Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Nous attendons à présent la décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour la réplique.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le ministre, vous avez cité M. Perben. Je me permets de vous rappeler – mais vous le savez certainement – que lors du mandat du président Jacques Chirac,…

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. … nous avions fait voter une loi spéciale pour accélérer le rythme de construction de places de prison. Il y avait même, à l’époque, un ministre qui se consacrait entièrement à cette tâche.

Je tenais à vous adresser un mot d’encouragement pour les deux années qui viennent. Car, même en l’absence d’une majorité parlementaire forte, il est possible de réaliser des avancées considérables en matière de construction carcérale. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

état des ponts routiers

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Brigitte Devésa. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé des transports, Philippe Tabarot.

La situation du réseau des ponts routiers en France est aujourd’hui très préoccupante. Sur les 250 000 ponts que compte notre pays, près de 40 000 sont en très mauvais état en raison d’un manque d’entretien.

Mon collègue Hervé Maurey, que je salue, avait déjà alerté sur cette situation dans un rapport d’information en 2019. Nous avons encore à l’esprit l’effondrement du pont de Gênes et de celui de Mirepoix-sur-Tarn. Tout le monde souhaite éviter une nouvelle catastrophe de cette nature dans notre pays.

Pour remédier à cette situation, l’État a mis en place le programme national Ponts piloté par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), qui aide les communes à financer les diagnostics et les réparations de leurs ouvrages d’art.

Cependant, ce dernier apparaît clairement sous-dimensionné. Il est doté de seulement 55 millions d’euros, quand il faudrait 730 millions d’euros pour intervenir sur les ponts les plus endommagés. Nous connaissons tous la situation délicate de nos finances publiques et nous réalisons l’investissement que cela représenterait. Mais rien ne justifie de mettre ainsi en danger nos concitoyens en laissant nos ponts se dégrader.

Vous avez vous-même admis, monsieur le ministre, dans une réponse du 8 mai 2025 à une question écrite posée par mon collègue Hervé Maurey, que « l’enveloppe n’est pas dimensionnée pour couvrir à terme l’ensemble des coûts de réparation des ponts les plus endommagés ».

Puisque vous avez posé ce diagnostic, monsieur le ministre, je vous le demande : comment le Gouvernement compte-t-il faire pour augmenter l’enveloppe du programme national Ponts, afin de réaliser un entretien complet des ponts qui traversent notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé des transports.

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Madame la sénatrice Devésa, l’état de nos ponts est en effet préoccupant. Le Gouvernement agit avec détermination.

Le rapport Maurey de 2019, auquel vous faites référence, a permis de tirer la sonnette d’alarme. Trois ans plus tard, l’excellent rapport d’information Sécurité des ponts : face au « chantier du siècle », lurgence dune action publique plus ambitieuse de Bruno Belin, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, a confirmé ces constats et fait un premier état des lieux étayé de la mise en œuvre des recommandations. Je salue le travail de ces deux sénateurs… et de tous les autres ! (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)

C’est précisément en réponse aux préconisations sénatoriales que le Gouvernement a créé le programme national Ponts. Je souhaite apporter des précisions sur son dimensionnement. Le programme est doté de 110 millions d’euros au total. Les 55 millions dont vous avez parlé correspondent à la seule partie consacrée aux subventions de travaux. Cette enveloppe, confiée au Cerema, s’inscrit dans une logique cohérente.

Tout d’abord, le diagnostic : 14 800 communes ont bénéficié d’évaluations gratuites de leur ouvrage, 63 000 ponts ont été expertisés. Chaque maire a ensuite reçu le carnet de santé de ses ponts. Puis un accompagnement technique a été mis en œuvre : le dispositif SOS Ponts permet d’apporter une aide aux communes dans leurs études préalables aux travaux.

Enfin, en ce qui concerne le soutien financier, sur les 55 millions d’euros prévus pour les subventions de travaux, 26,8 millions ont été accordés. Je tiens surtout à rappeler qu’aucun dossier n’a été bloqué pour insuffisance budgétaire. Le comité d’attribution instruit tous les dossiers qui lui sont transmis.

Cependant, nous savons que cette enveloppe ne couvrira pas tous les besoins, vous l’avez dit. C’est pourquoi nous discutons déjà des suites de ce programme dans le cadre de la conférence Ambition France Transports.

Rappelons, enfin, que l’entretien des ponts incombe d’abord aux gestionnaires de voirie. L’État accompagne et soutient, mais ne peut se substituer aux responsabilités locales. Par ce programme, le Gouvernement agit méthodiquement. C’est un premier jalon solide que nous posons et nous poursuivrons notre action dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour la réplique.

Mme Brigitte Devésa. À présent que nous partageons tous le même constat, y compris le Gouvernement, le temps est à l’action. Je vous demande, monsieur le ministre, de veiller à ce que cet outil public indispensable, reconnu pour son expertise, réponde pleinement aux attentes de nos collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Communication d’avis sur des projets de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des finances a émis un avis favorable sur la nomination de M. Olivier Sichel à la direction générale de la Caisse des dépôts et consignations.

Par ailleurs, la commission des lois a émis un avis favorable sur la nomination de M. Bernard Stirn à la présidence de la commission prévue au dernier alinéa de l’article 25 de la Constitution.

3

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi sur la profession d’infirmier est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

 
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Article 1er

Emploi des salariés expérimentés et évolution du dialogue social

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social (projet n° 600, texte de la commission n° 668, rapport n° 667).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui répond à un objectif simple tant sur le fond que sur la forme : il s’agit d’assurer la transposition législative fidèle et complète de trois accords intervenus entre les partenaires sociaux le 14 novembre 2024 sur des sujets importants et attendus par nos compatriotes.

Permettez-moi tout d’abord de faire quelques rappels afin que chacun puisse bien comprendre le contexte dans lequel ce texte est soumis au Parlement.

À l’automne dernier, le Premier ministre Michel Barnier, que je tiens à saluer chaleureusement, et moi-même étions convaincus qu’il y avait matière à accord et qu’il était nécessaire de relancer le dialogue social. Je suis sûre que le président Gérard Larcher, père de l’article L. 1 du code du travail, ne nous aurait pas contredits !

Nous avons donc demandé aux partenaires sociaux de reprendre plusieurs négociations qui, au cours de la dernière période, n’avaient pas abouti. Nous leur avions promis que s’ils parvenaient à des accords, ceux-ci seraient appliqués fidèlement par voie réglementaire, si cela était possible, ou qu’ils seraient retranscrits fidèlement dans la loi.

Après quelques semaines de négociations, le 14 novembre 2024, cette initiative a été validée par un triple accord.

Les partenaires sociaux ont ainsi conclu deux accords nationaux interprofessionnels, l’un sur l’emploi des travailleurs expérimentés – je préfère cette expression au terme « seniors » –, l’autre sur le dialogue social, ainsi qu’une nouvelle convention Unédic.

Ces trois textes ont été largement signés. Un peu plus de six mois après leur conclusion, une partie de ces accords est bien entrée en vigueur par voie réglementaire. Toutes les stipulations des trois accords du 14 novembre n’impliquaient pas en effet de mesures de transposition dans la loi. La convention Unédic, par exemple, a été agréée par décret. Quelques stipulations, notamment sur la possibilité de prendre une retraite progressive à 60 ans au lieu de 62 ans, nécessitaient quant à elles des mesures réglementaires uniquement, qui ont été prises depuis lors.

Il appartient donc au Parlement d’assurer la transposition législative du reste des mesures prévues.

Pour cela, nous avons veillé à ce que ce projet de loi retranscrive le plus fidèlement possible la volonté des partenaires sociaux. C’est ce qui a justifié de nombreux échanges avec eux au cours des derniers mois afin de les associer au mieux à l’élaboration de ce texte, qu’ils soient signataires ou non des différents accords.

Je sais que le Sénat partage avec ce gouvernement le souhait de faire vivre la démocratie sociale. Vous êtes rompus, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’exercice de transposition fidèle des accords négociés par les partenaires sociaux. Nous en avons ainsi fait ensemble l’expérience en finalisant la transposition de l’ANI sur les accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) lors du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Abordons à présent le contenu de ce projet de loi.

Sept des dix articles du texte concernent l’emploi des travailleurs expérimentés. En effet, 61 % des plus de 55 ans sont en activité. Ce taux s’établit à moins de 40 % parmi les plus de 59 ans. Ces statistiques nous placent loin, très loin derrière les mieux-disants européens.

La fin de carrière effraie. C’est un gâchis humain et économique inacceptable, que nous ne pouvons plus nous permettre.

Sur cette question stratégique, j’ai donc lancé ce printemps une grande initiative nationale qui vise à changer le regard porté sur l’emploi des 50 ans et plus en luttant contre les stéréotypes.

Tout d’abord, une campagne de communication en ce sens a débuté samedi dernier et se poursuivra jusqu’au 6 juillet 2025.

Ensuite, nous devons changer les pratiques des employeurs, en embarquant France Travail, l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), les organisations professionnelles, l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) ou encore la communauté Les Entreprises s’engagent, pour mettre en avant les entreprises qui se sont saisies de cette question.

Enfin, nous devons modifier la loi : c’est ce que nous faisons aujourd’hui.

Concrètement, les deux premiers articles renforcent le dialogue social en obligeant les branches et les entreprises d’au moins 300 salariés à mener tous les quatre ans des négociations spécifiques sur ce thème.

En effet, il est essentiel que le dialogue social, à tous les niveaux, porte sur le maintien en emploi des 50 ans et plus, sur la gestion de la seconde partie de carrière, sur la transmission des compétences, mais aussi sur le recrutement des salariés expérimentés. Afin d’apporter les bonnes réponses en fin de carrière, employeurs et salariés doivent se préparer en amont.

L’un des enseignements majeurs tirés de l’expérience des pays d’Europe du Nord, qui sont engagés sur cette question depuis les années 2000, et dont le taux d’activité général et celui des seniors sont plus élevés que le nôtre, est clairement que, pour travailler plus longtemps, il faut anticiper au plus tôt.

L’article 3 crée donc un nouvel entretien professionnel organisé dans les deux mois suivant la visite médicale de mi-carrière. Ce dispositif intégré a vocation à faire de ce rendez-vous un moment clé pour mieux répondre aux enjeux de santé au travail, notamment en matière de prévention de l’usure professionnelle. Il sera également l’occasion d’aborder l’ensemble des questions liées aux compétences, aux qualifications, aux besoins de formation, aux mobilités ou aux reconversions.

L’article 4 apporte une réponse en matière de recrutement des travailleurs expérimentés en prévoyant l’expérimentation durant cinq ans du contrat de valorisation de l’expérience (CVE), destiné aux demandeurs d’emploi âgés de 60 ans et plus. On sait que les chômeurs de plus de 55 ans mettent deux fois plus de temps à retrouver un emploi que les actifs âgés de 20 à 49 ans.

La situation est aujourd’hui déséquilibrée : un employé peut faire valoir son droit à la retraite quand il peut prétendre à une retraite à taux plein, mais s’il ne le souhaite pas, son employeur ne peut lui imposer de quitter l’entreprise. Or ce manque de visibilité est un frein à l’embauche. Cela nous a été dit à de multiples reprises par de nombreux employeurs.

Grâce au contrat de valorisation de l’expérience, les salariés concernés pourront bénéficier d’un contrat à durée indéterminée – j’insiste sur ce point. Les entreprises bénéficieront, en contrepartie, d’une sécurité et d’un avantage.

La sécurité, c’est la certitude pour l’employeur, s’il le souhaite, de voir le salarié partir à la retraite lorsqu’il atteint l’âge légal de départ à taux plein. L’avantage pour l’entreprise, c’est l’exonération de cotisation sur les indemnités de mise à la retraite.

Puisque la question a été posée lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales, je tiens à revenir sur le coût de cette exonération. Il n’est en rien comparable à l’exonération de cotisation d’allocations familiales évoquée il y a quelques années sur chaque salaire mensuel, qui se chiffrait en centaines de millions d’euros. Nous parlons ici d’une exonération sur la seule indemnité de mise à la retraite, qui n’est versée qu’une fois.

Il est complexe de donner un montant précis, car le coût total dépendra du nombre de nouvelles embauches dans le cadre d’un CVE et des profils de salaires qui en bénéficieront, puisque l’indemnité de mise à la retraite dépend de l’ancienneté du salarié.

Néanmoins, à titre de perspective, les cotisations sur les primes de mise à la retraite des 57-64 ans actifs, qui n’ont pas vocation à basculer sur ce type de contrat, représentent aujourd’hui 62 millions d’euros.

Les articles 5, 6 et 7 facilitent les aménagements de fin de carrière.

Dans les pays où le taux d’emploi des 61-64 ans est élevé, comme la Suède et le Danemark, le recours au temps partiel est beaucoup plus fréquent. Ce type de contrat a l’avantage de sortir d’une logique trop binaire avec laquelle il faut rompre concernant les travailleurs expérimentés de plus de 60 ans. En France, on se figure qu’on ne peut être qu’à 100 % en activité ou à 100 % en retraite. Imaginons plutôt un continuum d’activité, comme cela existe en Europe du Nord, qui corresponde aux aspirations personnelles des salariés et aux besoins des entreprises.

L’article 5 vise donc à faciliter les aménagements de fin de carrière en obligeant les entreprises à motiver précisément les refus qu’elles sont en droit d’opposer aux demandes de passage à temps partiel.

L’article 6 permet à l’employeur d’un salarié qui décide de réduire son temps de travail de lui verser, de manière anticipée, tout ou partie de l’indemnité de départ à la retraite afin de compenser en partie la rémunération perdue. Il instaure ainsi le mécanisme de retraite progressive, très développé dans certains pays et beaucoup moins dans le nôtre.

L’article 7 clarifie les règles relatives à la mise à la retraite d’office pour les rendre pleinement applicables aux salariés bénéficiant d’un cumul emploi-retraite qui ont été recrutés après avoir atteint l’âge de la retraite à taux plein.

Comme je l’indiquais en préambule, la retraite progressive à 60 ans fait évidemment partie de l’ANI en faveur de l’emploi des travailleurs expérimentés, mais sa mise en œuvre n’exige pas de modification de nature législative. La publication prochaine du décret permettra l’entrée en vigueur de cette disposition au 1er septembre 2025.

Aujourd’hui, le dispositif de retraite progressive n’est pas assez mobilisé : seules 30 000 personnes en bénéficient, en cumulé, sur les 700 000 retraités que compte une cohorte annuelle moyenne. Les chiffres sont donc très faibles. Le dispositif est bien plus populaire aux Pays-Bas et dans les pays d’Europe du Nord, où les taux d’activité des travailleurs expérimentés sont bien plus élevés que les nôtres.

L’ouverture de la retraite progressive à 60 ans a le même objectif que les dispositions en discussion : il s’agit de favoriser l’aménagement des fins de carrière en sortant d’une logique binaire, selon laquelle on est à 100 % en activité ou à 100 % en retraite.

Le développement de la retraite progressive doit permettre aux salariés qui le souhaitent de réduire leur temps de travail, en commençant à percevoir une partie de leur pension tout en continuant à cotiser à taux plein.

L’article 8 traite d’une question différente : la qualité et la continuité du dialogue social, qui est l’objet du second ANI en date du 14 novembre 2024.

Les partenaires sociaux ont trouvé un accord très large et supprimé la limitation à trois du nombre de mandats successifs que les membres élus des comités sociaux et économiques (CSE) peuvent effectuer.

L’article 9 traite de l’assurance chômage.

Pour l’essentiel, la nouvelle convention Unédic, qui a fait l’objet d’un accord en novembre dernier, a été agréée. Elle est entrée en vigueur par un décret du 20 décembre 2024.

Je rappelle que, au total, en régime de croisière, cette nouvelle convention permettra de réaliser 1,5 milliard d’euros d’économies par an. Au début des négociations, le gouvernement Barnier avait demandé aux partenaires sociaux de dégager 400 millions d’euros d’économies supplémentaires sur le régime.

L’une des propositions des partenaires sociaux n’avait alors pas pu être agréée, faute de base législative : il s’agit de la mesure qui améliore les droits des primo-entrants dans le dispositif, en abaissant de six mois à cinq mois la durée d’affiliation des personnes s’inscrivant pour la première fois à l’assurance chômage.

L’objectif est de mieux sécuriser la situation de ces demandeurs d’emploi particulièrement fragiles. Cela se justifie pleinement au regard de la remontée du chômage, en particulier chez les jeunes, que nous observons actuellement. L’article 9 du projet de loi donne une base législative à cette mesure et permettra son intégration à la nouvelle convention d’assurance chômage.

Enfin, le Gouvernement a souhaité saisir l’occasion de ce vecteur législatif pour permettre la transcription des futures conclusions de la négociation en cours sur les transitions et les reconversions professionnelles, en introduisant un article 10.

Lors de mon audition par la commission des affaires sociales, j’ai évoqué les raisons qui ont incité le Gouvernement à demander une habilitation à légiférer par ordonnances. J’ai parfaitement conscience des limites de cette procédure, qui peut être interprétée comme une forme de dessaisissement par le législateur de sa compétence.

Dans un marché du travail préoccupant à certains égards, les salariés et les employeurs ont besoin d’outils plus efficients, plus lisibles et plus facilement mobilisables. Aussi, plutôt que d’attendre un véhicule législatif inconnu, à une date incertaine, nous avons préféré prendre les devants en rédigeant cet article 10.

Je le répète : c’est uniquement par pragmatisme et par souci de trouver la meilleure articulation entre le temps du dialogue social et le calendrier parlementaire que nous avons rédigé cet article, l’idée étant de substituer à l’ordonnance les dispositions de l’accord dès que possible.

En effet, au moment où le Parlement commence ici même l’examen de ce projet de loi, les partenaires sociaux, sur l’invitation de Catherine Vautrin et de moi-même, ont entamé des négociations sur nos dispositifs de transition et de reconversion.

Les partenaires sociaux ne partaient pas d’une page blanche ; ils avaient déjà entamé des négociations sur le sujet, qui n’ont pas abouti. Conscients de l’urgence, ils se sont remis au travail et souhaitent trouver un accord d’ici à la mi-juin.

Ces dispositifs doivent jouer un rôle clé dans notre stratégie en faveur de l’emploi des plus de 50 ans. Ils doivent aussi profiter aux salariés, aux entreprises et aux territoires touchés par des restructurations pour une meilleure continuité professionnelle et salariale.

Cela nécessite de rendre nos dispositifs plus simples.

L’objectif est de mieux accompagner les salariés, de favoriser les mobilités internes et externes, mais aussi de développer l’alternance pour les adultes, sans limite d’âge, grâce au contrat de professionnalisation.

Aujourd’hui, nous avons bon espoir que ces négociations aboutissent très prochainement. Le cas échéant, il faudra en assurer une transposition législative rapide.

C’est d’ailleurs une demande formulée expressément par les partenaires sociaux, tant par les organisations patronales que par les organisations syndicales. Tous sont convaincus de l’urgence de disposer de dispositifs plus efficaces.

Je remercie donc très sincèrement les rapporteures et la commission des affaires sociales de la solution très pragmatique qui a été trouvée : en cas d’accord, le Gouvernement s’engage à déposer un amendement de réécriture reprenant le plus fidèlement possible les propositions des partenaires sociaux.

Sur toutes ces questions, le Gouvernement et les partenaires sociaux s’attachent à revitaliser le dialogue social.

Comme le montrent les travaux de la commission des affaires sociales, le Sénat est rodé à l’exercice particulier que constitue la transposition des accords nationaux interprofessionnels. Il s’agit d’être à la fois loyal et précis pour assurer une parfaite transposition, sans renoncer au pouvoir d’appréciation générale du législateur.

C’est la tâche qui vous incombe aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui relève d’un exercice particulier : il s’agit d’effectuer la transposition législative d’accords nationaux interprofessionnels.

Je ne reviendrai pas sur le parcours un peu difficile des négociations, que Mme la ministre a évoqué. Je préfère que nous nous réjouissions de voir que le dialogue social interprofessionnel s’est renoué et a abouti par trois fois en novembre 2024 : sur le travail des salariés expérimentés, sur l’évolution du dialogue social et sur les règles de l’assurance chômage.

Face à cette réussite du paritarisme, ma collègue rapporteure et moi-même pensons que le législateur doit faire preuve d’humilité et viser une transposition législative loyale des accords ainsi conclus. La commission a donc examiné le texte en veillant à ce que l’intention des partenaires sociaux ne soit pas dévoyée.

Il faut dire d’emblée que cet objectif est effectivement rempli par le projet de loi qui nous est présenté par le Gouvernement. Les organisations syndicales comme patronales signataires des accords ont souligné que la rédaction retenue du texte est bien conforme aux accords conclus.

Avant d’en venir aux dispositions mêmes du texte, permettez-nous de rappeler quelques chiffres sur l’emploi des seniors, sujet principal du projet de loi.

La désinsertion, l’usure professionnelle et les freins à l’embauche, parfois assimilables à de véritables discriminations, expliquent que le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans soit inférieur à celui des autres catégories de la population. En 2023, ce taux s’établissait à 58,4 %, contre 82,6 % chez les 25-49 ans.

Comme souvent, la comparaison avec certains pays européens nous laisse rêveurs : le taux d’emploi des seniors atteint ainsi 74 % en Allemagne et jusqu’à 78 % en Suède. Si la France parvenait à rattraper le taux d’emploi des seniors allemands, elle ferait un bond de 16 points, qui entraînerait un accroissement du PIB de près de 125 milliards d’euros, ce qui aurait une heureuse incidence sur ses finances publiques…

Le projet de loi s’ouvre sur un chapitre primordial visant à la relance du dialogue social sur l’enjeu spécifique des seniors.

L’article 1er transpose ainsi l’objectif de l’ANI de réinstaurer une négociation obligatoire sur ce sujet au niveau des branches. Depuis 2017, le code du travail demeure en effet silencieux sur les thèmes du travail et de l’emploi des seniors à l’échelle de la branche.

La négociation se tiendrait au moins tous les quatre ans et devrait aborder le recrutement des salariés seniors, leur maintien dans l’emploi, l’aménagement des fins de carrière et la transmission des savoirs et des compétences.

L’article 2 a le même objectif à l’échelle des entreprises. Il instaure une obligation quadriennale de négociation portant sur les mêmes sujets que l’article 1er à destination des entreprises d’au moins 300 salariés. Le seuil retenu permet de préserver les très petites entreprises (TPE) ainsi que les petites et moyennes entreprises (PME), moins outillées pour ces exercices de négociation et dans lesquelles le dialogue sur l’accompagnement des fins de carrière est souvent moins formalisé.

Ces entreprises ne sont toutefois pas oubliées dans le projet de loi, puisque l’article 1er prévoit que l’accord de branche pourra, le cas échéant, comporter un plan type pour les entreprises de moins de 300 salariés, applicable si une négociation dans l’entreprise a tout de même été lancée, sans aboutir.

Plutôt que d’imposer nationalement des mesures préconçues, les partenaires sociaux ont préféré inciter, par le dialogue social, l’émergence de solutions adaptées aux réalités socio-économiques des secteurs d’activité et des entreprises. Nous pensons que cette option est la bonne.

L’article 3 concerne la préparation de la seconde partie de carrière. Il s’agit d’aborder, au cours de rendez-vous clés, les évolutions possibles dans l’organisation du travail afin de maintenir le salarié dans l’emploi et de prévenir l’usure professionnelle. La visite médicale de mi-carrière serait ainsi mieux articulée avec les entretiens professionnels. Quant aux mesures proposées par le médecin du travail, elles devront être discutées au cours de cet entretien.

Cet article, qui transpose fidèlement l’ANI, est tout à fait vertueux. Son application effective représentera cependant un véritable défi, dans un contexte de pénurie de médecins du travail.

Comme cela a été mentionné, le texte comporte également des mesures issues de l’ANI sur l’évolution du dialogue social signé le 14 novembre 2024 et de la convention d’assurance chômage conclue le 15 novembre 2024.

Craignant un manque de candidats volontaires pour exercer le mandat d’élu du comité social et économique, les partenaires sociaux ont souhaité supprimer la limitation à trois du nombre de mandats successifs qu’un élu peut exercer. L’article 8 lève ainsi cette contrainte prévue dans le code du travail depuis 2017.

Enfin, les partenaires sociaux ont décidé d’assouplir les conditions d’affiliation à l’assurance chômage des primo-entrants, c’est-à-dire des travailleurs, jeunes pour 62 % d’entre eux, n’ayant jamais bénéficié de l’allocation d’aide au retour à l’emploi ou ne l’ayant pas touchée depuis une longue période. Toutefois, une base légale manquait pour que le Gouvernement puisse agréer cette mesure contenue dans la convention d’assurance chômage ; l’article 9 la prévoit.

Considérant que le projet de loi assure une transposition adéquate des accords nationaux, nous vous invitons à l’adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)