avec ce nouveau système d'immatriculation des véhicules, les automobiles ne deviendront-elles pas, comme les OVNI parcourant le ciel, des « objets roulants non identifiés » qui sillonneront nos routes dans l'anonymat le plus absolu ?

Dans le passé, l'identité manuscrite est devenue chiffrée ; elle deviendra demain - je le dis sans aucun esprit polémique - pratiquement invisible. La France et ses territoires, vous le savez, ce sont des hommes qui aiment à s'identifier avant d'échanger, tout en maintenant cette grande chaîne qui favorise la relation entre les Basques et les Auvergnats, les Corses et les Normands.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, nous sommes tous attachés non seulement à nos départements mais aussi à leurs symboles, et désormais ce sont les chiffres qui les symbolisent. Nous avons d'ailleurs eu, pour la plupart d'entre nous, suffisamment de mal à les apprendre ! (Sourires.)

Pour autant, nous devons aujourd'hui faire face à un certain nombre de contraintes, et la solution de bon sens consiste finalement à essayer de concilier un peu les deux, à savoir l'attachement à nos départements et le nouveau système d'immatriculation des véhicules.

Pour ce faire, il est prévu de pouvoir - c'est bien entendu une démarche volontaire et non une obligation - faire apposer, sur le côté droit de la plaque d'immatriculation, le numéro du département, voire le logo de la région.

Ce que je souhaite, c'est qu'il y ait un minimum d'harmonisation sur la présentation de ce nouvel identifiant, de façon que le regard soit attiré au bon endroit et que les systèmes ne soient pas complètement aberrants.

Pour autant, sera-t-il possible de faire figurer le numéro du département dans l'immatriculation ? Non, puisque l'idée est justement que cette dernière suive le véhicule, et que, dans ce cas, ce dernier ne pourrait plus être vendu en dehors du département.

L'attribution de ces numéros permanents d'immatriculation à partir d'une série chronologique nationale entraînera un certain nombre de simplifications administratives dont les citoyens eux-mêmes bénéficieront.

Tout d'abord, le numéro d'immatriculation demeurera inchangé quels que soient le propriétaire et son domicile. C'est important en cas de revente.

Ensuite - c'est peut-être plus important encore dans la vie quotidienne -, l'enregistrement de l'acquisition ou de la cession du véhicule deviendra possible en tout lieu - il ne sera plus nécessaire de se déplacer -, y compris en dehors du département de résidence, en particulier grâce à l'intervention des professionnels du commerce de l'automobile dans le déroulement de la procédure d'immatriculation. Ce système permettra donc de simplifier un certain nombre de démarches.

En outre, le paiement des taxes liées à la délivrance du titre pourra être effectué par télétransmission. Il s'agit là aussi de simplifier les procédures et de raccourcir les délais imposés aujourd'hui à nos compatriotes pour accomplir un certain nombre de démarches.

J'ajoute que la plaque d'immatriculation n'aura pas à être remplacée en cas de vente du véhicule, ce qui épargnera des frais.

Vous m'objectez, monsieur le sénateur, que l'ajout d'une identification locale, départementale ou régionale, aura un coût. Oui, mais les frais liés aujourd'hui au remplacement de la plaque disparaîtront, et ce au bénéfice de l'usager et donc du citoyen.

Nous sommes tous attachés à nos départements. La solution que nous avons trouvée permettra donc à la fois de témoigner de son attachement profond à son département, en faisant éventuellement figurer le numéro de ce dernier, et de profiter de la simplification induite par la réforme.

Enfin, si je comprends la réticence d'une part importante de la population, je tiens à dire que ce nouveau système d'immatriculation n'a pas été élaboré uniquement par l'administration. Une concertation a en effet été menée, notamment avec les professionnels de l'automobile, et ce nouveau système a été décidé en plein accord avec eux.

Je considère que nous sommes parvenus à une solution équilibrée. Dès lors que la date d'entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2009, ce qui nous laisse encore un long temps d'adaptation, il me paraît difficile de remettre en cause cette échéance, car les incidences financières tant pour l'État que pour les professionnels seraient alors non négligeables. Cela aboutirait aussi à priver nos concitoyens d'un certain nombre d'améliorations que ce nouveau système devrait leur apporter.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Madame le ministre, j'ai découvert - si besoin était - que vous connaissez remarquablement vos dossiers, y compris celui-là. Vous nous avez répondu dans le détail et avec conviction. J'ai conscience de la nécessité de la réforme et des aspects positifs de cette dernière, notamment au regard de la cohérence.

Cependant, c'était le coeur d'un élu d'un département rural qui s'exprimait ! J'ajoute que, sur le plan touristique, la mention du département dans l'immatriculation permettait à nos concitoyens éloignés de leur département de s'identifier. Certes, cela ne vaut peut-être pas pour le 75, mais, pour le 48 ou le 43, cela compte !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le 64, à Paris, c'est essentiel ! (Sourires.)