Mme Annie David. Je rappelle que nous examinons l’article 30, qui concerne le licenciement économique, et non la rupture conventionnelle…

Cet amendement, qui vise à réécrire complètement cet article, a pour objet de renforcer l’équilibre et la justice de notre modèle social, lequel, je vous le rappelle, mes chers collègues, a historiquement été construit tant par les luttes nationales que par les luttes européennes.

Clairement, nous ne souhaitons pas mettre à mal un équilibre nécessaire entre deux principes constitutionnellement garantis : d’une part, le droit pour chacun d’obtenir un emploi et de le conserver et, d’autre part, le droit d’entreprendre. Obtenir un emploi n’est en effet pas une chance, madame la ministre, mais bien un droit. Vous avez dit que les mesures d’accompagnement du plan de sauvegarde de l’emploi donnaient une chance au salarié de retrouver un emploi : non, c’est un droit !

Soyons lucides, mes chers collègues : toutes les mesures censées régler la question des licenciements abusifs proposées au fil des décennies n’ont absolument pas atténué le phénomène. Plusieurs d’entre vous l’ont rappelé : il y a eu les Molex, les Goodyear, les Aubade, les Lu… Les plans sociaux se sont succédé.

Notre groupe s’attendait à ce que nous soyons unanimes quant à la nécessité de lutter contre les licenciements boursiers. Notre collègue Catherine Deroche était d’ailleurs parvenue à faire l’union droite-gauche en déclarant que, « bien évidemment, il faut dénoncer les licenciements qui seraient imposés par des entrepreneurs à la recherche de leur seul profit et qui ne seraient pas justifiés par des questions économiques ».

Notre amendement tend donc à redéfinir le licenciement économique pour le réduire à trois critères : la cessation d’activité ; les difficultés économiques avérées, et non anticipées, comme c’est actuellement le cas ; les mutations technologiques. N’oublions pas en effet, et vous l’avez d’ailleurs dit, madame la ministre, que 90 % des licenciements économiques reposent sur la sauvegarde de la compétitivité. DCNS a ainsi réussi à créer une crise économique artificielle en faisant une provision pour risques et charges, puis a engagé un plan social touchant près de 2 000 personnes !

Avec cet amendement, comme avec l’ensemble de nos amendements, nous souhaitons donc sécuriser la situation des salariés tout en respectant la liberté constitutionnelle d’entreprendre.

Vous avez parlé, madame la ministre, de charge anxiogène, mais allez discuter avec des salariés ! Je vous ai parlé hier d’Arjowiggins et d’autres entreprises…

Mme la présidente. Il vous faut conclure, madame David.

Mme Annie David. Mon temps de parole est écoulé, mais j’aurai l’occasion de vous en reparler.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Il est, bien entendu, défavorable.

Mme David a à nouveau exposé une approche du licenciement économique dont on peut comprendre certains ressorts sur le plan humain, mais je reste persuadé que l’entreprise doit, lorsqu’elle a des difficultés, pouvoir licencier le plus rapidement et le plus simplement possible, ce que le dispositif gouvernemental ne permet pas non plus. En procédant très rapidement à deux ou trois licenciements, elle peut en éviter dix ou quinze à l’échéance de trois à six mois. La simplicité est donc nécessaire.

À cet égard, la notion de durée qui figure dans le texte d’origine n’a pas de sens, car la durée dépend du cycle économique de l’entreprise. Une grande entreprise qui construit des paquebots peut rester deux ans sans commandes et avoir néanmoins un très bon plan de charge. Pour une entreprise qui vend au détail, la commande est en revanche pour ainsi dire quotidienne. La distinction qui a été introduite entre les entreprises ayant des difficultés pendant deux, trois ou quatre trimestres n’a donc, je le répète, pas de sens.

Le secteur d’activité et un faisceau de critères, parmi lesquels l’amplitude des difficultés, doivent être pris en considération. C'est pourquoi nous avons inscrit dans le texte deux exemples, la perte de 30 % du chiffre d’affaires ou de l’encours des commandes ou d’un marché représentant 30 % du chiffre d’affaires, qui servent à baliser ce que sont des difficultés réelles et immédiates.

Il faut apprécier les choses de manière pragmatique et ne pas évacuer la réalité, car c’est celle-ci qui doit être retenue, comptable et financière de l’entreprise, c'est-à-dire, par exemple, ne pas prendre uniquement en compte une diminution apparente de la rentabilité ou une période sans chiffre d’affaires, car ce n’est pas grave si suffisamment de commandes ont été accumulées.

Ces éléments concrets près desquels il convient de rester ne peuvent pas être définis par la loi. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons un décret.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il est également défavorable, même si, comme nous tous ici, j’ai bien conscience que l’objectif est la préservation de l’emploi, objectif que nous partageons tous.

Un licenciement économique est prononcé pour des motifs non inhérents à la personne du salarié et est supposé fondé sur une cause réelle et sérieuse. C’est aujourd'hui la principale garantie contre les licenciements boursiers. D’ailleurs, le rôle de l’administration en matière d’homologation des PSE est une garantie à la fois pour l’employeur et pour les salariés.

Vous proposez, madame David, de modifier les articles relatifs au licenciement économique tels qu’ils résultent de la loi du 14 juin 2013 qui a transposé l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Vous supprimez également le recours à la rupture conventionnelle en même temps que l’ANI de 2008. Vous proposez donc de revenir sur des règles négociées avec les partenaires sociaux, sur lesquelles je n’entends pas revenir. Je pense que la suppression de ces deux importants ANI serait un signal très négatif en direction des mêmes partenaires sociaux.

Je le redis, l’homologation de l’administration est une garantie essentielle pour lutter contre les licenciements boursiers. Elle fait partie de l’édifice qui a été ainsi construit et sur lequel vous voulez aujourd'hui revenir, mais je ne crois pas que ce soit en rigidifiant à l’excès des règles pourtant négociées par les partenaires sociaux que l’on favorisera l’emploi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. J’ai entendu que, sur le plan humain, notre amendement se comprenait, mais ce n’est pas seulement sur ce plan, monsieur le rapporteur, que cet amendement est fondé ! C’est aussi sur celui de la préservation de l’emploi, à laquelle, Mme la ministre le disait, nous sommes tous attachés. Cependant, nous prenons des chemins parfois très éloignés pour assurer cette préservation de l’emploi.

Je voudrais vous parler d’entreprises de mon département où l’administration aurait dû normalement, comme vous le dites, madame la ministre, permettre qu’il n’y ait pas de licenciements économiques parce qu’elles avaient elles-mêmes organisé leur faillite.

L’entreprise Sober a été rachetée par un fonds de pension américain et intégrée dans un autre groupe de prothèses médicales. Eh bien, le site de cette entreprise, qui était à la pointe de la fabrication, a été pillé ! Les stocks ont été sciemment vidés pour être envoyés dans un autre pays et les salariés se sont retrouvés licenciés le jour même. L’administration n’a pas eu le temps de faire quoi que ce soit, car tout le monde a été mis devant le fait accompli.

Je vous ai parlé d’Arjowiggins, entreprise florissante de papeterie qui, elle aussi, a été pillée.

Chaque fois, on ne laisse que des friches industrielles dans nos territoires ruraux, où les emplois sont déjà assez rares, et les élus doivent se débrouiller avec ça !

Je peux vous parler aussi de l’entreprise Ecopla, qui a connu le même sort que Sober : de petit bout en petit bout, cette filiale de Pechiney Rhenalu a été pillée par le propriétaire sino-australien actuel. Il restait encore quatre-vingts salariés sur le site de cette entreprise, qui était le seul fabricant en France de plats en aluminium. On a tous mangé un jour un cake Brossard par exemple…

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. C’est la madeleine de Proust !

Mme Annie David. Eh bien, la barquette en aluminium venait du département de l’Isère, venait de Saint-Vincent-de-Mercuze, venait d’Ecopla ! Cette entreprise, pareillement que Sober, pareillement qu’Arjowiggins, pareillement que Vencorex sur la plateforme chimique du Pont-de-Claix, vient d’être pillée par un entrepreneur peu scrupuleux, car, oui, il y a des entrepreneurs vertueux, mais il y a aussi des entrepreneurs peu scrupuleux. Pour le coup, il s’agit d’un entrepreneur qui se soucie très peu de la préservation de l’emploi, qui va prendre les machines et les amener en Italie, en n’en ayant rien à faire de ce qu’il va advenir du site qu’il laisse derrière lui.

Il y a donc non seulement de l’humanité dans cet amendement, mais aussi la volonté de préserver l’emploi dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Pour ne pas laisser le monopole des exemples au groupe CRC, je vais moi aussi en citer un ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. On l’attendait !

M. Jean Desessard. J’avais posé une question orale à propos de la faillite organisée d’une entreprise d’étiquetage de la Sarthe, que son patron avait rachetée pour tuer la concurrence. Ce dernier s’était arrangé pour faire des achats surdimensionnés et sans rapport avec l’activité de l’entreprise, de sorte que celle-ci, qui avait jusque-là une gestion saine, a eu un déficit qui l’a conduite à la faillite. Évidemment, les salariés ont été licenciés.

Mme Annie David. Et voilà !

M. Jean Desessard. Je n’ai pas eu de réponse et, la seule fois que cette question est réapparue, c’est dans Complément d’enquête, émission dont les journalistes ont découvert que ce patron voyou utilisait les paradis fiscaux pour placer ses bénéfices… Tout va de pair !

Mme Annie David. Exactement !

M. Jean Desessard. Voilà comment on organise une faillite voulue pour tuer la concurrence, alors que c’était une entreprise saine qui assurait l’étiquetage pour plusieurs sociétés de la Sarthe et à proximité ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je voterai contre cet amendement.

Je voudrais répondre à Mme David : oui, trouver un emploi est un droit, mais c’est aussi une chance ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Je crois que nous n’avons pas tous la même conception du travail. Travailler, c’est aussi s’épanouir, s’accomplir, créer du lien.

Ce matin, à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, nous avons reçu la présidente du Secours catholique qui expliquait que, en effet, certains salariés gagnaient en dessous du seuil de pauvreté, parce qu’ils avaient des emplois assez contraints, des temps partiels, de longue distance à parcourir, mais qu’ils faisaient tout pour garder leur travail.

La majorité sénatoriale souhaite préserver les emplois, mais elle souhaite aussi s’adapter au monde qui change. Nous ne sommes pas sur une île déserte : nous devons favoriser les entreprises pour qu’elles puissent répondre aux besoins de demain et créer les métiers qui n’existent pas aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je veux apporter une précision sur le critère de sauvegarde de la compétitivité, qui est en effet beaucoup utilisé, notamment par les grands groupes.

La sauvegarde de la compétitivité, dans le texte du Gouvernement, ne concerne ni les licenciements boursiers ni l’ajustement systématique par l’emploi. Ce n’est que la reprise d’une jurisprudence constante depuis 1995.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Dans ce cadre, il ne suffit pas d’invoquer un motif lié à la sauvegarde de la compétitivité pour licencier : il faut que la marche de l’entreprise à moyen terme soit vraiment en danger et qu’il apparaisse clairement que le licenciement économique va permettre de préserver des emplois plus tard, éléments que le juge – c’est important – contrôle strictement.

Il en ira exactement de même demain avec le texte du Gouvernement : nous ne faisons que codifier la jurisprudence de 1995.

Quant au texte proposé par la commission, il permet de licencier plus facilement sur la base du critère de sauvegarde de compétitivité, car, si l’entreprise perd 30 % des commandes ou d’un marché, c’est bon, elle peut procéder à un licenciement économique, ce qui n’est pas le cas avec le texte du Gouvernement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 725.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 726, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 12

Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :

I. – L’article L. 1233-3 du code du travail est ainsi modifié :

a) Après le mot : « consécutives », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « à une cessation d’activité ou à des difficultés économiques qui n’ont pu être surmontées par la réduction des coûts autres que salariaux ou, à des mutations technologiques indispensables à la pérennité de l’entreprise, et dès lors que l’entreprise n’a pas recours au travail intérimaire ou à la sous-traitance pour exécuter des travaux qui pourraient l’être par le ou les salariés dont le poste est supprimé. » ;

b) Après le premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« L’entreprise devra avoir cherché par tous moyens adaptés à sa situation d’éviter un licenciement pour motif économique, de sorte que le licenciement pour motif économique constitue le dernier recours pour assurer sa pérennité.

« L’appréciation des difficultés économiques ou des mutations technologiques s’effectue au niveau de l’entreprise si cette dernière n’appartient pas à un groupe.

« Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’appréciation des difficultés économiques ou des mutations technologiques s’apprécie au niveau du secteur d’activité du groupe.

« Les situations visées au premier alinéa qui seraient artificiellement créées ainsi que celles résultant d’une attitude frauduleuse de la part de l’employeur, ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. »

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Dans la continuité de notre amendement précédent, qui encadre les licenciements abusifs, nous vous proposons une nouvelle rédaction des motifs du licenciement économique.

Si, pour les entreprises, le licenciement se résume souvent à agir sur les coûts de production, les marges et la préservation des dividendes, pour les salariés, c’est la mise en cause de leur vie et de celle de leur famille. Le chômage tue. Le rapport du Conseil économique, social et environnemental est sans appel : près de 20 000 décès par an font suite à une perte d’emploi. Dès lors, il est impératif que le licenciement économique soit envisagé comme le recours ultime pour assurer la survie de l’entreprise.

Voilà pourquoi il faut des critères limitatifs et strictement encadrés du licenciement économique : la cessation d’activité, les difficultés économiques ou des mutations technologiques. De plus, chacun de ces motifs doit être clairement explicité : il faut que les difficultés économiques conduisent « à une cessation d’activité ou qu’elles n’aient pu être surmontées par la réduction des coûts autres que salariaux ». De même « les mutations technologiques doivent être indispensables à la pérennité de l’entreprise ».

Enfin, les motifs ne peuvent être réels et sérieux que si l’entreprise n’a pas recours au travail intérimaire ou à la sous-traitance pour exécuter des travaux qui pourraient l’être par le ou les salariés dont le poste est supprimé.

Sanofi, Heuliez, Molex, Goodyear… La liste est loin d'être d’exhaustive, et Annie David et Jean Desessard ont cité d’autres exemples d’entreprises qui ont fait le choix de la réduction de la masse salariale, de fermetures de site non pas pour suivre une politique industrielle, mais pour répondre à une logique purement financière.

C’est un peu le pouvoir financier et la loi du marché qui décident ainsi de l’avenir de nos territoires ! Mes chers collègues, il n’est plus possible de voir nos capacités de production disparaître de ces derniers.

Mme la présidente. L'amendement n° 877, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

consécutives notamment :

par les mots :

caractérisées par l’ensemble des éléments de nature à justifier de ces difficultés.

II. – Alinéas 3 à 8

Supprimer ces alinéas.

III. – Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Le projet de loi revient sur la qualification du licenciement pour motif économique.

La commission des affaires sociales a retenu comme critère la baisse de 30 % pendant deux trimestres consécutifs des encours des commandes ou du chiffre d’affaires de l’entreprise. Cette baisse est éventuellement constatée par comparaison avec la même période de l’année précédente.

Le même raisonnement est proposé pour la perte d’un marché représentant 30 % des commandes ou du chiffre d’affaires de l’entreprise.

Ces éléments sont trop réducteurs. En effet, la situation économique ne peut se limiter à la seule appréciation du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation, de marché ou de trésorerie. Le chiffre d’affaires, par exemple, constitue parfois un critère inopérant : une entreprise dont le chiffre d’affaires baisse peut parfaitement enregistrer une progression de son bénéfice.

Face à ce constat, nous préférons poser un principe générique de difficultés économiques. Ce principe permettra au juge d’apprécier la réalité des difficultés en tenant compte à la fois de la taille, de l’organisation et de la situation sur le marché de l’entreprise concernée.

Accroître le pouvoir d’appréciation du juge présente un autre avantage : éviter une présentation artificielle des comptes dans l’hypothèse où l’entreprise appartient à un groupe. En effet, il est malheureusement courant que des entreprises ou des groupes transfèrent artificiellement des pertes sur nos entreprises nationales pour justifier des licenciements économiques auxquels ils veulent procéder dans un cadre légal.

Mme la présidente. L'amendement n° 728, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 4

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« 1° À des difficultés économiques qui n’ont pu être surmontées par la réduction des coûts autre que salariaux ;

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Chacun l’aura compris, il s’agit d’un amendement de repli, qui va dans le sens des amendements que viennent de défendre Michel Le Scouarnec et Jean Desessard.

Nous voulons revenir sur la définition et donc l’élargissement du champ du licenciement économique, car, avec la définition qui nous est proposée, les difficultés économiques seraient définies par la seule baisse des commandes ou du chiffre d’affaires. Or, on l’a dit, une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires peut être organisée lorsqu’une entreprise veut fermer un site, comme, hélas, nous en avons les uns et les autres de multiples exemples dans nos départements.

Face à ces faillites organisées, je le répète, l’administration ne peut rien faire puisqu’elle se retrouve devant le fait accompli face à une déclaration de liquidation judiciaire.

Après la déclaration de liquidation judiciaire qui est tombée vendredi dernier, le juge-commissaire a en plus décidé de retenir non pas la proposition des salariés, qui avaient pourtant monté un vrai projet de société coopérative de production pour reprendre l’activité et la relancer avec le matériel à l’intérieur du site, mais celle d’un acheteur italien qui va juste prendre les machines pour les amener en Italie afin d’éviter toute concurrence – cette entreprise était le leader européen – et laisser sur place des salariés qui ont pourtant le savoir-faire et la compétence.

Parce que l’Italien met 1,2 million d’euros sur la table, somme qui va permettre de rembourser les créanciers, le juge-commissaire choisit de ne pas défendre l’emploi et d’abandonner un site sur un territoire où, malheureusement, comme dans beaucoup d’autres départements, l’emploi est déjà bien malmené.

Nous avons vécu plusieurs fermetures d’usine ces dernières années, par exemple dans les secteurs de la papeterie et de la chimie. Aussi, madame la ministre, si vous entendez vraiment préserver l’emploi, ce n’est pas avec cet article 30 tel qu’il est rédigé que vous y parviendrez.

Mme la présidente. L'amendement n° 384 rectifié bis, présenté par MM. Marie, Néri, Labazée et Cabanel, Mme Lienemann, MM. Gorce, Madrelle, Durain et Anziani, Mme Tocqueville et M. Masseret, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° À des difficultés économiques suffisamment importantes et durables ;

II. – Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

III. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 2° À une réorganisation de l’entreprise justifiée par une anticipation raisonnable des difficultés économiques à venir, dès lors que la réorganisation envisagée a pour objectif la pérennité de l’entreprise et des emplois ;

IV. – Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

V. – Après l’alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« L’entreprise doit avoir cherché par tous moyens adaptés à sa situation à éviter un licenciement pour motif économique par les dispositifs cités aux articles L. 5122-1 et L. 5125-1, de sorte que le licenciement pour motif économique constitue le dernier recours pour assurer sa pérennité.

« Les situations mentionnées aux 1° et 2°, artificiellement créées afin de procéder à des suppressions d’emplois ainsi que celles résultant d’une attitude frauduleuse de la part de l’employeur, ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. »

VI. – Alinéas 9 à 20

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Georges Labazée.

M. Georges Labazée. Les entreprises réellement en difficulté peuvent, en l’état actuel du droit, licencier des salariés. S’il y a contestation, les juges examinent la situation des entreprises au cas par cas.

Or la rédaction de cet article, que ce soit avec la consécration d’indicateurs inappropriés ou la prise en compte d’un périmètre inadapté puisque réduit au seul territoire national, facilitera les licenciements boursiers. Elle aboutit également à une restriction du champ d’appréciation des difficultés économiques par le juge, qu’elle empêche ainsi de contrôler le sérieux du motif invoqué par l’entreprise.

Aujourd'hui, le juge ne se contente pas de constater une baisse du chiffre d’affaires ou des commandes pour apprécier les difficultés économiques. Il vérifie si ces difficultés sont réelles et ne résulte pas d’un comportement intentionnel ou frauduleux de la part de l’employeur.

Cet amendement a pour objet de renforcer les critères du motif économique de licenciement et de garantir leur libre évaluation par le juge. Il prévoit également de permettre au juge d’apprécier la réalité des difficultés au niveau du groupe et non du seul territoire national.

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme la présidente. L'amendement n° 727, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Il s’agit d’un amendement de repli.

L’article 30, nous l’avons dit et répété, et pas seulement sur les travées du groupe CRC, inscrit dans la loi la possibilité pour un employeur de licencier afin de permettre de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise. Bien que ce motif soit prévu par la jurisprudence de la Cour de cassation, les termes de « sauvegarde de la compétitivité » laissent de grandes marges de manœuvre aux employeurs pour supprimer des emplois en dehors de toute difficulté économique. Mme la ministre a essayé de nous rassurer en disant que la notion de sauvegarde de la compétitivité telle que la conçoit le Gouvernement était encadrée, mais elle n’y est pas vraiment parvenue !

Comme de nombreux juristes, nous ne souscrivons en effet pas à l’idée selon laquelle les obstacles juridiques au licenciement économique et les risques judiciaires auxquels les employeurs s’exposeraient seraient, aujourd'hui encore et y compris avec ce projet de loi, trop importants. Les législations successives ont déjà permis de nombreux assouplissements des modalités et des formes de rupture des contrats de travail, nous les avons déjà évoqués.

Les exemples que nous avons donnés dans cet hémicycle sont criants, frappants, parlants, et je ne crois donc pas nécessaire d’ajouter d’autres arguments pour défendre cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 894 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Bertrand et Guérini et Mmes Jouve et Malherbe, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Hermeline Malherbe.

Mme Hermeline Malherbe. L’examen des amendements de suppression de l’article 30 dans son ensemble comme la présentation de ces amendements portant sur différents alinéas montrent que cet article suscite – c’est le moins que l’on puisse dire – des interrogations.

Quant aux exemples cités, ils renvoient à une réalité humainement difficile à supporter pour ceux qui la vivent, et je partage l’émotion qu’a exprimée Mme David. Ces situations existent et, dès lors, notre mission de parlementaire est de prendre du recul et de voir quelles sont nos marges de manœuvre pour mieux encadrer les procédures tout en laissant aux entrepreneurs la possibilité d’avoir de l’ambition et de favoriser l’emploi.

Je veux cependant dire aussi qu’il est faux qu’un licenciement soit toujours difficilement vécu. J’ai fait du reclassement pendant quinze ans. Il y a bien sûr des salariés qui vivent mal leur licenciement, parce qu’il y a des situations très difficiles, et je l’ai moi-même vécu familialement. Pour autant, le licenciement est parfois vécu comme un redémarrage ou une chance de faire autre chose. On ne peut donc pas généraliser sur le plan humain.

Notre rôle à nous est en tout cas de faire tout ce qui est possible pour que la personne puisse mieux rebondir, quelles que soient les circonstances dans lesquelles intervient le licenciement.

S'agissant de mon amendement, la suppression de l’alinéa 11 permettrait de revenir au texte qui nous est parvenu de l’Assemblée nationale, lequel précise clairement qu’il faut avoir une vision à l’échelle internationale et non pas seulement à l’échelle nationale, car on voit bien que notre législation peut sinon être utilisée à mauvais escient.

Mme la présidente. L'amendement n° 874, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer les mots :

des entreprises du groupe, exerçant dans le même secteur d'activité et implantés sur le territoire national

par les mots :

du groupe

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.