Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, outre les mesures qu’a présentées Mme le rapporteur, le projet de loi prévoit des dispositions visant à favoriser le maintien des seniors dans l’emploi par d’autres dispositifs d’aménagement des fins de carrière.
Afin de ne pas entraver le recours à la retraite progressive, l’article 5 encadre davantage le refus de l’employeur d’accorder à un salarié de passer à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre d’une retraite progressive. Le refus devra être motivé par l’incidence de la réduction de la durée de travail sollicitée sur la continuité de l’activité de l’entreprise et par les tensions de recrutement.
L’article 6 permet de négocier par accord collectif un versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite dans le cadre d’un passage à temps partiel ou réduit. Ce versement échelonné permettrait ainsi d’assurer un maintien total ou partiel de la rémunération, en dépit de la réduction de la quotité d’activité. Certaines branches ou entreprises ont prévu un tel dispositif dans leurs accords et la modification proposée du code du travail permettra d’assurer la légalité de ces clauses.
L’article 7 vise à faire évoluer le droit, à la suite d’un récent arrêt de la Cour de cassation, afin de préciser que la mise à la retraite d’office d’un salarié est permise y compris lorsque ce dernier a été recruté après avoir atteint l’âge de départ à taux plein.
Ces différentes mesures répondent ainsi à l’un des écueils identifiés dans le monde professionnel en France. Trop souvent, les fins de carrière sont vues au travers d’un prisme binaire. Entre le travail à temps complet et la cessation totale d’activité et le départ à la retraite, une tierce option semble difficilement concevable.
Seuls 25 % des salariés de plus de 55 ans sont à temps partiel en France, alors que ce taux atteint 40 % aux Pays-Bas. De même, la retraite progressive n’a concerné que 26 000 salariés en 2023.
Or ce sont précisément ces modèles flexibles d’organisation du travail en fin de carrière qui permettront le maintien d’un plus grand nombre de salariés dans l’emploi. L’ANI conclu par les partenaires sociaux, tout comme ce projet de loi, apporte de premières réponses, mais la diffusion de ces modes d’organisation du travail ne reposera pas seulement sur des dispositions législatives. Un effort de longue haleine sera nécessaire pour changer les mentalités. Les négociations dans les branches et les entreprises devraient y contribuer.
Afin de lever les freins à l’embauche, il est proposé, à l’article 4, de créer un nouveau contrat à durée indéterminée à destination des demandeurs d’emploi seniors, le contrat de valorisation de l’expérience, qui permettrait à leur employeur de procéder à leur mise à la retraite seulement une fois atteint l’âge d’obtention d’une pension de retraite à taux plein.
Afin d’inciter à la conclusion de tels contrats, une exonération de la contribution employeur spécifique sur l’indemnité de mise à la retraite est prévue. Nous vous proposerons d’ailleurs un amendement de précision à ce sujet pour rendre compte fidèlement de l’intention des partenaires sociaux.
L’article 4 s’inscrit dans la lignée du contrat de fin de carrière proposé par le Sénat lors de la réforme des retraites. La commission a donc bien sûr soutenu cet article. Elle a toutefois déposé un amendement visant à conférer un caractère expérimental aux dispositions et prévu la remise d’un rapport d’évaluation afin d’assurer la bonne information du législateur cinq ans après l’entrée en vigueur du dispositif.
Enfin, l’une des modifications les plus substantielles apportées par la commission au projet de loi concerne l’article 10. Le texte proposé par le Gouvernement prévoyait d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour modifier les dispositifs qui concourent aux reconversions professionnelles. L’intention annoncée était de transposer l’ANI en cours de négociation entre les partenaires sociaux afin de remédier au manque de lisibilité des dispositifs de transition professionnelle existants.
Nous avons considéré qu’un tel recours à une ordonnance n’était pas approprié. Le Parlement doit être pleinement saisi de cette réforme d’ampleur et veiller à la bonne transposition d’un éventuel accord. Toutefois, nous n’avons pas souhaité supprimer purement et simplement l’article. Nous comprenons qu’il est important que le dialogue social, s’il aboutit, puisse rapidement trouver un véhicule législatif. La rédaction de l’article 10 proposée par la commission consacre donc les objectifs de la réforme des transitions professionnelles à l’aune desquels les partenaires sociaux négocient.
Pour conclure, nous pouvons nous féliciter de la démarche du Gouvernement, qui nous présente aujourd’hui un projet de loi visant à la stricte transposition des mesures des accords relevant du domaine de la loi.
La commission vous invite donc à adopter le texte dans la version issue de ses travaux, dont les seules modifications substantielles concernent les articles 4 et 10. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à féliciter les rapporteurs pour les améliorations qu’ils ont apportées au texte.
Si comparaison n’est pas raison, nous comparer à nos voisins européens n’en demeure pas moins parlant. Ainsi, si la France avait le taux d’emploi des Pays-Bas, nos recettes publiques en seraient améliorées de 140 milliards d’euros. Ce chiffre semble colossal, et pour cause : il équivaut aux budgets de la défense et l’éducation nationale réunis.
Le taux d’emploi des seniors de 55 à 64 ans n’est que de 60 % en France, contre 65 % dans l’Union européenne, 75 % en Allemagne et aux Pays-Bas et 78 % en Suède. Il est trop bas dans notre pays. Nous devons donc apporter des solutions pour permettre une meilleure insertion professionnelle des seniors.
Si nous augmentions notre taux de cinq points pour atteindre la moyenne européenne, nous disposerions de 5 milliards d’euros supplémentaires pour les retraites. En 2023, nous avons voté une réforme reportant l’âge de la retraite de 62 à 64 ans. J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, si un projet de loi comme celui que nous examinons aujourd’hui avait alors été adopté, instaurant davantage de dialogue social, le report de l’âge égal aurait été, je le pense, mieux accepté.
Si nous ne faisons rien en faveur de l’emploi des seniors alors que nous avons reporté l’âge légal de départ à la retraite, nous risquons une augmentation du nombre de chômeurs. L’objectif de la réforme était pourtant de dégager des recettes supplémentaires par le travail, en ayant davantage de salariés. Il est donc indispensable d’agir.
L’évolution de la démographie de notre pays est extrêmement éloquente. La part des personnes âgées de 60 ans et plus, qui représentait 16 % de la population dans les années 1960, est passée à 28 % en 2024 et à 30 % en 2030. Les seniors sont une richesse pour les entreprises et devraient être mieux valorisés. Leur intégration dans l’économie est essentielle pour transmettre les compétences et préserver le financement de notre modèle social.
Le projet de loi qui nous est soumis apporte des solutions afin de favoriser l’emploi des seniors.
Il impose, tout d’abord, une obligation de négocier régulièrement de la question de l’emploi des seniors dans les entreprises de plus de 300 salariés. Nous soutenons évidemment cette mesure. Nous serions favorables à ce qu’elle concerne aussi des entreprises moins grandes. Ce sera le cas dans le cadre de la branche.
L’article 3 du texte améliore la préparation de la deuxième partie de carrière. Il prévoit que la question de la formation ou de la reconversion du salarié doit être évoquée lors de l’entretien professionnel qui suit la visite médicale de mi-carrière. De même, il prévoit que devront être abordées lors de l’entretien professionnel précédant les 60 ans du salarié les possibilités d’aménagement de fin de carrière, dont l’éventualité d’une retraite progressive.
Ce dispositif est encore trop peu utilisé en France. Seules 35 000 personnes en bénéficient chaque année, alors qu’entre 700 000 et 800 000 personnes prennent leur retraite. Cette lacune est le fruit d’une méconnaissance du dispositif de la part du salarié, mais aussi parfois même de l’employeur, notamment dans les petites entreprises – il faut qu’elles s’en emparent.
Le texte améliore le dispositif, à l’article 6, en permettant d’échelonner le versement de l’indemnité de départ à la retraite, afin que celle-ci puisse constituer un complément de rémunération lors d’un passage à temps partiel. Nous espérons que cette possibilité contribuera à augmenter le recours à la retraite progressive et au travail à temps partiel.
L’article 4 instaure le contrat de valorisation de l’expérience – la nouveauté de ce projet de loi –, un CDI réservé aux demandeurs d’emploi âgés de 60 ans, ou de 57 ans si un accord de branche le prévoit, qui ne remplissent pas encore les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Lorsqu’il remplira les conditions, le salarié pourra être mis à la retraite par l’employeur, qui bénéficiera alors d’une exonération de la contribution patronale sur l’indemnité de mise à la retraite.
L’article 5 prévoit que l’employeur doit justifier un refus éventuel – c’est un point important.
Cela a été dit, ce dispositif est certes moins favorable, et donc moins incitatif, que le contrat de fin de carrière proposé, il y a deux ans, par René-Paul Savary dans le cadre de la réforme des retraites. Celui-ci prévoyait, en plus d’une exonération de la contribution sociale sur l’indemnité de mise à la retraite, une exonération de la cotisation « famille » sur la rémunération du salarié. Le dispositif du contrat de valorisation de l’expérience reste néanmoins utile pour favoriser l’emploi des salariés expérimentés. Nous le soutenons évidemment.
Le dialogue social a aussi permis de prévoir, à l’article 9, une ouverture plus large de l’assurance chômage, ce qui constitue une amélioration.
Enfin, ce projet de loi est la transposition fidèle des accords nationaux interprofessionnels signés largement par les syndicats en novembre 2024. Nous nous félicitons du résultat de cette démocratie sociale et saluons les mesures de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui, relatif à l’emploi des seniors, vient enfin combler le grand vide laissé par la réforme des retraites, en vigueur depuis 2023.
Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles cette réforme a été adoptée ; en revanche, je rappellerai les conséquences négatives qu’elle entraîne pour les seniors de plus de 55 ans, et encore davantage pour les femmes seniors.
En 2023, le gouvernement Borne a en effet décidé de reculer l’âge légal de la retraite dans le cadre d’un texte financier, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, sans avoir traité ni avant ni après un sujet pourtant crucial : l’emploi des seniors.
Cette stratégie est d’autant plus regrettable que le problème était déjà identifié et connu depuis des années. Les difficultés à retrouver un emploi après 55 ans sont parfaitement documentées, notamment par l’Unédic et la Cour des comptes. Cette dernière avait déjà alerté en 2019 le Premier ministre en exercice sur le danger du chômage des seniors et « le risque croissant de trappe à pauvreté » qu’il représente chez les plus de 60 ans.
Que de temps perdu, mes chers collègues !
La situation actuelle est parfaitement décrite par nos deux rapporteures : dès l’âge de 56 ans, il devient très difficile de retrouver un emploi stable. Et pourtant, de nombreux seniors devront travailler jusqu’à 67 ans, et non pas 64 ans, puisqu’il faut compter, rappelons-le, quarante-trois annuités pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
À ce propos, méfions-nous de la progression apparente du taux d’emploi des seniors, car elle masque en réalité une amélioration en trompe-l’œil. Le taux d’emploi de la tranche d’âge des 55-64 ans est de 58,4 %, mais il chute de manière vertigineuse à 33 % entre 60 ans et 64 ans.
En France, l’âge demeure, cela a été dit, le premier motif de discrimination sur le marché du travail, avant l’orientation sexuelle, l’origine ethnique ou sociale. À titre d’exemple, les salariés de 50 ans représentent les deux tiers des licenciements dans les plans sociaux.
L’étude de l’Association pour l’emploi des cadres et de Pôle emploi parue en juin 2022 révélait également que 71 % des cadres en recherche d’emploi étaient des seniors en chômage de longue durée.
Il est donc urgent de changer de regard dès aujourd’hui et de se projeter vers l’avenir, car ces salariés représenteront bientôt – à l’horizon de 2035 – près de 50 % des actifs. Revenons à la réalité, sortons des préjugés et des stéréotypes !
D’ailleurs, si ces préjugés ne sont pas officiellement assumés et renseignés, ils sont en revanche bien intégrés dans les processus et les pratiques de recrutement.
Oui, le senior s’adapte ; oui, le senior peut être productif ; oui, ses compétences et son expérience peuvent être rentables ! À nous, législateurs, d’inciter les entreprises à favoriser un temps de travail adapté, comme le font les Pays-Bas, où 83 % des seniors bénéficient d’horaires flexibles ou d’un poste à temps partiel.
En France, cette discrimination prive notre économie d’une force de travail expérimentée et engagée. C’est une grave erreur, que nos voisins européens n’ont d’ailleurs pas commise, même si dans certains pays qui ont été mentionnés, comme l’Allemagne et les Pays-Bas, les montants des pensions ont en parallèle fortement diminué.
Nous examinons donc aujourd’hui un projet de loi issu d’un accord des partenaires sociaux qui, espérons-le, permettra de rattraper au moins une partie du retard de la France par rapport aux pays qui ont instauré des dispositifs adaptés. Le temps partiel, la retraite progressive ou encore les mini-jobs, comme en Allemagne, sont autant de solutions connues, mais très peu développées en France.
Par manque de flexibilité et d’imagination, ou par habitude, les fins de carrière se résument actuellement à un choix binaire entre un emploi à plein temps ou la cessation totale de l’activité professionnelle. Notre marge de progrès est donc immense.
Autre regret, madame la ministre : la réforme des retraites n’a pas tenu compte des parcours professionnels féminins. C’est une grande erreur. Le sujet des carrières féminines n’est certes pas l’objet de cet accord, mais je tiens à rappeler ici que nous devrons impérativement l’aborder, notamment pour les femmes seniors et aidantes.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 50 et 64 ans, elles sont 60 % à occuper un emploi, mais, dès lors qu’elles sont aidantes, cette proportion chute à 37 %. C’est un fait, les femmes exercent des responsabilités familiales, qu’il s’agisse de la maternité, de l’éducation ou de l’accompagnement des parents vieillissants, isolés ou malades.
Être senior, et en plus être une femme, c’est la double peine, madame la ministre. Les femmes sont le pivot des solidarités familiales : en cela, elles sont source de solutions pour l’accompagnement du grand âge et elles font faire des économies à la société.
Ce gain devrait être considéré à sa juste valeur. Il faut aménager des temps partiels pour les femmes, leur octroyer des trimestres supplémentaires ou supprimer la décote, qui est une mesure totalement indécente de la dernière réforme.
Je referme cette parenthèse.
Dans le domaine de la formation, la marge de progrès est également immense.
Je terminerai donc en évoquant le fameux article 10, qui concerne les dispositifs de transition professionnelle. Notre commission a très justement réécrit cet article pour éviter que ce sujet essentiel n’échappe au contrôle du Parlement.
En effet, les dispositifs censés accompagner les seniors dans leurs projets de transition ou de reconversion sont nombreux, mais inefficaces. Leur complexité, leur inadéquation aux besoins du marché, les inégalités territoriales et les dérives financières de coachings en tout genre ont créé un système à la fois coûteux et illisible, n’ayant permis que peu de créations d’emplois.
En 2022, 18 milliards d’euros ont été dépensés dans ces dispositifs. Est-ce bien raisonnable ? Ne faudrait-il pas mobiliser ces 18 milliards pour alléger les charges sociales, aménager les fins de carrière à temps partiel et investir dans des dispositifs de formation plus adaptés aux seniors ?
La baisse du coût du travail est un levier clé pour sortir de cet engrenage, qui prive les salariés expérimentés, dès l’âge de 50 ans, du droit au travail.
Réduire et rationaliser les dispositifs de reconversion pour les adapter enfin aux compétences recherchées aurait un effet positif à la fois sur l’emploi et sur les finances publiques.
Bien qu’ils soient réservés sur l’article 10, les membres du groupe Les Républicains voteront bien entendu ce projet de loi, qui transpose des mesures attendues à la fois par les salariés, les entreprises et les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Marie Vanlerenberghe et Michel Masset applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qui a dit que le dialogue social ne fonctionnait plus dans notre pays ? Après une reprise des négociations en octobre 2024, force est de constater que le dialogue social est non pas une chimère, mais bel et bien une réalité.
En témoignent l'accord national interprofessionnel en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et l'accord national interprofessionnel relatif à l’évolution du dialogue social, conclus les 14 et 15 novembre 2024, qui seront, je l’espère, transposés dans notre droit grâce à l’adoption de ce projet de loi.
Je l’espère, car, mes chers collègues, nous le constatons toutes et tous sur nos territoires, la France traverse une période marquée par de nombreuses incertitudes, dans un contexte particulier, tant sur le plan social que sur le plan financier.
Tout d’abord, le taux d’emploi des seniors dans notre pays est très inférieur à la moyenne de l’Union européenne. Seulement 38,9 % des personnes âgées de 60 à 64 ans sont en activité en France, contre plus de 65 % en Allemagne ou 68,9 % en Suède. Notre pays accuse un net retard par rapport à ses voisins européens, où la moyenne des seniors en activité avoisine les 51 %.
Par ailleurs, malgré les différents plans gouvernementaux et les politiques ambitieuses menées ces dernières années, notamment en matière d’alternance et d’apprentissage, le taux d’emploi des jeunes est désormais en repli.
En effet, selon les statistiques de l’Insee, après une forte augmentation en 2021 et en 2022, le taux d’emploi des 15-24 ans a ralenti en 2023 avant de diminuer de 0,6 point en 2024. Qu’il soit question des jeunes comme des moins jeunes, notre pays peut donc faire mieux. Je dirai même que notre pays doit faire mieux.
Dans un moment si particulier où le financement de notre modèle social est remis en cause, je pense que notre pays a besoin de réaliser des économies et de prendre des décisions politiques destinées à faire augmenter le taux d’emploi de toutes les générations. À défaut, nous prendrions le risque d’une forte dégradation du climat social en France.
Grâce à ces accords nationaux interprofessionnels, le projet de loi que nous examinons cet après-midi comporte à mes yeux des réponses adaptées et bienvenues pour agir sur le taux d’emploi des seniors, qualifiés, à juste titre, de « salariés expérimentés ».
En effet, le premier accord prévoit un ensemble d’outils ayant pour vocation de favoriser la reprise d’emploi ou le maintien en emploi des seniors, par exemple l’abaissement de l’âge ouvrant droit à la retraite progressive de 62 à 60 ans ou encore les stipulations permettant de favoriser le temps partiel en fin de carrière.
Je pense aussi et surtout à la création du contrat de valorisation de l’expérience, réservé aux demandeurs d’emploi de plus de 60 ans, mais qui pourra également s’appliquer dès 57 ans en cas d’accord de branche. L’objectif principal de ce contrat, qui sera bel et bien un contrat à durée indéterminée, est d’offrir aux employeurs de la visibilité sur la fin de carrière du salarié, puisque la mise à la retraite pourra intervenir dès que le salarié atteindra l’âge de départ à taux plein.
J’espère que ce contrat, prévu à l’article 4 sous la forme d’une expérimentation, portera ses fruits et qu’il pourra ensuite être pérennisé dans notre droit social.
Par ailleurs, mes chers collègues, si l’on souhaite agir sur le taux d’emploi des seniors, encore faut-il que ce sujet soit sur la table des négociations. Ce sera le cas demain, grâce aux deux premiers articles du projet de loi, qui prévoient l’obligation de négocier, d’une part, sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés dans les branches professionnelles et, d’autre part, sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés dans les entreprises d’au moins 300 salariés.
Enfin, si l’expérience vient souvent avec l’âge, ce qui est sûr et certain, c’est que, au fil des années, on se soucie davantage de sa santé. Il est donc tout à fait logique de lier la visite médicale de mi-carrière à l’entretien professionnel et de prévoir un entretien professionnel avant les 60 ans du salarié ; tel est l’objet de l’article 3 du projet de loi. Ces réponses adaptées permettront demain, je le souhaite, de faciliter l’embauche des seniors et d’augmenter ainsi leur taux d’emploi.
Toutefois, ce projet de loi contient également d’autres mesures justifiant à mon sens son adoption.
En effet, l’article 9 traduit dans la loi une des mesures de la convention relative à l’assurance chômage du 15 novembre 2024, dont le but est d’apporter une réponse aux difficultés d’insertion rencontrées par les primo-entrants.
En l’espèce, les partenaires sociaux ont souhaité assouplir les conditions d’accès à l’assurance chômage pour les personnes n’ayant jamais bénéficié de l’allocation d’aide au retour à l’emploi ou ne l’ayant pas touchée depuis une longue période. Le nombre de jours travaillés nécessaires pour bénéficier de l’assurance chômage en tant que primo-entrant passe ainsi de 130 à 108 jours, autrement dit de six mois d’activité actuellement à environ cinq mois.
Compte tenu des difficultés d’insertion rencontrées par ces personnes sur le marché du travail, notamment les plus jeunes d’entre elles, qui représentent tout de même plus de 62 % des primo-entrants et dont le taux de chômage reste bien évidemment encore insatisfaisant, cette disposition constitue, là encore, un ajustement bienvenu.
Ensuite, l’article 8 du projet de loi supprime la limitation à trois du nombre de mandats successifs que les membres de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent exercer. Nous saluons cette décision qui permettra, j’en suis convaincu, de dynamiser le dialogue social dans toutes les entreprises et, surtout, d’assurer l’exercice de ces mandats.
Le texte témoigne de la vitalité du dialogue social dans notre pays et prouve que la concertation, le dialogue et le compromis ont encore de l’avenir !
C’est dans le respect de ces principes que nous attendons avec impatience les conclusions d’un nouvel accord national interprofessionnel sur les reconversions, qui seront, je le souhaite et je l’espère, insérées par voie d’amendement au cours de la navette parlementaire.
En l’absence d’accord, je n’ai aucun doute sur le fait que l’article 10 proposant d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances sera supprimé. Vous l’avez clairement indiqué en commission, madame la ministre.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Bernard Buis. Toujours est-il que, dans l’hypothèse où un accord pourrait être trouvé, amender cet article pour y incorporer les conclusions des partenaires sociaux me semble tout à fait opportun.
En attendant la fumée blanche, nous voterons sans hésitation ce projet de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Masset applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’évolution démographique de la population française nous oblige à adapter notre modèle de travail, nos politiques d’emploi et nos représentations collectives.
Or, à cet égard, la situation actuelle est préoccupante. Le taux d’emploi des personnes de plus de 55 ans reste faible, et la transition vers la retraite s’apparente trop souvent à une période d’exclusion progressive du monde professionnel. Dès 58 ou 59 ans, certains salariés se voient proposer des ruptures anticipées, se heurtent à des refus d’embauche ou peinent à accéder à des formations. Cela n’est ni juste ni économiquement viable.
Nous devons sortir de cette logique paradoxale où, d’un côté, on prolonge la durée d’activité et, de l’autre, on rend plus difficile la possibilité même de travailler après un certain âge. Une société ne peut pas demander plus sans offrir mieux !
En effet, les seniors ont toute leur place dans le monde du travail : leur expérience, leur stabilité, leur capacité à transmettre sont des atouts pour nos entreprises, pour les services publics et pour les territoires. Mais cela suppose des engagements politiques clairs et ambitieux.
C’était, semble-t-il, l’intention du Gouvernement le 21 novembre 2023, lorsqu’il a invité les partenaires sociaux, sur la base de l’article L. 1 du code du travail, à engager une négociation nationale interprofessionnelle, afin d’identifier les mesures favorables au maintien et au retour en emploi des seniors.
Après un échec des négociations dans un contexte nettement dégradé par une réforme des retraites adoptée aux forceps, les partenaires sociaux ont été invités par le Gouvernement, en octobre 2024, à reprendre les négociations. Ils sont finalement parvenus à la conclusion d’un accord national interprofessionnel en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social, signé le 14 novembre 2024. Le projet de loi dont nous débattons cet après-midi est donc une transposition du contenu de l’accord des partenaires sociaux.
Permettez-moi, au nom du groupe du RDSE, de remercier ces derniers pour leur travail utile à notre démocratie. En effet, la démocratie sociale n’est pas une simple formalité consultative, elle est ce second souffle républicain qui donne aux corps intermédiaires – syndicats de salariés, organisations patronales et associations – leur juste place dans la construction des politiques publiques. C’est la raison pour laquelle notre groupe plaide pour un renforcement structuré de la démocratie sociale, par une reconnaissance formelle de son rôle dans le processus normatif et des moyens supplémentaires.
À ce sujet, nous saluons le rétablissement d’une obligation formelle de négociation, dans toutes les branches professionnelles, sur l’emploi et les conditions de travail des seniors.
Aussi, nous accueillons favorablement la création d’une nouvelle obligation de négociation, au moins une fois tous les quatre ans, pour les entreprises de 300 salariés et plus, sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés.
Le dialogue social, lorsqu’il est ancré dans la proximité, devient un véritable outil de cohésion au sein de l’entreprise. En encourageant des échanges réguliers et directs entre les représentants du personnel, les salariés et la direction, il favorise une meilleure compréhension des réalités du terrain et des besoins concrets des équipes.
L’autre volet majeur de ce projet de loi est l’expérimentation pendant cinq ans du contrat de valorisation de l’expérience pour les demandeurs d’emploi âgés d’au moins 60 ans inscrits à France Travail, ou de 57 ans si un accord de branche le prévoit.
Cet outil vise à lever les freins au recrutement des demandeurs d’emploi, par l’exonération de la contribution patronale spécifique de 30 % sur l’indemnité de mise à la retraite. Si nous soutenons cette mesure, nous restons néanmoins vigilants, car – cela sera certainement évoqué cet après-midi – seulement 8 % des entreprises ont conçu des politiques de recrutement pour les salariés expérimentés.
Ce type de mesure est très marginal et montre que la lutte contre les discriminations liées à l’âge lors des recrutements reste un combat qui est loin d’être gagné.
Nous partageons les propos de Mme la rapporteure Anne-Marie Nédélec sur l’urgence de changer les mentalités en entreprise et de modifier le regard porté sur les salariés âgés et les fins de carrière.
En somme, ce texte est pragmatique, équilibré et porteur d’un objectif fondamental : conjuguer performance économique et progrès social. La précision sur les dispositifs de formation professionnelle et l’amélioration de l’organisation et du fonctionnement des organismes qui concourent à l’accompagnement des transitions professionnelles sont également bienvenues.
Pour conclure, les membres du groupe du RDSE voteront ce projet de loi, par sens des responsabilités. Ce texte a le mérite de traduire un compromis issu du dialogue social sur la reconnaissance de l’expérience des femmes et des hommes en fin de parcours professionnel.
Mais nous restons lucides. Il s’agit d’un texte d’ajustement, pas d’un virage structurel. C’est pourquoi notre soutien sera exigeant, pour que de véritables avancées suivent en matière de droits, de sécurisation des parcours, de justice sociale et de revalorisation des salaires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Laurence Muller-Bronn applaudit également.)