Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je souhaite apporter deux éléments factuels en réponse aux propos de certains orateurs lors de la discussion générale.

Premièrement, si un consensus se fait pour constater que le taux d’emploi des seniors est effectivement plus bas en France que chez nos voisins européens mieux-disants, il ne faut pas y voir là une fatalité. Le taux d’emploi des seniors a en effet augmenté de trois points en deux ans en France, alors que, dans le même temps, il n’augmentait que de deux points en Allemagne et d’un peu plus de deux points en Europe en moyenne. (Mmes Émilienne Poumirol et Cathy Apourceau-Poly protestent.)

Pour la première fois depuis que l’on mesure le taux d’emploi, le taux d’emploi des plus de 55 ans dépasse enfin 60 %. Il s’établit à 61,5 % au premier trimestre de 2025, selon l’Insee.

Mme Émilienne Poumirol. Ce n’est pas ce qui est dit dans l’ANI !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Deuxièmement, certes l’ANI n’a pas été voté à l’unanimité. Toutefois, l’accord en faveur de l’emploi des salariés expérimentés a été signé par 74 % des organisations syndicales représentatives et 100 % des organisations patronales. L’accord relatif à l’évolution du dialogue social a été signé par 100 % des organisations syndicales et par 67 % des organisations patronales. Enfin, 59 % des organisations syndicales et toutes les organisations patronales ont signé l’accord sur l’assurance chômage.

Ces chiffres témoignent d’une représentativité suffisante qui nous permet d’affirmer que le dialogue social fonctionne dans notre pays.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social

TITRE Ier

RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL SUR L’EMPLOI ET LE TRAVAIL DES SALARIÉS EXPÉRIMENTES

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Article 2

Article 1er

Le chapitre Ier du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 2241-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la référence : « 5° » est remplacée par la référence : « 5° bis » ;

b) Après le 5°, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :

« 5° bis Sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge ; »

c) (Supprimé)

2° L’article L. 2241-2-1 est ainsi rétabli :

« Art. L. 2241-2-1. – L’accord de branche conclu dans le cadre des négociations prévues au 5° bis de l’article L. 2241-1 peut comporter un plan d’action type pour les entreprises de moins de trois cents salariés.

« Si à l’issue d’une négociation sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge, avec les organisations syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise, un accord collectif n’a pu être conclu, l’employeur peut l’appliquer au moyen d’un document unilatéral après avoir informé et consulté le comité social et économique, s’il en existe dans l’entreprise, ainsi que les salariés, par tous moyens. » ;

3° Au a du 1° de l’article L. 2241-5 et à l’article L. 2241-6, la référence : « 5° » est remplacée par la référence : « 5° bis » ;

4° (Supprimé)

5° La sous-section 3 de la section 3 est complétée par un paragraphe 5 ainsi rédigé :

« Paragraphe 5

« Salariés expérimentés

« Art. L. 2241-14-1. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent, une fois tous les trois ans, pour engager, après établissement d’un diagnostic, une négociation sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge.

« Cette négociation porte sur :

« 1° Le recrutement de ces salariés ;

« 2° Leur maintien dans l’emploi ;

« 3° L’aménagement des fins de carrière, en particulier les modalités d’accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ;

« 4° La transmission de leurs savoirs et compétences, en particulier les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences.

« Les informations nécessaires à la négociation sont déterminées par voie réglementaire.

« Art. L. 2241-14-2. – La négociation prévue à l’article L. 2241-14-1 peut également, s’agissant des mêmes salariés, porter notamment sur :

« 1° Le développement des compétences et l’accès à la formation ;

« 2° Les impacts des transformations technologiques et environnementales sur les métiers ;

« 3° Les modalités d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement de ces salariés ;

« 4° La santé au travail et la prévention des risques professionnels ;

« 5° L’organisation et les conditions de travail. »

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Remplacer le mot :

Cette

par les mots :

L’accord conclu à l’issue de la

La parole est à M. Alexandre Basquin.

M. Alexandre Basquin. L’intensification du travail est l’évolution la plus caractéristique des conditions de travail observées au cours des vingt-cinq dernières années. La culture de la réactivité, le travail dans l’urgence ou sous pression sont malheureusement devenus la norme.

Selon la Dares, en France, en 2019, 37 % des travailleurs ne se sentaient pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. L’exposition à des risques professionnels et l’altération éventuelle de l’état de santé accroissent le sentiment d’insoutenabilité du travail.

L’intensification du travail démontre l’impérieuse nécessité d’engager un véritable dialogue social sur l’évaluation et l’adaptation de la charge du travail. Nous demandons donc de passer d’une obligation de négociation à une obligation d’accord.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à créer une obligation de résultat lors de la négociation obligatoire au niveau des branches.

L’obligation de conclure un accord dépasse largement l’esprit de l’ANI. En outre, si le législateur encourage les accords de branche et prévoit plusieurs négociations obligatoires, nous croyons à la liberté conventionnelle comme principe essentiel du droit du travail.

Enfin, le code du travail prévoit déjà que la négociation doit être loyale et sérieuse. Nous faisons donc confiance aux partenaires sociaux. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Même avis que la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

Le chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 2242-2, il est inséré un article L. 2242-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-2-1. – Lorsqu’une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives sont constituées dans les entreprises et les groupes d’entreprises au sens de l’article L. 2331-1 d’au moins trois cents salariés, l’employeur engage, au moins une fois tous les quatre ans, en plus des négociations mentionnées à l’article L. 2242-1, une négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge. » ;

2° À l’article L. 2242-4, les mots : « et L. 2242-2 » sont remplacés par les mots : « , L. 2242-2 et L. 2242-2-1 » ;

3° À la fin du 1° de l’article L. 2242-11, les mots : « à l’article L. 2242-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 2242-2 et L. 2242-2-1 » ;

4° À l’article L. 2242-12, les mots : « à l’article L. 2242-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 2242-2 et L. 2242-2-1 » ;

5° Après le 3° de l’article L. 2242-13, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Tous les trois ans, dans les entreprises d’au moins trois cents salariés mentionnées à l’article L. 2242-2-1, une négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge, dans les conditions prévues à la sous-section 5 de la présente section. » ;

6° Au 6° de l’article L. 2242-21, les mots : « l’emploi des salariés âgés et la transmission des savoirs et des compétences, » et, à la fin, les mots : « et l’amélioration des conditions de travail des salariés âgés » sont supprimés ;

7° La section 3 est complétée par une sous-section 5 ainsi rédigée :

« Sous-section 5

« Salariés expérimentés

« Art. L. 2242-22. – Dans les entreprises d’au moins trois cents salariés mentionnées à l’article L. 2242-2-1, l’employeur engage, tous les trois ans, une négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés.

« Cette négociation est précédée d’un diagnostic et porte sur les matières mentionnées à l’article L. 2241-14-1.

« La négociation peut également porter sur les matières mentionnées à l’article L. 2241-14-2.

« Les informations nécessaires à la négociation sont déterminées par voie réglementaire. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 2, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 3, 8 et 13

Remplacer les mots :

trois cents

par le mot :

cinquante

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à abaisser le seuil de déclenchement de la négociation obligatoire sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés.

L’article 2 prévoit de rendre obligatoire la négociation dans les entreprises de plus 300 salariés. La portée de cette mesure est dès lors considérablement limitée : en effet, seulement 50 % des entreprises seraient concernées, quand 72 % des salariés en seraient privés.

Par cet amendement, nous proposons d’étendre cette obligation aux entreprises de taille intermédiaire, de plus de 50 salariés, et aux grandes entreprises, de 250 salariés et plus.

Je tiens à préciser que la disposition en question reste assez souple. En effet, comme notre collègue vient de le rappeler, il n’y a pas d’obligation d’accord, mais simplement une obligation de négociation.

Enfin, si j’entends bien que le seuil de 300 salariés est le fruit de la négociation de cet ANI, il n’en reste pas moins qu’il ne correspond pas à grand-chose. Je ne porte pas de jugement de valeur, mais je m’interroge : puisque des seuils sont bien définis dans le code du travail pour les différentes catégories d’entreprises, et que ces seuils font l’objet d’un consensus général, pourquoi ne pas nous y tenir ?

Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 3, 8 et 13

Remplacer les mots :

trois cents

par les mots :

deux cent cinquante

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Par cet amendement, nous proposons également d’abaisser le seuil d’application de l’obligation de négociation sur l’emploi des salariés expérimentés de 300 à 250 salariés.

Cette modification répond à trois impératifs de cohérence et d’efficacité.

Tout d’abord, on s’alignerait ainsi sur les recommandations européennes, qui retiennent le seuil de 250 salariés pour déterminer quelles structures peuvent être considérées comme de grandes entreprises. Le décret du 18 décembre 2008 a d’ailleurs également retenu le plafond de 250 salariés pour définir les PME. Nous nous assurerons donc ainsi de viser l’ensemble des grandes entreprises, tandis que la rédaction actuelle en laisse certaines de côté, sans aucune justification.

Ensuite, ce point rejoignant le premier, l’ajustement proposé étendrait la couverture de ce dispositif à plusieurs centaines d’entreprises supplémentaires situées dans la première strate des entreprises de taille intermédiaire. Ces structures, qui emploient une part significative des 3 millions de salariés des ETI françaises, représentent un nombre important d’emplois seniors, que la rédaction actuelle néglige.

Enfin, il s’agit d’un amendement de cohérence juridique, puisque le seuil de 250 salariés existe déjà dans notre droit du travail, notamment pour la contribution supplémentaire à l’apprentissage, ainsi que pour la désignation d’un référent handicap et d’un référent harcèlement. Il paraît que nous sommes en plein mouvement de simplification de notre droit ! Eh bien, harmoniser ces bornes simplifierait le droit social et éviterait l’empilement de seuils hétérogènes.

La plupart de ces entreprises disposant déjà d’une instance représentative, aucune charge disproportionnée supplémentaire ne viendrait peser sur elle.

En somme, l’adoption du présent amendement permettrait d’étendre la portée de la réforme, d’aligner les seuils juridiques sur les classifications statistiques européennes et de sécuriser une base sociale déjà outillée pour la négociation, en étendant la diffusion de bonnes pratiques essentielles au maintien en emploi des salariés expérimentés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces deux amendements tendent à revenir sur le seuil de 300 salariés clairement retenu par les partenaires sociaux, à l’article 1.2 de l’ANI en faveur de l’emploi des salariés expérimentés, pour le ramener, le premier à 50, le second à 250 salariés.

Ce seuil n’est pas arbitraire, mais correspond à une logique déjà présente dans le code du travail. Ainsi, c’est déjà le même seuil qui a été retenu dans le cadre de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC).

Ces deux amendements n’étant pas conformes à l’ANI, la commission y est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Vous nous dites, madame la rapporteure, que le seuil de 300 salariés existe tout aussi bien dans notre droit que celui de 250 salariés. On nous bassine avec la simplification (M. Fabien Genet sexclame.) et l’on affirme souvent que le code du travail multiplie sans justification les seuils.

Vous citez la GPEC ; dont acte, mais s’il devait demain y avoir un mouvement de simplification du code du travail concernant les seuils et les effets de seuil, je suis persuadée que ce serait le seuil de 250 salariés qui serait partout retenu pour caractériser les grandes entreprises, d’autant que cela permettrait d’aligner notre droit sur les normes européennes.

Ce n’est pas parce qu’une aberration fait que divers seuils figurent dans le code du travail qu’il faut renoncer à ce que toutes les grandes entreprises soient concernées par ces dispositions ! Notre proposition est d’autant plus acceptable que, j’y insiste, la disposition en question ne comporte pas même une obligation de résultat : ce n’est qu’une obligation de négocier ! Il ne serait donc pas difficile d’y soumettre la strate des entreprises de 250 à 300 salariés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article L. 2242-8, il est inséré un article L. 2242-8-… ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-8-…. – Dans les entreprises et les groupes d’entreprises au sens de l’article L. 2331-1 d’au moins trois cents salariés où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur qui n’a pas rempli l’obligation de négociation mentionnée à l’article L. 2242-2-1 est soumis à une pénalité.

« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise ne respecte pas l’obligation de négociation mentionnée à l’article L. 2242-2-1.

« Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.

« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. » ;

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le texte que nous examinons rétablit, enfin, l’obligation de négocier sur l’emploi des travailleurs seniors, obligation qui, je le rappelle, avait été supprimée en 2017 par ordonnance, donc sans débat démocratique, et malgré l’opposition de certains partenaires sociaux. Ce fut une erreur, voire une faute manifeste, comme en atteste ce retour en arrière.

Pour autant, alors même que le code du travail inflige des pénalités aux entreprises qui, par exemple, n’organisent pas de négociations sur les salaires ou sur l’égalité professionnelle, le présent projet de loi ne punit d’aucune sanction le non-respect de l’obligation de négociation – et non d’accord, je le redis – qu’il instaure. Il s’agit pour le moins d’une anomalie, qui prive l’obligation de toute effectivité et empêche d’en garantir le respect.

Ce manque de sanction est d’autant plus étrange que la situation nécessite des dispositions à la hauteur du problème. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le nombre de demandeurs d’emploi de longue durée de plus de 50 ans était de 868 000 à la fin de 2024. Or cela est notamment dû à un nombre important de ruptures de contrat après 55 ans. Selon l’Unédic, la moitié des personnes de 55 ans et plus prises en charge par l’assurance chômage le sont à la suite d’un licenciement. Il est vrai que ce point n’est pas du tout à l’ordre du jour… On parlait pourtant récemment encore d’un index seniors !

Pour contribuer à enrayer ce phénomène, des négociations, notamment sur les conditions de travail, sont nécessaires. Ces négociations doivent être obligatoires et les entreprises doivent être sanctionnées si elles ne les mènent pas, d’autant que – on ne le dira jamais assez – ce n’est qu’une obligation de moyens et non de résultat.

C’est pourquoi, par cet amendement, nous proposons tout simplement d’instaurer une pénalité à l’encontre des entreprises qui ne respecteraient pas cette obligation. Cette mesure de bon sens, alignée sur les dispositifs existants, donnera de la substance à cette obligation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir le principe d’une sanction financière en l’absence de négociation d’entreprise.

Je rappelle qu’une telle mesure n’a pas été retenue par les partenaires sociaux – organisations patronales comme syndicales – et qu’elle serait de nature, selon nous, à affaiblir le dialogue social, en plaçant la négociation sous contrainte.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Mmes les rapporteures nous expliquent que, quoi qu’il en soit, aucun de nos amendements n’est recevable, tout simplement parce qu’ils n’auraient pas été retenus par les partenaires sociaux. C’est un peu court !

Les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte et, surtout, celles dans lesquelles ont travaillé les partenaires sociaux sont en effet loin d’être idéales, d’abord parce que la négociation est, depuis la loi du 29 mars 2018, extrêmement encadrée par le Gouvernement.

Pour ma part, j’ai appelé certains syndicats, j’ai lu et écouté ce que disaient les partenaires sociaux. J’en ai retenu que, entre le moment où le Gouvernement a lancé la négociation et celui où le Medef a convoqué les autres parties, il s’est tout de même écoulé quatre semaines, quatre semaines qui n’ont donc pas été consacrées à la discussion.

Ensuite, certains syndicats m’ont expliqué qu’ils n’avaient pas réellement eu d’autre choix que d’accepter ce qui leur était proposé. Cela ne vous plaît peut-être pas de l’entendre, madame la ministre, mais je le dis tout de même. S’ils n’avaient pas le choix, c’est parce que la fenêtre de tir pour faire passer certaines choses d’ordre législatif était très petite, et qu’ils craignaient qu’elle ne se reproduise pas d’ici à la fin de la mandature actuelle. Voilà pourquoi la négociation n’est pas allée jusqu’au bout.

Je tiens aussi à faire remarquer que, même si nous sommes, bien évidemment, très favorables au paritarisme, cela ne doit pas conduire à priver le Parlement de sa parole.

Mme Monique Lubin. En l’occurrence, pardonnez-moi, mais nous sommes contraints, puisqu’on nous rappelle toutes les cinq minutes qu’il faut permettre aux syndicats de recevoir les résultats de cet ANI. Et j’avoue que la position que j’ai proposé à mon groupe d’adopter sur ce texte est, elle aussi, déterminée par cette considération. Il n’en reste pas moins que la méthode induite par les changements législatifs apportés en 2018 n’est satisfaisante ni pour les partenaires sociaux ni pour les parlementaires que nous sommes.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je rappelle, comme cela a été dit dans toutes les interventions, que la retranscription d’un accord national interprofessionnel est un exercice très particulier.

Pour autant, ce n’est pas parce que nous refusons des amendements que les idées sous-jacentes ne peuvent pas être reprises d’une autre manière. Nous avons tous, en tant que parlementaires, la possibilité de déposer des amendements et d’en discuter – c’est bien ce que vous faites aujourd’hui –, mais aussi de déposer des propositions de loi.

Mais, comme je l’ai déjà dit, l’exercice que nous avons à mener aujourd’hui est indéniablement particulier : quand il s’agit de transcrire un accord national interprofessionnel, le parlementaire doit parfois savoir s’effacer.

Nous avons organisé une table ronde, lors de laquelle les organisations syndicales et patronales se sont exprimées de manière extrêmement claire : chacune des parties nous demande de retranscrire fidèlement le texte de l’accord qu’elles ont trouvé, accord très juste par rapport aux travaux qui avaient été menés par le Gouvernement.

C’est cette demande que nous respectons, sachant que ces organisations ont eu en la matière une totale liberté : rappelons qu’une organisation syndicale n’a pas signé l’ANI en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et qu’une organisation patronale n’a pas signé l’ANI relatif à l’évolution du dialogue social. Cette liberté est indéniable, même si je conviens qu’il y a pu y avoir une contrainte quant à la temporalité, au vu du contexte politique très particulier que nous connaissons.

Toujours est-il que ce n’est pas parce que nous refusons vos amendements sur ce texte que les idées qui s’y expriment ne méritent pas d’être reprises dans un autre contexte politique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je tiens à poser une question : ne faudra-t-il plus jamais, désormais, assortir de telles obligations, dans d’autres domaines, de pénalités ? Une obligation, c’est un devoir ; je ne comprendrais donc pas qu’il n’y ait pas de sanction si elle n’était pas respectée. Est-ce que vous envisagez de supprimer la sanction prévue en cas de non-tenue de la négociation obligatoire sur l’égalité homme-femme ? La situation est exactement la même !

En l’occurrence, on pose une obligation de négociation, mais comme par hasard – je le redis – aucune obligation de résultat ! Ensuite, on élimine du dispositif un certain nombre d’entreprises, celles qui comptent entre 250 et 300 salariés. Et voilà en plus que, si les entreprises concernées ne font rien, elles ne subiront aucune sanction. Mais qu’est-ce que c’est que cela !

Vous nous renvoyez au souhait des partenaires, mais je tiens à faire remarquer que l’un d’entre eux a bien dit qu’ils avaient négocié sous la contrainte. Plus généralement, je n’ai entendu aucun d’entre eux nous demander de ne déposer aucun amendement.

Rappelons par ailleurs que nous avions modifié les dispositions transposant l’ANI relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, alors même que les cinq organisations syndicales comme les organisations patronales nous demandaient de le transposer à l’identique. Il a bien fallu que nous jouions notre rôle de parlementaire pour rectifier des dispositions défaillantes en matière de rente ou d’accidents du travail. Et ce n’a pas été un drame : nous les avons modifiées et tout le monde est tombé d’accord à la fin.

Mais ce que je retiens de vos propos, c’est qu’il est maintenant possible d’instaurer une obligation sans l’assortir d’une sanction. Nous vous le rappellerons en temps voulu, notamment pour ce qui est de certaines obligations touchant aux prestations sociales.