M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. La réglementation relative aux espèces animales et végétales protégées prévoit des dérogations en cas de raison impérative d’intérêt public majeur.
Par votre amendement, vous proposez, monsieur le sénateur, de considérer que l’ensemble des projets nécessaires à la préparation, à l’organisation et au déroulement des JO répondent à une raison impérative d’intérêt public majeur.
Si le Gouvernement souhaite faciliter, par le présent projet de loi, la mise en œuvre des aménagements et des travaux nécessaires à l’organisation de cet événement, il se doit également de veiller à ce que celui-ci soit exemplaire d’un point de vue environnemental.
À cet égard, alors que ce régime doit être caractérisé au cas par cas, vous proposez que la qualification de raison impérative d’intérêt public majeur, particulièrement sensible, soit étendue à l’ensemble des projets concourant à l’organisation, à la préparation et au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030.
Une telle extension me paraît excessive. Certains projets, au regard du stade d’avancement des études et des possibilités offertes par le périmètre d’aménagement étudié, peuvent ainsi être adaptés en cas d’identification d’espèces protégées. Il en va ainsi, par exemple, de certains aménagements de pistes de ski alpin ou de ski de fond.
À l’inverse, dans des situations particulières n’offrant pas d’autre solution, la raison impérative d’intérêt public majeur pourra être démontrée pour justifier une dérogation à la protection de certaines espèces.
Je souligne à ce titre que le code de l’environnement prévoit déjà la possibilité de déroger aux règles relatives aux espèces protégées pour les projets menés dans l’intérêt de la sécurité publique.
Ainsi, si je partage le souci de la SNCF et des gestionnaires routiers de faciliter la réalisation de travaux de sécurisation et de résilience des infrastructures en vue des jeux Olympiques d’hiver de 2030 – cela passe par la simplification de la reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur de ces projets –, la généralisation de cette reconnaissance à l’ensemble des opérations liées aux JO me paraît excessive.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Je soutiens pleinement la mesure proposée par notre collègue Patrick Chaize. Elle permettra en effet de sécuriser juridiquement les choses, et c’est important.
À travers le dossier de l’autoroute A69, nous savons ce qu’il en est de l’interprétation de la notion d’intérêt public majeur… Nous avions un projet d’intérêt général national et d’utilité publique et, pourtant, à un moment donné, on nous a opposé qu’il n’était pas d’intérêt public majeur…
Quand on écrit les choses dans la loi, on ne peut pas revenir dessus. Or, si des travaux étaient engagés pour une infrastructure nécessaire à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, ce qui n’est quand même pas un événement banal ou secondaire, et que l’intérêt public majeur était ensuite contesté, nous nous retrouverions dans une situation particulièrement difficile, voire catastrophique.
Dans ce pays, il serait temps de faire confiance aux porteurs de projets et de faire en sorte que ces derniers soient les plus respectueux possible de l’environnement, d’autant qu’il s’agit ici, si j’ai bien compris l’objet de l’amendement, d’infrastructures ferroviaires. Soyons raisonnables et tenons-nous-en à une certaine logique !
Les auteurs de cet amendement nous proposent de sécuriser les choses de manière ferme et définitive, ce qui me paraît fondamental. Essayons de ne pas nous retrouver, comme cela a pu arriver, dans une situation inextricable qui représenterait en définitive un coût déraisonnable pour le contribuable ! Car, quand vous arrêtez des travaux en cours, la situation devient vite insupportable.
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.
Mme Mathilde Ollivier. Il est essentiel de maintenir la procédure actuelle de demande de dérogation pour les espèces protégées. Dans les territoires de montagne, où la biodiversité est à la fois riche et particulièrement sensible, nous sommes confrontés à des pressions multiples liées notamment au changement climatique et aux activités humaines.
Nous avons besoin que les JO soient exemplaires d’un point de vue environnemental, ce que l’état du droit permet aujourd’hui.
J’ajoute que le dispositif de l’amendement, tel qu’il est rédigé, concerne toutes les infrastructures liées à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, et pas seulement les infrastructures ferroviaires.
Voilà les raisons pour lesquelles nous ne le voterons pas.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 89 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 15
La procédure prévue aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique peut être appliquée en vue de la prise de possession immédiate, dans les conditions prévues aux mêmes articles L. 522-1 à L. 522-4, par le bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique, de tous immeubles non bâtis ou bâtis dont l’acquisition est nécessaire à la réalisation des villages olympiques et paralympiques et des ouvrages ou aménagements nécessaires aux compétitions des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030.
Le premier alinéa du présent article est également applicable aux immeubles bâtis et non bâtis dont l’acquisition est nécessaire à la réalisation des aménagements indispensables au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030.
Pour l’application du présent article, les décrets pris sur avis conforme du Conseil d’État en application de l’article L. 522-1 du même code sont publiés au plus tard le 1er janvier 2028.
M. le président. L’amendement n° 69, présenté par Mme Ollivier, MM. Gontard, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Fernique, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Par cet amendement, nous proposons la suppression pure et simple de l’article 15, qui introduit une procédure d’extrême urgence pour permettre la prise de possession anticipée de terrains nécessaires aux ouvrages olympiques et paralympiques sans avoir à respecter la procédure habituelle d’expropriation.
Cette procédure déroge en effet à un principe constitutionnel fondamental : le versement « préalable » de l’indemnité d’expropriation, garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Elle permet également au préfet de se substituer au maire, marginalisant ainsi les élus locaux.
En outre, elle pourrait s’appliquer à des zones Natura 2000 ou autrement protégées, alors même que le Conseil national d’évaluation des normes a rendu un avis défavorable et que plusieurs associations environnementales, Mountain Wilderness en tête, alertent sur les dérives potentielles d’une telle procédure.
Nous demandons donc le maintien du droit commun pour garantir l’équilibre entre aménagement du territoire, protection des droits et respect des écosystèmes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. Le risque de dérive semble très limité dans la mesure où la prise de possession anticipée est une mesure exceptionnelle qui n’est utilisée qu’en ultime recours par les personnes publiques pour prendre possession plus vite des biens expropriés pour cause d’utilité publique.
Une telle faculté avait été prévue pour les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, mais il n’a pas été nécessaire d’y avoir recours, puisque les choses se sont globalement bien passées avec les propriétaires concernés.
Compte tenu des enjeux économiques et sociaux liés à l’organisation des JO, la construction des ouvrages ou aménagements nécessaires à leur bon déroulement relève sans aucun doute d’un motif impérieux d’intérêt général.
Les délais durant lesquels on peut construire en montagne sont courts, de l’ordre de quatre à cinq mois pour les sites d’altitude, si bien qu’il est absolument nécessaire, en cas de blocage ponctuel, de pouvoir utiliser ce type de dispositif de manière exceptionnelle, en ultime recours et avec les procédures qui sont prévues en amont.
Je précise que les personnes expropriées peuvent voir leur indemnité valorisée, lorsque la prise de possession anticipée leur a causé un préjudice particulier.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article 15.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. La prise de possession anticipée permettra simplement d’accélérer la dernière étape de la procédure, à savoir celle de la fixation des indemnités d’expropriation, en garantissant le versement ou la consignation de ces indemnités.
Cette mesure n’a vocation à s’appliquer que dans des cas très restreints, lorsque l’urgence à prendre possession est avérée. Elle est, à cet effet, exceptionnellement encadrée ; elle est d’ailleurs soumise à un avis conforme du Conseil d’État, au cas par cas, ce qui garantit les droits des propriétaires.
En outre, le juge de l’expropriation peut fixer une indemnité spéciale prenant en compte le préjudice lié à la rapidité de la prise de possession.
Cette disposition est essentielle pour que les travaux puissent avoir lieu selon un calendrier adapté, permettant de garantir leur réalisation dans de bonnes conditions.
Je ne peux donc qu’être défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 15.
(L’article 15 est adopté.)
Article 16
Pour permettre la réalisation ou l’implantation temporaire des constructions, installations et aménagements nécessaires à la préparation, à l’organisation ou au déroulement des jeux Olympiques ou Paralympiques de 2030 ainsi que leur entretien, le représentant de l’État dans le département peut, à défaut d’accord amiable, autoriser l’occupation temporaire de terrains, dans les conditions prévues par la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l’exécution des travaux publics.
Pour l’application du présent article :
1° Par dérogation aux articles 4 et 7 de la loi du 29 décembre 1892 précitée, le représentant de l’État dans le département peut procéder aux formalités requises, en lieu et place du maire, après en avoir informé celui-ci ;
2° À défaut d’accord amiable, l’indemnité est fixée compte tenu de la consistance des biens à la date de l’arrêté prévu à l’article 3 de la même loi du 29 décembre 1892 en fonction des atteintes portées à leur utilisation habituelle et des modifications apportées à l’état des lieux antérieur, sans préjudice des articles 14 et 15 de ladite loi du 29 décembre 1892 – (Adopté.)
Article 17
Lorsqu’un projet de construction ou d’aménagement comporte un état provisoire correspondant aux seules nécessités de la préparation, de l’organisation ou du déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 et un état définitif propre à ses affectations ou destinations postérieures au déroulement des jeux, le permis de construire ou d’aménager autorise cet état provisoire et cet état définitif. Il en va de même, lorsque les immeubles concernés sont classés au titre des monuments historiques, de l’autorisation délivrée en application de l’article L. 621-9 du code du patrimoine.
Il peut être dérogé, afin d’autoriser l’état provisoire du projet, aux exigences définies au premier alinéa de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme, y compris, le cas échéant, aux règles du plan local d’urbanisme en vigueur, à l’exception de l’application des règles relatives à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques et sous réserve du respect de ces exigences par l’état définitif du projet. Dans ce cas, le permis de construire ou d’aménager indique les prescriptions auxquelles il est dérogé et les motifs justifiant cette dérogation au regard de l’objet de la règle en cause et de l’utilisation provisoire de la construction ou de l’aménagement.
Le bénéficiaire du permis de construire ou d’aménager ou de l’autorisation délivrée en application de l’article L. 621-9 du code du patrimoine dispose d’un délai maximal de cinq ans à compter de la date de la cérémonie de clôture des jeux Paralympiques pour réaliser le projet dans son état définitif. À défaut, et faute d’avoir sollicité et obtenu la prolongation de ce délai, le bénéficiaire ou son ayant droit procède, sans indemnité, dans un nouveau délai d’un an, à l’enlèvement de la construction ou à la suppression de l’aménagement et remet, à ses frais, les lieux en leur état antérieur à ses travaux ou aménagements. En cas d’inobservation par le bénéficiaire ou son ayant droit de ce second délai, les peines prévues au premier alinéa de l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme lui sont applicables. Les articles L. 480-1, L. 480-5 à L. 480-9, L. 480-12 et L. 480-14 du même code sont également applicables.
Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. Il détermine l’ouvrage réalisé au titre d’un permis délivré sur le fondement du présent article qui fait l’objet de la réception, au sens de l’article 1792-6 du code civil.
M. le président. L’amendement n° 74, présenté par Mme Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Par cet amendement, nous exprimons nos réserves quant à la transformation de plusieurs bâtiments classés monuments historiques. Nous ne sommes pas opposés à la réutilisation durable des bâtiments olympiques. En revanche, les interventions qui touchent à notre patrimoine classé sont plus dérangeantes.
Pour ces jeux Olympiques d’hiver de 2030, le fort de Briançon en est le triste exemple. C’est le premier village olympique pour lequel une consultation a été publiée. Son périmètre, multisites, comprend deux lots : le fort des Têtes et l’usine de la Schappe, située en contrebas.
Nous considérons que le fort des Têtes, un site inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, n’est pas une opportunité foncière comme une autre. C’est un bien commun, un morceau d’histoire, un repère de notre mémoire collective.
Il semblerait que la préservation du patrimoine soit encadrée. Nous nous inquiétons cependant, à la lecture du dossier de consultation, de la volonté de créer des logements libres, une ambition affichée à un prix moyen de 7 000 euros par mètre carré ! À Briançon, la capacité d’achat endogène est de 2 500 euros par mètre carré. On voit donc bien que l’objectif n’est pas de loger les familles du coin, mais d’attirer une autre population. Il s’agit là des mêmes prix qu’à Paris !
Transformer ce site en logements, hôtel et commerces sans garantir le respect du patrimoine, de la mixité sociale et de l’intérêt général, c’est prendre le risque de privatiser un symbole pour quelques-uns, au détriment de tous.
Protégeons le fort des Têtes et assurons un héritage olympique digne de nos engagements culturels, sociaux et démocratiques !
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis. La phrase que vous proposez de supprimer, ma chère collègue, n’ôte absolument pas ses prérogatives à l’architecte des Bâtiments de France. Selon l’article L. 621-9 du code du patrimoine, son autorisation demeurera requise pour la réalisation du projet faisant l’objet d’un permis à double état, tant pour l’état provisoire que pour l’état définitif.
En revanche, l’architecte des Bâtiments de France donnera les deux autorisations au début du processus afin que la conversion à l’état définitif ne soit pas retardée par l’attente de son autorisation. Il s’agit simplement d’un aménagement procédural qui ne fait que tirer la conséquence des modalités du permis de construire à double état. Il s’agit d’une mesure d’accélération bienvenue.
On peut prendre l’exemple, même si nous ne sommes pas dans le cadre d’un site patrimonial, du village olympique de Paris 2024. Il est déjà réaménagé, ce qui a été rendu possible par la délivrance d’un permis à double état. Les autorisations sont données dès le départ, y compris celles qui sont requises de la part de l’architecte des Bâtiments de France ; cela permet, dans un second temps, de procéder très rapidement au réaménagement.
Aussi, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. L’autorisation de réaliser des travaux sur les immeubles classés au titre des monuments historiques sera instruite par le service chargé du patrimoine dans le cadre de l’état définitif du projet, selon les règles de droit commun. L’autorité administrative pourra ainsi refuser le permis de construire à double état ou l’assortir de prescriptions afin de protéger l’affectation du site protégé.
Dans la pratique, il est par exemple prévu d’installer le village olympique du Briançonnais dans le fort des Têtes, à Briançon, qui est classé au titre des monuments historiques et à l’égard duquel vous exprimez plus particulièrement votre préoccupation.
Le dispositif prévu permettra d’optimiser les délais d’instruction sans remettre en cause les compétences des services instructeurs ou les prérogatives liées à la protection du site et à une vision d’ensemble quant à l’évolution du projet, tant dans son état provisoire que dans son état définitif.
J’ajoute que la programmation n’est pas arrêtée à ce jour. Cependant, je tiens à vous rassurer : nous veillerons à une mixité des publics pour ces futures habitations.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Cet article 17 est tout de même une source de problèmes : il nous semble qu’il aurait fallu mieux encadrer les choses, car la question de la destination finale devra inévitablement être posée.
Lorsqu’il s’agit d’un monument historique, on ne peut pas réitérer la démarche suivie pour Paris 2024. Il me paraît donc opportun que le Gouvernement puisse s’engager, à un moment donné de la procédure parlementaire, par exemple lors de la réunion de la commission mixte paritaire, à ce que ce point soit clarifié.
M. le président. L’amendement n° 75 rectifié, présenté par Mme Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’état définitif du projet présente les conditions soit de sa transformation en logements locatifs sociaux, en foyers de jeunes travailleurs, en résidences hôtelières à vocation sociale ou en logement-foyer, soit de sa déclaration d’utilité publique.
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Par cet amendement, nous voulons faire en sorte que les constructions provisoires autorisées par l’article 17, lorsqu’elles deviennent pérennes, soient mises au service de l’intérêt général en ciblant les publics en situation de précarité.
Il s’agit non pas seulement de reconvertir des bâtiments à des fins sociales, mais d’éviter qu’ils soient voués à devenir, après les JO, des résidences secondaires vides huit mois sur douze ou des hôtels déguisés, inaccessibles aux habitants des territoires concernés, les plus modestes d’entre eux en tête.
Le principe que nous défendons est simple : si l’État aménage à titre provisoire, c’est pour mieux répondre à des besoins permanents. Or le besoin numéro un dans les zones alpines comme ailleurs, c’est le logement abordable, digne et encadré.
Les jeux Olympiques et Paralympiques ne doivent pas stimuler la « gentrification » touristique. Ce que la puissance publique construit, elle doit le rendre à l’intérêt général. Il ne peut y avoir d’héritage des JO sans justice sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis. Ce qui est proposé ici serait excessivement restrictif et risquerait de compromettre l’usage du permis à double état, sans pour autant contribuer à répondre aux besoins précis des territoires en matière de logements.
Diversifier les types de logements créés permet, en effet, d’améliorer l’équilibre économique d’une opération qui, sans cela, risquerait tout simplement de ne pas voir le jour.
Je rappelle en outre que le permis à double état ne peut être délivré que si le projet est suffisamment avancé pour que l’autorité compétente soit en mesure de se prononcer à la fois sur l’état provisoire et sur l’état pérenne. Il n’y aura donc pas de surprise de ce point de vue.
Enfin, je ne doute pas que les cahiers des charges élaborés par la Solideo permettront de répondre à vos inquiétudes quant à la mixité sociale dans le cadre de ces opérations. C’est ce qui a été fait pour le village des athlètes à Saint-Ouen : ce projet réussi a permis la création de trois mille logements, avec un équilibre entre logements sociaux, intermédiaires et libres.
Il faut que les ménages de ces territoires de montagne, notamment les jeunes ménages, puissent aussi accéder à la propriété. Il faut donc un projet mixte, ce que permet le permis à double état.
C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Il ne semble pas souhaitable d’imposer la transformation de la totalité des constructions issues des jeux Olympiques et Paralympiques en logements locatifs sociaux et autres catégories de logements spécifiques. En effet, les programmes de logements qui seront réalisés devront répondre à la diversité des besoins locaux, propres à chaque territoire.
La disposition proposée risquerait de fragiliser l’équilibre financier de nombreuses opérations et serait dissuasive pour les porteurs de projets. De ce fait, elle pourrait même se révéler contre-productive, car elle est susceptible de contrevenir à l’objectif de créer des logements abordables dans des quartiers mixtes.
J’ajoute enfin que l’état définitif des constructions devra respecter les règles d’urbanisme en vigueur, dont les règles de mixité sociale pour les opérations de logements collectifs dans les communes carencées en logements sociaux au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Redon-Sarrazy et Roiron, Mme Féret, MM. Lozach, M. Weber, Kanner, Tissot et Ros, Mmes Artigalas et de La Gontrie, M. Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. L’article 17 prévoit la possibilité de recourir au permis de construire dit « à double état », qui contribue à ce qu’un permis de construire autorise, au terme d’une procédure d’instruction unique, l’état provisoire d’un projet, qui correspond aux seules nécessités de l’organisation et du déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, et son état définitif.
Cette mesure permettra, à l’issue des JO, de reconvertir plus rapidement et de façon plus durable le village olympique et paralympique des athlètes pour répondre notamment à des besoins locaux en matière de logements.
La commission des affaires économiques a porté de trois ans – durée initialement prévue dans le projet de loi – à cinq ans le délai de reconversion des bâtiments. Il ne semble pas que les contraintes propres aux territoires de montagne justifient que l’on multiplie quasiment par deux un tel délai. Cette durée de reconversion de cinq ans paraît excessive et regrettable pour les collectivités concernées, en particulier au regard des attentes des habitants de ces territoires.
Par cet amendement, nous proposons donc d’en revenir au délai de trois ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis. Mon cher collègue, vous souhaitez revenir sur l’extension du délai de reconversion du village olympique et paralympique que nous avons votée en commission.
Cela n’est pas souhaitable, car l’impossibilité de mener des travaux pendant toute la période d’enneigement hivernal rend peu pertinent ce délai de trois ans qui a prévalu pour Paris. Il s’agit bien sûr d’un délai maximal et rien n’empêchera d’achever la reconversion du village plus tôt.
Ce délai de cinq ans correspond aussi à une demande de la Fédération française du bâtiment, qui connaît bien les conditions extrêmes en territoire de montagne.
C’est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Le Gouvernement comprend le souci bien légitime exprimé par M. Redon-Sarrazy.
Toutefois, les travaux de réversibilité sont conçus dès l’obtention du permis à double état pour être limités. En outre, un promoteur ou maître d’ouvrage n’a pas particulièrement intérêt à prendre autant de temps pour réaliser la conversion, car il supporte le coût du portage. Par comparaison, les travaux de reconversion liés à Paris 2024 sont déjà terminés pour plusieurs bâtiments et ils s’achèveront, pour la plupart, dans les dix-huit mois suivant la fin des JO.
Par conséquent, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.
M. Christian Redon-Sarrazy. Cet allongement des délais pose un double problème.
D’une part, le permis à double état est conçu pour raccourcir les délais ; or, là, on les augmente, et on sait bien que certains procrastineront et attendront jusqu’à la dernière minute.
D’autre part, le niveau de dégradation risque d’être élevé, si des immeubles ou équipements restent inoccupés et inutilisés pendant cinq ans. On peut s’interroger sur l’état de conservation des bâtiments au terme d’un tel délai…