M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais, à mon tour, également commencer par me féliciter que ce PLFR soit conforme à l’esprit de la LOLF pour la seconde année consécutive. Mes points de convergence vont s’arrêter là… (Sourires.)

Nous examinons ce PLFR pour 2019 dans un contexte particulier. Jeudi dernier, la commission a décidé de repousser le texte, même si elle revenue sur sa décision, parce que vos services n’avaient pas transmis les éléments qui étaient demandés par le rapporteur général.

Je rappelle également que, jeudi dernier, le Sénat a rejeté en bloc le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, apprenant, par médias interposés, que le Président de la République venait d’annoncer un nouveau plan pour l’hôpital, que nous connaîtrons mercredi prochain, ce qui rendait nos travaux absolument caducs.

Quand j’entends dire que tout va mieux du point de vue de l’examen des lois de finances, je pense, quant à moi, qu’il reste beaucoup à faire pour que nous puissions travailler dans des conditions acceptables.

Cependant, il n’est pas inutile de rappeler que le Sénat avait l’an dernier, à l’extrême fin du parcours budgétaire et en pleine responsabilité, voté le projet de loi de finances modifié, intégrant les premières mesures proposées par le Gouvernement pour tenter de sortir de la crise des « gilets jaunes ».

Monsieur le secrétaire d’État, le Parlement ne souhaite qu’une chose : jouer son rôle, tout son rôle, pleinement son rôle ; encore faudrait-il que le Gouvernement lui montre un peu plus de respect.

Au-delà de ces avatars de la vie parlementaire, il y a ce qui se passe dans le pays. Je ne reviendrai pas sur les violences de l’extrême gauche, ce week-end encore. Nous voyons surtout monter cette grogne sociale, que vous n’arrivez pas à calmer malgré les mesures votées l’an dernier et celles qui figurent dans le PLF et qui coûteront 17 milliards d’euros en année pleine.

Alors, pourquoi en êtes-vous là ? Certes, il est difficile de réformer ce pays, personne ne dira le contraire. Pour avoir une chance d’y parvenir, encore faudrait-il tracer un cap, donner du sens à une politique, convaincre que les efforts demandés sont équitablement partagés. Vous n’y parvenez pas.

À mi-mandat, le Président de la République donne le sentiment de courir après les événements, voyant approcher avec une certaine inquiétude la date du 5 décembre prochain.

« La réforme des retraites vous inquiète ? Rassurez-vous, je vais m’occuper de l’hôpital… Et pour les retraites, on en reparlera après les élections municipales ! » Voilà tout simplement le message envoyé par le Président de la République la semaine dernière.

Vos choix funestes de l’automne 2017 – hausse de la CSG, même sur les petites retraites, et non-indexation de celles-ci, couplées à la hausse des taxes sur les carburants – ont déclenché une crise qui est en train de vous échapper.

La trajectoire de nos finances publiques en a été la première victime, quoi que vous en disiez, monsieur le secrétaire d’État. Ce budget de 2019, s’il est l’acte II du quinquennat, est d’abord l’acte I de vos renoncements.

Que retenir de ce projet de loi de finances rectificative ?

Sur la forme, il s’inscrit dans l’esprit de la LOLF puisqu’il ne comporte pas de nouvelles mesures fiscales. Voilà un progrès qui se confirme.

Sur le fond, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes effectivement fondé à dire que vous respectez la trajectoire prévue voilà un an, voire que vous faites même un peu mieux – d’une dizaine de milliards d’euros, ce qui n’est pas rien –, mais il faut rappeler que le déficit se situera à 3,1 % du PIB, soit 97,16 milliards d’euros pour 2019, contre 76 milliards en 2018 et 67,7 milliards en 2017. Difficile de trouver ici des motifs de réjouissance…

Vous franchissez de nouveau la barre des 3 % du PIB. Mais après tout, me direz-vous, 2,9 %, 3 % ou 3,1 %, quelle importance ? Cette règle est d’un autre siècle, comme l’a affirmé le Président de la République, jetant encore un peu plus le doute sur notre capacité et surtout sur notre volonté de maîtriser enfin nos dépenses publiques.

Le déficit budgétaire de 2019, qui avec 3,1 % est meilleur qu’attendu en loi de finances initiale, se dégrade tout de même de 1,4 milliard d’euros par rapport à votre présentation du projet de loi de finances pour 2020 il y a quelques semaines seulement.

Encore une fois, ce sont les dépenses qui sont revues à la hausse, mais compensées par de meilleures recettes.

Je note que le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu aura finalement permis au Gouvernement d’engranger 2,2 milliards d’euros, ce qui conduit à relativiser largement le discours sur l’année blanche de 2018.

Côté dépenses, le plus significatif est que vous devez assumer le décalage, au 1er janvier 2020, de la contemporanéisation des aides personnalisées au logement (APL). Ce n’est pas faute de vous l’avoir dit l’an dernier. Nous pensions déjà que la date du 1er avril 2019 était intenable ; vous avez dû repousser l’échéance au 1er janvier 2020.

Les crédits destinés à l’hébergement d’urgence augmentent également dans le projet de loi de finances rectificative, car chaque année nous courons après les besoins. Je peux déjà annoncer que les crédits que nous voterons pour 2020 seront de facto inférieurs à ceux dont vous avez eu besoin en 2019. Dans le contexte actuel, difficile de dire que le compte y sera…

Il est d’ailleurs paradoxal que la mission « Cohésion des territoires », que je suis particulièrement, principale contributrice aux économies en loi de finances initiale, soit devenue la principale, ou la seconde, bénéficiaire des crédits que vous ouvrez dans cette loi de finances rectificative. C’est bien la preuve qu’il y avait un problème d’appréciation.

Au total, ce projet de loi de finances rectificative, plus technique que politique, confirme cependant que la France est maintenant le seul pays en Europe à ne pas avoir réduit sérieusement son déficit structurel. On ne peut vraiment pas dire que l’effort réalisé soit remarquable. Je le rappelle, vous avez également oublié votre promesse d’un retour à l’équilibre budgétaire en 2022. Vous vous félicitez de la situation, mais cela n’est pourtant pas conforme à la réalité.

Ce faisant, vous envoyez des signaux assez désastreux.

Aux Français d’abord, qui peuvent toujours croire que l’État peut continuer à vivre à crédit. Or nous savons que ce n’est pas vrai.

À nos partenaires européens ensuite, auxquels nous sommes toujours prompts à faire la leçon. Nous critiquons ceux qui dégagent des excédents budgétaires, mais nous sommes incapables de revenir dans la norme européenne.

À ceux, enfin, qui financent nos déficits chroniques. Ils pourraient bien, un jour prochain, exiger qu’on leur serve des taux d’intérêt bien plus élevés pour accepter de nous prêter les plus de 200 milliards d’euros que nous devons maintenant chaque année emprunter pour refinancer notre dette et nos déficits courants.

Nombreux sont ceux qui l’ont indiqué, les taux historiquement bas sont en effet une aubaine qui dure. Mais jusqu’à quand ? Telle est la question que nous pourrions nous poser ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Thierry Carcenac. Monsieur le secrétaire d’État, nous pouvons vous donner acte, avec ce projet de loi de finances rectificative pour 2019, que le Gouvernement a respecté son engagement de ne pas prendre de décret d’avance et qu’il n’y a pas de nouvelles mesures fiscales.

Cette situation permet également de donner plus de force aux autorisations budgétaires votées en loi de finances initiale.

Cependant, elle ne doit pas conduire à renoncer à l’action publique. En effet, en fin de gestion, il faut pouvoir tenir compte d’événements exceptionnels ou de dépenses résultant, par exemple, de la crise des « gilets jaunes » ou du renforcement possible de nos engagements en matière de transition énergétique.

Les 5,6 milliards d’euros de recettes supplémentaires liées au dynamisme fiscal, obtenus notamment grâce au prélèvement à la source, le 1,9 milliard d’euros de recettes non fiscales, auxquels il convient d’ajouter la baisse de 1,6 milliard d’euros de la charge de la dette auraient permis de soutenir nos politiques publiques malmenées dans la loi de finances initiale pour 2019.

De même, on note l’absence de volontarisme pour lutter contre la précarité – 14,7 millions de nos concitoyens vivent en dessous du seuil de pauvreté –, pour remettre à niveau les moyens consacrés à l’hôpital, ou pour améliorer la situation dramatique des étudiants pauvres.

Nous nous félicitons que le Gouvernement rejoigne la préconisation de notre groupe de relever de 45 millions d’euros le plafonnement de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), réservée aux établissements publics d’enseignement supérieur. Pour faire face à la situation de précarité des étudiants, nous proposons la réinscription de 35 millions d’euros annulés au programme « Vie étudiante ».

Nous le savons, le déni de justice sociale suscite révoltes violentes et récupérations politiques ou religieuses.

Le Haut Conseil des finances publiques souligne, dans son avis, que nous nous éloignons progressivement de la loi de programmation des finances publiques adoptée par le Parlement. Mais nous avons aussi entendu le Président de la République s’exprimer sur l’abandon du dogme des 3 % de PIB concernant les déficits publics.

À quand donc une nouvelle loi de programmation ?

Dès lors, ce projet de loi de finances rectificative pour 2019 poursuit une politique à laquelle le groupe socialiste et républicain était opposé lors de l’examen de la loi de finances initiale.

La communication du Gouvernement, centrée sur le sérieux et la bonne gestion budgétaire, ne doit pas occulter l’absence d’ambition réelle et les limites de la sincérité budgétaire, notamment par l’utilisation des soldes non affectés des comptes d’affectation spéciale, comme ceux du contrôle de la circulation et du stationnement routiers, de la transition énergétique et de l’immobilier de l’État.

Vous l’aurez compris, nous ne voterons pas ce projet de loi de finances rectificative en dépit des efforts du rapporteur général.

Je souhaite aborder plus particulièrement l’incohérence, au vu de l’urgence du défi écologique, des dispositions qui auraient dû être prises pour protéger l’environnement. N’aurait-il pas fallu accroître les politiques publiques en faveur de la transition écologique plutôt que d’amoindrir les recettes du compte d’affectation spéciale ?

Par ailleurs, concernant la situation de l’immobilier de l’État, je veux faire quelques observations quant au rôle de l’État sur son propre patrimoine.

Nous constatons la suppression d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement sur les missions « Justice » et « Action et transformation publiques ». Pour justifier cette position, on nous objecte que la demande n’est pas suffisante, et que des retards ont été constatés sur les projets immobiliers.

Cette situation conduit à s’interroger sur la conduite de l’action publique du Gouvernement à l’égard de son patrimoine immobilier : baisses de 53 millions d’euros pour la justice et de 93 millions d’euros pour les opérations immobilières et l’entretien des bâtiments de l’État, alors que la Direction de l’immobilier de l’État n’a plus de directeur depuis le mois de juin, que les nombreux opérateurs interviennent de plus en plus largement, parfois sans crédits ouverts, simplement sur la promesse de compenser les avances du compte d’affectation spéciale (CAS) relatif à l’immobilier par de futures cessions, et que les services ne disposent pas des capacités techniques suffisantes pour agir.

Monsieur le secrétaire d’État, alors que le Gouvernement communique beaucoup sur un grand plan, doté de 1 milliard d’euros sur cinq ans, de rénovation des cités administratives, certes nécessaire, les faits contredisent les effets d’annonce avec la suppression des crédits que je viens de citer. Il en va ainsi pour les places de prisons – nous serons dans l’incapacité de créer le nombre de places annoncé par la ministre –, comme pour la rénovation des cités administratives, pour laquelle d’importants crédits ont été supprimés.

Il conviendrait de connaître l’orientation que le Gouvernement entend donner à sa politique en matière de patrimoine, dont je rappelle qu’il concerne plus de 60 programmes ministériels et pour lequel nous ne disposons d’aucune vision globale.

J’aurai l’occasion de revenir sur ce point au moment de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2020. Lors de son intervention, Victorin Lurel poursuivra mon propos, dans la même ligne. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant le début de l’examen du budget de l’État pour 2020 et la reprise de celui de la sécurité sociale, notre marathon budgétaire marque aujourd’hui une étape importante avec la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2019.

Ce texte clôt une année au cours de laquelle, à l’issue du grand débat national provoqué par la crise des « gilets jaunes », d’importantes mesures en soutien au pouvoir d’achat furent approuvées par le Sénat. Ce projet de loi de finances rectificative entérine ainsi le financement, à hauteur de près de 3 milliards d’euros, de plusieurs dépenses engagées en 2019 : 800 millions d’euros en faveur de la prime d’activité ; 600 millions d’euros pour mener à bien la réforme des APL et permettre leur versement en temps réel ; ou encore 300 millions d’euros liés à la prime de conversion et au bonus écologique.

Malgré cette situation exceptionnelle, le PLFR pour 2019 prolonge les efforts du Gouvernement dans l’utilisation sincère qu’il fait de cet outil d’adaptation de l’équilibre budgétaire de la loi de finances initiale – nous nous en réjouissons. Pour la deuxième année consécutive, le projet de loi de finances rectificative renoue avec la forme qu’il n’aurait jamais dû abandonner : procéder aux nécessaires ajustements de crédits, et ne pas être un instrument de rattrapage destiné à faire adopter de nouvelles mesures fiscales.

À cela s’ajoute, et nous en félicitons le Gouvernement, l’absence de décrets d’avance qui, là aussi, illustre la poursuite du processus engagé depuis le début du quinquennat pour renforcer la sincérité du budget et, au travers de celle-ci, respecter le rôle clé dévolu au Parlement : autoriser, contrôler, et, de manière plus étroite encore, déterminer les dépenses.

Sur le fond, et sans entrer dans le détail de chacun des dix articles que contient ce texte, je souhaite malgré tout, monsieur le secrétaire d’État, partager certains points d’inquiétude.

Notre première interrogation a trait au niveau du déficit budgétaire.

La prévision de déficit pour 2019 demeure certes identique à celle de la loi de finances initiale – 3,1 % du PIB –, mais l’effort structurel est inexistant et la trajectoire du solde structurel s’éloigne des objectifs initiaux de la loi de programmation des finances publiques que nous avons adoptée.

Elle nous éloigne aussi de nos engagements européens, dont le respect, quoi qu’on en dise, reste le gage d’une saine gestion publique.

Car si le solde du déficit public s’améliore de 10 milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale, ce fait s’explique d’abord par de meilleures rentrées fiscales… Je salue la mise en œuvre de la taxe GAFA, ainsi que la lutte contre la fraude fiscale, chère à Nathalie Goulet.

La divine surprise de l’amélioration du déficit a aussi des éléments d’explications conjoncturels, liés, par exemple, à la révision à la baisse de la charge de la dette pour 1,6 milliard d’euros.

Là est notre seconde interrogation : comme les taux d’intérêt ont baissé, le coût de la dette a été moins élevé que prévu. Mais en dépit d’une gestion sérieuse en matière de dépenses et de bonnes nouvelles en termes de recettes, ce PLFR conserve la même cible d’amortissement et d’émission de la dette. Or les taux bas ne doivent pas avoir l’effet anesthésiant qui nous conduirait à renoncer à tout effort structurel…

Mme Sylvie Vermeillet. Pour cette raison et parce que le groupe Union Centriste refuse d’aggraver le déficit actuel, nous ne voterons pas en faveur des amendements proposés par la commission des finances…

M. Julien Bargeton. Très bien !

Mme Sylvie Vermeillet. … et nous nous abstiendrons sur le projet de loi de finances rectificative ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à quelques jours de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, nous sommes réunis pour voter le collectif budgétaire de l’année 2019. Que traduit ce texte, au-delà de ses aspects techniques ?

Tout d’abord, et une fois n’est pas coutume, comme les orateurs précédents, je crois qu’il convient de saluer les efforts de sincérisation déployés par le Gouvernement dans les textes budgétaires présentés au Parlement. Je souligne à mon tour l’absence de prise de décrets d’avance et le pourcentage satisfaisant des mises en réserve des crédits.

Pour autant, dire des comptes qu’ils sont sincères ne signifie pas qu’ils sont bons ou qu’ils sont conformes à la trajectoire adoptée par le Parlement lors de la loi de programmation pour 2018-2022.

Certes, le solde s’améliore de 10 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, grâce notamment à des recettes en hausse. Mais pour quel résultat ?

Le solde public pour 2019 sera toujours déficitaire de 3 points de PIB, avec un solde structurel négatif de 2,2 points, qui a en réalité à peine été réduit entre 2018 et 2019, en contradiction avec les engagements pris en loi de programmation.

Il faut le souligner clairement, mes chers collègues, le déficit budgétaire de l’État pour 2019 est le plus élevé depuis 2011. Vous pourrez vous targuer de l’avoir réduit de 10 milliards d’euros par rapport à la cible votée en loi de finances initiale, il n’empêche qu’il s’élève toujours à plus de 97 milliards d’euros en 2019, montant jamais atteint depuis la crise des années 2010.

La volonté du Gouvernement d’assainir nos comptes publics transparaît dans ces chiffres : elle n’est suivie d’aucun effet ! Comme le souligne le Haut Conseil des finances publiques, l’effort structurel est nul en 2019. En somme, un zéro pointé !

Les efforts en termes de dépenses sont principalement, et presque uniquement, liés à la diminution de la charge d’intérêts, alors que les dépenses pilotables de l’État ne diminuent que de 1 milliard d’euros.

Quant aux efforts en matière de recettes, ils démontrent une fois encore la duplicité du Gouvernement quant à la fiscalité environnementale. Les recettes de TICPE, estimées à un peu plus de 13 milliards d’euros en loi de finances initiale, seront finalement de 13,4 milliards d’euros en 2019. Mais, malheureusement, ces millions supplémentaires ne bénéficieront pas à la transition énergétique, puisqu’ils ne seront pas fléchés au sein du CAS « Transition énergétique ». Ils serviront uniquement à la baisse du déficit de l’État. Soit 529 millions d’euros en moins pour le CAS, 529 millions d’euros en plus pour le budget général. Finalement, c’est comme si la crise des « gilets jaunes » ne s’était jamais produite, comme si nos appels répétés et insistants pour une meilleure traçabilité des recettes de fiscalité verte étaient inaudibles, comme si les Français étaient dupes du verdissement soudain de votre politique.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ripolinage !

M. Jean-François Husson. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez d’ailleurs de plus en plus de mal à cacher votre volonté d’utiliser les recettes de fiscalité énergétique au profit de l’État. Le projet de loi de finances pour 2020, que nous examinerons à partir de jeudi, prévoit en effet la suppression du CAS « Transition énergétique », à l’opposé de tous les principes d’une bonne fiscalité environnementale, qui réclame transparence et lisibilité.

Comme vous nous y avez habitués depuis deux ans, vous manifestez un certain art de la communication. Les chiffres sont pourtant têtus, et lorsque notre solde structurel ne se réduit pas, lorsqu’aucun effort n’est fait en matière de dépense publique – 47 emplois seulement supprimés l’année prochaine –, lorsque le seul point d’appui de ce gouvernement pour établir les lois de finances ce sont les taux bas, on peut alors légitimement douter de votre volonté disruptive.

La réalité de ce PLFR, c’est que notre dette ne se réduit pas. Nous atteindrons bientôt les 100 % de notre richesse nationale. Nous aurions d’ailleurs tort de nous préoccuper seulement de la dette publique, car l’endettement privé est lui aussi préoccupant.

La réalité de ce PLFR, c’est qu’en cas de remontée des taux, vous n’aurez plus aucune marge de manœuvre pour nous présenter, un jour un plan de sauvetage de l’hôpital, un autre jour des mesures d’urgence sociale, un jour suivant des ouvertures de crédits pour les forces de l’ordre, et le jour d’après une rallonge budgétaire pour les enseignants.

Monsieur le secrétaire d’État, slalomer comme vous le faites risque de nous conduire dans le mur. On ne résout pas des problèmes structurels tels que ceux que notre pays connaît par des mesures d’urgence, financées par de la dette. Les lois de finances s’enchaînent et il y a aujourd’hui assurément trop de bricolage et d’artifice, sans aucun financement sérieux et pérenne, comme d’ailleurs nous l’a rappelé le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Vous slalomez donc, monsieur le secrétaire d’État, et j’aurai l’occasion d’y revenir au printemps lors de l’examen du projet de loi de règlement qui clôturera l’exercice budgétaire de 2019. Cette année aura été celle des renoncements, par exemple en matière d’ambition environnementale.

J’en prendrai pour seule preuve la hausse de 132 millions d’euros de crédits de paiement que vous nous proposez de voter dans ce PLFR, qui permet de financer le succès de la prime à la conversion pour les véhicules polluants. Je ne peux m’empêcher de mettre en face de cette ouverture de crédits le décret publié en plein mois de juillet dernier, dans l’improvisation la plus totale et en catimini, visant à faire cesser un dispositif qui marche ! Ou quand le succès d’une mesure mise en place sept mois plus tôt, dont les vertus environnementales sont reconnues, est brutalement interrompu pour un motif bassement comptable…

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est de comptabilité environnementale dont nous avons besoin, autant que d’une réelle ambition écologique, promue et défendue avec courage, esprit de responsabilité et langage de vérité.

Les économies de bout de chandelle imaginées de PLF en PLFR n’y changeront rien : sans sortie de notre dépendance à la dépense publique, sans sevrage de notre addiction aux taux bas, sans clarification, arbitrage, puis rationalisation des compétences entre État et collectivités, sans mobilisation européenne pour une vraie union des forces en matière d’innovation, nous resterons « petits bras », avec des lois de finances manquant singulièrement de souffle et de vision.

Force est de constater que notre prochain débat budgétaire s’ouvre dans un climat chargé et lourd d’incertitudes, avec de fortes et vives tensions sociales.

Votre responsabilité, nous le mesurons, est donc importante. Comptez sur la majorité sénatoriale pour exercer son devoir de vigilance en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Victorin Lurel. Monsieur le secrétaire d’État, comme les orateurs précédents, je vous adresserai deux satisfecit : celui de nous permettre d’examiner un PLFR d’ajustement, ne contenant aucune mesure fiscale, et celui de constater que le Gouvernement poursuit sa volonté de ne pas recourir aux décrets d’avance.

C’est une bonne chose, mais cela ne poussera pas pour autant mon groupe à voter en faveur de ce texte.

La première raison de notre attitude est sans doute le niveau jamais atteint depuis 2011 du déficit public en valeur absolue.

Le déficit s’établit à 3,1 %, loin de la trajectoire que vous avez annoncée, monsieur le secrétaire d’État, et il est de surcroît maîtrisé grâce aux seuls concours des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale qui améliorent considérablement le solde, lequel sinon serait de 3,6 %. Du côté de l’État, seuls les taux d’intérêt permettent de faire une économie.

Ainsi donc, malgré des recettes toujours plus élevées, le gouvernement auquel vous appartenez est incapable de maîtriser les dépenses.

J’éprouve quelque plaisir à rappeler que le précédent gouvernement, pourtant accusé d’avoir été mauvais gestionnaire, avait, quant à lui, fait baisser le déficit de près de 20 milliards d’euros, déficit passant de 5 % du PIB en 2012 à 2,8 % en 2017.

De plus, on pourrait qualifier ce déficit de « mauvais » puisqu’il est en partie causé par la privation de près de 5 milliards d’euros de recettes consécutive aux cadeaux fiscaux faits aux 1 % les plus riches !

Je ne reviendrai pas non plus sur ce que vient de dire notre collègue Thierry Carcenac sur les recettes supplémentaires engrangées grâce à un contexte conjoncturel favorable et qui n’ont malheureusement servi à rien : ni à financer un plan Hôpital, ni à répondre à la crise du logement ou à celle de l’éducation, ni à résoudre les fractures territoriales ou les inégalités sociales.

Pis, nous assistons, par le biais de ce PLFR, à un véritable festival d’annulations de crédits : 6,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 4,9 milliards d’euros en crédits de paiement. C’est la deuxième raison du vote que nous émettrons.

Pour les outre-mer, le choc est rude puisque, avec 176 millions d’euros en crédits de paiement et 151 millions d’euros en autorisations d’engagement d’annulations, c’est plus de 7 % du budget du ministère qui s’évapore.

Depuis deux ans, vous avez donc : supprimé France Ô, supprimé la circonscription européenne outre-mer, récupéré 100 millions d’euros de TVA non perçue récupérable (TVA NPR), matraqué les contribuables en réformant l’abattement fiscal sur le revenu, remis à plat et mis à bas les 2,5 milliards d’euros d’aides économiques aux entreprises ultramarines, mis un coup d’arrêt à la politique du logement outre-mer, réformé en catimini les congés bonifiés, accentué la crise financière des filières agricoles, surtaxé le rhum, supprimé les contrats aidés, fragilisé la base juridique de la majoration de vie chère et, pas plus tard que vendredi soir dernier à l’Assemblée nationale, vous avez même rogné le Fonds d’investissement de proximité outre-mer (FIP-DOM).

Dernière estocade, vous semblez également vouloir intégrer l’octroi de mer dans le calcul du potentiel fiscal des collectivités, avec les conséquences que l’on peut imaginer pour la péréquation…

Aujourd’hui, vous venez justifier ces annulations de crédits en affirmant que nos territoires sont incapables de consommer les crédits si généreusement octroyés. Mais comment faisions-nous alors dans l’ancien monde ?

Une fois encore, le Gouvernement se défausse sans pudeur sur les collectivités et les opérateurs, en les stigmatisant. Jamais l’État ne se pose la question de sa propre responsabilité !

Pourtant, n’y a-t-il pas souvent des problèmes de blocage et de complétude des dossiers, de complexification des procédures ?

N’existe-t-il pas des obstacles administratifs aux agréments de la part d’une administration rétive à financer les dossiers d’outre-mer ?

N’y a-t-il pas des problèmes de préfinancement des opérations, en passant de la défiscalisation aux crédits d’impôt, et de gel de crédits budgétaires qui font l’objet d’annulations ?

Les outre-mer seraient donc de mauvais élèves, mais que faites-vous du 1,7 milliard d’euros de reste à payer de l’État outre-mer, en augmentation de 7 % en 2018 ? Est-ce une gestion vertueuse ? Non !

Mais tout est apparemment la faute du local, que l’on continue d’infantiliser en critiquant son ingénierie qui, subitement, ne serait plus en mesure de constituer les dossiers.

Ce gouvernement est si sûr de lui qu’il se sert de notre prétendue incapacité pour continuer de tout recentraliser, massivement. Il le fait notamment à travers le nouvel activisme des préfets, qui n’hésitent plus à menacer les élus de révocation, de les convoquer en préfecture comme devant un tribunal pour leur expliquer comment redresser leur collectivité et de les jeter en pâture à une opinion publique chauffée à blanc.

Non, monsieur le secrétaire d’État, les collectivités ne sont pas moins bonnes gestionnaires que l’État !

De grâce, si votre objectif est, comme je le constate, de faire des économies sur le dos des outre-mer, ayez la franchise de simplement accentuer encore plus la baisse des crédits dès la loi de finances initiale, ce qui vous évitera en année n+1 de stigmatiser nos territoires.