M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. L’avis est défavorable sur l’amendement n° 194 du Gouvernement.

Madame la ministre, nous avons déjà échangé sur cette question. Les entreprises se sont largement engagées pour appliquer les recommandations formulées par votre ministère.

Selon vous, cet amendement tend à préserver des vies. Mais nous avons très largement débattu depuis hier, et nous sommes tous convenus que le meilleur moyen de préserver la vie de nos concitoyens reste le vaccin.

Les entreprises sont déjà obligées d’assurer la sécurité et la santé de leurs salariés au travail, et sont pénalement responsables. Est-il utile de leur envoyer un signal négatif, alors qu’elles ont déployé des efforts considérables pour limiter la propagation de l’épidémie ?

Le télétravail est un outil, mais il en existe beaucoup d’autres. Certaines entreprises ont choisi d’étaler les plages horaires d’entrée et de sortie dans leurs locaux, pour que tant ces derniers que les transports en commun ne soient pas surchargés ; elles ont mis à disposition des salariés des dispositifs de protection. Je suis d’accord avec vous pour dire que le télétravail est un outil, mais ce n’est pas le seul.

Madame la ministre, nos échanges ont porté sur des chiffres. Vous m’avez dit que, à la suite des 30 000 contrôles qui ont été effectués jusqu’à la fin du mois de novembre 2021, 110 mises en demeure ont été prononcées. Ce taux est relativement faible : cela représente 0,37 % des contrôles !

À la commission des affaires sociales, nous considérons d’ailleurs que tout ce qui réglemente l’organisation du temps de travail relève du dialogue social. C’est pour toutes ces raisons que, comme je l’ai indiqué, nous émettons un avis défavorable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Concernant l’amendement n° 155, la commission est constante : s’agissant d’une demande de rapport, l’avis est défavorable. Je rappelle qu’il existe une commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France, dont notre présidente de commission Catherine Deroche est rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 155 ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Madame la rapporteure pour avis, nous avons effectivement échangé. L’amendement vise non pas le télétravail, mais bien des situations dangereuses.

Je ne comprends pas pourquoi nous ne devrions pas prévoir de sanctions à l’encontre des entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations, alors que la très grande majorité d’entre elles s’y conforment. Quand on sanctionne les excès de vitesse, on ne dit pas que la majorité des automobilistes en commet ! Alors même qu’une très grande majorité d’entre eux respecte les limitations de vitesse, tel n’est pas le cas de certains, ce qui justifie les sanctions ! (M. Bruno Retailleau proteste.)

M. Jean-François Husson. Il ne faut pas chercher à « emmerder » les Français !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Ces sanctions visent des situations dangereuses, que nous constatons depuis ces derniers mois.

Par exemple, dans une entreprise de transport et de logistique de la zone de Roissy, des contrôles sont intervenus pendant huit mois d’affilée sans que l’entreprise se mette en conformité avec ses obligations. La situation ne s’est réglée que par la formation d’un cluster, qui a enfin conduit l’entreprise à se remettre en conformité avec la loi.

Je peux aussi vous citer l’exemple d’une entreprise de l’agroalimentaire comprenant trente-deux salariés, dont dix-huit cas positifs, ou celui d’entreprises qui, dans des open spaces où le port du masque est aléatoire, refusent le télétravail des salariés, et dont le chef d’entreprise, face à une mise en demeure, répond qu’il n’en tiendra pas compte ! (M. Claude Kern proteste.)

M. Bruno Retailleau. C’est ce que les syndicats enseignants vous reprochent à l’école !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Aujourd’hui, une sanction pénale existe déjà, mais chacun connaît la charge de travail des parquets, y compris quand il s’agit d’engager des poursuites. De fait, les procédures pénales sont beaucoup trop lentes.

C’est pourquoi nous proposons une sanction administrative, peut-être moins stigmatisante qu’une sanction pénale prononcée par un tribunal correctionnel, car nous voulons une procédure plus efficace, rétablissant de l’équité vis-à-vis de la très grande majorité des entreprises qui se conforment aux obligations, moyennant, comme je l’ai dit, du temps et des coûts.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Hier, lorsque nous avons auditionné le ministre M. Véran, notre collègue Victoire Jasmin lui a posé la question de la situation des hôpitaux en outre-mer, et notamment en Guadeloupe.

Le ministre nous a confirmé qu’on demande à des soignants positifs de travailler de façon exceptionnelle afin de répondre à la surcharge de travail.

Il est intéressant que le Gouvernement soit très exigeant vis-à-vis des entreprises. Mais pourquoi, en tant qu’employeur public, ne s’applique-t-il pas ces mesures ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Élisabeth Borne, ministre. Il n’y a pas de rapport !

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Si, il y en a un. Madame la ministre, vous êtes exigeante avec les entreprises, mais l’État est un employeur public. S’il y a des situations dangereuses, celle d’envoyer des soignants positifs en fait partie ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean-François Husson. C’est un smash au filet !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Madame la ministre, je suis très surprise par le ton de votre intervention et par la défense de votre amendement.

Vous caricaturez notre position. D’un côté, il y aurait les gentils voulant sanctionner les méchantes entreprises, et de l’autre, les vilains sénateurs qui ne veulent pas sanctionner les vilaines entreprises. C’est un peu caricatural, et presque offensant. (Protestations sur les travées du groupe RDPI.)

Nous ne sommes pas favorables à ces amendes administratives. Je vous ai bien écoutée, lorsque vous avez eu la délicate attention de m’appeler pour m’expliquer votre position.

Nous ne sommes pas d’accord sur cette nouvelle procédure administrative, car dans ces procédures administratives, bien qu’il y ait des lettres de relance et de notification, il n’y a pas de débat contradictoire comme il peut y en avoir au pénal.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Bien sûr que si !

Mme Sophie Primas. Non, il n’y en a pas ! Quand un inspecteur du travail a pris une décision, cette dernière est adressée à la direction départementale du travail pour être appliquée. La décision d’infliger une amende est prise, et le chef d’entreprise ne peut pas la contester !

Cette nouvelle disposition que vous prenez vient d’un dysfonctionnement de la justice. Comme la justice est trop lente, alors on crée une nouvelle disposition pour aller plus vite et sanctionner des entreprises !

Nous ne sommes pas d’accord avec cela. Nous pensons que le code pénal et le code du travail comportent des dispositions permettant de sanctionner les entreprises qui ne font pas face à leurs obligations, et nous ne sommes pas d’accord avec cette nouvelle procédure, qui, à mon avis, perdurera bien après la crise sanitaire ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je voudrais dire à mon tour que, bien entendu, je ne voterai pas l’amendement n° 194, visant à mettre en place des amendes administratives.

Les entreprises ont tout intérêt à garder leur personnel en bonne santé et à le préserver de la covid ! On ne voit pas pourquoi des entreprises mettraient sciemment en danger leurs salariés, et donc leur outil de travail !

Il serait préférable d’élaborer les mécanismes nécessaires pour que les entreprises puissent établir des protocoles.

Les entreprises ont démontré lors du premier confinement, lorsque l’exercice des métiers essentiels était toujours autorisé, qu’elles étaient capables de proposer des protocoles qui n’existaient pas auparavant, sans que personne leur demande rien.

La contrainte que représentent ces amendes administratives est complètement déconnectée de la réalité et des préoccupations des entreprises. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Madame la ministre, vous dites que cet amendement vise non pas la non-observation du télétravail, mais des situations dangereuses.

Votre amendement vise toute « situation dangereuse résult[ant] d’un risque d’exposition à la covid-19 du fait du non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention […]. »

Ma question est simple : dans la mesure où vous dites que cela n’a rien à voir avec le télétravail, pouvez-vous nous dire quels types de situations dangereuses résulteraient d’un risque d’exposition à la covid-19 ?

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

M. Stéphane Sautarel. En commission, j’avais déposé, avec certains autres collègues, un amendement de suppression de l’article 1er bis A. Je veux donc remercier Mme la rapporteure pour avis, Mme la présidente de la commission ainsi que tous ses membres de l’avoir pris en compte.

Madame la ministre, même si vous indiquez que cet article ne vise pas principalement le télétravail, ce dernier, qui repose sur le double volontariat du salarié et de l’employeur, est concerné.

L’article L. 1222-11 du code du travail permet déjà d’activer le télétravail, comme cela a été fait depuis le début de la pandémie, et même de l’encourager fortement, sans qu’il soit nécessaire de l’imposer, comme tend à le faire l’article que vous proposez de rétablir par votre amendement.

Le télétravail ne saurait davantage être soumis aux aléas de l’appréciation des inspecteurs du travail relative au caractère « télétravaillable » ou non d’un poste de travail.

Par-delà le contexte de la crise sanitaire, la délégation sénatoriale à la prospective a déjà proposé des mesures favorisant le développement du télétravail. La pérennisation de ce dernier ne saurait se faire sans instaurer un nouveau dialogue entre le Parlement et les partenaires sociaux.

Proposer un nouveau paradigme pour accompagner une nouvelle forme de travail qui concernera beaucoup d’actifs en s’inscrivant dans la durée relève de notre responsabilité, au-delà du texte qui nous occupe aujourd’hui.

Je remercie donc la commission d’avoir pris en compte notre amendement de suppression. Nous aurons à retravailler sur ce sujet.

Par ailleurs, j’ajoute qu’on ne saurait légiférer pour quelques cas particuliers qui poseraient problème. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Madame la ministre, vous êtes ici au Sénat. À peine arrivée dans notre hémicycle, vous nous intimez quasiment l’ordre de voter votre amendement et de rétablir l’article 1er bis A, sur un ton ne tolérant aucune opposition. Je n’accepte pas ce ton. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Bruno Retailleau. Vous nous faites le coup de dire que vous voulez sauver des vies humaines. Croyez-vous que nous soyons irresponsables ici, alors que nous venons de voter l’article 1er ?

Le Président de la République ne nous a d’ailleurs pas facilité les choses, mais nous avons voté le principe du passe vaccinal, nous qui sommes dans l’opposition !

Et vous nous faites le coup de dire que les entreprises doivent se conformer aux mesures législatives que vous souhaitez prendre parce qu’elles vous doivent beaucoup ! Mais c’est l’argent public qui a sauvé les entreprises, et non l’argent du Gouvernement !

Je n’accepte pas vos leçons. Au Sénat, nous avons montré pendant ces deux années que notre ligne est celle de la responsabilité. Nous avons toujours donné au Gouvernement les moyens de protéger les Français.

Pourquoi ne sommes-nous pas favorables au rétablissement de l’article 1er bis A ? Tout simplement parce que nous ne voulons pas rajouter un nouveau régime au régime pénal en vigueur relatif à la protection de la santé et de la sécurité des salariés.

Pourquoi ne voulons-nous pas voter cet amendement ? Parce que vous avez raison, madame la ministre : il ne concerne pas le télétravail, mais est beaucoup plus large et beaucoup plus intrusif quant à l’organisation des entreprises. Nous voulons les laisser s’organiser comme elles le souhaitent, en faisant confiance aux employeurs comme aux employés, dans ce dialogue social qui est nécessaire. (M. Thomas Dossus proteste.)

Le télétravail est une question qui concerne aussi les employés. Vous savez très bien qu’un certain nombre d’entre eux ont du mal à le pratiquer.

Nous voulons faire confiance à nos entreprises qui traversent un moment difficile, et ce n’est pas en les pointant du doigt qu’on arrivera à relever les défis auxquels la France doit faire face. Avant d’essayer de condamner nos entreprises, faisons-leur confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel et M. Claude Kern applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je ne pense pas avoir manqué de respect à la Haute Assemblée en disant, avec beaucoup de gravité, que, dans quelques entreprises, certaines situations mettent en danger la santé des salariés. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Cela relève du pénal !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Monsieur le sénateur Reichardt, vous m’interrogez sur les manières dont les entreprises ne prennent pas en compte les risques. Ce sont par exemple des masques qui ne sont pas aux normes, des outils partagés qui ne sont pas désinfectés,… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern proteste également.)

M. Jean-François Husson. Et dans les écoles ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. … alors que d’autres entreprises appliquent les protocoles établis en concertation avec elles et avec les branches. Je vous assure qu’il est plus coûteux pour une entreprise de désinfecter les outils de production à chaque changement d’équipe que de ne pas le faire ! Certaines entreprises, malheureusement, font le choix de ne pas suivre ces mesures.

Ce type de comportement mettant en danger la santé des salariés que nous souhaitons pouvoir plus efficacement éviter, au moyen d’une sanction plus rapide.

L’amendement est clair : cette sanction est limitée aux risques covid, à la période d’urgence sanitaire, et même à des périodes durant lesquelles le niveau de l’épidémie serait particulièrement élevé.

Je suis surprise de constater que notre proposition d’une sanction administrative soit considérée comme une innovation. Beaucoup de dispositions du code du travail reposent sur des sanctions administratives, par exemple celles qui concernent le respect du temps de travail ou les fraudes au détachement.

Ces processus sont évidemment contradictoires : l’entreprise peut répondre à sa mise en demeure, la sanction est prononcée par le directeur régional du travail, et des recours sont naturellement possibles devant les tribunaux administratifs, ou devant le ministre au moyen de recours hiérarchiques.

Mme Sophie Primas. Mais cela ne marche pas !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Les entreprises qui jouent le jeu n’ont aucune inquiétude à avoir face à ce type de sanctions. Celles qui ne le jouent pas seront sans doute dissuadées de ne pas appliquer les protocoles.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Nous retrouvons dans ces débats une opposition concernant la procédure contradictoire, que nous avons déjà rencontrée à d’autres moments, par exemple lors de l’examen du projet de loi de finances.

Madame Primas, nous savons tous ce que c’est que cette procédure : chaque partie a le droit de prendre connaissance des arguments de fait, de droit et de preuve.

Je m’excuse, mais il y a sur ce point une divergence entre les deux parties de l’hémicycle. Que s’est-il récemment passé ? Coup sur coup, on vient d’exonérer de charges les entreprises – rappelez-vous les exonérations de charges liées au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et la réduction des impôts productifs. Avez-vous alors défendu une procédure contradictoire avec les salariés, avec ceux qui sont au chômage ? (Mme Sophie Primas proteste.)

De l’autre côté de l’hémicycle, est-ce qu’on propose un moratoire de la réforme de l’assurance chômage ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il faut avoir ce débat avec cette honnêteté et cette sincérité qui nous caractérisent tous ici, mais il faut mettre les pieds dans le plat. Ne mentons pas sur les éléments de notre discussion !

Madame la ministre, les entreprises dans l’illégalité doivent évidemment être sanctionnées. Mais le montant maximal de l’amende, 1 000 euros par salarié avec un plafond à 50 000 euros, ne semble pas adapté à notre tissu économique.

Peut-être que nous convergeons sur ce point, dans l’hémicycle : entre les TPE et les grands groupes, cette mesure n’aura pas les mêmes conséquences. Il faut imaginer une proportionnalité de la sanction, que nous pouvons établir en fonction de certains critères, comme dans le domaine de la fiscalité.

Nous sommes favorables à ce que les entreprises qui ne jouent pas le jeu soient sanctionnées, mais nous devons trouver une proportionnalité pour ne pas mettre en difficulté les TPE et PME, qui représentent l’essentiel de notre tissu économique, et qui nous font tenir ! Il faut donc trouver d’autres modalités.

Je pense que nous devrions échanger pour permettre une sanction proportionnelle à la taille des entreprises concernées. (Mme Laurence Cohen applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 194.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 155.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 1er bis A demeure supprimé.

Article 1er bis A (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique
Article additionnel après l'article 1er bis A - Amendement n° 140 rectifié

Après l’article 1er bis A

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 38 rectifié est présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 156 rectifié bis est présenté par Mmes Assassi, Cohen et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 4731-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Soit du risque résultant de l’exposition à un agent biologique du groupe 3 ou du groupe 4 répondant aux critères de classification définis à l’article R. 4421-3. »

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié.

M. Guy Benarroche. Le maintien « quoi qu’il en coûte » de l’activité économique du pays au moment où le virus connaît une très forte circulation de doit pas nous empêcher de faire tout ce que nous pouvons pour protéger les Françaises et les Français.

Les multiples hésitations et la frilosité du Gouvernement devant l’imposition d’un protocole sanitaire strict pour éviter les contaminations dans les entreprises ont conduit à un flou dans l’application des règles et des recommandations.

Aujourd’hui encore, certains salariés se voient refuser la pratique du télétravail alors que cette dernière serait possible, et certains open spaces n’ont pas été aménagés, les salariés continuant à s’y entasser sans capteur de CO2, sans ouverture régulière des fenêtres ni vitre de séparation entre les bureaux.

Les risques y sont maximaux, et pourtant les inspecteurs du travail se trouvent impuissants à faire appliquer la loi.

Le Gouvernement avait proposé un dispositif d’amendes administratives dans l’article supprimé par la commission des lois dont nous venons de parler. La volonté de durcir le cadre légal et d’imposer aux employeurs des actions efficaces de prévention du risque de contamination sur les lieux de travail part d’une bonne intention, mais le dispositif prévu passait largement à côté de son objectif.

La procédure d’instruction contradictoire précédant le prononcé d’une amende administrative est longue – elle aussi peut durer plusieurs mois. Cette temporalité n’est évidemment compatible ni avec la vitesse de diffusion du virus ni avec la nécessité de mettre à l’abri les travailleurs exposés.

L’inspecteur du travail doit pouvoir immédiatement soustraire un travailleur au risque d’exposition en prescrivant un « arrêt covid » qui mette temporairement fin à l’activité en cause, lorsque l’exposition à la circulation du virus est constatée et que le travailleur se trouve dans une situation dangereuse avérée.

Comment expliquer que les restaurateurs, les patrons de bar et de lieu culturel aient été transformés en douaniers sanitaires ces derniers mois, alors que les inspecteurs du travail, dont le métier est de protéger celles et ceux qui travaillent, se trouvent impuissants pour endiguer la propagation du virus dans les entreprises ?

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 156 rectifié bis.

Mme Laurence Cohen. Il s’agit d’un amendement identique.

Depuis maintenant deux ans, les organisations syndicales demandent que le recours au télétravail soit encadré par la loi, et que l’employeur prenne en charge les dépenses supplémentaires engendrées par celui-ci.

Nous venons d’avoir une discussion très intéressante sur les sanctions devant être appliquées aux entreprises contrevenantes. Le Sénat a rejeté cet amendement, mais, à l’instar de nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, nous proposons que les inspectrices et inspecteurs du travail puissent prescrire un arrêt temporaire pour toute ou partie de l’activité d’une entreprise ou d’un service lorsqu’un ou plusieurs travailleurs ou travailleuses se trouvent dans une situation dangereuse avérée, en conséquence de l’insuffisance des mesures de prévention prises par l’employeur face au virus.

Ce dispositif est important. Il est défendu par les organisations syndicales. Si les travailleurs et les travailleuses sont mis en danger, c’est à notre sens la seule façon de réellement les protéger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. Ces amendements identiques visent des situations beaucoup trop larges et trop difficiles à maîtriser pour les entreprises, même celles qui sont de bonne volonté, dans la mesure où l’exposition à un virus peut être généralisée. Le dispositif donne ainsi un pouvoir d’appréciation disproportionné à l’inspection du travail.

La commission a donc considéré que les recommandations, les contrôles et les sanctions étaient déjà suffisants pour assurer la lutte contre la covid-19 au sein des entreprises, qui se sont largement mobilisées depuis le début de la crise.

Enfin, ces amendements introduisent dans l’urgence une disposition pérenne dans le code du travail, ce qui n’est pas satisfaisant.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Le Gouvernement partage pleinement l’objectif de protéger la santé des salariés face au risque de covid-19, ce qui suppose tout un arsenal juridique pour dissuader les entreprises ne respectant pas les règles de protection.

Je suis toutefois défavorable à ces deux amendements identiques. En effet, les sanctions administratives proposées par le Gouvernement semblent mieux adaptées que la suspension de l’activité, qui, à terme, pourrait menacer l’emploi des salariés, alors que nous souhaitons protéger ce dernier.

Par ailleurs, comme l’a dit Mme la rapporteure pour avis, votre amendement ne se limite pas au contexte de lutte contre la covid-19, contrairement au dispositif de sanctions administratives proposé par le Gouvernement, qui est limité à la période de la pandémie.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 rectifié et 156 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Organisation des travaux

M. le président. Mes chers collègues, il est presque minuit, et il nous reste quarante-cinq amendements à examiner.

Nous allons donc ouvrir la nuit afin de terminer l’examen de ce texte.

Notre ordre du jour du jeudi 13 janvier prévoit, à partir de dix heures trente, l’examen de deux propositions de loi dans le cadre de l’espace réservé au groupe Union Centriste.

En conséquence, si nous ne parvenions pas à finir l’examen de ce projet de loi cette nuit à une heure trente, nous devrions, en accord avec nos collègues de l’Union Centriste, décaler d’autant le début de cet espace réservé.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Article additionnel après l'article 1er bis A - Amendements n° 38 rectifié et n° 156 rectifié bis
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Article additionnel après l'article 1er bis A - Amendement n° 4 rectifié ter

Après l’article 1er bis A (suite)

M. le président. L’amendement n° 140 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3131-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 3131-1-…. – En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie grave, le ministre chargé de la santé et le ministre chargé du travail et de l’emploi peuvent, par arrêté motivé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de prévenir et de limiter les conséquences de cette menace sur la santé de la population, prescrire toute mesure visant à instaurer des roulements dans les entreprises par la maîtrise collective du temps. »

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Madame la ministre, je suis heureux de vous voir prendre à cœur le sujet du contrôle des entreprises. Lors du premier confinement, nous vous avions interpellée pour soutenir l’inspection du travail, et vous nous expliquiez que toutes les entreprises jouaient le jeu. Aujourd’hui, vous dites que la situation est plus complexe, même si je pense que beaucoup d’entreprises jouent actuellement le jeu.

Depuis le début de l’examen de ce texte, nous disons qu’il nous faut un vrai débat. Nous devons arrêter de subir, et commencer à imaginer une société où nous allons vivre ! Nous espérons sortir au plus vite de cette crise sanitaire, mais si par malheur une sixième ou une septième vague devait survenir, il s’agirait peut-être d’inventer d’autres solutions !

Nous avons beaucoup étudié la question du télétravail au Sénat. La délégation aux entreprises mène une mission sur les nouveaux modes de travail et de management, dont je suis rapporteur aux côtés de Michel Canévet et Martine Berthet ; de nombreux collègues ont travaillé la question.

Le télétravail comporte du positif comme du négatif. À long terme se pose la question de sa place dans l’organisation de l’entreprise. Même si en plein milieu d’une vague épidémique il faut aller vers trois ou quatre jours de télétravail, nous devons imaginer un système mixte, car dans la durée le télétravail casse les solidarités.

En revanche, nous pensons qu’il faut tout de même imaginer la « société du roulement ». Pourquoi ? Parce que c’est non seulement sur le lieu de travail, mais aussi et surtout dans les transports publics qu’un certain nombre de salariés se contaminent. Il n’y a qu’à voir les rames du RER B « surbondées » matin et soir, et ça, c’est une véritable question.

Donc, ce sujet de la « société du roulement », nous devrons en débattre.