M. Guy Fischer. Retour à la case départ !

Fait personnel

Article 14
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2010
Article 14

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point sur les propos qu’a tenus Mme la ministre à la suite de mon explication de vote sur l’amendement n° 237.

Tout au long de ce débat, et particulièrement lors de la discussion de l’article 11 et des amendements portant articles additionnels après l’article 11, Mme la ministre a soutenu avec vigueur les laboratoires pharmaceutiques pour des raisons, nous a-t-elle dit, économiques et de non-surtaxation, notamment dans ses réponses à M. Autain sur les amendements nos 267 et 268, ce qui a justifié mon appréciation, je le précise, d’ordre politique : c’est mon droit !

Je considère l’hémicycle de cette assemblée non pas comme un salon où l’on cause, mais comme un lieu de débat politique, voire de combat politique lorsque cela est nécessaire, ce qui était le cas aujourd’hui.

Je ne connais pas la vie personnelle de Mme Bachelot-Narquin ; je n’ai d’ailleurs pas à la connaître et encore moins à la commenter. Mais, confidence pour confidence, moi aussi, madame la ministre, j’ai commencé ma vie professionnelle sur le terrain en 4 L ! (Sourires.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux explications de vote sur l’amendement n° 109, au sein de l’article 14.

Fait personnel
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2010
Articles additionnels après l'article 14

Article 14 (suite)

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, je souhaite rectifier l’amendement n° 49, afin de préciser que le I bis est applicable aux retraites liquidées à compter du 1er janvier 2010.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 49 rectifié, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 6

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I bis. - Après le douzième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«  Sont aussi prises en compte, pour la part patronale, les rentes versées conformément aux dispositions de l'article L. 137-11 ou, pour les salariés du secteur agricole, à l'article L. 741-10 du code rural, lorsque le montant de ces rentes est supérieur à huit fois le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code. »

II. - Alinéa 7, première phrase

Après cette phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :

Le I bis est applicable aux retraites liquidées à compter du 1er janvier 2010.

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'amendement n° 109.

Mme Nathalie Goulet. Le Président de la République avait fait sienne la décision de moraliser le capitalisme ; il était même parti en croisade mondiale, de G8 en G20, pour réguler les pratiques des banques. Le 9 juillet dernier, j’ai interrogé la ministre de l’économie pour savoir quelles mesures étaient envisagées pour réguler les rémunérations des dirigeants. Mais ce PLFSS ne contient qu’une mesure symbolique.

Selon mes calculs, la moyenne des huit dernières retraites « chapeau » qui ont été versées s’élève à 11,4 millions d’euros.

Vous n’en voudrez pas à la sénatrice de Normandie d’avoir converti ces 11,4 millions d’euros en litres de lait : cela représente environ 13 millions de litres de lait, soit 30 ans de chiffre d’affaires – pas de bénéfices ! – pour une exploitation de 70 vaches produisant 400 000 litres de lait par an… (Sourires.) 

En outre, des entreprises qui perçoivent des subsides de l’État – je pense notamment à Valeo, qui a reçu 20 millions d’euros du Fonds stratégique d’investissement – trouvent encore le moyen de verser à leurs dirigeants des parachutes dorés de 3,2 millions d’euros !

Avec le déficit que nous connaissons, avec les impôts que nous payons, qui ne servent à financer ni les écoles ni les services sociaux, attribuer des parachutes dorés ou des indemnités de ce genre n’est absolument pas tolérable !

C’est la raison pour laquelle je voterai évidemment l’amendement n° 109.

Mme Gisèle Printz. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je m’associe pleinement aux propos de Mme Goulet et j’ajouterai un mot concernant le monde agricole. Nous en avons débattu hier, les pensions servies aux exploitants agricoles sont de l’ordre de 700 à 800 euros et les pensions de réversion pour les veuves s’élèvent à 500 euros maximum, ce qui les place sous le seuil de pauvreté.

On comprendrait mal que nous nous en tenions aujourd’hui aux dispositions prévues par le Gouvernement, que j’ai qualifiées ce matin de « pièces jaunes » ; j’y insiste ! Chacun pratique la solidarité, ou donne l’aumône, si l’on préfère ; soit on se sent ainsi libéré, soit on culpabilise en se disant qu’il faut faire quelque chose de plus.

Connaissant la vie de nos retraités dans les campagnes, il serait tout à fait naturel que les retraites « chapeau » soient fiscalisées davantage et rattachées au régime commun. C’est le moins que puisse faire le Parlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Monsieur le président, je retire l’amendement n° 494 au profit des amendements nos 3 et 49 rectifié présentés par les commissions. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L’amendement n° 494 est retiré.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 273.

Mme Annie David. Je regrette que notre collègue Nicolas About ait retiré son amendement, que j’aurais, pour une fois, voté. (Sourires.)

M. Jacky Le Menn. Nous aussi !

Mme Annie David. Je me joins à ce que viennent de dire Jean-Pierre Godefroy et Nathalie Goulet concernant les retraites « chapeau ».

Mme la ministre nous a expliqué que, parfois, les entreprises versaient des retraites « chapeau » à des cadres qui avaient quitté l’entreprise depuis longtemps. Or il faut apporter quelques précisions : les retraites « chapeau » sont versées aux cadres lorsqu’ils quittent l’entreprise à la fin de leur carrière. Elles sont donc bien associées aux salariés encore présents dans l’entreprise à l’issue de leur carrière.

C’est ce qui est rappelé dans le rapport de M. Vasselle : « les régimes de retraite “chapeau” […] ont pour caractéristique essentielle de conditionner les droits à pension à l’achèvement de la carrière dans l’entreprise ».

Ces retraites « chapeau » avaient été mises en place à une époque où les entreprises se faisaient concurrence quant à leurs hauts cadres dirigeants, pour éviter que ceux-ci ne changent d’entreprise : elles avaient pour objet de les fidéliser.

Sur le fond, je ne peux adhérer à aucun des arguments de M. le rapporteur général ou de Mme la ministre.

Pour M. Vasselle, étant donné la complexité du sujet, il faut s’en tenir à l’amendement proposé par la commission. Ce n’est pas un argument recevable : vous n’hésitez pas à vous attaquer à d’autres textes tout aussi complexes ! Bizarrement, quand il s’agit d’augmenter la part patronale, c’est trop compliqué et on ne peut pas en parler en séance…

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mais non ! Il y a encore la CMP !

Mme Annie David. On trouve pourtant un article très simple, de trois ou quatre lignes, dans le code du travail, concernant la majoration de durée d’assurance, ou MDA. Or vous vous êtes évertués à complexifier le dispositif en créant un article de trente-cinq alinéas.

Là encore, il y a deux poids, deux mesures, quand il s’agit d’équité sociale et de la participation de tout un chacun au financement de notre protection sociale. Il me semblait pourtant, monsieur Vasselle, que vous étiez attaché à ce système de protection sociale…

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Oui !

Mme Annie David. …et que vous souhaitiez trouver des recettes nouvelles…

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Oui !

Mme Annie David. …pour qu’il puisse continuer à rendre les services pour lesquels il a été créé, à savoir un accès à la santé pour toutes et pour tous.

Nous vous proposions, par les amendements que nous avons déposés, de vraies recettes nouvelles et nous vous en proposerons encore dans quelques instants.

Mon explication de vote vaudra pour l’ensemble de ces amendements, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Voilà un an, nous avons eu exactement le même débat sur un amendement identique de Mme David ; je l’avais d’ailleurs soutenu.

Je comprends très bien la position du Gouvernement, qui ne veut pas aller plus loin. Je sais qu’il s’agit d’un sujet complexe. Mais la modification du dispositif en vigueur n’est pas plus compliquée que la réforme de la taxe professionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Comme je l’ai déjà dit l’an dernier, nous devons nous faire les porteurs du message d’exaspération, qui confine à l’éclatement du lien social sur les territoires. Nos concitoyens ne comprennent absolument pas la façon dont tout cela fonctionne ; il y a trop loin des discours aux actes.

C’est pourquoi je voterai cet amendement – il n’aura sûrement pas plus de succès cette année que l’an dernier –, comme l’ensemble des amendements de Mme David.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 273.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 274.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 275.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 75 et 276.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Monsieur le rapporteur général, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, la rectification de l’amendement n° 49 proposée par M. Jégou devrait donner satisfaction au Gouvernement, qui s’inquiétait des effets de la disposition présentée conjointement par la commission des affaires sociales et la commission des finances dans la mesure où elle s’appliquait sur le stock et non sur le flux.

Par conséquent, je retire l’amendement n° 3 au profit de l’amendement n° 49 rectifié, sur lequel j’émets un avis favorable.

Par ailleurs, madame David, si j’ai insisté sur la complexité du dispositif – je remercie au passage Nicolas About d’avoir accepté de retirer son amendement –, c’est justement pour rappeler la nécessité d’étudier, d’ici à la commission mixte paritaire, les moyens de l’améliorer. Cela étant, je vous en donne acte, ni le Gouvernement ni la majorité qui le soutient n’ont souhaité aller aussi loin que vous.

Malgré tout, le Sénat a affiché sa volonté d’aller au-delà de ce que propose le Gouvernement, d’où l’amendement présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances. Qui peut le plus peut le moins ; je vous invite donc à vous y rallier.

De toute façon, nous ferons le point sur ce dispositif avec nos collègues députés dans le cadre de la CMP.

M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 49 rectifié ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je remercie M. le rapporteur pour avis de la commission des finances d’avoir fait un pas en avant. Sur ce sujet, un certain nombre d’éléments méritent d’être rappelés.

François Fillon et moi-même avons décidé d’agir en créant une contribution spécifique, alors que, jusqu’à présent, ces régimes de retraite n’étaient soumis à aucune cotisation.

Les URSSAF ont essayé de requalifier les abondements de l'employeur en salaires pour les assujettir aux cotisations sociales de droit commun. L’affaire a fait l’objet d’un contentieux, et les URSSAF ont perdu en cassation.

Nous poursuivons cette année notre effort, en doublant les taux de contributions. Ce n’est pas rien ! Il y a une vraie volonté de moraliser ces régimes. Nous nous engageons, par le biais du rapport que j’ai évoqué ce matin, à y instiller plus de transparence et à étudier la possibilité d’individualiser les contributions versées par les employeurs.

Cela étant, je ne peux émettre un avis favorable sur l’amendement n° 49 rectifié.

Le fait d’instaurer des cotisations patronales sur les retraites est une grande première. Ce sont des contributions à fonds perdus, puisqu’elles n’ouvrent pas droit à une retraite supplémentaire.

Je vous rappelle les éléments de faisabilité ou, du moins, d’« infaisabilité ». Il n’est pas possible d’individualiser les versements par salariés, donc de traiter ces sommes comme des salaires. Il n’est pas non plus envisageable de taxer les employeurs, alors qu’ils n’ont plus de lien avec les salariés. Les entreprises devraient provisionner des sommes, alors qu’elles ne l’ont pas prévu.

La mesure proposée par M. Jégou ne constitue pas une avancée suffisamment substantielle pour convaincre le Gouvernement de modifier sa position. Elle ne règle en effet qu’une partie du problème.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l’amendement n° 49 rectifié.

M. Jean-Pierre Godefroy. À l’évidence, l’amendement présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, ne peut nous laisser indifférents, puisqu’il va bien au-delà de ce que souhaitait le Gouvernement.

Hier, lors du débat sur la CRDS, M. Woerth nous a renvoyés à une commission. Aujourd'hui, madame la ministre, alors qu’il s’agit de taxer les retraites « chapeau », vous nous invitez à poursuivre la réflexion l’année prochaine.

Mme Gisèle Printz. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Godefroy. La situation actuelle de la sécurité sociale et du budget national exige tout de même d’autres réponses ! Je l’ai dit à M. Woerth, nous sommes en train de « dévisser » : si nous ne faisons rien, c’est toute la cordée qui sera emportée !

Mme Gisèle Printz. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. La proposition de M. Jégou doit être replacée dans le contexte du débat d’hier. Lorsqu’il a défendu son amendement visant à augmenter la CRDS de 0,15 %, M. Vasselle nous a expliqué que l’effort demandé ne serait que d’un euro pour les personnes au SMIC. Nous avons alors voulu savoir combien rapporterait une exclusion de la CRDS du champ du bouclier fiscal : nous attendons toujours la réponse !

Il est proposé aujourd'hui d’inclure dans l’assiette des cotisations sociales les sommes versées en la matière lorsqu’elles sont supérieures à huit fois le plafond de la sécurité sociale, soit quelque 274 000 euros. Je ferai remarquer que cela représente tout de même 270 SMIC !

Madame la ministre, vous nous avez dit ce matin qu’une telle mesure n’était pas envisageable, au motif qu’elle soulèverait des problèmes techniques insurmontables. Je rejoins Mme Goulet quand elle estime que ce n’est pas plus insurmontable que la réforme de la taxe professionnelle !

Mme Gisèle Printz. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. L’essence même d’une assemblée parlementaire est de débattre de sujets politiques. Les problèmes techniques, quand ils apparaissent, doivent être traités, mais, vis-à-vis de l’opinion publique, seule compte la volonté politique.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. Notre devoir, dans la situation actuelle, c’est de défendre la justice sociale, de prendre des mesures équitables et égalitaires pour faire en sorte que le pacte républicain ne soit pas rompu par ce sentiment d’injustice qui ne cesse de croître dans la population.

Madame la ministre, comment le Gouvernement peut-il envisager de fiscaliser les indemnités journalières versées au titre des accidents du travail, alors que celles-ci, qui représentent 60 % du salaire de base, résultent bien souvent de fautes imputables à l’employeur ?

Nous aurions donc préféré que M. About maintienne son amendement, car celui de la commission des finances ne nous satisfait pas pleinement. Monsieur le rapporteur pour avis, pour résumer, vous vous contentez de taxer les retraites « sombrero » ! (Sourires.) C’est une première avancée à laquelle nous ne pouvons nous opposer. Mais il faudrait aussi penser à taxer les retraites « chapeau » ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. Je souscris aux excellents propos de mon collègue Jean-Pierre Godefroy. Il est pour le moins savoureux de voir la façon dont cette proposition est passée de main en main : cela a commencé avec M. About, qui a retiré son amendement au profit des amendements des commissions ; puis M. Vasselle a retiré son amendement au profit de l’amendement de M. Jégou. Résultat : d’un bon amendement centriste, nous passons à un amendement de la commission des finances moins satisfaisant !

Cela étant, nous voterons l’amendement n° 49 rectifié. S’il ne correspond pas du tout à notre volonté initiale, c’est toujours mieux que rien !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. De nombreux arguments ont été développés à l’occasion de l'examen de l’article 14. Nous voterons, nous aussi, l’amendement n° 49 rectifié, même si, sur le fond, il ne changera pas grand-chose.

L’actualité est là pour nous rappeler la gravité sans cesse croissante de la situation. C’est ce que confirme le Secours catholique dans son récent rapport annuel, qui est attendu.

Mme Catherine Procaccia. Quelle référence !

M. Guy Fischer. Cette référence peut vous gêner, madame Procaccia, mais sachez que, au-delà des questions de religion, nous sommes très attentifs à ce que disent tous ceux qui, aujourd'hui, luttent contre la précarité et l’exclusion, qu’il s’agisse du Secours catholique, d’ATD-Quart monde ou du Secours populaire français.

Dans son rapport, le Secours catholique révèle que plus de 50 % des personnes qui ont bénéficié d’un accompagnement en 2008 vivaient au-dessous du seuil de pauvreté. L’association met également l’accent sur le fait que les femmes sont plus exposées à la pauvreté : elles représentaient 54 % des personnes accueillies l’année dernière, avec une forte proportion de mères célibataires. Après les jeunes et les femmes, une autre frange de la société française est en train de basculer dans la pauvreté : les retraités.

Madame la ministre, mes chers collègues, les retraites « chapeau » sont un véritable scandale, une provocation pour l'ensemble de la société française ! (Mmes Christiane Demontès et Gisèle Printz applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, le texte adopté à l’Assemblée nationale constitue une avancée dans la taxation, au profit des organismes sociaux, d’un certain nombre de retraites que je préfère qualifier de « complémentaires » ou de « supplémentaires », plutôt que d’utiliser les termes « retraites “chapeau” ».

À mon sens, l’amendement proposé par M. Jégou, au nom de la commission des finances, apparaît comme un utile complément. En prévoyant une taxation des sommes versées à partir du 1er janvier de l’année prochaine, il ne remet pas en cause les contrats existants, ni l'ensemble des retraites, complémentaires ou supplémentaires, perçues par les cadres.

Par conséquent, il est tout à fait possible de combiner le dispositif voté à l’Assemblée nationale et celui qui vient de nous être proposé.

Prenons garde toutefois à ne pas faire de confusion. Les propos tenus à l’instant par mon collègue et ami Guy Fischer pourraient laisser croire qu’il y aurait, d’un côté, un petit nombre d’heureux bénéficiaires de retraites « chapeau », et, de l’autre, une très grande majorité de personnes vivant dans des conditions misérables.

M. Jean-Pierre Fourcade. Tel n’est pas le cas ! Rappelons que nombreux sont les cadres supérieurs et les dirigeants de société à être concernés par ce système de retraites complémentaires.

Il ne faudrait pas que, sous couvert de moralisation ou au motif d’enquêtes du Secours catholique ou d’ATD-Quart monde, l’on en vienne à aggraver la situation d’un certain nombre de cadres, qui ont subi de plein fouet l’application des 35 heures ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je rappelle que ce sont les éléments de base de la reprise économique !

Monsieur le rapporteur général, il faudra trouver en commission mixte paritaire un compromis entre le texte de l’Assemblée nationale et l’amendement de M. Jégou. En tant que parlementaires, il est de notre devoir d’élaborer des mécanismes plus rationnels, qui, sans aggraver la situation de nombreuses personnes, assurent le financement de la protection sociale. C'est la raison pour laquelle je voterai cet amendement !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. À titre personnel, je ne voterai pas cet amendement.

Les retraites représentent un très grand chantier qui doit être ouvert au plus vite, dès l’année prochaine, de façon globale, et non au détour d’un amendement.

Ce n’est pas ainsi que nous réglerons le problème, d’autant que nous ne disposons d’aucune étude d’impact sur la proposition de la commission des finances et, notamment, sur le nombre de personnes concernées.

M. Fourcade l’a très justement rappelé, les très gros revenus ne sont pas les seuls visés. Si le dispositif ne s’appliquait qu’à ces quelques dirigeants dont on entend parler à la télévision, je serais prête à le voter. La proposition de M. Jégou risquant de toucher des centaines, voire des milliers de cadres, je ne peux y souscrire.

Cela ne retire rien au fait que nous devons nous attaquer à ce grand chantier des retraites. Mais faisons confiance au Gouvernement pour tout remettre à plat.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je souhaite réagir aux propos de M. Fourcade et de Mme Debré.

Je rappelle que cet amendement ne vise pas les retraites « chapeau » d’un montant annuel inférieur à 274 646  euros : seules sont concernées les retraites excessives, indécentes au regard de la politique salariale généralement pratiquée dans les entreprises.

M. Nicolas About. Très bien !

Mme Annie David. Je suis bien d’accord avec vous, il n’y a pas que des abus, mais, précisément, cet amendement fait la part des choses. Comme l’a dit Guy Fischer, c’est un petit pas dans la bonne direction, et c’est pourquoi nous le voterons, même si, pour notre part, nous aurions été beaucoup plus radicaux.

M. Nicolas About. Dieu nous en préserve !

Mme Annie David. Nos amendements n’ont pas été adoptés, mais taxer les grosses retraites « chapeau » est tout de même le moins que l’on puisse décemment faire dans l’état actuel de notre sécurité sociale, qui bénéficiera ainsi de recettes supplémentaires.

Si certaines entreprises choisissent cette politique salariale pour fidéliser leurs cadres, soit, mais pas d’abus ! Ce sont les abus que nous combattons ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Nous avons du discernement !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Il m’est arrivé à plusieurs reprises, au cours de ces longues journées de débats, de penser qu’il nous faut vraiment laisser de côté l’idéologie et, comme nous y a invités M. Fourcade, étudier ensemble, au-delà des clivages entre majorité et opposition, les moyens de faire avancer les choses. Je remercie d’ailleurs Mme David de m’avoir excellemment soutenu dans cette discussion. Certains pourront certes estimer qu’il y a les bons centristes et les autres, qui ne vont pas assez loin, mais nous sommes tous animés par des convictions et des valeurs. Être centriste, c’est peut-être savoir que la vérité n’est pas univoque et qu’il faut faire la part des choses ! C’est ce que j’essaie de faire en tant que législateur et rapporteur pour avis.

Quoi qu’il en soit, lisez l’amendement rectifié, mes chers collègues. Mme David a raison de dire que notre proposition vise non pas les cadres, mais les retraites que, avec son talent habituel, M. Fourcade a pudiquement qualifiées de « complémentaires ». On pourrait même parler de retraites « sur-complémentaires », tant certains chapeaux s’apparentent à de véritables sombreros ! (Sourires.)

M. Christian Cointat. Ils font de l’ombre !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. En effet !

Si je vous invite à examiner plus attentivement notre amendement, c’est que je suis sûr que, dans cet hémicycle où le temps paraît parfois un peu long, on ne regarde pas les choses d’assez près : nous proposons d’inclure dans l’assiette des cotisations sociales patronales les rentes d’un montant supérieur à huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit près de 275 000 euros ! J’ai été tour à tour employeur et salarié de grandes entreprises privées : croyez-vous que les cadres concernés se comptent par milliers ? Vous savez bien que non ! Dans le contexte social et financier actuel, la Haute Assemblée, où une grande expérience vient en principe nourrir la réflexion, ne peut pas ne pas agir !

Notre amendement est complémentaire de celui de l’Assemblée nationale, comme l’a relevé M. Fourcade. La rectification que j’ai apportée vise à lui permettre d’être soumis à la commission mixte paritaire. M. le Premier ministre a rappelé avoir voulu supprimer les retraites « chapeau » en 2003, et telle était la première intention de la commission des finances, comme l’a indiqué son président. Il n’a d’ailleurs pas changé d’avis, et peut-être viendra-t-il le confirmer ce soir.

En tout état de cause, le seuil retenu par la commission des affaires sociales et la commission des finances montre bien qu’il s’agit de viser des rémunérations qui sortent de l’ordinaire.

Mme Annie David. Elles sont indécentes !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Madame la ministre, laissez-nous discuter de cette proposition en commission mixte paritaire.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne peux pas m’y opposer !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je vous le dis en toute amitié, vous le savez bien. Nous nous connaissons depuis suffisamment longtemps, ayant siégé ensemble à l’Assemblée nationale.

La rectification permet d’agir dès 2010. Si cet amendement n’était pas adopté, les choses resteraient en l’état pendant encore trente ou quarante ans… Mes chers collègues, dépassons l’idéologie ! La décence nous impose d’intervenir : ceux de nos concitoyens qui souffrent aspirent à un peu plus de justice sociale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)