Articles additionnels après l'article 10
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Articles additionnels après l'article 11 (début)

Article 11

I. – L’article 81 du code général des impôts est complété par un 38° ainsi rédigé :

« 38° Le revenu supplémentaire temporaire d’activité versé, en application du décret n° 2009-602 du 27 mai 2009 relatif au revenu supplémentaire temporaire d’activité, dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion. »

II. – Le II de l’article 200 sexies du même code est complété par un E ainsi rédigé :

« E. – Le montant total de la prime accordée au foyer fiscal est minoré des sommes perçues au cours de l’année civile par les membres de ce foyer fiscal, au sens des 1 et 3 de l’article 6 du présent code, au titre de la prestation prévue par le décret n° 2009-602 du 27 mai 2009 relatif au revenu supplémentaire temporaire d’activité, dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion. »

III. – Les I et II sont applicables à compter de l’imposition des revenus de l’année 2009. 

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-202, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

III. Les dispositions ci-dessus sont applicables à compter de l'imposition des revenus de l'année 2009.

III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Cet amendement vise à expliciter l’article 11 du projet de loi, qui, contrairement à ce que l’on pourrait croire, crée une grave injustice.

En effet, monsieur le ministre, alors même que vous instaurez le revenu supplémentaire temporaire d’activité, ou RTSA, dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, vous l’imputez sur la prime pour l’emploi. Or la population de ces territoires est très nettement non imposable, mais bénéficie très largement de la prime pour l’emploi.

En raison de la disposition que vous mettez en place, vous devrez débourser environ 3 millions d’euros pour le versement du RTSA, mais vous récupérerez environ 108 millions d’euros sur la prime pour l’emploi !

De fait, l’objectif non avoué, bien entendu, est de récupérer le fruit de la prime pour l’emploi.

Sous couvert d’une mesure sociale, il y a donc une augmentation de l’impôt, qui touchera évidemment une population déjà fragilisée, accentuant ainsi les difficultés rencontrées par ces personnes. La disposition, encore une fois, frappera les plus faibles. De fait, vous contribuerez à accentuer les inégalités dans ces territoires.

C’est pourquoi nous nous opposons très fermement à cette disposition et proposons de la supprimer.

Mme la présidente. L'amendement n° I-312, présenté par MM. S. Larcher, Lise, Gillot, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes résultant pour l'État du présent article sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Le RSTA est une allocation forfaitaire financée par l’État et versée aux travailleurs modestes des départements d'outre-mer. Son montant s’élève à 100 euros par mois, sauf en Guadeloupe où il est de 200 euros.

Cette prime exceptionnelle a été décidée dans l’urgence par le Gouvernement pour mettre fin à la crise sociale aux Antilles. Sa mise en place répondait à une revendication sociale précise de hausse du pouvoir d’achat.

Le RSTA est donc un revenu complémentaire. Il ne s’agit pas d’une allocation pour inciter au retour à l’emploi, comme le RSA, qui n’est pas encore appliqué outre-mer. Il est par ailleurs moins avantageux financièrement.

Par conséquent, imputer le RSTA sur la prime pour l'emploi pénaliserait encore d’avantage les salariés les moins favorisés d’outre-mer.

Certes, l'article 11 permet de réaliser une économie de 310 millions d’euros sur trois ans, mais il revient sur des accords qui ont été paraphés par le représentant de l’État.

Il ne faut pas oublier les mouvements sociaux qui ont secoué les départements d’outre-mer. Comment vont réagir les travailleurs pauvres lorsqu’ils s’apercevront qu’on leur reprend une partie de ce qu’ils ont obtenu après des semaines de manifestations ?

Par cet amendement qui vise à supprimer l’imputation du RSTA sur le montant total de la prime pour l’emploi, nous vous proposons de ne pas revenir sur une conquête du mouvement social et de respecter un engagement de l’État.

Mme la présidente. L'amendement n° I-552, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 4

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

II. - Les contributions des collectivités locales prévues par les articles II et III de l'accord régional interprofessionnel sur les salaires en Guadeloupe en date du 26 février 2009 mentionnées par l'arrêté du 3 avril 2009 portant extension dudit accord ainsi que celles prévues par l'article 4 de l'accord régional interprofessionnel sur les rémunérations des salariés du secteur privé de la Martinique en date du 11 mars 2009 mentionnées par l'arrêté du 29 juillet 2009 portant extension dudit accord ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Cet amendement est important pour l’outre-mer, puisque son adoption mettra fin à une période d’incertitude née au moment du débat sur le projet de loi de finances pour 2010 à l’Assemblée nationale.

Le RSTA est un dispositif temporaire qui a vocation à s’éteindre dès la mise du RSA dans les collectivités d’outre-mer.

L’article 11 proposait initialement d’appliquer au RSTA le même régime fiscal qu’au RSA, à savoir l’exonération de l’impôt sur le revenu des sommes versées et leur imputation sur la prime pour l'emploi.

Des interrogations sur les conséquences d’une telle imputation sont apparues et sont probablement le fruit de malentendus, lesquels n’ont pas été levés au moment où le RSTA a été mis en place. Comme on a tendance à dire que le RSTA est égal au RSA, le RSA est alors pris dans toute sa composante.

Mme Marie-Luce Penchard et moi-même avions pris l’engagement de faire le point ; je l’ai indiqué au député M. Victorien Lurel, lorsqu’il est intervenu, assez vivement, sur ce sujet. C’est ce que nous faisons avec cet amendement.

Afin d’éviter que les bénéficiaires du RSTA ne soient pénalisés et pour donner un plein effet au dispositif issu des accords interprofessionnels du 4 mars dernier, nous vous proposons ce dispositif, qui est sous-tendu par deux objectifs. D’une part, il s’agit de supprimer l’imputation totale du RSTA sur la prime pour l'emploi ; le malentendu portait sur ce point. D’autre part, il est prévu d’exonérer de l’impôt sur le revenu les primes versées pendant une durée d’un an, en complément du RSTA, par les collectivités territoriales de Guadeloupe et de Martinique dans le cadre des accords interprofessionnels.

Par conséquent, monsieur Vera, monsieur Patient, vos amendements sont pleinement satisfaits. Le Gouvernement en demande donc le retrait.

Il va de soi que, lorsqu’il sera mis en place outre-mer, le RSA se substituera au RSTA. Son régime fiscal sera identique à celui qui s’applique déjà en métropole : le RSA s’imputera sur la prime pour l'emploi ; c’est ainsi que fonctionne ce dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission prend acte de l’amendement n° I-552 et considère que les amendements nos I-202 et I-312 sont satisfaits.

Mme la présidente. Monsieur Vera, l'amendement n° I-202 est-il maintenu ?

M. Bernard Vera. J’ai bien entendu les explications du Gouvernement. Par conséquent, je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° I-202 est retiré.

Monsieur Patient, l'amendement n° I-312 est-il maintenu ?

M. Georges Patient. En déposant l’amendement n° I-552, le Gouvernement répond à nos attentes. Par conséquent, je retire l’amendement n° I-312, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° I-312 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° I-552.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Article 11
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Articles additionnels après l'article 11 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l'article 11

Mme la présidente. L'amendement n° I-319, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du premier alinéa de l'article 150-0 A du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Par exception, les plus-values de cession à titre onéreux enregistrées lors de la vente de produits détenus depuis moins d'un an, sont imposables au premier euro. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Par cet amendement, nous entendons fiscaliser dès le premier euro les plus-values réalisées lors de la cession de certains titres financiers qui sont détenus pendant moins d’un an. Ce faisant, il s’agit de lutter contre le « court-termisme ».

Il existe un décalage entre l’économie réelle et la valeur boursière : les entreprises gèrent des projets et des investissements dont la rentabilité se mesure sur cinq, dix, voire vingt ans ; bien que leur cotation boursière varie chaque jour, leur valeur intrinsèque varie peu en six ou douze mois. Or la durée de détention moyenne d’un titre coté est devenue absurdement faible, partout dans le monde : dans les années soixante-dix, elle était de quatre ans ; elle est tombée à deux ans dans les années quatre-vingt-dix ; elle est à présent de six mois.

C’est bien la spéculation « court-termiste » que nous visons et non l’activité bancaire classique, puisque l’émission de prêts et la gestion d’encours de crédits sont sans rapport avec les activités de trading et d’arbitrage. Du reste, les États-Unis imposent déjà à un taux différent les plus-values boursières, selon qu’elles sont le fruit de placements à long terme ou à court terme. Et il n’est nul besoin de nous opposer qu’une fuite de capitaux serait à craindre, car la taxation des plus-values à long terme n’est pas modifiée.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Malgré vos demandes !

Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, le Gouvernement a décidé, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, d’assujettir à la CSG et à la CRDS les plus-values réalisées sur les cessions de valeurs mobilières jusqu’à un montant de 25 000 euros par an, alors que celles-ci en étaient jusqu’à présent exonérées. C’est bien ! Toutefois, le Gouvernement n’a pas prévu d’assujettir ces mêmes plus-values à l’impôt sur le revenu.

Il nous semble normal et juste que l’assiette de la CSG et de la CRDS soit mise en cohérence avec celle de l’impôt sur le revenu. Certains revenus sont assujettis à l’impôt sur le revenu, mais pas à la CSG ; pour d’autres, c’est l’inverse. Il faut donc essayer d’uniformiser les assiettes sans tarder et cet amendement y participe.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je crains que cette mesure ne prenne dans sa nasse tous les épargnants.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Si ! Elle concernerait non seulement les opérateurs professionnels ou les entités réalisent des transactions importantes, mais également les actionnaires individuels, les personnes physiques, ...

M. Robert del Picchia. Les petits porteurs !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. ... tous ceux qui gèrent leurs avoirs et qui peuvent avoir besoin de faire des allers et retours, de liquider une position, ou tout simplement de récupérer de la trésorerie pour faire face à un besoin.

Au demeurant, en frappant les plus-values au premier euro, vous sanctionnez plutôt les épargnants qui possèdent un patrimoine limité. Car ceux qui détiennent un patrimoine important pourront ménager un volant de trésorerie en titres aisément négociables pour faire face à des décaissements, alors que ceux qui ont un patrimoine plus réduit et qui sont confrontés à un besoin significatif et parfois imprévu ...

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. ... seront tenus de vendre.

Je sais que vous n’êtes pas sensible à ce discours, madame Bricq.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Moins il y a d’actionnaires individuels, mieux vous vous portez.

Mme Nicole Bricq. Non plus !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Les actionnaires individuels manifestent leur intérêt pour la vie des entreprises. C’est une bonne façon de s’initier à l’économie de marché. Mais, sur ce sujet, vous préférez les caricatures à la pédagogie !

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Un sénateur socialiste. On voit ce qu’ont donné les marchés !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons fait une différence entre le fiscal et le social.

Il nous a semblé naturel que tous les revenus contribuent, dès le premier euro, au financement de notre sécurité sociale, c’est-à-dire qu’ils soient soumis à la CSG, à la CRDS, et à la taxe de 12,1 % sur le capital.

Mais la question se pose différemment en matière fiscale : ce régime est-il incitatif pour les petits porteurs, à savoir les portefeuilles de moins de 25 000 euros ? Dans ce cas, il s’agit non pas de spéculation internationale, mais d’un usage assez modéré de la bourse.

Nous n’avons pas voulu appliquer cette mesure sur le plan fiscal, car nous avons considéré qu’elle aurait été contre-productive par rapport aux investissements boursiers. Par ailleurs, sur le plan social, il était naturel d’adopter une vision solidaire des revenus. D’où ce traitement différencié entre le social et le fiscal, auquel nous sommes attachés.

C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Sur le traitement différencié, honnêtement, monsieur le ministre, j’entends votre explication, mais j’ai du mal à vous suivre.

En effet, la suppression de l’exonération de la contribution aux dépenses sociales est faite – j’ose le penser –, au nom de la solidarité ; le paiement de l’impôt devrait s’inscrire dans la même logique. Malgré ses défauts, notre système fiscal permet une allocation de capital public à ceux qui n’ont pas les moyens d’avoir un capital privé.

Notre machine fiscale a donc, je l’espère, un effet redistributif !

Par ailleurs, le rapporteur général me fait un procès d’intention que je n’accepte pas.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ah !

Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur général, vous ne m’avez jamais entendue fustiger ce qu’il est convenu d’appeler le capitalisme populaire. Mais, là, nous sommes vraiment dans le court terme ! J’avais pourtant cru comprendre que l’une des leçons à tirer de la crise financière, c’était l’excès de « courtermisme ».

Des petits porteurs ne s’amuseraient pas à revendre leurs actions moins d’un an après avoir investi en bourse. S’il s’agit de porteurs modestes – à 25 000 euros, ce n’est plus le cas ! –, leur épargne n’est pas placée en bourse.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Elle devrait l’être !

Mme Nicole Bricq. Vous pouvez ne pas être d’accord avec nous, mais votre argument n’est pas juste.

Je plaide pour l’harmonisation des contributions au titre de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Il va falloir modifier notre architecture fiscale pour faire face à la montée des dépenses publiques : l’impôt doit être le plus large possible.

Si l’on veut des impôts progressifs, alors que la CSG ne l’est pas, il faudra penser à fusionner ces deux impôts, car la CSG est un impôt !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait d’accord !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-319.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 11 (début)
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Discussion générale

7

Nomination de membres de commissions

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, ainsi qu’une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- M. Gérard Collomb, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Roland Povinelli, démissionnaire ;

- M. Roland Povinelli, membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. Gérard Collomb, démissionnaire.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

Articles additionnels après l'article 11 (interruption de la discussion)
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Première partie

Loi de finances pour 2010

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
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Articles additionnels après l'article 11

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale.

Première partie
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Article 11 bis (Nouveau)

Articles additionnels après l'article 11 (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des amendements portant articles additionnels après l’article 11.

Je suis saisi de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-313, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1er du code général des impôts est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement est le premier d’une série d’amendements par lesquels nous entendons nous attaquer au bouclier fiscal.

MM. Robert del Picchia et Éric Doligé. Aïe, aïe, aïe !

Mme Nicole Bricq. Ils ne constituent donc pas une grande innovation, mais, parfois, la continuité dans l’action finit par payer ! À un moment donné, que nous espérons, pour notre part, le plus proche possible, le Gouvernement et la majorité devront, d’une manière ou d’une autre, renoncer à ce dispositif.

L’amendement n° I-313 vise purement et simplement à supprimer le bouclier fiscal. Nous passerons rapidement sur ceux qui suivront puisqu’il s’agit d’amendements de repli prévoyant tel ou tel aménagement.

Comme vous le savez, le bouclier fiscal, mécanisme de plafonnement des impositions créé en loi de finances pour 2006, a été rendu encore plus injuste dans le cadre du paquet fiscal voté à l’été 2007. Nous ne le redirons jamais assez, ce paquet fiscal a tout de même été la faute majeure du gouvernement issu des élections de 2007, tant il remet complètement en cause la progressivité du système fiscal et démantèle l’impôt de solidarité sur la fortune, déjà entamé, du reste, dès 2002.

Dans les faits, quel que soit l’habillage qu’on veut bien lui donner, le bouclier fiscal ne vise qu’à alléger les charges des ménages les plus aisés. Dans la période actuelle, sa suppression est des plus urgentes : ne l’oublions pas, au titre de l’exercice 2008, sa mise en œuvre a permis à 5 % des foyers fiscaux de recevoir 74 % des sommes reversées par le fisc, avec une restitution moyenne de 380 000 euros.

M. le président. L'amendement n° I-227, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune dues au titre de 2009 et des années suivantes font l'objet d'une majoration de 10 %.

Les dispositions des articles 1er, 885 I bis, 885 I quater, 885 0-V bis et 1649-0-A du code général des impôts ne sont pas applicables à la majoration.

Cette majoration est constatée, contrôlée et recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que l'impôt de solidarité sur la fortune.

II. - Pour l'année 2009, les redevables doivent acquitter la majoration prévue ci-dessus au plus tard le 16 octobre 2009 auprès de la recette des impôts de leur domicile au 1er janvier 2009.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Nous le savons tous, notamment pour l’avoir entendu dire par M. Woerth et Mme Lagarde lors de la présentation de ce projet de budget : les comptes publics se dégradent d’année en année.

L’aggravation de la situation résulte, bien sûr, de la crise financière mondiale, mais pas seulement. Je l’ai déjà indiqué tout à l’heure, le choix d’affaiblir les recettes de l’État n’est en tout cas pas de nature à rétablir l'équilibre.

Quand l’économique et le social vont mal, les comptes publics aussi, et l’espérance d’un retour à l’équilibre devient, malgré nos souhaits, un horizon qui s’éloigne. Dans ces conditions, il nous faut agir et trouver les ressources nécessaires pour réduire les déficits, mais en dégageant les moyens d’une relance de l’action publique au service de l’intérêt général.

Vous nous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur général, vous avez vos choix et nous avons les nôtres, mais sachons utiliser ces divergences pour nourrir le débat. À nos yeux, le choix que vous faites de ponctionner le plus grand nombre de nos concitoyens, qu’ils aient des revenus modestes ou moyens, ne va pas dans le sens de l’intérêt général et mérite d’être remis en cause.

Nous proposons quant à nous l’inverse : prendre de préférence l’argent chez ceux qui en ont le plus ; c’est une méthode de bon sens et de justice sociale.

Notre choix, dans ce domaine, consiste à exploiter cet excellent gisement que forment les contribuables assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune, en majorant de 10 % leurs cotisations. En ces temps de crise, ce serait, je le répète, une mesure de justice sociale, car il s’agit d’un impôt dont le nombre de contributeurs ne cesse d’augmenter, tout comme leur patrimoine moyen et imposable. C’est bien la preuve que la crise n’a pas été vécue de la même manière par tout le monde !

En outre, cette mesure n’a rien de bien révolutionnaire et elle est loin d’être excessive. Chacun s’en souvient, en d’autres temps, un gouvernement, celui de M. Juppé en l’occurrence, avait lui-même décidé dans une loi de finances rectificative de relever, dans les mêmes proportions, et l’impôt sur les sociétés et le produit de l’ISF.

Les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune ont largement les moyens de supporter une telle majoration de cotisation sans être aucunement lésés. Cette mesure, au demeurant symbolique, serait, de la part du Gouvernement, un signal fort d’une volonté de faire participer tous ceux qui en ont réellement les moyens à l’effort de redressement des comptes publics. Voilà qui, à mon sens, serait conforme aux règles de notre Constitution.

M. le président. L'amendement n° I-272, présenté par M. P. Dominati, Mlle Joissains et M. Revet, est ainsi libellé :

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Les articles 885 A à 885 Z du code général des impôts sont abrogés

II- Les pertes de recettes pour l'État sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 402 bis, 438, 520 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. L’impôt sur la fortune est loin d’être une nouveauté dans l’histoire de la fiscalité puisqu’il a un peu plus d’un siècle d’existence. Ce sont les Pays-Bas qui l’ont créé en premier, idée reprise par l’Allemagne puis par plusieurs autres pays. Il a fallu attendre à peu près cent ans avant que, en Europe, l’Irlande se décide à supprimer cet impôt, suivie notamment par ceux-là mêmes qui l’avaient instauré, les Pays-Bas et l’Allemagne.

Monsieur le ministre, j’aimerais connaître les raisons pour lesquelles la France est aujourd'hui le seul pays, dans le paysage fiscal européen, à conserver l’impôt sur la fortune. Serions-nous donc à ce point les plus malins ?

La portée symbolique de l’ISF et les recettes qu’il procure sont connues. Mais il convient de mettre ces dernières en rapport avec le manque à gagner pour l’État, qui a été évoqué à plusieurs reprises au cours des débats. Certes, celui-ci est lié à la fuite des capitaux au sens large et pas uniquement à l’impôt de solidarité sur la fortune, mais les montants annoncés font réfléchir. Vous-même, monsieur le ministre, avez, me semble-t-il, avancé une somme comprise entre 15 milliards et 17 milliards d'euros.

Le présent amendement a donc pour objet d’harmoniser autant que possible la fiscalité sur le plan européen. Il aurait été anormal qu’il ne soit pas déposé. Lorsqu’un gouvernement affiche sa volonté d’adapter sa fiscalité aux méthodes modernes, une telle exception me semble tout à fait anachronique.

Il serait bon que l’État nous indique exactement le montant de la perte fiscale entraînée par le maintien de cet impôt et le nombre d’emplois éventuellement concernés, que certains économistes estiment à 200 000.

Pour conclure, je citerai le secrétaire général du parti socialiste madrilène, M. Tomás Gómez, qui a dit : « Baisser les impôts peut être progressiste ». Mes chers collègues, soyez progressistes en adoptant cet amendement !