PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Vote sur un projet de délibération

M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de délibération requérant l’engagement de poursuites pour diffamation publique à raison d’écrits contenus dans un ouvrage.

Conformément aux conclusions de la conférence des présidents, et après consultation du bureau du Sénat, qui a approuvé cette démarche, je soumets au Sénat une délibération requérant l’engagement de poursuites pour diffamation publique à raison d’écrits contenus dans l’ouvrage intitulé Le Sénat ; un paradis fiscal pour des parlementaires fantômes.

Conformément aux conclusions de la conférence des présidents, confirmées par le Bureau, nous allons procéder à un vote sans débat. Cette décision fait donc obstacle à toute possibilité d’intervention qui pourrait être regardée comme une explication de vote. Il n’y aura donc pas de prise de parole. Si quelqu’un souhaitait faire une observation, il pourrait la faire à seize heures quinze, à l’occasion d’un rappel au règlement.

Le 2 juin dernier, je vous ai informés de mon intention de saisir la justice, au nom du Sénat, à propos de la publication de l’ouvrage de M. Yvan Stefanovitch intitulé Le Sénat ; un paradis fiscal pour des parlementaires fantômes, publié aux Éditions du Rocher, domiciliées dans la principauté de Monaco.

Ce n’est pas la première fois que nous sommes critiqués.

Le Sénat, je le rappelle et je le réaffirme, à titre personnel et au nom du Sénat, a toujours été le défenseur des libertés publiques et individuelles, notamment de la liberté d’expression et de la liberté d’information. Toutefois, cet ouvrage m’a paru dépasser les limites de l’acceptable.

Je vous fais distribuer le texte de cette délibération, qui a été tenu à la disposition des présidents de groupe.

(Il est procédé à la distribution du projet de délibération. – Voir annexe.)

M. le président. Par-delà sa portée institutionnelle et politique, cette délibération constitue un acte de nature juridique, destiné à remplir les obligations rappelées par la jurisprudence de la Cour de cassation : elle mentionne, dans ses visas, les articles concernés de la loi du 29 juillet 1881 ; elle cite, dans ses considérants, les extraits de l’ouvrage qui sont apparus les plus diffamatoires ; elle prévoit in fine, conformément à la loi du 29 juillet 1881 et sans préjudice des actions personnelles des sénateurs, que le Sénat, réuni en Assemblée, requiert l’engagement de poursuites pour diffamation publique à raison des propos précités.

Cette action en justice, je l’exercerai, non pas en mon nom personnel, mais au nom de l’institution sénatoriale, indépendamment des actions personnelles intentées ou susceptibles de l’être par nos collègues qui s’estimeraient diffamés.

Je vais suspendre la séance pendant dix minutes, afin de permettre à chacune et à chacun de prendre connaissance du projet de délibération. À la reprise, je le mettrai aux voix. Il s’agira d’un vote sans débat, à main levée, conformément aux conclusions de la conférence des présidents.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix le projet de délibération, sous le contrôle des deux secrétaires du Sénat, Mme Catherine Tasca et M. Jackie Pierre.

(Le projet de délibération est adopté à l’unanimité des suffrages exprimés. – Applaudissements.)

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

6

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.

Je rappelle également que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

Comme chaque fois, au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres. Chaque orateur aura à cœur de respecter son temps de parole.

Par ailleurs, je vous signale que la conférence des présidents a rappelé que la réplique était une réplique et non une nouvelle question.

suite du référendum au royaume-uni

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. Olivier Cadic. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

En ce moment même, les Britanniques sont en train de faire un choix décisif non seulement pour leur destin, mais également pour notre destin commun : quitter l’Union européenne ou y rester. Aujourd’hui, c’est l’Histoire qui se joue sous nos yeux. Demain, quel que soit le choix des Britanniques, l’Union européenne ne pourra plus être la même. Chacun doit en avoir conscience. Demain, il faudra remettre l’Union européenne en marche pour éviter de la voir se déliter.

L’Union européenne est la première puissance économique du monde. On ne peut donc pas laisser les Britanniques décider seuls du destin de l’Europe.

Historiquement, la France a vocation à donner une nouvelle impulsion. Elle doit incarner un nouveau projet pour fédérer les membres de l’Union qui le souhaitent, un projet pour une Europe plus intégrée et plus audacieuse, qui redonne envie et fierté à ses habitants, parce que les Européens sont plus forts ensemble !

À l’heure où chacun s’interroge, où est la France, cette France qui était par le passé la première parmi les nations d’Europe à faire entendre sa voix et partager sa vision ?

Monsieur le Premier ministre, quelle que soit l’issue du référendum britannique, quelle sera votre contribution pour renforcer l’Europe ? Quelle Europe la France souhaite-t-elle pour demain ? (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, à l’heure où nous nous exprimons, les citoyens britanniques sont en train de voter. Nous devons donc respecter le processus électoral en cours. C’est au peuple britannique, et à lui seul, de décider de son avenir et de sa place à l’intérieur ou hors de l’Union européenne. C’est un choix souverain qui appartient à chaque État membre.

Je veux vous redire ici la position de la France : nous souhaitons que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne et que le choix de l’unité européenne, de la cohésion, de la défense de nos valeurs communes l’emporte. Nous pensons que c’est l’intérêt du Royaume-Uni et, comme vous, que c’est l’intérêt de l’Europe.

Quelle que soit cependant la décision du peuple britannique, je partage votre avis. La France devra continuer à défendre une approche ambitieuse du projet européen. Oui, unie, l’Europe est plus forte pour faire face aux nombreux défis auxquels elle est confrontée en termes de sécurité, de protection, de soutien à la croissance, de préparation de l’avenir, de citoyenneté, d’actions en faveur de la jeunesse, en particulier en matière d’emploi.

Nous prendrons des initiatives et le Président de la République s’exprimera. Nous le ferons évidemment main dans la main avec nos principaux partenaires, en premier lieu l’Allemagne. Le Président de la République rencontrera en effet la Chancelière au lendemain de ce référendum, avant la tenue du Conseil européen.

C’est ensemble, comme nous l’avons fait ces dernières années, que nous répondrons aux grandes crises. C’est ainsi, la France et l’Allemagne ayant œuvré de concert, que nous avons agi avec la Russie face à la crise et à la guerre en Ukraine. C’est le Président de la République qui est à l’origine de la réunion en « format Normandie » avec le président Porochenko et le président Poutine, sous son égide et en présence de la Chancelière Merkel.

C’est ensemble que nous ferons face à la crise des réfugiés, aux crises en Méditerranée et que nous œuvrons pour la paix en Syrie ; c’est ensemble que nous relancerons la construction européenne. La France sera à ce rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour la réplique.

M. Olivier Cadic. Monsieur le secrétaire d’État, je prends acte de vos engagements, même si j’ai un peu de mal à comprendre quel cap vous avez fixé pour notre pays.

M. Olivier Cadic. Sans initiative ambitieuse et courageuse, l’Europe et la France se trouveront affaiblies et en danger. C’est pour cette raison que l’UDI fait clairement le choix du fédéralisme, qui protégera nos peuples et permettra de renouer avec l’idée de progrès partagé. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC. – Mme Isabelle Debré applaudit également.)

maintien de l’ordre et risque terroriste

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, harassées, épuisées – vous l’avez reconnu vous-même, les syndicats policiers le disent –, nos forces de sécurité sont à bout. État d’urgence, protection des lieux sensibles, Euro 2016, fan zones, manifestations, casseurs, dégradations, interpellations : les forces de sécurité n’en peuvent plus. Et les Français non plus, ceux qui subissent les dégradations en centre-ville, mais aussi ceux qui se demandent ce qui se passe dans ce pays lorsqu’ils voient à la télévision un cortège de violences inépuisables et non contrôlées, au moins en apparence.

Très clairement, les palinodies de ces jours derniers sur l’interdiction puis l’autorisation de la manifestation, sur son caractère statique ou mouvant, sur le parcours – petit, moyen, grand ou circulaire – n’ont pas contribué à rassurer les Français.

Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre sens aigu de l’ordre républicain, mais les Français ne peuvent plus se contenter, et les forces de sécurité non plus, de discours et de postures. (MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Rémy Pointereau applaudissent.)

Tout le monde demande aujourd’hui un véritable plan de restauration de l’ordre public, et non une nouvelle loi, dont on n’a pas besoin, afin de rassurer les Français sur l’État de droit et de remotiver les forces de sécurité. Il s’agit de conforter l’idée que l’ordre public, c’est l’ordre de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur Karoutchi, votre question appelle deux éléments de réponse de ma part.

La meilleure manière de faire en sorte que l’ordre public soit respecté, monsieur le sénateur, c’est d’octroyer des moyens à ceux qui en ont la charge, notamment les policiers et les gendarmes.

Vous appelez de vos vœux un plan de rétablissement de l’ordre public. Je vais le décliner rapidement devant vous : il se traduit par une augmentation de près de 9 000 des effectifs de la police nationale et de la gendarmerie nationale, quand près de quinze unités de forces mobiles et 13 000 emplois ont été supprimés au cours des dernières années. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.) Il se traduit également par une augmentation de 17 % des crédits hors titre II de la police et de la gendarmerie nationales, par l’équipement des brigades anti-criminalité et des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, les PSIG. Enfin, nous faisons ce qu’il faut pour reconnaître le travail des gendarmes et des policiers. Comme vous le savez, les organisations syndicales représentant plus de 60 % des policiers ont signé un protocole de 850 millions d’euros de mesures catégorielles.

Vous avez ensuite abordé la question des manifestations et de leur autorisation. Je veux être extrêmement clair sur ce point : la volonté du Gouvernement, et cela a été la demande constante du Président de la République et du Premier ministre, est que la liberté de manifester soit respectée.

Quant aux casseurs, ils doivent être interpellés. Au total, 1 600 casseurs ont été interpellés, la plupart d’entre eux ayant été placés en garde à vue et traduits devant la justice. Les autres le seront également.

La manifestation du 14 juin ayant donné lieu à des événements extrêmement graves, le Président de la République et le Premier ministre m’ont demandé de discuter avec les organisations syndicales d’un dispositif permettant d’éviter de nouveau la survenue de tels événements. Les organisations syndicales ayant refusé les propositions que je leur ai faites, j’ai personnellement pris la responsabilité, et j’en ai rendu compte au Président de la République et au Premier ministre, de proposer l’interdiction d’une nouvelle manifestation.

Les organisations syndicales ont alors souhaité me revoir et ont accepté, après que j’ai décidé cette interdiction, des propositions que, la veille, elles avaient refusées et qui me paraissaient être de nature à permettre le bon déroulement de cette manifestation.

Nous sommes donc parvenus à concilier la nécessaire sécurité des manifestations et la liberté de manifester. Il ne faut voir là rien d’autre que la volonté de respecter les principes républicains qui ont toujours inspiré l’action du Gouvernement, c’est-à-dire l’usage proportionné de la force, l’intransigeance et la fermeté à l’égard des casseurs, le respect de la liberté de manifester et, à ces fins, la discussion avec les syndicats pour aboutir au compromis nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume. C’est très clair !

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, j’entends bien vos arguments, mais reconnaissez que les allers et retours de ces derniers jours ont donné le sentiment, et ce n’est pas seulement un sentiment, que l’autorité de l’État était bafouée depuis des jours par des responsables – ou non ! – affirmant qu’ils feraient ce qu’ils voulaient, quelle que soit la décision du Gouvernement.

Pensez-vous réellement que l’on pourra continuer longtemps à entendre dire dans ce pays que l’État n’a plus aucune autorité, qu’il ne fait preuve d’aucune fermeté et qu’il ne parvient pas à rétablir l’ordre républicain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

crise du lait

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du RDSE.

M. Yvon Collin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

Cela fait plus d’un an que le marché du lait est confronté à une crise de surproduction dont on ne parvient pas à sortir. Nous en connaissons les causes : la fin des quotas laitiers, la contraction de la demande mondiale ou encore l’embargo russe. Résultat : les cours se maintiennent à un niveau extrêmement bas et les producteurs de lait sont dans des situations financières de plus en plus insoutenables.

Malgré le plan national de soutien à l’élevage, malgré la tentative européenne de rééquilibrer le marché du lait, les éleveurs perdent confiance et craignent pour l’avenir de leur profession.

Nous connaissons tous ici des éleveurs et nous sommes nombreux à les rencontrer régulièrement. Nous savons les efforts qu’ils ont consentis pour adapter leur outil de production aux nouvelles contraintes du marché. Au bout du compte, pour quel avenir ?

Le prix du lait ne cesse de baisser, si bien qu’il se situe depuis deux ans largement en deçà du seuil de rentabilité. Aujourd’hui, le litre de lait est acheté autour de 26 centimes. À ce prix, il est impossible pour de très nombreux producteurs, non seulement de gagner leur vie, mais aussi de préserver leur outil de travail, leur exploitation, ce qui entraîne, en plus des problèmes humains, des risques de cessation d’activité et de désertification rurale.

Pourtant, des marges se consolident à long terme, mais, hélas ! seulement à l’autre bout de la chaîne, jamais chez le producteur !

Monsieur le ministre, vous connaissez parfaitement cette question, vous savez que cette situation ne peut plus durer. Je reconnais que vous n’avez pas ménagé vos efforts, mais il faut persévérer. De nouvelles mesures sont en préparation et des décisions importantes devront être prises la semaine prochaine, à l’occasion du conseil des ministres européens de l’agriculture.

Quelle est la position de la France et quelles sont les propositions concrètes que vous entendez faire, monsieur le ministre, pour permettre une remontée des cours ? Comment comptez-vous convaincre nos partenaires, notamment ceux du Nord, de jouer le jeu de la solidarité européenne ? Enfin, ne faut-il pas envisager à court ou moyen terme le rétablissement des quotas laitiers ? (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la crise laitière, ses conséquences pour les éleveurs laitiers et le niveau de prix du lait, lequel est aujourd’hui celui que vous avez indiqué. De nombreuses exploitations laitières sont en effet en grande difficulté.

Je ne peux pas ne pas rappeler que cette crise est liée à la fin des quotas laitiers, qui a entraîné une explosion de la production laitière à l’échelle européenne, voire mondiale. Ainsi, nous avons déjà dépassé les 220 000 tonnes de poudre de lait stockée depuis le début de l’année, et les stocks continuent de croître.

Dès lors, il importe de maîtriser la production, d’éviter de continuer à produire pour alimenter des stocks qui, un jour, pèseront aussi sur le marché. Puisque la demande n’est pas là, il faut limiter l’offre.

Des points importants ont été marqués. La France avait proposé, dès le début de l’année, que soit appliqué l’article 222 du règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles, sur la maîtrise de la production volontaire. La Commission européenne en a accepté le principe, sans toutefois engager des mesures pour en permettre la mise en œuvre.

Un « triangle de Weimar », c’est-à-dire une rencontre entre la France, l’Allemagne et la Pologne, a débouché sur un texte où les trois pays – c’est très important, l’Allemagne ayant évolué sur le sujet – s’engagent maintenant à demander à la Commission européenne des moyens permettant de mettre en œuvre cette maîtrise de la production.

Ce matin, j’ai rencontré – à sa demande, et je voulais en faire l’annonce devant votre assemblée – le ministre de l’agriculture de Bavière. Cela peut paraître anecdotique, mais c’est très important. La Bavière est un Land qui compte en matière de production de lait. Le ministre bavarois m’a confirmé que les ministres de l’agriculture des Länder souhaitaient unanimement la mise en œuvre de la position française. Il m’a donc confirmé ce matin que nous étions sur la même ligne et que l’ensemble des ministres allemands de l’agriculture, avec le ministre fédéral d’ailleurs, rencontreraient la Commission européenne avant le conseil des ministres, le 15 juillet, puisqu’il y aura un conseil des ministres aussi le 18 juillet, de manière que l’Allemagne, forte de tous ses Länder, pèse en faveur de la mise en œuvre d’une maîtrise de la production.

Est-ce un retour aux quotas ? Il sera difficile de le dire, mais si nous gagnons cette étape majeure, nous aurons marqué un point vers le redressement du marché qu’attendent de nous les exploitants agricoles laitiers. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également)

obtention du doctorat par validation des acquis de l’expérience pour les étudiants des grandes écoles

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour le groupe écologiste.

Mme Corinne Bouchoux. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La publication de l’arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat a réintroduit le débat relatif à la possibilité d’obtenir ce diplôme par la validation des acquis de l’expérience, la VAE. Nous en soutenons le principe. Cette possibilité est ancienne. Déjà offerte par la loi du 17 janvier 2002, elle suscite cependant aujourd’hui l’inquiétude de certains universitaires, docteurs et doctorants.

Les diplômés des grandes écoles bénéficient d’une grande employabilité en France. Nous nous en réjouissons. En revanche, certains d’entre eux rencontrent parfois des difficultés à l’étranger, où c’est le doctorat qui est pleinement reconnu. Ainsi, leur sont parfois préférés des docteurs.

La VAE, dont nous soutenons, je l’ai dit, le principe, pourrait-elle se développer en faveur des étudiants des grandes écoles, sans qu’ils effectuent, pendant un certain nombre d’années, des travaux de recherche approfondis ? Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous rassurer sur ce point ?

Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer l’employabilité des docteurs ? Il avait été ici évoqué que les docteurs pourraient accéder à certains concours de la fonction publique par des voies adaptées. Où en sont les décrets ?

Pour le dire autrement, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes attachés au rapprochement harmonieux entre universités et grandes écoles, mais sans que les uns soient lésés au profit des autres. Pouvez-vous également nous rassurer sur ce point ? (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la réforme doctorale, qui a effectivement fait l’objet d’un arrêté publié en mai dernier et au sujet de laquelle un décret est en cours de préparation.

Vous le savez mieux que quiconque, cette réforme est absolument indispensable. Les docteurs ne sont pas reconnus en France, aujourd’hui, à leur valeur, qu’il s’agisse du privé comme du public, et cet arrêté marque un certain nombre de progrès significatifs.

D’abord, il prend en compte les spécificités disciplinaires, qu’il s’agisse du nombre d’encadrants possible pour un enseignant chercheur ou qu’il s’agisse de la durée minimale des thèses fixée à trois ans.

Il rend beaucoup plus exigeante la formation doctorale qui est mise en œuvre par les écoles doctorales.

Il favorise l’ouverture des thèses à l’international, donc le développement des cotutelles.

Enfin, il permet d’accroître l’employabilité des docteurs dans le privé avec un référentiel d’acquis en termes de compétences transférables.

J’observe d’ailleurs qu’une réforme de cette importance, préparée par de longs et riches débats, a été adoptée à la suite d’un vote massif du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le fait est suffisamment rare pour être souligné et montre bien l’attachement de la communauté à cette réforme.

Pour ce qui est de votre question, notamment de la validation des acquis de l’expérience professionnelle pour l’obtention d’un doctorat, j’ai entendu les critiques dont vous vous faites l’écho. Elles sont assez surprenantes et empruntent bien trop peu à la rigueur qui sied à l’esprit scientifique.

D’abord, vous l’avez rappelé, ce dispositif existe depuis 2002. Il n’autorise en rien la délivrance de diplômes au rabais, puisque les dossiers sont examinés par la communauté universitaire avec beaucoup de rigueur ; un tiers des dossiers seulement sont acceptés.

Ensuite, un directeur de recherche est désigné au sein des personnels de l’université habilités à cet effet.

Enfin, la procédure de soutenance de thèse se déroule selon les règles qui s’appliquent à n’importe quelle thèse.

Il faut remettre les choses à leur place. Ce dispositif concerne 0,4 % des thèses soutenues chaque année, soit quinze cas sur 4 000. Il y a là assez peu de risques de concurrence déloyale.

Pour ce qui est de l’élargissement de l’accès des docteurs aux concours de la fonction publique prévu dans la loi de 2013, je vous rappelle que le concours de l’agrégation de l’enseignement secondaire a déjà été ouvert pour ces docteurs. Par ailleurs, un certain nombre de corps de l’administration – l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, l’IGAENR, le corps des mines – s’ouvrent aux docteurs et, avec Mme la ministre de la fonction publique, nous faisons une démarche systématique, ministère par ministère.

M. le président. Il faut conclure !

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. Donc, l’ensemble de ces mesures produit déjà des résultats concrets. Nous en rendrons compte en octobre prochain, à l’occasion du bilan d’un an de l’action en faveur de l’emploi des jeunes docteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour la réplique.

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le secrétaire d’État, dans le cas d’espèce, votre réponse tend à me rassurer. Vous nous dites que ce phénomène est marginal, bien encadré et qu’il ne saurait y avoir de dérives.

Du coup, je me demande s’il ne s’agit pas davantage d’un problème de communication. Nous savons que la vie politique actuelle est complexe, rude, que les temps sont difficiles. Peut-être pourrait-on collectivement entreprendre un effort de communication sur ces mesures, afin d’apaiser certaines craintes qui, visiblement, ne sont pas fondées ? Nous devons continuer à valoriser les docteurs, de sorte qu’on n’ait pas l’impression d’une progression asymétrique.

Dernier point, on m’a signalé qu’il était proposé à des étudiants de l’École nationale d’administration, l’ENA, de faire des doctorats. Je pense que c’est une bonne idée. L’ENA connaissant des difficultés financières, il me paraîtrait souhaitable, à titre personnel, que la formation des élèves de l’ENA soit assurée par l’université, en région parisienne et à Strasbourg. Cela reviendrait sûrement moins cher à l’État et contribuerait à forger la culture commune entre les grandes écoles et l’université que nous appelons tous de nos vœux. (M. Joël Labbé applaudit.)