M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Cela va venir !
Mme Céline Brulin. Nous craignons que les mesures de cette proposition de loi ne répondent pas à l’attente légitime et très forte de nos concitoyens ni à l’impératif d’égalité républicaine qui doit commander notre action pour permettre à chacun de disposer d’un médecin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris. (Mme Solanges Nadille applaudit.)
Mme Anne Souyris. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’écrire sur le sida, Hervé Guibert racontait ses parents.
De cette vie de famille d’autrefois, je souhaite vous lire un passage, alors que le narrateur, jeune étudiant, retourne à La Rochelle : « Je suis tombé malade, et comme je n’ai aucun ami pour venir me soigner, après avoir attendu plusieurs jours sans médicament conséquent, et comme ma fièvre s’est aggravée, je décide de prendre un train pour rejoindre mes parents.
« Les cinq heures de train m’ont achevé : lorsque mes parents viennent me chercher à la gare, je suis à peine conscient.
« Ils me couchent et appellent un médecin.
« Mais le docteur tarde, et dans mon lit, tout l’espace se met à basculer autour de moi. »
Ce récit – celui d’un enfant adulte qui rentre chez ses parents pour se faire soigner, celui de parents qui mettent au lit un enfant fiévreux dans l’attente d’un avis médical, celui du médecin que l’on appelle pour une visite à domicile – ne peut que parler à certains d’entre nous.
Pourtant, cette réalité de 1986 apparaît aujourd’hui absolument anachronique.
Les visites à domicile, qui représentaient 38 % des actes des médecins généralistes en 1980, n’en constituent plus que 8,8 % en 2016.
Pour les bien portants, qu’importe ! Ils pourront se déplacer chez le médecin. Mais, pour tous les autres, les personnes à mobilité réduite ou en perte d’autonomie ou les malades chroniques, le soin ne pourra venir que de la téléconsultation, du départ à l’hôpital ou d’un rare médecin qui se déplace chez le patient.
Nous souhaitons que ce devoir de visite soit mis à l’ordre du jour. Il est essentiel.
Mes chers collègues, nous sommes unanimes sur le constat : l’accès aux soins de nos concitoyennes et concitoyens se révèle chaque jour plus difficile.
Les causes de cette crise sont bien connues.
Je pense d’abord à l’augmentation des besoins en santé, avec le vieillissement de la population, la multiplication des maladies chroniques et les effets du changement climatique.
Une autre cause est la politique austéritaire : austérité numéraire d’une sécurité sociale contrainte ; austérité humaine du numerus clausus, responsable d’une pénurie de médecins, qui a commencé en 1971 et durera vraisemblablement jusqu’en 2032, et d’une répartition fortement inégalitaire.
Dans ce contexte, nous affirmons que l’accès aux soins passera par une régulation de la profession médicale.
Cette mesure ne réglera pas l’ensemble du problème. Elle ne sera efficace qu’accompagnée d’un effort soutenu pour la formation, de la création de passerelles intelligibles, du développement des autres professions de santé, de la prévention et, enfin, de la santé environnementale. Mais elle seule pourra amorcer une réduction des inégalités entre les territoires.
À cet égard, le slogan « bac+12, pas pour finir à Mulhouse », que nous avons entendu depuis des semaines, est indigne. Il témoigne d’une inculture géographique plus que d’une revendication légitime.
Rappelons que la régulation à l’installation des professions de santé existe déjà : depuis 2008 pour les infirmiers, depuis 2018 pour les masseurs-kinésithérapeutes et les sages-femmes, et depuis le 1er janvier 2025 pour les chirurgiens-dentistes, sans parler des pharmacies d’officine. Comment justifier que ces mesures ne puissent également s’appliquer aux médecins ?
Ainsi, la mesure figurant à l’article 3 nous inspire de la sympathie, même si notre groupe lui préfère la version du texte en discussion à l’Assemblée nationale.
D’ailleurs, comment ne pas être surpris du calendrier d’examen de la présente proposition de loi, mise en compétition avec celle du député Guillaume Garot ? Oui, monsieur le président de la commission, nous nous interrogeons : ce texte est-il réellement une proposition de loi du groupe Les Républicains du Sénat, ou est-ce un projet de loi déguisé, un cheval de Troie anti-Garot ?
Ne vous inquiétez pas, nous ne rejetons pas de prime abord votre proposition de loi ! Au contraire, nous pensons qu’une large majorité peut la voter.
Cependant, certaines de ses dispositions constituent pour nous des lignes rouges. Les discriminations majeures que prévoit d’introduire l’article 5 pour les Padhue – les médecins étrangers –, et l’article 10 destiné aux habitants des zones sous-denses, à qui l’on promet de payer plus cher – autrement dit, à qui l’on inflige une double peine –, ne peuvent acquérir notre suffrage.
Il ne tient qu’à vous, mes chers collègues, de dégager un consensus sur ce texte !
Pour conclure, je veux de nouveau évoquer Hervé Guibert, qui nous rappelle, au fil de ses ouvrages, l’omniprésence, dans nos vies, de la mort et de la maladie. Face à ces épreuves, nous savons pouvoir faire confiance aux soignants pour nous épauler, nous soigner et nous accompagner dans la vie comme dans sa fin.
Nul besoin d’appeler à la résurrection du passé à l’heure où la figure du médecin de famille disparaît. Il est temps d’inventer un nouveau modèle pour notre système de santé, fondé sur la confiance, la démocratie et l’égalité. J’espère que ce texte y participera !
Mme la présidente. Mes chers collègues, la commission des finances s’étant réunie pour apprécier, au titre de l’article 40 de la Constitution, la recevabilité de la proposition de loi tendant à confier à l’Office français de l’immigration et de l’intégration certaines tâches d’accueil et d’information des personnes retenues, nous en revenons au cours normal de la discussion de ce texte.
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Accueil et information des personnes retenues
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons donc la discussion de la proposition de loi tendant à confier à l’Office français de l’immigration et de l’intégration certaines tâches d’accueil et d’information des personnes retenues.
Irrecevabilité (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.
M. Bruno Belin, vice-président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances s’est réunie spécifiquement pour examiner la recevabilité financière de la proposition de loi.
Après en avoir débattu sur le fond et sur la forme, elle a estimé, à l’unanimité moins une voix, que le texte était recevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Nous venons d’assister cet après-midi à un énième débat sur l’immigration, cette proposition de loi étant la dernière d’une longue série en la matière.
Il existe manifestement un accord de gouvernement qui empêche le ministre de l’intérieur de déposer des projets de loi sur ce thème, contraignant celui-ci à faire produire des propositions de loi par la majorité sénatoriale, laquelle est, comme nous l’avons encore vu aujourd’hui, tout à son service.
M. Roger Karoutchi. C’est très bien !
M. Thomas Dossus. La commission des finances elle-même s’est mise à sa disposition en niant un certain nombre d’arguments de fond de façon extrêmement expéditive. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous invite à rester calmes !
M. Thomas Dossus. Je l’ai dit en commission et je le répète ici, ce texte va aggraver la situation des finances de l’État, tout comme le fera la proposition de loi qui vise à étendre la durée de rétention en centre de rétention administrative. (M. Roger Karoutchi le conteste.)
Vous pouvez le nier, mes chers collègues, mais c’est un fait ! Cela a même obligé le ministre à reprendre le texte à son compte. Si la proposition de loi n’avait pas eu ce problème consubstantiel d’irrecevabilité financière, celui-ci n’aurait pas eu à le faire…
On le voit bien avec ce texte, le ministre Retailleau a mis le Sénat à son service en vue du prochain congrès des Républicains. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Et vous, pour qui roulez-vous ? Pour l’ultragauche ?
M. Thomas Dossus. La majorité de notre assemblée le suit sur tout et n’importe quoi, et surtout sur n’importe quoi ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Cette loi de plus ne réglera aucun problème : ceux qui demandent à sortir des centres de rétention et à ne pas être expulsés le font en effet dans un cadre légal. C’est le juge qui décide en définitive ; ce ne sont pas les associations qui font sortir les retenus !
Ce sont les lois que vous produisez, que nous produisons, qui multiplient les possibilités de recours. Vous avez voté des textes de plus en plus touffus, monsieur le ministre, des textes qui, de fait, accroissent les coûts.
Nous allons voter aujourd’hui un texte de plus, un texte qui, cette fois-ci, stigmatise les associations. Cette proposition de loi est, à mes yeux, une nouvelle preuve du dévoiement de la Haute Assemblée !
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je veux, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, expliquer pourquoi nous voterons contre ce texte. Ma collègue Corinne Narassiguin a exposé tout à l’heure notre position et défendu nos amendements tout au long des débats.
L’épisode qui s’est déroulé dans la dernière demi-heure de l’examen de ce texte a montré combien cette proposition de loi n’était en réalité qu’un projet de loi déguisé, demandé par le ministère de l’intérieur au groupe LR, afin d’éviter l’avis du Conseil d’État et celui de la commission des finances.
Nous voterons évidemment contre ce texte et nous dénonçons le court-circuit opéré par le ministre Retailleau, qui, en reprenant à son compte l’idée d’un projet de loi, a prouvé quelles étaient les intentions réelles du Gouvernement.
M. Thomas Dossus. C’est vrai !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour explication de vote.
Mme Sophie Briante Guillemont. Malgré quelques abstentions, la majorité du groupe RDSE votera contre ce texte.
Au-delà des désaccords politiques, que nous n’allons évidemment pas résoudre ce soir, je regrette que nous n’ayons pas vraiment obtenu de réponse sur la mise en œuvre pratique du dispositif de cette proposition de loi, non pas tant pour ce qui concerne l’Ofii – nous en avons discuté – que pour ce qui concerne les avocats.
Monsieur le rapporteur Margueritte, même si vous avez déclaré avoir rencontré les représentants du barreau, je doute – j’y insiste – de la faisabilité technique du texte dans l’immédiat, et même au 1er janvier 2026, dans la mesure où seules les associations maîtrisent aujourd’hui ce contentieux technique – les avocats eux-mêmes et nos collègues socialistes l’ont rappelé.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Bien évidemment, notre groupe ne votera pas cette proposition de loi.
L’une des raisons principales pour lesquelles nous nous opposerons à ce texte est que son exposé des motifs évoque des faits qui, dans leur majorité, sont soit non avérés, soit déformés par rapport à la réalité, et qu’il est dépourvu de tout argumentaire. Je m’étonne du travail qui a été réalisé par le Sénat à cette occasion.
Ainsi, comme nous l’avons vu, le coût du remplacement des associations par les avocats et par l’Ofii n’est ni communiqué, ni évalué, ni maîtrisé. Personne, en fait, n’en a la moindre idée.
D’ailleurs, le fait que le ministre annonce qu’il reprendra le texte de la proposition de loi dans un projet de loi si celle-ci n’était pas adoptée montre bien l’absence totale d’évaluation financière du dispositif ! L’argument avancé est donc tout à fait fallacieux et ne repose sur aucun fondement.
Il en va de même pour les recours abusifs, dont on nous dit qu’ils seraient le fait des associations. En fait, aucune action n’a été engagée contre les associations, parce qu’elles auraient, par des recours abusifs, « dévoyé » – c’est le terme qui a été utilisé – le contrat qu’elles ont signé au terme du marché public lancé par l’État. Rien n’a par ailleurs été entrepris pour dénoncer ces marchés publics…
Je pose donc la question une nouvelle fois : qu’est-ce qu’un recours abusif ? Y a-t-il un seuil au-delà duquel le nombre de recours est considéré comme abusif ? Oubliez-vous qu’il y a eu beaucoup plus d’OQTF prononcées, parfois de manière systématique et sans étude de cas individuelle, que de recours intentés ? Savez-vous que le droit de former un recours, y compris contre une décision du Président de la République, fait partie de ce qui garantit nos libertés, notre démocratie ?
On nous parle de coûts élevés, de recours abusifs, mais rien n’est prouvé. En définitive, comme ma collègue Briante Guillemont vient de le dire, aucun dispositif de substitution crédible n’est proposé en contrepartie.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Guy Benarroche. Rien ne permet donc aujourd’hui de justifier ce texte, qui relève du pur affichage politique !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour explication de vote.
Mme Marie-Carole Ciuntu. Compte tenu de ce que je viens d’entendre, je tiens d’abord à dire que je suis bien l’auteure de cette proposition de loi. Ce texte reflète bien la conviction profonde qui est la mienne, après un travail qui a été mené ici, au Sénat, dans des conditions très remarquables, comme toujours.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Marie-Carole Ciuntu. Ce travail a été très approfondi. Je ne me suis pas subitement levée un matin en proie à une obsession nouvelle contre les associations.
Je n’admets pas non plus que, dès qu’il s’agit d’immigration, on nous juge en nous traitant de « fachos ». C’est absolument inadmissible ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Thomas Dossus lève les bras au ciel.)
Je tiens à le dire, voilà plus d’une année que j’ai demandé à la commission des finances, avec l’aval de l’ensemble des commissaires, dont vous faites partie, monsieur Dossus, que la Cour des comptes regarde non seulement ce qui se passe dans les centres de rétention administrative, mais aussi la manière dont les associations œuvrant dans le domaine migratoire assument les missions qui leur sont confiées et ce qui est fait de ce fameux milliard d’euros – cette somme a doublé en quelques années sans que cela semble vous soucier, mon cher collègue !
La Cour des comptes a publié un rapport très complet, qui consacre de longs passages aux associations, notamment sur le fait qu’elles ne sont pas contrôlées – qu’un milliard d’euros puisse ne pas être contrôlé ne semble pas vous émouvoir, monsieur Dossus !
Dans ce rapport, le constat est fait que certaines missions mériteraient d’être affinées et qu’il existe des doublons…
M. Thomas Dossus. Ce n’est pas le problème !
Mme Marie-Carole Ciuntu. Compte tenu de leur rôle dans les centres de rétention administrative, on peut en effet s’interroger sur l’activité de ces associations, qui massifient le contentieux.
Puisque vous avez sans doute assisté à l’audition des magistrats de la Cour des comptes, vous savez comme moi que, quand on leur a demandé d’éclairer ce point, ils ont bien dit, dans une formule certes prudente, mais ne pouvant donner lieu à interprétation, qu’il y avait là un sujet et que des recommandations avaient été formulées.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Carole Ciuntu. Cette proposition de loi dit quelque chose qu’attendent tous les Français, à savoir qu’il faut reprendre la main sur l’immigration ! (M. Thomas Dossus proteste.)
Mme la présidente. Je vous demande de conclure !
Mme Marie-Carole Ciuntu. C’est ce que nous faisons avec ce texte. Notre travail suscitera le respect. L’antiparlementarisme que vous nourrissez n’est pas une bonne chose ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, dont la commission a ainsi rédigé l’intitulé : proposition de loi relative à l’information et à l’assistance juridiques en rétention administrative et en zone d’attente.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 268 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 227 |
Contre | 113 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Je tiens simplement à remercier la Haute Assemblée d’avoir adopté ce texte à une très forte majorité.
Je salue en particulier le travail réalisé par son auteure, Marie-Carole Ciuntu, depuis de longs mois.
M. Max Brisson. Très bien !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. J’en ai été personnellement témoin, avant même que je ne prenne mes fonctions de ministre de l’intérieur.
M. le rapporteur, qui faisait aujourd’hui ses premières armes, a montré qu’il avait un bel avenir devant lui. Je le salue, tout comme Mme la présidente de la commission des lois.
Cette proposition de loi est importante.
Tout d’abord, elle est révélatrice de l’action que l’on peut attendre de l’État, que, depuis des décennies, nous avons démantelé, démembré, en confiant un certain nombre de politiques publiques à des agences ou des associations. Pour des raisons de clarté et d’efficacité, il est indispensable de laisser l’État reprendre la main.
Ce faisant, nous avons assisté à un renversement de valeurs. Nos débats ont été l’occasion de pointer du doigt la partialité de certaines associations. Dans les locaux de l’une d’entre elles était ainsi placardée une affiche sur laquelle figurait le slogan : « la France déporte ». Or notre République se fonde sur des lois, et il est de notre devoir d’éloigner les personnes dangereuses !
Le renversement de valeurs a consisté à remettre en cause l’impartialité des fonctionnaires, alors que c’est le propre même de leur statut et du statut garanti par la fonction publique. Il est d’ailleurs incroyable que ce soit la gauche qui les ait pointés du doigt ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Ensuite, cette proposition de loi relève d’une exigence budgétaire. Je le répète : grâce à ce texte, nous ferons des économies. Nous en reparlerons dans quelques mois : cela est indispensable.
Enfin, ce texte répond à une exigence démocratique. Les Français, pour une large majorité, sont favorables à une politique efficace de retour. Si, à l’avenir, nous voulons accueillir correctement les étrangers qui respectent nos lois, il est fondamental que nous nous assurions du retour dans leur pays d’origine de ceux qui ne les respectent pas. (M. Thomas Dossus lève les bras au ciel.)
Je vois bien qu’il y a un dissensus flagrant sur cette question. À gauche, vous ne voulez pas d’une politique de retour efficace !
M. Thomas Dossus. C’est au juge d’en décider !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Nous, nous le voulons, tout comme les Français !
Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir voté ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Amélioration de l’accès aux soins dans les territoires
Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons l’examen de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires.
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Luc Fichet. (Mme Annie Le Houerou applaudit.)
M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de Philippe Mouiller visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires.
Ce texte s’inscrit dans la droite ligne de plusieurs lois votées ces dernières années, qui abordent notre système d’accès aux soins de manière parcellaire. Nous attendons, sans plus y croire, un projet de loi ambitieux, adoptant un point de vue global sur la santé.
Depuis mon arrivée au Sénat, en 2008, je tente de trouver des solutions pour améliorer l’accès aux soins de nos concitoyens. En 2009, les auteurs de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, ambitionnaient déjà de résoudre le problème – sans succès.
En 2013, avec mon collègue Hervé Maurey, nous avons commis un rapport intitulé Déserts médicaux : agir vraiment, dans lequel nous listions des propositions pour un meilleur maillage territorial de l’installation des médecins. Ce rapport sénatorial est resté lettre morte.
Depuis des décennies, les organisations professionnelles de médecins se battent contre toute forme de coercition et de régulation, et ne suggèrent de traiter la problématique de la désertification médicale et les enjeux de santé publique qu’au travers de mesures incitatives.
Ces politiques incitatives ont donné lieu à de multiples conventionnements, ainsi qu’à des mesures de soutien financier, telles que des défiscalisations, qui se superposent aux mesures proposées par certaines collectivités locales pour que les médecins s’installent dans les territoires où il y a le plus de besoins. Cette situation conduit parfois à une mise en concurrence délétère entre territoires.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est vrai !
M. Jean-Luc Fichet. En 2017, dans l’un de ses rapports, la Cour des comptes qualifiait ainsi les politiques publiques menées en la matière : « Ces initiatives dispersées ont conduit, depuis le début des années 2010, à une forme de fuite en avant, sans évaluation ni de l’efficacité globale ni du rapport coût/avantage qui en résulte. Ces dispositifs timides et partiels de régulation à l’installation, qui jouent quasi exclusivement sur des incitations financières, ne sont manifestement pas à la hauteur des enjeux. »
Force est de constater notre échec collectif. La désertification médicale progresse, tout comme la colère de nos concitoyens.
En 2022, 6,7 millions de personnes n’avaient pas de médecin traitant. En outre, 30 % de la population française vit dans un désert médical, et l’espérance de vie en bonne santé des habitants des zones rurales est en moyenne de deux ans inférieure à celle de nos autres concitoyens.
Les solutions proposées dans ce texte par le président Mouiller ne me semblent pas opérantes.
Je pense notamment à la création d’un comité de pilotage de l’accès aux soins comprenant des acteurs de l’offre de soins et des représentants des collectivités locales pour une déclinaison territoriale de la politique de santé. Ce sont des missions d’ores et déjà exercées par les ARS, au sein desquelles il serait plus juste de renforcer le poids des élus locaux.
L’organisation sans contrainte de l’accès aux soins en zone sous-dense est une autre réponse inadéquate de ce texte. Cette proposition fait écho aux annonces du Premier ministre sur la création d’une obligation de solidarité, en vertu de laquelle les médecins généralistes devraient exercer deux jours d’activité par mois dans ces territoires.
Elle soulève beaucoup de questions : quels contrôles, quels moyens, quels effets ?
Quel sera l’impact de la présence de médecins deux jours par mois seulement en zone sous-dense pour les patients, en particulier pour ceux qui souffrent d’affections de longue durée (ALD) ? Quid du remplacement des médecins dans leur cabinet primaire ? Quel effort la puissance publique devra-t-elle fournir si elle doit financer les transports, les locaux et les infrastructures techniques ?
La proposition de loi prévoit également une autorisation de dépassement d’honoraires pour les médecins en zone sous-dense. C’est une barrière financière à l’accès aux soins, qui risque d’augmenter encore les inégalités.
Les dispositions consacrées aux Padhue sont contestées par les intéressés eux-mêmes. En quoi représentent-elles une avancée ? Si des Padhue sont recalés après plusieurs années d’exercice et une supervision fantôme, les patients ne risquent-ils pas de se plaindre d’être insuffisamment soignés par un médecin incompétent ? Quant à l’obligation d’installation des Padhue ayant réussi les épreuves de vérification des connaissances en zone sous-dense, elle est totalement injuste et discriminatoire.
La présente proposition de loi se concentre sur la médecine libérale : elle n’a donc pas vocation à réformer notre système de santé. Ce texte est en réalité opportunément sorti du chapeau de nos collègues de droite pour tenter d’opposer un contre-feu à la proposition de loi transpartisane adoptée à l’Assemblée nationale sous l’impulsion de notre collègue socialiste Guillaume Garot.
Le texte de la majorité sénatoriale est imprécis et ne témoigne d’aucun souci d’efficacité. C’est la raison pour laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’y opposera.
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte part d’un constat que nul, ici, ne saurait contester : celui de la fracture sanitaire qui divise nos territoires et pénalise des millions de nos compatriotes.
Loin des grandes métropoles, dans nos communes rurales, dans nos villes moyennes et même en périphérie urbaine, l’accès aux soins se dégrade inexorablement. Près de 12 % de nos concitoyens n’ont pas de médecin traitant. Certains parcourent des dizaines de kilomètres pour consulter un généraliste ou un spécialiste. Il est de notre devoir de remédier à cette situation.
Toutefois, bien que les élus du Rassemblement national partagent l’objectif affiché par les auteurs de ce texte, nous ne pourrons l’adopter en l’état. Cette proposition de loi comporte, à nos yeux, plusieurs mesures contre-productives et susceptibles d’aggraver la situation qu’elle prétend améliorer.
Tout d’abord, l’introduction de mesures coercitives à l’installation des médecins, notamment l’autorisation préalable d’installation dans les zones surdotées, nous paraît non seulement inefficace, mais aussi profondément attentatoire à la liberté d’exercice.