M. Jean-Paul Fournier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la solidarité est sans nul doute l’un des signes les plus nobles de la modernité et de la maturité de nos sociétés occidentales.

La France s’honore d’avoir mis en place, depuis 1945, sous l’égide du général de Gaulle, un système généreux pour celles et ceux qui sont dans la souffrance, qu’elle soit physique ou sociale.

Cette démarche est l’un des fondements de notre pacte républicain.

La solidarité est parfois même un moyen de limiter les effets les plus néfastes d’une détérioration économique, comme nous avons pu le voir après la crise bancaire et financière de 2008.

Néanmoins, aujourd’hui, notre système de protection sociale mérite d’être amélioré, je dirai même d’être réformé en profondeur, pour faire vraiment œuvre de solidarité. Il convient en effet d’éviter qu’un revenu de transfert ne se transforme, par un effet d’aubaine, en une prestation qui viendrait limiter l’accès au travail.

Mes chers collègues, pour être pleinement admis par tous, je dirai même pour être efficace, le système de protection sociale doit avant tout être simple, accessible et, surtout, irréprochable.

Il faut que, dans notre démocratie, l’allocataire, l’assuré social, le contribuable ou le cotisant, qui sont parfois les mêmes personnes, acceptent le système. Pour ce faire, il faut que celui-ci soit juste. Il n’est pas de pire système que celui qui donne le sentiment que les bénéficiaires seraient non pas des ayants droit, mais des profiteurs.

C’est la raison pour laquelle la lutte contre la fraude sociale doit être une priorité absolue. C’est la meilleure garantie pour éviter les discours populistes qui visent finalement à remettre en question des mécanismes hérités du Conseil national de la Résistance.

Le travail qui est fait depuis plusieurs années à ce niveau démontre que la lutte contre la fraude sociale n’est pas un petit sujet. C’est aussi un moyen de réduire un peu le déficit chronique de notre système social.

Je soutiens pleinement la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale. Je tiens à remercier Éric Doligé d’avoir élaboré ce texte et à saluer le travail du rapporteur, notre collègue Corinne Imbert.

Ce texte équilibré vise en définitive à répondre à la fois aux exigences de nos concitoyens et à prendre acte du rôle central des conseils départementaux dans ce domaine.

En créant, à l’article 11, la notion de « flagrance sociale », ce texte ne fait d’ailleurs que transposer à la fraude sociale un système qui a très largement fait ses preuves en matière de lutte contre la fraude fiscale.

De même, porter de trois à douze mois le temps de présence sur le territoire français d’un ressortissant de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen nécessaire avant de pouvoir demander à bénéficier du RSA semble être une mesure juste, qui contribuera certainement à limiter les effets d’aubaine.

Je l’ai rappelé au début de mon intervention, nos compatriotes, contribuables et cotisants ne tolèrent pas que des individus qui combattent le pacte social et républicain soient bénéficiaires de la solidarité nationale qu’ils récusent et rejettent par ailleurs.

Ainsi, les mesures visant à ce que le revenu de solidarité active ne soit plus versé à des individus qui ne se plient pas aux valeurs de la République vont dans la bonne direction. Prévues aux articles 3, 4 et 5 de la proposition de loi, elles répondent à un véritable enjeu de cohésion de notre société.

Qui pourrait en effet tolérer que la solidarité nationale continue de bénéficier, par exemple, aux fanatiques partis combattre sous le drapeau de Daesh ou aux combattants – n’ayons pas peur des mots ! – de l’extrême gauche radicale, qui, on l’a vu ces derniers jours, s’en prennent aux forces de l’ordre comme à la société tout entière avec une violence inouïe ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. Christian Favier. C’est quoi, cet amalgame ?

M. Jean-Paul Fournier. La suspension, cadrée, de cette allocation par le président du conseil départemental pour les personnes ne respectant pas la charte des droits et des devoirs du citoyen est sans nul doute une bonne initiative. Cela doit permettre de renforcer notre pacte républicain et, d’une certaine manière, de redonner confiance à nos concitoyens.

Enfin, je voudrais, mes chers collègues, si vous me le permettez, m’attarder encore quelques instants sur les articles 8, 9, 10 et 13 de cette proposition de loi, et plus particulièrement sur les avancées proposées pour ce qui concerne les nouvelles normes en matière de partage des données.

Il s’agit d’une question centrale pour réduire la fraude. En outre, c’est un élément fondamental pour faciliter l’accès aux droits.

Le conseil départemental, devenu chef de fil en matière sociale avec la loi NOTRe, doit pouvoir avoir accès, dans un cadre contraint et en toute confidentialité, aux données personnelles lui permettant d’exercer pleinement ses compétences en la matière. Selon moi, on pourrait aller plus loin dans le partage des données, notamment celles de la CAF, au bénéfice des communes ou de leurs groupements.

Il s’agirait non pas seulement de contribuer à la lutte contre la fraude, comme je l’ai exposé dans une question écrite par laquelle j’interpellais le Gouvernement à ce sujet, mais aussi de faciliter l’accès aux droits pour les familles bénéficiaires d’aides, en simplifiant la constitution d’un dossier unique partagé.

Mes chers collègues, j’ai été durant vingt ans conseiller général, et je peux donc en témoigner : les agents du département – je pense notamment aux assistantes sociales –, en première ligne dans le domaine qui nous intéresse aujourd’hui, sont confrontés à de vraies difficultés s’agissant à la fois de l’octroi des allocations et de la fraude. Ils attendent de la représentation nationale qu’elle leur donne les moyens de mener pleinement leur mission. C’est ce à quoi contribue ce texte.

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je le confirme, je suis pleinement favorable aux dispositions de la proposition de la loi présentée par Éric Doligé, et je remercie Corinne Imbert du travail qu’elle a réalisé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à améliorer l'accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 262-6, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « douze » ;

2°Après les mots : « la date », la fin de l’article L. 262-18 est ainsi rédigée : « à laquelle la demande est complète. »

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article me paraît tout à fait pertinent. Il n’y a en effet aucune raison pour que la France accorde aux ressortissants d’autres pays européens un régime d’aides sociales beaucoup plus favorable que celui que ces mêmes pays offrent à nos concitoyens résidant sur leur territoire.

Je prendrai l’exemple d’un pays dont nul ne met en cause le caractère démocratique, à savoir la Grande-Bretagne : on n’y apporte pas sur un plateau d’argent des aides, qui seraient accordées au détriment de la collectivité, aux ressortissants d’autres pays européen quelques mois après leur arrivée.

Il faut tout de même veiller à ce que le système français n’attire pas les profiteurs. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Laurence Cohen. Quel provocateur !

M. Jean Louis Masson. Je sais exactement ce que je dis ! Vous vous souvenez de la petite Yougoslave qui était en France et à propos de laquelle M. Hollande s’était fait une brillante réputation, notamment en lui téléphonant quand elle avait été expulsée. Rappelez-vous ce qu’avait dit le père de la jeune fille : alors qu’un journaliste lui demandait, à la télévision, pourquoi il avait quitté l’Italie pour la France, il avait répondu qu’il était venu en France parce que les aides y étaient plus importantes.

À un moment donné, il faut avoir un minimum de bon sens…

Mme Nicole Bricq. Votre bon sens…

M. Jean Louis Masson. … et il n’y a pas de raison logique pour que la France offre des aides supérieures à celles qu’accordent les autres pays européens. Sinon, on jouera le rôle de pompe aspirante. Cette famille yougoslave, ce n’est pas moi qui la donne en exemple : c’est le père lui-même qui a dit qu’il était venu en France parce qu’il y avait plus d’aides ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Louis Carrère. La Yougoslavie n’existe plus !

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, sur l'article.

M. François Marc. L’ordre du jour de notre assemblée est consacré cette semaine à l’initiative parlementaire, ce qui permet à chaque groupe de proposer des propositions de loi dans les domaines qu’il choisit. Le groupe Les Républicains a retenu ce texte relatif à la lutte contre la fraude sociale.

J’ai bien écouté les différentes interventions : chers collègues signataires de cette proposition de loi, vous aurez constaté qu’elle pose question sur de nombreuses travées de cet hémicycle au regard de la philosophie qu’elle met en avant. Peut-être est-il encore temps de réfléchir à la suite à donner à cette discussion !

Les documents que nous avons reçus ces derniers jours nous considèrent tous, nous sénateurs, dans notre ensemble – j’ai sous les yeux le titre suivant : « Le Sénat se trompe de combat ». Nous sommes donc tous légitimes à vous poser la question suivant : êtes-vous sûrs de vouloir engager l’image du Sénat sur un tel sujet ?

J’ai reçu comme vous le document émanant de la FNARS, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, qui regroupe 870 associations de solidarité. Il y est rappelé que 900 000 personnes en difficulté sont accueillies chaque année, grâce à 75 000 places d’hébergement. La FNARS a signé notamment avec ATD Quart Monde et Emmaüs France, associations dont on connaît la philosophie, un communiqué nous demandant de ne plus aller sur ce terrain, car nous nous trompons de combat. Il faut arrêter la démagogie et la stigmatisation de certaines catégories sociales aujourd'hui très démunies. Ces associations nous le disent, on ne fera que renforcer la suspicion des précaires, victimes de la crise économique, qui tentent de survivre avec des allocations auxquelles ils ont droit dans un contexte de chômage de masse.

Mes chers collègues, il est encore temps d’arrêter cette discussion, puisque nous n’avons pas encore commencé l’examen de l’article 1er. Avec mon groupe, je me prononcerai bien sûr contre l’ensemble de ces articles. Toutefois, je vous suggère de les retirer tant qu’il en est encore temps, car c’est l’image du Sénat tout entier qui pâtira de cette initiative.

Mme Catherine Troendlé. Ça n’a rien à voir avec l’image du Sénat !

M. François Marc. Soyez donc réalistes et retirez ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission, sur l’article.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Le Sénat ne se trompe pas de combat. M. Cardoux l’a rappelé tout à l’heure, la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat, est en train d’étudier les différents types de fraudes, qu’elles soient fiscales ou sociales.

Je veux également rappeler les propos tenus par Mme Evelyne Yonnet, qui est intervenue au nom du groupe socialiste et républicain. Selon elle, si les fraudes fiscales s’élèvent à plusieurs milliards d’euros et s’il convient donc de s’y intéresser de près, il n’est pas non plus inutile de se plonger dans les fraudes sociales, qu’elle évalue elle-même – je pense que c’est un chiffre officiel – à 160 millions d’euros. Or ce sont les petites rivières qui font les grands fleuves ! Songeons que les départements sont en difficulté et que l’aide supplémentaire apportée par l’État cette année n’est que de 50 millions d’euros – elle n’aurait même pas été nécessaire s’il n’y avait pas eu de fraude ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Vergoz. Vous êtes victimes de vos propres turpitudes !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l'article.

M. Daniel Chasseing. Oui, il y a bien sûr des fraudes beaucoup plus importantes que les fraudes au RSA, cela a été dit par notre collègue Michel Amiel : 20 milliards d’euros pour ce qui concerne les cotisations sociales et 15 milliards d’euros pour la TVA.

Nous sommes tous ici favorables au RSA, qui permet à ceux qui n’ont pas de travail depuis plusieurs années de vivre.

Cela a été dit aussi, 35 % des personnes qui y auraient droit ne le demandent pas, en raison de la mauvaise image qu’il véhicule, ainsi que d’un manque d’informations ou de suivi. Nous devons aider ces personnes en très grande difficulté.

Toutefois, les départements étant confrontés à d’importants problèmes, il ne nous paraît pas anormal de contrôler ceux qui trichent, même s’ils ne sont pas nombreux.

Par ailleurs, nous pensons qu’il faut concentrer nos efforts sur l’accompagnement des personnes vers l’emploi, comme ce texte prévoit de le faire. Une personne bénéficiant de la solidarité départementale peut effectuer quelques heures de travail par semaine au service de collectivités. Il y a une multitude de besoins non satisfaits. Il s’agit non pas de profiter de cette personne, mais de lui proposer une intégration valorisante et l’encourageant, grâce à un encadrement, à avoir une activité.

C’est écrit noir sur blanc dans l’exposé des motifs, l’article 7 vise à « permettre aux bénéficiaires du revenu de solidarité active, au travers des engagements réciproques, de garder ou de retrouver leur dignité, en s’impliquant dans des activités utiles et nécessaires à la collectivité, ce qui représente une ambition partagée […] dans la perspective d’une réinsertion préparée et réussie ».

C’est le contraire de ce qui a été décrit par certains de nos collègues. Ceux qui soutiennent ce texte sont aussi de bonne foi, et ils souhaitent favoriser l’insertion dans l’emploi des personnes en difficulté. Un tel dispositif pourra progressivement combler – pas toujours, mais dans de nombreux cas – le fossé séparant le RSA du travail, en permettant à ceux qui en bénéficieront d’avoir moins d’appréhension et de revenir par étape sur le marché du travail. Je sais, pour la connaître un peu, que Corinne Imbert a la fibre sociale, raison pour laquelle elle défend l’insertion par l’activité et le rétablissement de la dignité des personnes au RSA. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, sur l'article.

Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens maintenant parce que je tiens à dire que j’ai le sentiment que cette proposition de loi divise, comme en témoigne notre débat d’aujourd'hui. La France a-t-elle besoin de ce spectacle de division, alors que nous affirmons tous vouloir insérer les personnes en difficulté ? Ma réponse est « non ». Nous accablons en effet les uns et exacerbons les injustices ressenties par les autres, ce qui n’est bon ni pour la France ni pour l’image que nous donnons.

J’en viens directement à l’alinéa 3 de l’article 1er, car je ne comprends pas. Il s’agirait d’attribuer les allocations à partir du moment où le dossier est complet, mais n’est-ce pas déjà ce qui est fait dans chacun de nos départements ?

Dans le département de la Mayenne, où je m’occupe tout particulièrement d’insertion, lorsqu’une personne fait la demande d’une allocation RSA, nous l’invitons à participer à une journée RSA dans les trente jours qui suivent sa demande. C’est donc avec tous ses justificatifs que la personne se présente. Ses droits sont ouverts à la date à laquelle elle a fait sa demande si tous les documents nécessaires sont dans les mains du président.

S’il nous arrive parfois de faire une avance sur les allocations demandées, c’est parce que nous disposons d’une évaluation de nos travailleurs sociaux faisant apparaître l’indigence de la famille, et nous aidons cette famille.

Je ne comprends donc pas pourquoi ce texte viendrait nous dire comment les choses doivent se dérouler, alors que, dans mon département en tout cas et certainement dans beaucoup d’autres, elles se passent de la façon que je viens de le décrire.

Finalement, tout cela montre que les départements ont des difficultés pour instruire les dossiers. Mais est-ce au demandeur de bonne foi de supporter les retards d’instruction ? Ma réponse est également « non ».

Je voterai bien évidemment l’amendement déposé par mon collègue Gérard Roche visant à supprimer cet article. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vergoz, sur l'article.

M. Michel Vergoz. On peut faire des erreurs, même de bonne foi ! Et celle que Les Républicains commettent est de taille.

Tout d’abord, je me félicite qu’aucun des amendements déposés sur ce texte n’émane du groupe socialiste et républicain.

Ensuite, je regrette qu’aucun éclairage ne nous ait été apporté par la Délégation nationale à la lutte contre la fraude. Il a simplement été rappelé que, en 2013, la fraude a été estimée à 4,5 milliards d’euros. Paradoxe, nous étions sur la « bonne voie », il y avait du « positif », pour reprendre les termes de votre rapport, madame la rapporteur.

Je suis maire d’une ville de La Réunion. Je parle avec mon cœur, car, quand dans l’Hexagone le taux de RMIstes est à 2 % ou 3 %, il se situe entre 10 % et 12 % chez moi. C’est donc une affaire très sérieuse qui me touche au plus profond de moi-même. Quand il y a des tensions sociales, il n’y a pas de développement économique. Tout est lié : la paix sociale et la solidarité sociale sont le terreau du développement économique par la dignité d’un peuple.

Cette proposition de loi est un constat d’échec. Vous nous aviez dit que le RMI avait échoué, mais dites-le, criez-le, c’est désormais au tour du RSA ! Pourtant, quand M. Sarkozy était venu chez nous vanter ce nouveau dispositif, on nous avait dit qu’on allait voir ce qu’on allait voir ! Mais, patatras, tout s’est effondré, parce que le marché ne peut pas proposer plus d’emplois qu’il n’en crée.

J’ai le sentiment que, chez Les Républicains, les ultralibéraux – ils sont nombreux – lancent un premier coup de boutoir pour fragiliser, au travers de cette proposition de loi, les bénéficiaires des allocations sociales, pour les pousser à l’autoculpabilisation avant de les réduire à l’extrême docilité, voire au silence. Puis viendra le temps de l’allocation unique : plus de RSA, plus d’allocation logement, plus d’allocation de rentrée scolaire, plus de prime de Noël. On verra alors ce qu’il arrivera !

M. Roland Courteau. Ça promet !

M. Michel Vergoz. Le moment est venu de choisir son camp pour que notre République donne le rayonnement nécessaire à ce beau mot de solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, sur l'article.

M. Éric Doligé. Tout d’abord, je tiens à remercier les cosignataires du texte ainsi que Mme Imbert, pour la présentation qu’elle a faite et pour toutes les avancées qui ont pu avoir lieu en commission des affaires sociales.

Je suis surpris de certains propos. Chacun est libre de présenter des textes dans cet hémicycle, qu’ils plaisent ou non. Cela doit permettre un débat serein, plutôt que l’expression d’une agressivité que j’ai pu ressentir au travers d’un certain nombre d’interventions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il n’y a aucune volonté de stigmatiser tel ou tel au travers de ce texte.

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est quand même pas un texte amical !

M. Éric Doligé. C’est peut-être la lecture que vous en faites, mais telle n’est pas l’intention de ses auteurs. C’est vous, au contraire, qui avez essayé de stigmatiser certains d’entre nous, ce qui n’est pas très agréable.

J’ai été, comme d’autres, président de conseil général. Madame la secrétaire d’État, vous avez minimisé le montant global des prestations sociales du département, en disant qu’il atteignait 750 milliards d’euros au niveau national et seulement 10 milliards d’euros pour ce qui concerne le RSA. Vous avez ainsi mis en cause le bien-fondé de ce texte. Il s’agit pourtant d’un sujet qui a du sens pour les départements.

Cela fait des années et des années que, sur toutes les travées, nous nous battons avec les gouvernements successifs pour essayer d’obtenir les moyens financiers nécessaires pour continuer à payer le RSA.

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas le sujet !

M. Éric Doligé. Je pourrais vous citer certains départements, comme celui du Nord, qui ne verse plus cette allocation que onze mois sur douze, parce qu’il n’a pas les moyens de faire autrement, se plaçant ainsi dans une situation de légalité douteuse. Cela dure depuis un certain nombre d’années et témoigne des difficultés financières majeures auxquelles sont confrontés les départements.

Les prestations sociales représentent 50 % des frais de fonctionnement d’un département, soit 90 % de son budget. Or le RSA constitue une part importante de ces prestations sociales.

Selon vous, des fraudes existent, certes, mais elles n’atteignent que 7 % de la valeur globale distribuée, et il n’est donc pas nécessaire de s’y intéresser. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est de la manipulation !

M. Éric Doligé. Sachez que les CAF se préoccupent relativement peu du sujet, puisque les sommes distribuées provenant des départements ne représentent que 6 % à 7 % de leur budget. Or 7 % de « triche » sur 7 % de leur budget, cela fait 0,5 %. Les CAF ne font donc pas les efforts suffisants pour rechercher les fraudes évidentes.

Je voulais, par ce texte, relever les fraudes évidentes qui représentent des centaines de millions d’euros pour les départements. En cette période, une telle somme mérite tout de même qu’on se penche sur la question. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, sur l'article.

M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais évoquer deux ou trois petites choses que je retiens de mon passé d’élu au sein d’un conseil général.

C’était l’honneur des conseils généraux hier et, aujourd'hui, des conseils départementaux de s’occuper de l’aide sociale et de ne pas laisser les plus démunis au bord du chemin.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. François Fortassin. La solidarité n’est pas plus d’un côté que de l’autre, car chacun peut avoir des qualités de cœur. Toutefois, veillons à l’utilisation que nous faisons d’un certain nombre de termes.

Parler de fraude s’agissant de ceux qui bénéficient du RSA, c’est oublier que, dans d’autres cas, la fraude se nomme « optimisation fiscale »… (Rires et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) Entre les deux, la limite n’est souvent pas très nette.

Je vous invite, mes chers collègues, à réfléchir à ce problème. Si les plus démunis fraudent, il faut les rechercher et, c’est normal, les sanctionner, mais ils n’ont pas, contrairement aux nantis, de cabinets d’avocats pour savoir comment frauder… (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Au premier alinéa de l’article L. 243-4 du code de la sécurité sociale, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans ».

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Il y aurait beaucoup à dire dans le cadre du débat sur l’article 1er. Mais chaque chose devant être considérée à sa juste proportion, je ferai référence à des chiffres précis, ceux qui sont indiqués dans le rapport de 2014 de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Il fait état d’une fraude qui semble vous ennuyer quelque peu, puisqu’il n’en est pas fait mention dans votre proposition de loi.

Ce rapport centralise les efforts fournis par les contrôleurs de l’URSSAF. Il apparaît que six contrôles complets de comptabilité sur dix effectués par les agents du recouvrement social dans les entreprises conduisent à un redressement.

Concrètement, près de 50 000 redressements ont été notifiés par cette procédure sur 80 000 contrôles. Il se trouve que la première source de redressement provient des allégements de cotisations, dits allégements Fillon, qui sont très souvent trop largement estimés. Voilà une première réalité.

Par ailleurs, dans les secteurs les plus enclins à pratiquer la fraude – bâtiment et travaux publics, gardiennage, hôtellerie, nettoyage, spectacle, service aux entreprises et transports –, le montant moyen du redressement opéré est passé, de 2013 à 2014, d’environ 30 000 euros à près de 65 000 euros. Voilà une deuxième réalité.

Si on considère les contrôles aléatoires, la situation est également intéressante. L’un des secteurs particulièrement surveillés, le gardiennage et la sécurité privée, où les salaires sont faibles, a fait ainsi l’objet de 503 contrôles dits aléatoires.

Malgré la surveillance attentive de l’URSSAF, alors que le taux de fraude a été déclaré très important, il faudrait six ans pour assurer le contrôle de toutes les entreprises concernées. C’est d’autant plus dommageable que 29 % des contrôles ont fait l’objet d’un constat de fraude. Voilà la réalité !

Parmi les fraudes qui ne sont pas évoquées au travers de cette proposition de loi, je citerai notamment la minoration des heures de travail effectuées.

Les chiffres que je viens de donner témoignent du bien-fondé de cet amendement. Son adoption permettrait de mieux lutter pour la réduction et l’élimination des déficits publics, considération que vous avez, hélas, négligé d’introduire dans cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteur. Cet amendement prévoit un doublement du délai de garantie de paiement des cotisations et des majorations et pénalités de retard en cas de fraude aux cotisations sociales.

Il tend également à supprimer les autres dispositions de l’article 1er.

Les auteurs de cet amendement poursuivent l’objectif louable, partagé par l’ensemble de cette assemblée, de lutter contre la fraude aux cotisations sociales. Cependant, une telle mesure ne trouve pas sa place dans un texte relatif aux fraudes aux prestations sociales.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, votre objectif est tout à fait louable : par cet amendement, vous envisagez la fraude de façon beaucoup plus globale que ne le font les auteurs de la proposition de loi.

Néanmoins, il n’est pas totalement certain que votre proposition réponde à l’objectif que vous vous fixez. Votre amendement tend à doubler, en la faisant passer d’un à deux ans, la durée de garantie du recouvrement des cotisations par les URSSAF.

L’efficacité d’une telle prolongation se discute : dans la plupart des cas, les URSSAF sont en effet assez réactives. Je ne dis pas qu’une telle mesure ne serait pas utile pour améliorer les recouvrements des URSSAF ; mais je ne suis pas certaine qu’elle le serait ! Ce sujet mérite donc certainement d’être étudié de façon un peu plus approfondie.

De surcroît, il est vrai que cet amendement aurait davantage sa place dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je vous demande par conséquent de bien vouloir le retirer, monsieur le sénateur, afin que nous puissions y réfléchir tranquillement dans le temps qui nous sépare de la discussion du PLFSS pour 2017.

Mme la présidente. Monsieur Watrin, l'amendement n° 9 est-il maintenu ?

M. Dominique Watrin. Non, je le retire, madame la présidente. Je pense néanmoins que nous avons vraiment visé juste. Nous prenons donc date en vue du PLFSS.

Mme la présidente. L'amendement n° 9 est retiré.

L'amendement n° 1, présenté par M. Roche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

2° L’article L. 262-18 est ainsi modifié :

a) Les mots : « du dépôt de la demande » sont remplacés par les mots : « à laquelle la demande est complète » ;

b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, le président du conseil départemental peut décider, à titre exceptionnel et sur demande de l’organisme qui a reçu la demande, que le droit est ouvert à la date de dépôt de la demande, même incomplète. »

La parole est à M. Gérard Roche.

M. Gérard Roche. Le présent amendement vise à rétablir l'article 1er dans sa version initiale, qui prévoyait que le président du conseil départemental puisse décider à titre exceptionnel et sur demande de l’organisme ayant reçu la demande que le droit au RSA soit ouvert à compter de la date de dépôt de la demande, même si celle-ci est incomplète.

La commission a décidé de supprimer cette possibilité. Fidèles à l’esprit de leur proposition de loi, ses auteurs ont souhaité que le droit au RSA ne soit ouvert qu'à compter de la date de dépôt d'une demande complète. Si je comprends leur logique, je préfère maintenir cette faculté offerte au président du conseil départemental d'ouvrir le droit malgré le caractère incomplet de la demande.

Il peut en effet se trouver, dans certains cas, que les demandeurs aient des difficultés à réunir la totalité des pièces du dossier. Les priver de ce droit durant cette période risque de leur être préjudiciable, alors même que leur dossier pourrait, en définitive, être complété.

J’ai dit tout à l’heure, parlant au nom de mes amis, que j’étais globalement défavorable à cette proposition de loi. Mon rôle est aussi, cependant, pour le cas où ce texte serait adopté, de proposer des amendements, afin de tenter d’améliorer les choses qui nous semblent aller dans le mauvais sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?