Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je tiens à rappeler que l’ANI en faveur de l’emploi des salariés expérimentés a été signé par 74 % des organisations syndicales.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Sous contrainte !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Cette proportion est quand même significative. Une seule organisation syndicale n’a pas soutenu ce texte. Je le rappelle, parce que j’entends relativiser la représentativité et la légitimité de ces accords.
On affirme notamment qu’ils auraient été conclus « sous contrainte ». Je veux bien entendre l’argument, mais je tiens à rappeler le déroulement des faits. L’une des premières choses que j’ai faites quand j’ai été nommée ministre du travail a été de demander aux partenaires sociaux de se remettre autour de la table pour discuter de nouveau de textes sur lesquels les négociations avaient échoué quelques mois auparavant. Ils partaient donc en la matière d’un texte sur lequel ils avaient déjà travaillé, ce qui leur permettait – ils nous l’ont dit eux-mêmes – d’aller plus vite.
Par ailleurs, les arguments avancés par Mme le rapporteur pour expliquer l’avis défavorable de la commission sur cet amendement comme les précédents vous ont aussi apporté des réponses de fond.
J’entends bien votre argument quant à l’incohérence des différents seuils figurant dans le code du travail, notamment entre 250 et 300 salariés. Peut-être faudra-t-il, à un moment donné, les examiner avec les partenaires sociaux pour les faire converger. Et je conviens que le seuil utilisé dans le droit européen est plutôt celui de 250 salariés. Cependant, il y a une cohérence à retenir ici le seuil de 300 salariés, qui s’applique déjà en matière de gestion des compétences, sujet absolument crucial quand il est question des dernières parties de carrière et des entretiens de mi-carrière.
Une réponse a également été apportée sur le fond à l’argument des menaces. (Mme Raymonde Poncet Monge s’exclame.) Est-ce vraiment la menace qui permet de mieux négocier ? C’est peut-être une question plus philosophique que politique. Pour notre part, nous faisons confiance au dialogue social, et nous estimons préférable de permettre aux partenaires sociaux à qui cette négociation est confiée de la mener sereinement, d’autant que toute organisation syndicale représentative peut demander que le sujet soit remis en discussion, passé un certain délai après la dernière négociation, si l’employeur ne prend aucune initiative en la matière.
Enfin, pour ce qui est de l’égalité professionnelle, nous en discuterons lors de la transposition de la directive européenne du 10 mai 2023, qui comporte des dispositions très importantes, notamment en matière de transparence salariale, et prévoit un dispositif de sanction.
En revanche, pour le texte qui vous est soumis aujourd’hui, les partenaires signataires de ces ANI nous ont bien dit qu’ils en voulaient une retranscription fidèle ; alors, restons-en là. (Mmes Monique Lubin et Raymonde Poncet Monge s’exclament.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
TITRE II
PRÉPARER LA DEUXIÈME PARTIE DE CARRIÈRE
Article 3
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 4624-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le cas échéant, la mise en œuvre des mesures, lorsqu’elles sont formulées à l’issue des visites prévues aux articles L. 4624-1, L. 4624-2 et L. 4624-2-3 organisées après celle de mi-carrière prévue à l’article L. 4624-2-2, est abordée lors de l’entretien professionnel. » ;
2° L’article L. 6315-1 est complété par des IV et V ainsi rédigés :
« IV. – L’entretien professionnel mentionné au I est organisé dans les deux mois au plus suivant la visite médicale de mi-carrière prévue à l’article L. 4624-2-2.
« Les mesures proposées, le cas échéant, par le médecin du travail en application de l’article L. 4624-3 sont évoquées au cours de cet entretien.
« En plus des sujets mentionnés au I, cet entretien aborde, s’il y a lieu, l’adaptation ou l’aménagement des missions et du poste de travail, la prévention de situations d’usure professionnelle, les besoins en formation et les éventuels souhaits de mobilité ou de reconversion professionnelle du salarié.
« Pour préparer cet entretien, le salarié peut bénéficier de l’appui d’un conseiller en évolution professionnelle prévu à l’article L. 6111-6.
« À l’issue de l’entretien, le document écrit mentionné au second alinéa du I du présent article récapitule sous forme de bilan l’ensemble des éléments abordés en application du présent IV.
« V. – Le premier entretien professionnel qui intervient dans les deux années précédant le soixantième anniversaire du salarié aborde, en plus des sujets mentionnés au I, les conditions de maintien dans l’emploi et les possibilités d’aménagements de fin de carrière, notamment les possibilités de passage au temps partiel ou de retraite progressive. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Madame la ministre, votre conclusion – « restons-en là » – est un peu limite. S’il en est ainsi, si l’on considère que la majorité de la commission s’est prononcée et que cela suffit, on peut s’en aller ! (Mme Raymonde Poncet Monge renchérit.) Il n’est pas normal que Mme la ministre nous réponde de la sorte.
Mme la présidente. L’amendement n° 21, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après le mot :
lieu,
insérer les mots :
le contenu technique du travail, son organisation, les conditions de travail et les relations au travail ainsi que
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous l’avons déjà dit, depuis la réforme des retraites de 2023, le maintien en emploi des travailleurs seniors passe nécessairement par l’amélioration de leurs conditions de travail.
Or les études montrent que la France « sous-performe » – ce terme n’est pas de moi : je l’ai lu et le trouve assez juste – en matière de conditions de travail et de qualité de l’emploi par rapport à ses partenaires européens. Cela explique certains faits déjà cités : 37 % des salariés ne se sentaient pas capables, en 2019, de tenir jusqu’à leur retraite, qu’ils pouvaient alors prendre à 62 ans ; une part non négligeable de seniors est écartée de l’emploi pour des raisons de santé, parce que les membres de cette tranche d’âge ne sont, malheureusement, pas tous en bonne santé, notamment ceux qui sont en dehors de l’emploi, mais aussi les ouvriers et les employés ; les salariés de plus de 50 ans connaissent les durées d’arrêt maladie les plus élevées ; enfin, rappelons tout de même que les accidents mortels du travail sont plus fréquents après 60 ans.
Les seniors arrivent en bout de chaîne de démarches de prévention déjà insuffisantes. Ils subissent également le management vertical, critiqué par l’Igas dans son dernier rapport, approche plus largement responsable de la dégradation des conditions de travail en France.
Le code du travail impose à l’employeur de protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Neuf principes généraux de prévention guident cette obligation dans le droit du travail.
Il conviendrait à l’avenir d’inscrire comme principe général de prévention, au-dessus de ces neuf principes figurant à l’article L. 4121-2 du code du travail, l’écoute des travailleurs sur le contenu technique du travail, son organisation, les conditions de travail et les relations au travail. C’est une des conclusions des Assises du travail. J’espère que celles-ci aussi peuvent quelquefois inspirer des amendements !
Nous proposons donc par cet amendement, en attendant d’inscrire véritablement dans le code du travail ce principe supérieur, que les entretiens de mi-carrière comprennent un temps de réflexion et d’écoute au sujet de la situation réelle d’activité du salarié, de ses conditions de travail, ainsi que sur l’organisation du travail et les relations au travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à compléter la liste des sujets devant être abordés lors de l’entretien professionnel de mi-carrière. Devraient ainsi être évoqués le contenu technique du travail, son organisation, les conditions de travail et les relations au travail.
Ces sujets supplémentaires recoupent tout de même largement, ma chère collègue, ceux qui sont déjà largement listés à l’article 3, qui lui-même transpose fidèlement, presque mot à mot, l’article 2.1 de l’ANI en faveur de l’emploi des salariés expérimentés.
En conséquence, ce que vous proposez serait à la fois non conforme à l’ANI et quelque peu superfétatoire. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’avis de la commission appelle une remarque sémantique. Notre collègue Monique Lubin défendra dans quelques instants un amendement assez similaire. Cette similitude n’est pas un hasard : ces propositions ne viennent pas de nous, nous avons simplement validé l’analyse que nous ont soumise des spécialistes du travail, notamment des ergonomes, qui se sont fondés sur les Assises du travail. Ils ont jugé pertinent d’ajouter ces sujets de discussion à l’entretien de mi-carrière et regretteront que cela ne soit pas fait : nous leur ferons savoir que ces propositions ont été jugées « superfétatoires ». Toutefois, si elles l’étaient, je doute qu’ils nous auraient ainsi sollicités.
À vrai dire, ce ne sont pas des propositions qui m’avaient séduite d’emblée, mais j’ai travaillé dessus avec les personnes qui nous les ont soumises, et je peux vous dire qu’il n’y aurait qu’à interroger l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) ou des instituts similaires pour comprendre qu’elles sont loin d’être superfétatoires.
J’y insiste, écouter les travailleurs qui sont amenés à s’exprimer sur leurs conditions réelles de travail, et non pas, si je puis dire, sur le travail prescrit, est une des clés qui permettraient d’améliorer les conditions de travail en France.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je tiens à souligner que, pour la première fois, cet entretien de mi-carrière regroupera le sujet des compétences et celui de la santé. Ainsi, on pourra notamment prendre en compte les recommandations de la médecine du travail et les échanges que le salarié peut avoir avec son manager.
La dimension sanitaire de cet entretien ouvre aussi, à l’évidence, la possibilité de réfléchir à des aménagements de poste. À cette occasion, les professionnels dont vous avez raison de mentionner le caractère absolument indispensable, notamment les ergonomes, joueront tout leur rôle pour aménager le poste du salarié, s’il est maintenu dans le même emploi.
Mais c’est précisément parce que l’entretien, tel qu’il est défini dans le texte du projet de loi, comporte déjà cette dimension de santé, que je rejoins la position de fond de Mme la rapporteure : la rédaction retenue permettra vraiment d’avoir un entretien très complet et d’aborder l’ensemble des conditions de travail.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Le Houerou, Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 4121-2 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Écouter les travailleurs sur le contenu technique du travail, sur son organisation, sur les conditions de travail et les relations au travail ; »
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à inscrire au sein des principes généraux de prévention figurant dans le code du travail l’écoute de l’expression des salariés sur le contenu et l’organisation de leur travail.
Aujourd’hui, si le droit à l’expression est reconnu, il reste partiel parce qu’il ne s’accompagne pas d’un véritable droit à l’écoute. Or cette écoute est un levier essentiel pour prévenir les risques professionnels, améliorer la santé au travail et accompagner les transitions que nous vivons.
Les chiffres sont alarmants. Entre 2021 et 2023, selon la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), le nombre d’accidents du travail mortels a augmenté de 18 %. En treize ans, les affections psychiques reconnues comme maladie professionnelle ont été multipliées par trente-cinq. Selon la Dares, près de quatre salariés sur dix ne pensent pas pouvoir tenir jusqu’à la retraite. Les salariés expérimentés sont les plus exposés. Les plus de 60 ans subissent la fréquence la plus élevée d’accidents du travail mortels et les plus de 50 ans enregistrent la durée moyenne d’arrêt maladie la plus longue.
Malgré cela, la France reste à la traîne en matière de participation des travailleurs à l’organisation du travail. Selon un rapport récent de l’Igas, elle se classe dernière en Europe pour ce qui concerne l’autonomie et la participation des travailleurs et des travailleuses à l’organisation de leur travail.
Face à ce constat, il est urgent de faire évoluer les principes de prévention. L’article L. 4121-2 du code du travail fixe neuf principes, mais aucun ne mentionne explicitement l’écoute des salariés. Pourtant, comme le souligne le Conseil économique, social et environnemental (Cese), celles et ceux qui travaillent sont les mieux placés pour identifier les risques et améliorer les processus.
Nous proposons donc que l’écoute des travailleurs devienne un principe général de prévention à part entière, et même le premier d’entre eux, afin d’alimenter l’ensemble du dispositif. En faire un principe, c’est rendre plus efficace la prévention, plus durable le maintien en emploi et plus juste la transformation écologique du travail.
Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 4121-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Écouter les travailleurs sur le contenu technique du travail, sur son organisation, sur les conditions de travail et les relations au travail. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je tiens à ajouter à l’argument de ma collègue que le rapport de l’Igas sur les pratiques managériales dans les entreprises pointait déjà que les résultats obtenus par la France dans le domaine du management apparaissaient médiocres.
Trop verticale, trop hiérarchique, l’organisation du travail en France laisse peu de place à des éléments pourtant essentiels, à savoir l’autonomie des travailleurs, la reconnaissance de leur activité de travail et leur participation aux décisions relatives aux conditions de leur travail.
De fait, selon l’Igas, la proportion d’organisations caractérisées par une faible autonomie des travailleurs est supérieure de six points et demi à la moyenne européenne. Seuls 56 % des salariés français estiment que leur travail est reconnu à sa juste valeur, contre les trois quarts des salariés allemands.
Ce management médiocre participe aux mauvaises conditions de travail, à la mauvaise qualité de vie au travail. Je ne reviens pas sur les enquêtes européennes menées en la matière.
Pour corriger cette trajectoire, l’écoute des travailleurs sur leurs conditions réelles d’exercice du travail, puisque c’est ce dont il est question ici, doit être posée, non pas – veuillez m’en excuser – comme un dixième principe de prévention, mais comme un principe général et premier, conditionnant l’efficacité et l’efficience des neuf autres principes de prévention déjà inscrits dans le code du travail.
Il est démontré qu’une écoute active réduit les risques psychosociaux en renforçant l’autonomie des salariés. Cette démarche managériale permet de dégager des marges de manœuvre sans se substituer au dialogue social entre partenaires sociaux de l’entreprise. Ainsi, on lutte contre l’une des causes de la dégradation des conditions de travail relevées par l’Igas, à savoir le recul de l’implication des travailleurs dans les mesures de gestion des risques psychosociaux en France.
Nous proposons donc, par cet amendement, d’inscrire dans le code du travail l’écoute des salariés comme principe premier et général de prévention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces deux amendements visent à inscrire dans le code du travail, parmi les grands principes qui doivent guider les employeurs lorsqu’ils prennent des mesures pour s’assurer de la sécurité et de la santé des salariés, l’écoute des travailleurs sur le contenu, l’organisation et les conditions de leur travail.
Nous convenons tous, me semble-t-il, de l’importance du dialogue au sein de l’entreprise sur la prévention en matière de santé au travail.
Cependant, l’article 3 du projet de loi énumère déjà des éléments devant être abordés au cours de l’entretien professionnel, contribuant ainsi à prendre en considération cet enjeu d’écoute, d’autant que, comme Mme la ministre l’a fait remarquer, cet entretien professionnel est rapproché de la visite médicale de mi-carrière.
Par ailleurs, je précise que « les modalités d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement » des salariés figurent déjà à l’article 1er. Vous souhaitez certes en faire un article spécifique, mais ces éléments sont déjà prévus dans ce projet de loi.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Ce principe d’écoute, comme vous l’avez rappelé, mesdames les sénatrices, découle des Assises du travail, qui l’avaient retenu à l’issue d’un travail d’ailleurs extrêmement intéressant.
Nous tenons à conserver l’équilibre du présent texte, mais je pense que cette question sera abordée de nouveau à l’occasion de la conférence sociale sur la qualité du travail que le Président de la République a appelé de ses vœux. Le ministère du travail souhaitait qu’elle se tienne au printemps, mais les partenaires sociaux n’avaient malheureusement pas nécessairement la bande passante nécessaire pour ce faire, étant occupés par les retraites.
J’espère qu’il s’agit là d’un principe d’avenir. En effet, comme vous l’avez souligné, qu’il s’agisse des pratiques managériales ou des écarts relevés avec d’autres pays européens en termes de participation des salariés, nous avons des marges de progrès. Ce principe d’écoute peut constituer une réponse très intéressante à cet égard.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur ces deux amendements : cette question sera traitée dans quelques mois, voire quelques semaines, à d’autres occasions, mais en tout cas pas dans le présent texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE III
LEVER LES FREINS AU RECRUTEMENT DES DEMANDEURS D’EMPLOI SENIORS
Article 4
I. – À titre expérimental, pendant les cinq années suivant la publication de la présente loi, peuvent être conclus des contrats, dits de valorisation de l’expérience, soumis aux dispositions régissant les contrats de travail à durée indéterminée sous réserve de celles du présent article, entre toute entreprise et toute personne qui, au moment de son embauche et cumulativement :
1° Est âgée d’au moins soixante ans, ou d’au moins cinquante-sept ans si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit ;
2° Est inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi mentionnée au 3° du I de l’article L. 5312-1 du code du travail ;
3° Ne peut bénéficier d’une pension de retraite de base de droit propre à taux plein d’un régime légalement obligatoire à l’exception de celles attribuées au titre des régimes mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 161-22-1-2 du code de la sécurité sociale ou en application de l’article L. 6 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
4° N’a pas été employée au sein de cette entreprise ou, le cas échéant, au sein d’une entreprise appartenant au même groupe, au cours des six mois précédents.
Pour l’application du 4°, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise et celles qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Les missions devant être exercées dans le cadre de ce contrat peuvent être précisées par convention ou accord de branche étendu.
II. – Lors de la signature du contrat, le salarié remet à l’employeur un document, transmis par l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 222-1 du code de la sécurité sociale, mentionnant la date prévisionnelle à laquelle il justifiera, le cas échéant, des conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein. En cas de réévaluation ultérieure de cette date, le salarié en informe son employeur et lui transmet une version mise à jour de ce même document.
III. – L’employeur peut mettre à la retraite le salarié dès lors qu’il a atteint l’âge mentionné au 1° de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, ou l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du même code s’il justifie d’une durée d’assurance au moins égale à celle mentionnée à l’article L. 161-17-3 dudit code.
IV. – Les articles L. 1237-6 et L. 1237-7 du code du travail sont applicables aux mises à la retraite effectuées en application du III.
Si ni les conditions de mise à la retraite prévues au III et au premier alinéa du présent IV, ni celles prévues à l’article L. 1237-5 du code du travail ne sont réunies, la rupture du contrat de travail par l’employeur constitue un licenciement.
V. – L’employeur est exonéré, jusqu’à la fin de la troisième année suivant la publication de la présente loi, de la contribution mentionnée à l’article L. 137-12 du code de la sécurité sociale au titre des indemnités versées à l’occasion des ruptures de contrats de travail effectuées en application du III du présent article. Cette exonération s’applique dans la limite des sommes mentionnées au a du 5° du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale.
VI (nouveau). – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, un rapport d’évaluation de l’expérimentation prévue au présent article. Ce rapport présente notamment le bilan du recours au contrat de valorisation de l’expérience ainsi que le montant des exonérations qui y ont été associées.
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1231-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute rupture du contrat de travail d’un salarié d’un âge déterminé par décret ouvrant droit au versement de l’allocation d’assurance prévue à l’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale entraîne l’obligation pour l’employeur de verser aux organismes visés à l’article L. 213-1 du même code une cotisation dont le montant est fixé par décret dans la limite de douze mois de salaire brut calculé sur la moyenne mensuelle des salaires versés au cours des douze derniers mois travaillés. Ce montant peut varier selon l’âge auquel intervient la rupture et la taille de l’entreprise concernée. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement tend à lutter contre le licenciement des salariés jugés insuffisamment productifs par les employeurs. À cette fin, nous proposons de rétablir la contribution Delalande. Cette taxe française créée en 1987 par le député qui lui a légué son nom visait les entreprises licenciant les salariés de plus de 50 ans.
Cette contribution a été supprimée en 2008 par le gouvernement Fillon II, qui a évoqué son effet dissuasif pour les entreprises, réticentes à conserver un salarié après sa cinquantième année. Si cette argumentation pouvait s’expliquer dans les années 2000, lorsque l’âge légal de départ à la retraite était fixé à 60 ans, ce n’est plus le cas maintenant que celui-ci a été reporté par les gouvernements successifs, notamment sous les mandats d’Emmanuel Macron : après 50 ans, il faut travailler encore entre quatorze et dix-sept ans !
Nous devons donc stopper l’hémorragie des licenciements des salariés expérimentés. Pour ce faire, nous suggérons de rétablir la contribution Delalande, qui était une bonne idée, même s’il ne s’agit pas de l’une de nos mesures.
Par cohérence, je vous invite à soutenir cet amendement, mes chers collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Par cet amendement, vous souhaitez rétablir la contribution Delalande, créée en 1987. Comme vous l’avez indiqué, cette taxe n’a pas atteint son objectif, puisque, malheureusement – on peut le regretter –, certaines entreprises mal intentionnées ou indélicates, pour ne pas dire plus, licenciaient leurs salariés juste avant leurs 50 ans.
Ma chère collègue, il ne vous a pas échappé que l’adoption de cet amendement reviendrait à supprimer le CVE, qui est tout de même l’une des pièces maîtresses de l’ANI que nous examinons aujourd’hui et qui a recueilli un accord massif des organisations tant syndicales que patronales.
Parce que l’adoption de cette mesure nous mettrait en total porte-à-faux, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.