Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Les rapports de l’Igas et de l’IGF (inspection générale des finances) de 2005 ont montré que la contribution Delalande avait joué un rôle très désincitatif à l’embauche des seniors. Il nous faut en tirer les enseignements qui s’imposent. Augmenter d’un montant équivalent à douze mois de salaire brut le coût du licenciement des salariés de plus de 50 ans a fortement freiné, sinon découragé l’embauche des plus de 50 ans. C’est d’ailleurs pour cette raison que cette mesure a été supprimée en 2008.
Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Si, dans sa version initiale, ce projet de loi prévoyait une expérimentation du contrat de valorisation de l’expérience, celle-ci a été retirée par le Gouvernement après avis du Conseil d’État, ce dernier ayant notamment pointé qu’une expérimentation devait nécessairement s’accompagner d’une évaluation.
Le Gouvernement a donc choisi d’instaurer ce dispositif sans évaluation. Heureusement, la commission des affaires sociales a réintroduit le principe d’une expérimentation assortie d’une évaluation.
Nous saluons cet ajout positif. Cependant, nous constatons que ce texte instaure une expérimentation de cinq ans, alors même que le contrat est sous-tendu par une exonération de cotisations sociales, laquelle, depuis la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale de mars 2022, relève exclusivement des lois de financement de la sécurité sociale si elle perdure au-delà de trois ans.
Dès lors, maintenir pendant cinq ans une expérimentation qui prévoit une telle exonération revient à préempter le débat parlementaire. En effet, l’article 4 permettra de prolonger le dispositif dans les futures lois de financement de la sécurité sociale pendant deux ans, et ce sans évaluation préalable de l’impact sur les comptes sociaux, puisque l’évaluation globale aura lieu au bout de cinq ans.
Cette durée renvoyant l’évaluation à cinq ans prive ainsi le Parlement d’un débat éclairé sur la prolongation du dispositif à l’heure où, selon la Cour des comptes, les trois quarts du déficit de la sécurité sociale sont dus à un manque de recettes.
Par conséquent, l’amendement que nous présentons est de bon sens. Il vise à réduire de cinq ans à trois ans la durée de l’expérimentation du contrat de valorisation de l’expérience. Cette durée garantit qu’une éventuelle prolongation au projet de loi de financement de la sécurité sociale fera l’objet d’un débat spécifique, accompagné d’un rapport d’évaluation précis pour éclairer le Parlement dans ses décisions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Cet amendement vise à réduire à trois ans la durée de l’expérimentation du CVE.
Comme vous l’avez rappelé, la commission a rétabli le principe d’une évaluation de l’expérimentation. Par conséquent, s’il était adopté, cet amendement reviendrait sur cet apport.
Bien plus, une expérimentation de trois ans est trop courte pour permettre une évaluation correcte. (Mme Raymonde Poncet Monge manifeste son scepticisme.)
Je rappelle que le dispositif que nous mettons en place concerne des salariés ayant au moins 60 ans – quelquefois même 57 ans. Comme l’entreprise ne peut pas se séparer des salariés en CVE avant que ceux-ci n’aient atteint l’âge de la retraite à taux plein, l’évaluation pourrait ne pas être pertinente, les salariés risquant de ne pas avoir alors atteint cet âge.
Une expérimentation de trois ans n’aurait donc pas tellement de sens. Qui plus est, les premières années risquent d’être peu concluantes, puisque l’on imagine bien que ce nouveau dispositif ne tournera pas à plein régime.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Une durée de cinq ans paraît plus pertinente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Les raisons pratiques relatives à la durée de ce dispositif au regard de la situation de ses bénéficiaires ont bien été explicitées par Mme la rapporteure.
J’ajoute que les partenaires sociaux ont prévu dans l’ANI que l’expérimentation fera l’objet d’une évaluation, s’agissant notamment de l’appétence des entreprises comme des salariés pour le dispositif. Celle-ci sera réalisée par les organisations d’employeurs et de salariés signataires avant la fin de la deuxième année de la mise en œuvre.
Par conséquent, sans parler de clause de revoyure à proprement parler, il est envisagé d’apprécier la popularité de ce dispositif avant une évaluation plus globale au bout de cinq ans.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 16, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Le Houerou, Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après la première occurrence du mot :
entreprise
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de conclure un contrat de valorisation de l’expérience avec une personne ayant déjà été employée dans l’entreprise ou dans une entreprise du même groupe au cours des six mois précédents.
Nous craignons en effet les effets d’aubaine. Bien sûr, on nous rétorquera que ce n’est pas possible, qu’une entreprise ne se sépare pas d’un salarié pour le réembaucher juste après, ne serait-ce que parce qu’un licenciement coûte cher, etc.
C’est pourtant ce qui s’est produit lors de l’explosion de l’autoentrepreneuriat : on a vu de petites entreprises demander à leurs salariés de démissionner ou bien les licencier et les faire revenir une fois que ceux-ci avaient le statut d’autoentrepreneur. C’est cet exemple qui me vient à l’esprit, mais les entreprises ont également bénéficié d’autres effets d’aubaine à d’autres occasions.
Certes, on peut comprendre que le contrat de valorisation de l’expérience est un effort demandé aux employeurs et que, à ce titre, il faille prévoir quelques garde-fous, mais il suffirait de préciser que l’entreprise ne peut pas « reprendre » un salarié en CVE.
Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
groupe
insérer les mots :
et n’a pas fait l’objet d’un licenciement par cette entreprise ou, le cas échéant, par une entreprise appartenant au même groupe
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Certes, il peut paraître paradoxal qu’un salarié soit réembauché dans la même entreprise, car cela a un coût, mais il pourrait tout à fait l’être dans le même groupe. Dans les grands groupes, puisque c’est de cela qu’il est question, il est assez facile de licencier dans une structure et de réembaucher dans une autre !
L’amendement n° 12 est un amendement de repli, car l’amendement n° 11 que nous examinerons ensuite a pour objet de conditionner le bénéfice du contrat de valorisation de l’expérience à la publication d’un index seniors pour éviter que les entreprises ayant des taux élevés de rupture de contrat visant les seniors ne puissent continuer à se séparer de tels travailleurs tout en utilisant dans le groupe un nouvel outil désocialisé.
Rappelons que, selon l’Unédic, 56 ans est l’âge pivot à partir duquel le taux d’accès à l’emploi durable devient significativement plus faible qu’à 50 ans, baissant de deux à quatre points. Le taux d’accès à l’emploi durable après la perte d’un CDI entre 50 et 61 ans est particulièrement faible puisqu’il est divisé par trois ; cela touche particulièrement les salariés à l’ancienneté élevée dans l’emploi.
Pourtant, le texte actuel interdit seulement le recrutement d’un salarié ayant été employé en CDI dans la même entreprise dans les six derniers mois. Ce n’est pas très contraignant. Cette disposition est largement insuffisante.
C’est pourquoi cet amendement tend à interdire explicitement le recrutement en CVE d’un senior licencié par la même entreprise ou le même groupe dans les six mois précédents. Sans cette garantie, les entreprises pourraient bénéficier indûment des exonérations de cotisations prévues au titre de ce contrat tout en contournant leurs obligations.
Il s’agit de protéger les travailleurs seniors contre une potentielle instrumentalisation, d’éviter un effet d’aubaine pour les entreprises, ma collègue vient de le souligner, et de donner sa pleine efficacité au contrat de valorisation de l’expérience.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Ces deux amendements procèdent de la même intention d’exclure la possibilité de recourir à un CVE pour des demandeurs d’emploi qui auraient été licenciés par l’entreprise ou par une entreprise du groupe ou qui auraient déjà travaillé pour ladite entreprise.
Cette précision n’ayant pas été retenue par les partenaires sociaux, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Je rappelle, même si cela a été fait, que l’article 4 prévoit déjà qu’un CVE ne peut pas être conclu avec un salarié qui aurait été employé par l’entreprise ou par une entreprise du même groupe au cours des six derniers mois. Ce faisant, il s’agit d’éviter la transformation d’un CDI classique en un CVE, ce qui, on en convient, ne serait pas souhaitable.
Je ne vous dirai pas, mes chers collègues, que l’effet d’aubaine n’existe pas. Je ne suis pas si naïve ! (Sourires.) En revanche, je pense que, concernant cet accord, il faut faire confiance aux partenaires. Ce sera d’ailleurs tout l’intérêt de l’évaluation de montrer s’il y a eu ou pas des débordements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
I bis. – Le bénéfice du contrat mentionné au I pour les entreprises est soumis, dans des conditions fixées par décret, à la publication par l’employeur chaque année d’indicateurs relatifs à l’emploi des seniors mentionnant le nombre de fins de contrat de travail et de contrats de mise à disposition mentionnés au 1° de l’article L. 1251-1 du code du travail, impliquant des salariés de plus de cinquante ans à l’exclusion des démissions, des contrats de travail et contrats de mise à disposition conclus avec une structure d’insertion par l’activité économique mentionnée à l’article L. 5132-4 du même code et des contrats de mission mentionnés au 2° de l’article L. 1251-1 dudit code.
Lorsque les résultats obtenus par l’entreprise au regard des indicateurs mentionnés au premier alinéa du présent I bis se situent en deçà d’un niveau défini par décret, l’entreprise ne peut plus bénéficier du contrat mentionné au I du présent article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce contrat s’appuie sur la parole des employeurs. On parle d’unanimité, mais ce n’est pas vrai : un accord n’a été signé ni par la CGT ni par la CGC.
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Ce n’est pas le même !
Mme Raymonde Poncet Monge. Il s’agit là d’un contrat ad hoc, qui est la contrepartie pour les employeurs des avancées obtenues par les salariés. C’est pour cela qu’un certain nombre d’amendements ont été déposés sur l’article 4.
Nous considérons comme paradoxal d’offrir des avantages à des entreprises qui continueraient à licencier leurs salariés seniors. L’un des articles de la réforme des retraites de 2023 créait un index seniors censé contrôler et réguler les ruptures massives de contrats dont sont victimes les travailleurs seniors. Il a été retoqué, car il s’agissait d’un cavalier législatif. Il est bien dommage qu’on ne le retrouve pas dans ce texte, car c’était l’une des rares dispositions avec lesquelles nous étions d’accord.
Faute d’un tel outil, cet amendement vise à conditionner le bénéfice de ce CDI à la publication d’un index seniors sur le modèle de ce qui était prévu dans la réforme des retraites.
C’est une mesure de transparence et de responsabilisation indispensable pour que ce dispositif serve réellement l’emploi des seniors – c’est son objectif – plutôt que des stratégies d’optimisation sociale de la part des entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Cet amendement a pour objet de conditionner le recours au contrat de valorisation de l’expérience à la publication d’indicateurs relatifs à l’emploi des seniors, dont la liste serait fixée par décret.
Je répète une nouvelle fois que les partenaires sociaux n’ont pas retenu ces modalités de mise en place. Toutefois, un comité de suivi et d’évaluation est prévu par l’ANI : il semble plus pertinent qu’une obligation à l’échelle de l’entreprise, laquelle serait susceptible de créer une charge administrative supplémentaire substantielle. Il pourrait faire office d’index seniors.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Ce contrat vise à permettre l’embauche de demandeurs d’emploi de plus de 60 ans ou de plus de 57 ans en cas d’accord de branche. Je rappelle que, dans notre pays, la durée moyenne de chômage des plus de 55 ans est de 588 jours. L’objectif, c’est donc bien de faciliter le recrutement des travailleurs de plus de 55 ans.
Toute complexité ou formalité supplémentaire nuira à cet objectif. Les seuls indicateurs qui vaillent, ce sont le taux d’activité des plus de 55 ans dans notre pays – même si on peut faire mieux, il s’est amélioré de trois points depuis ces deux dernières années –, le taux de chômage des plus de 55 ans et la baisse de la durée moyenne au chômage des chômeurs de plus de 55 ans.
Ajouter des contraintes supplémentaires, c’est prendre le risque de ne pas être ambitieux et volontariste sur la question du chômage de longue durée qui accable un trop grand nombre de nos compatriotes de plus de 55 ans.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, nous partageons l’objectif de réduire la durée de chômage des personnes dites expérimentées ou âgées, on ne sait plus trop comment les nommer.
Il faudrait au préalable arrêter le flux ! Dans ce texte, rien n’est prévu pour arrêter les licenciements, aucun index.
Je rappelle que la moitié des plus de 55 ans pris en charge par l’assurance chômage, et pour des durées très longues au regard de leur âge, le sont à la suite d’un licenciement. Que fait-on pour empêcher ces inscriptions massives ? Je sais bien que vous voulez réduire la durée d’indemnisation.
Et que dire des 100 000 seniors qui deviennent chômeurs à la suite d’une rupture conventionnelle ? Nous savons que les ruptures conventionnelles sont quelquefois des démissions déguisées et encore bien plus souvent des licenciements déguisés.
On traite le « stock » des chômeurs – les guillemets s’imposent – pour qu’ils retrouvent un emploi – tant mieux, j’espère que ce sera le cas –, sans rien prévoir, ni action ni prévention, pour empêcher le licenciement de ces salariés, par exemple via un index qui pourrait montrer les pratiques des entreprises. Voilà qui est aberrant.
Tarissons d’abord le flux des demandeurs d’emploi de plus de 55 ans qui sont au chômage à la suite d’un licenciement. Nous nous occuperons ensuite de ceux qui restent au chômage. C’est tout l’objet d’outils aussi vertueux que le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », que nous soutenons.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Madame la sénatrice, il existe deux dispositifs, qui, s’ils ne sont pas suffisants, ont pour objectif de tarir le flux de personnes de plus de 50 ans ou de 55 ans se retrouvant au chômage.
Le premier dispositif, c’est l’entretien de mi-carrière. Il n’est qu’à voir ce qui se passe dans les pays d’Europe du Nord : je les prends toujours en exemple, car ces pays sont ceux qui concilient le mieux la cohésion sociale, même s’il y a eu des reculs – vous connaissez très bien ces sujets –, et l’attractivité économique. En ce sens, ils sont intéressants.
Quel enseignement en tirer ? Il faut s’y prendre en amont, en s’intéressant aux compétences, à la santé et aux conditions de travail ; or ces trois facteurs ont souvent été minorés quand il s’agit de parler des travailleurs expérimentés, des travailleurs plus de 50 ans.
Le second dispositif, qui est essentiel, concerne la reconversion et la transition. Je regrette que l’on ne puisse pas en parler, puisque c’est l’objet des discussions que mènent en ce moment même les partenaires sociaux.
Comment simplifier les dispositifs de reconversion et de transition ? Je pense en particulier aux dispositifs à la main des entreprises, par exemple Pro-A (reconversion ou promotion par alternance) ou Transco (Transitions collectives), qui concernent en particulier celles qui licencient ou qui sont en restructuration. Pendant la durée du contrat de travail, les salariés peuvent bénéficier d’une formation dispensée par une entreprise qui recrute dans le même territoire.
On met toujours en avant le dispositif Transco, alors qu’il n’a concerné que 1 000 salariés depuis sa création en 2021. Nous allons donc le simplifier. Ce dispositif de reconversion aidera également les travailleurs expérimentés qui sont exposés à l’usure professionnelle. Vous le savez, certains métiers ne sont pas tenables toute une vie et il est raisonnable de limiter leur exposition ; par conséquent, soit on aménage les postes, soit on anticipe des reconversions.
On met en place des dispositifs qui ont été étudiés par les partenaires sociaux. Les reconversions sont une réponse aux préoccupations que vous exprimez.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 6 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 15 est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Le Houerou, Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 8 et 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Alexandre Basquin, pour présenter l’amendement n° 6.
M. Alexandre Basquin. L’obligation pour le salarié de transmettre à l’employeur un document indiquant une date prévisionnelle de départ à la retraite nous pose problème, car elle remet en cause le principe même du contrat à durée indéterminée.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas concernés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 15.
Mme Monique Lubin. Nous proposons nous aussi de supprimer les dispositions qui imposent au salarié de transmettre à l’entreprise un document mentionnant une date prévisionnelle de départ à la retraite et qui permettent à cette dernière de mettre unilatéralement fin au contrat de travail.
Une telle disposition me paraît curieuse.
Qu’en est-il pour les femmes, dont on sait qu’elles ont choisi ou subi des temps partiels ?
Je l’ai dit précédemment, il faut 150 heures pour valider un trimestre. Certaines femmes auront uniquement validé des trimestres à temps partiel au cours de leur carrière professionnelle, si bien qu’au moment de liquider leur retraite le montant de leur pension sera insuffisant. Aussi décideront-elles de continuer à travailler.
Il me paraît dommage de mettre cette barrière, au moment où l’on fait un effort pour recruter des demandeurs d’emploi âgés. Je ne comprends pas très bien. Un tel dispositif aurait pour effet de plonger ces femmes dans la précarité, soit parce qu’elles devront vivre de l’assurance chômage, soit parce que le montant de leur retraite sera insuffisant.
S’il fait l’effort de recruter une personne de 60 ans, un employeur peut envisager de la garder jusqu’à 67 ans. S’il considère que ce n’est pas possible, cela signifie que les conditions de travail ne sont pas adaptées à l’âge du salarié, auquel cas il faut tout revoir. C’est d’ailleurs le sens des débats que nous avons eus jusqu’à présent.
Mme la présidente. L’amendement n° 19, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport aux amendements identiques précédents, qui vise à juste titre à supprimer l’obligation pour le salarié de communiquer la date prévisionnelle de sa retraite à taux plein, dès qu’il est embauché en contrat de valorisation de l’expérience. Il s’agit d’une information personnelle dont, jusqu’à présent, l’employeur ne pouvait pas exiger la transmission.
Cette disposition est paradoxale. D’un côté, nous prétendons favoriser l’emploi des seniors ; de l’autre, nous donnons aux employeurs les clés pour mettre ceux-ci à la retraite dès qu’ils remplissent les conditions d’absence de décote, avant même l’âge de 70 ans qui, seul, autorise aujourd’hui la mise à la retraite par l’employeur.
Certes, le CVE est un CDI un peu particulier, une sorte de CDD déguisé, puisqu’il comporte une date butoir. Il s’agit d’un recul des droits pour les salariés : les entreprises pourront ainsi recruter des salariés tout en sachant précisément quand s’en séparer.
Pour ma part, je crains un effet contre-productif de ce dispositif – nul besoin de se référer à la contribution Delalande dont il a été question tout à l’heure. Le CVE sera défavorable à l’embauche des seniors les moins en mesure de bénéficier rapidement d’une retraite à taux plein, notamment ceux qui doivent attendre l’âge de 67 ans pour ne pas subir de décote.
Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, il pénalisera ceux qui, à 67 ans, ne bénéficieront pas pour autant d’une retraite de base complète ou qui percevront une pension insuffisante même s’ils ont validé le nombre de trimestres requis, puisqu’ils seront privés du droit de poursuivre une activité salariée jusqu’à 70 ans.
Ce n’est pas que nous soyons particulièrement favorables à cette dernière configuration, mais elle concerne de nombreuses femmes qui reprennent une activité professionnelle tardivement, pour réduire la proratisation de leur retraite, qui s’applique, en plus de la décote, aux salariés ayant eu des carrières discontinues. En effet, il faut distinguer la décote de la proratisation.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Raymonde Poncet Monge. Par cet amendement, nous contestons l’obligation faite au salarié d’informer son employeur de la réévaluation de la date prévisionnelle à laquelle il justifiera des conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Ces amendements visent tous à supprimer la communication à l’employeur de la date de départ à la retraite à taux plein, qui constitue pourtant le principal motif de recours au CVE.
Pour les directeurs des ressources humaines que la commission a auditionnés, cette information est importante. Ce n’est guère étonnant, me répondrez-vous. Reste que les organisations syndicales et patronales que nous avons également entendues n’ont pas soulevé cette question.
Replaçons les choses dans un contexte plus large.
Employer des seniors, faire appel à des travailleurs expérimentés, prolonger l’activité, en plus des problèmes d’adaptabilité que cela peut poser, exige de l’anticipation. On peut comprendre que l’employeur ait besoin de savoir quand il perdra telle ou telle compétence, que ce soit pour le recrutement de celui qui reprendra le poste ou pour la formation de son propre personnel, etc. Tous les acteurs considèrent que connaître la date prévisionnelle de départ à la retraite constitue un élément important pour que le dispositif fonctionne. Il s’agit d’éviter le flou.
Pour autant, rien n’empêche de prolonger le contrat après l’âge de la retraite à taux plein, même s’il est vrai que celui-ci marque une étape. Reconnaissons tout de même que les entreprises n’embaucheront pas des travailleurs expérimentés uniquement parce que le CVE existe, pour profiter d’exonérations ou pour faire plaisir à je ne sais qui ! Si le salarié est d’accord pour poursuivre son activité et si l’entreprise a besoin de ses compétences, l’âge de la retraite peut être repoussé d’un commun accord.
Malheureusement, une fois de plus, les femmes sont dans une situation défavorable.
Cette disposition étant un élément important du CVE, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?