PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article unique (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai
Discussion générale

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Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

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Article unique (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai
Article unique (suite)

Permettre aux salariés de certains secteurs de travailler le 1er mai

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de l'article unique, à l'amendement n° 10.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai
Intitulé de la proposition de loi (début)

Article unique (suite)

Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à supprimer l'alinéa qui tend à autoriser l'ouverture, le 1ᵉʳ mai, « des établissements assurant, à titre principal, la fabrication ou la préparation de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate ». De manière implicite, cette formulation concerne en premier lieu les boulangeries.

La législation actuelle protège la continuité d'activité lorsque celle-ci est impérative. Toutes les boulangeries ferment certains jours chaque semaine. Elles auront donc quelques difficultés à démontrer que, le 1er mai, elles doivent répondre au besoin essentiel du public que serait l'achat d'une baguette fraîche. Doit-on déduire de ce principe qu'elles doivent ouvrir 364 jours sur 365 ?

Quelles sont par ailleurs les boulangeries concernées ? Les boulangeries artisanales ou celles des grandes chaînes ? Les boulangeries rurales, où souvent travaille de toute façon un seul indépendant, ou celles des centres commerciaux périurbains ?

La rédaction retenue concernera bien d'autres établissements que les seules boulangeries, qui ne sont qu'un prétexte, un alibi, pour déréguler à terme l'ensemble du champ de la consommation immédiate de produits alimentaires, sachant que le modèle économique de ce secteur se caractérise par une ouverture maximale et des horaires atypiques fragilisant des salariés souvent précaires. Le rapport de force est défavorable à ces derniers et rend illusoire le libre exercice du volontariat.

Indéniablement, cette dérogation, dont on perçoit l'inanité, ouvrirait une brèche : céder aujourd'hui aux boulangeries, dont la population sait très bien se passer les jours de fermeture, validerait la stratégie du pied dans la porte.

Demain, chaque secteur – pourquoi pas les salons de coiffure ? – invoquera une prétendue demande du public au prétexte paradoxal que les familles, en congé le 1er mai, ont le temps de consommer des biens et services.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales. Nous avons déjà échangé nos arguments. L'adoption de cet amendement dénaturerait le texte, d'où un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Même avis, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe Union Centriste et, l'autre, du groupe Les Républicains. (Murmures sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 339 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 98
Contre 226

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 11, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à supprimer l'alinéa qui tend à autoriser l'ouverture, le 1er mai, des « autres établissements dont l'activité exclusive est la vente de produits alimentaires au détail ».

Une telle autorisation n'est pas pertinente. L'article L. 3133-6 du code du travail permet une dérogation « dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail ».

D'ailleurs, c'est à tort que vous présentez votre proposition comme une régularisation liée à la verbalisation de cinq boulangers.

Mme Annick Billon. Ils ont été relaxés !

Mme Raymonde Poncet Monge. Oui, après avoir prouvé qu'ils ne pouvaient pas interrompre leur activité ! La philosophie du 1er mai a donc bien été respectée.

En élargissant le dispositif, vous dispensez des secteurs entiers d'apporter la moindre preuve de cette nature. De l'artisan à la grande chaîne, les établissements ouvriront de plein droit, sans se plier aux exceptions relatives au 1er mai, qui ont pourtant du sens. Pour eux, le 1er mai n'existera plus !

Loin de régulariser des situations particulières, vous autorisez quatre secteurs – et demain plus, il suffira d'un décret – à déroger à leurs obligations.

C'est la stratégie du pied dans la porte : après les boulangeries puis les épiceries, d'autres secteurs suivront, toujours prompts à invoquer la commodité pour la clientèle afin d'ouvrir les jours où la concurrence est fermée.

Mme la présidente. Veuillez conclure !

M. Laurent Burgoa. C'est fini !

Mme Raymonde Poncet Monge. Dans un premier temps, cela sera bénéfique, puis dans un second temps la concurrence s'alignera.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Henno, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Puisque cela semble agacer certains, je reviens à la charge.

Mes chers collègues, expliquez-nous pourquoi vous élargissez à ce point le périmètre de la dérogation. À vous entendre, il s'agirait de régler un problème ponctuel et de régulariser la situation des boulangers et des fleuristes.

Avez-vous évalué le nombre de salariés qui seraient concernés ? Vous restez silencieux sur ce point. J'aimerais vous entendre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je précise que derrière les établissements visés par cet alinéa du texte se cachent les épiceries.

Vous prétendez vouloir régulariser des situations exceptionnelles. Or il n'y a jamais eu de tolérance pour ce secteur que vous voulez écarter de plein droit de la philosophie du 1er mai.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 340 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 98
Contre 226

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 12, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je poursuis l'examen exhaustif des quatre secteurs listés dans la proposition de loi. Nous avons déjà vu que deux d'entre eux n'ont rien à voir avec les arguments que vous avancez.

Sous la formule « établissements dont l'activité répond à un besoin du public lié à un usage traditionnel propre au 1ᵉʳ mai » se profile le commerce des fleurs, eu égard à la tradition qui autorise, ce jour-là, la vente du muguet dans l'espace public.

Pendant longtemps, c'est l'aubépine que l'on arborait à la boutonnière les jours de manifestation. Aujourd'hui, on fait commerce du muguet.

À l'instar des organisations professionnelles de la boulangerie, les représentants du secteur des fleuristes mènent depuis plusieurs années une campagne médiatique soutenue pour obtenir une dérogation permanente. Rien n'interdit pourtant à un artisan de vendre du muguet préparé la veille avec l'aide de ses salariés.

Cette demande de dérogation émane non seulement des commerces indépendants, mais aussi des jardineries qui, pour 60 %, vendent tout à fait autre chose que du muguet !

Mme Raymonde Poncet Monge. Il faudra m'expliquer en quoi l'achat d'un bonsaï le 1er mai nécessite une dérogation !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il pousse plus vite ! (Sourires.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Il n'est pas sûr, en outre, que les petits commerces soient les principaux bénéficiaires, à terme, de cette dérogation.

C'est encore la stratégie du pied dans la porte : après les fleuristes, d'autres secteurs se réclameront d'un prétendu « usage traditionnel » lié aux fêtes locales qui se greffent sur le 1er mai. Et c'est ainsi que l'on détricotera progressivement l'unique jour férié obligatoirement chômé dont bénéficient les salariés.

Il serait en outre paradoxal pour le législateur de récompenser ceux qui ont déclaré ouvertement, par provocation, qu'ils ouvriraient leur établissement et feraient travailler leurs salariés.

Valider ce comportement encourage le mépris de la loi. Le législateur a pour mission non pas de satisfaire des intérêts économiques particuliers, mais de protéger ce temps commun que constitue le 1er mai, dont la portée sociale est issue d'une longue histoire de luttes menées par les travailleurs et les travailleuses.

Mme la présidente. L'amendement n° 19, présenté par M. Henno, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Remplacer les mots :

dont l'activité répond

par les mots :

exerçant, à titre principal, une activité de vente de fleurs naturelles qui permet de répondre

II. – Alinéa 8

Après le mot :

exerçant

insérer les mots :

, à titre principal,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement vise à sécuriser le dispositif en précisant le périmètre des activités autorisées le 1er mai.

La formulation retenue a notamment pour objectif d'en exclure les grandes surfaces, dont l'activité excède largement la vente de brins de muguet et de biens culturels.

C'est d'ailleurs l'un des atouts de cette proposition de loi : en délimitant clairement les exceptions, nous rendons plus difficile l'ouverture des grandes surfaces, nous leur fermons donc la porte... (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Sylvie Vermeillet applaudit.)

Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par Mmes de Marco, Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Ghislaine Senée.

Mme Ghislaine Senée. Cet amendement de Mme de Marco vise à exclure du périmètre des dérogations envisagées au travail chômé le 1er mai les « établissements exerçant une activité culturelle ».

Cette mention est une atteinte grave et manifeste au droit de repos comme au droit de manifester. En effet, depuis la création, en 1947, de ce jour férié et chômé, les cortèges du 1er mai revêtent une importance particulière dans la vie syndicale des travailleuses et des travailleurs et pour la vitalité démocratique et sociale de la nation.

Il importe au contraire de préserver les droits des salariés des établissements culturels, qui sont confrontés à une forte dégradation de leurs conditions de travail. C'est le cas notamment dans les musées, que le rapporteur ne mentionne pas dans l'objet de son amendement, mais qui entreraient dans le champ de la dérogation.

Le recours massif, en lieu et place de salariés, à des jeunes en service civique ou à la sous-traitance, les faibles rémunérations ou encore le management toxique justifient d'autant plus le droit au repos de ces travailleuses et travailleurs.

Comme le soulignait le sociologue Frédéric Poulard, en 2024, « sur 17 000 agents des musées constitués en établissements publics, 76 % ne sont pas des titulaires et, parmi eux, 55 % ont un contrat de moins d'un an ».

L'exercice du droit de repos des salariés de ces établissements est aussi l'occasion pour les citoyens de s'ouvrir à des pratiques culturelles non marchandes, d'exercer des activités artistiques ou associatives ou encore de redécouvrir la nature.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Henno, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 12 et 13.

Leur adoption aurait pour effet, là encore, de dénaturer le texte, qu'il s'agisse des dispositions relatives aux fleuristes ou de celles qui concernent les activités culturelles, comme les cinémas ou les théâtres.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. L'avis est défavorable sur les amendements nos 12 et 13.

Le Gouvernement est par ailleurs favorable à l'amendement n° 19 de M. le rapporteur, qui apporte d'utiles précisions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Monsieur le rapporteur, si vous entendez limiter au mieux les dérogations, il suffit de ne pas voter cette proposition de loi ! Cela nous permettrait de ne pas ouvrir la boîte de Pandore.

Mme Monique Lubin. Par ailleurs, j'aimerais savoir, même si je doute que l'on me réponde, quelle est la vision des choses de nos collègues de droite.

Ce sont toujours les mêmes qui sont appelés à travailler les jours fériés et le dimanche : les salariés des commerces, dont le temps de travail est haché et qui – ne nous racontons pas d'histoires – ont les rémunérations les plus faibles. Alors bien sûr, quand on leur propose de doubler leur salaire, quelle manne extraordinaire !

Ce sont toujours les mêmes qui travaillent pour le bon vouloir de ceux pour qui le 1er mai restera à jamais un jour férié, de ceux qui pourront se permettre de consommer aussi ce jour-là, puisque d'autres auront été contraints de venir travailler.

Est-ce là votre philosophie de vie ? Je trouve cela particulièrement injuste.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le rapporteur, on ne peut pas se cacher derrière une supposée protection contre les grandes surfaces.

Les hypermarchés resteront fermés le 1er mai, bien entendu. Cela fait belle lurette toutefois, évolution de leur modèle économique oblige, que des enseignes comme Auchan ou Carrefour ont ouvert un peu partout des supérettes de proximité.

Qu'est-ce qui empêchera le salarié d'une grande surface en zone périurbaine de devoir aller travailler dans les supérettes environnantes ?

J'ajoute que ces supérettes, dont l'ouverture serait autorisée le 1er mai au titre des commerces alimentaires, pourraient très bien vendre des pots de muguet…

Mme Raymonde Poncet Monge. Je veux bien tout entendre, mais s'il vous plaît, n'invoquez pas la défense des artisans et des commerçants, alors que vous avez favorisé, aux abords de nos villes, l'implantation de grandes surfaces dont, pour notre part, nous ne voulions pas !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Le groupe Union Centriste votera bien entendu contre les amendements nos 12, 13, 16 et 7 et pour l'amendement n° 19 du rapporteur, qui précise et sécurise le dispositif. Lorsque nous avons déposé ce texte dans l'urgence, nous savions qu'il faudrait en ajuster la rédaction.

Plusieurs d'entre vous ont avancé le fait que les syndicats s'opposaient majoritairement à ce texte ; les syndicats nationaux, oui, mais lorsque l'on discute en face à face avec leurs représentants locaux, la position est très différente. Ces derniers ne peuvent simplement pas l'exprimer de manière écrite, parce qu'ils sont sous la menace des premiers. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame. – Mme Monique Lubin s'esclaffe.)

Par ailleurs, au sein de la majorité sénatoriale, nous sommes légalistes. Je rappelle que la vente de muguet dans l'espace public est totalement illégale et qu'elle vient concurrencer directement les fleuristes. Or personne ne s'en plaint !

Mme Raymonde Poncet Monge. Il fallait déposer un amendement…

Mme Annick Billon. Madame Lubin, vous craigniez que nous ne répondions pas à vos interrogations. Eh bien, nos visions du monde du travail sont totalement opposées et, me semble-t-il, irréconciliables. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)

Comme de nombreux sénateurs qui m'entourent, je suis aussi une ancienne salariée et je n'ai jamais vécu le monde du travail comme vous nous le décrivez !

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je vous trouve bien empressés, mes chers collègues, d'adopter ce texte avant le 1er mai.

Mme Annick Billon. Le 1er mai est passé !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il doit sûrement répondre à une revendication profonde des Français... Nombreux sont les salariés qui défilent dans les rues pour demander à travailler le 1er mai !

J'aurais aimé voir le même empressement pour faire en sorte que les plus riches de ce pays mettent un peu la main à la poche. Vous en aviez l'occasion, avec la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches, mais vous avez trouvé le moyen de voter contre la taxe Zucman.

Revenons au débat du jour. Avec cette proposition de loi, vous ouvrez la boîte de Pandore et vous cassez le code du travail, car c'est bien là la philosophie de ce texte.

Déjà, quatre Carrefour Market ouvrent en France le 1er mai. Demain, les grandes surfaces pourront ouvrir au motif qu'elles vendent, elles aussi, des fleurs et du muguet. (Mme Raymonde Poncet Monge acquiesce.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr que si !

Demain, il faudra bien ouvrir les crèches et les écoles pour garder les mômes de celles et ceux qui travailleront le 1er mai.

Vous ne voulez pas l'avouer et vous avancez pas à pas. Mais nous avons bien compris que, par idéologie, vous ne voulez pas – vous ne voulez plus – que cette journée soit payée et chômée. Cela vous est insupportable.

Mme Annick Billon. C'est faux !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Madame Billon, selon vous, nous ferions erreur quant aux motivations qui sous-tendent cette proposition de loi.

Sans doute emportée par votre enthousiasme et par votre fierté d'avoir déposé ce texte (Mme Annick Billon acquiesce.), vous avez dit à l'instant que, localement, les représentants du personnel s'opposaient aux organisations syndicales nationales.

Je vous le dis en toute amitié et avec respect : nous voyons là votre belle conception des négociations collectives. Bravo !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 341 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 105
Contre 226

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 13 n'a plus d'objet.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 16, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Après le mot :

déterminées

insérer les mots :

, après avis des organisations syndicales représentatives,

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. La volonté constante des employeurs de déroger au droit du travail pour certains établissements et services n'est pas nouvelle. L'exemple du travail du dimanche en est l'illustration.

Selon la loi du 13 juillet 1906 établissant le repos hebdomadaire en faveur des employés et ouvriers, « le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche ».

La loi du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical, dite loi Mallié, a ensuite assoupli les règles, avant que la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron, n'étende le droit à déroger au repos du dimanche.

Après une période initiale durant laquelle les salariés volontaires se sont accommodés de majorations ou de repos supplémentaires, le rapport de force, le lien de subordination entre salariés et employeurs et le pouvoir d'organisation ont émoussé au fil du temps les contreparties.

Bonne chance au salarié en CDD qui voudrait passer en CDI après avoir refusé de travailler hier le dimanche et demain le 1er mai !

Au fil des années, des décrets sont parus, élargissant le périmètre des établissements, travaux et activités concernés par le travail le dimanche, si bien que nous avons aujourd'hui une liste à la Prévert.

Il est à craindre qu'un élargissement similaire s'applique ultérieurement, par décret, au travail le 1er mai. Les dérogations prévues par la présente proposition de loi concernent aujourd'hui quatre secteurs, mais qu'en sera-t-il demain ?

Par conséquent, nous souhaitons que les organisations syndicales représentatives soient consultées et émettent un avis avant la publication du décret.

Il s'agit d'un amendement d'appel, car elles rendront probablement un avis négatif, mais au moins, elles pourront en débattre.

Certains ont évoqué les négociations de branche ; alors, pourquoi faire une loi à portée nationale ? Vous nous dites que les positions divergent au niveau local, mais vous trouverez toujours des salariés pour avoir telle ou telle position, cela n'a pas de signification collective.

Le travail le 1er mai est déjà encadré par le code du travail et les organisations syndicales représentatives estimeront certainement que ce jour doit rester férié et obligatoirement chômé. Pourquoi ne pas leur permettre de donner leur avis ?

Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

après consultation des organisations syndicales représentatives

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement va dans le même sens que celui de Mme Poncet Monge.

Chacun sait bien que les représentants de nombreux secteurs économiques – hypermarchés, entreprises de l'ameublement et de la restauration, salles de sport, etc. – font pression pour élargir l'autorisation de travailler le 1er mai.

Cet amendement de repli vise donc à ce que les organisations syndicales représentatives soient consultées préalablement à la publication du décret définissant les catégories d'établissements autorisées à faire travailler leurs salariés le 1er mai.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Henno, rapporteur. Ces deux amendements tendent à ce que les organisations syndicales représentatives soient consultées avant la parution du décret qui est prévu à cet article.

Or tel est déjà le cas, par principe, lorsqu'un décret de cette nature est en préparation – Mme la ministre pourra nous le confirmer. Ce serait donc inutile et superfétatoire.

Par conséquent, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Mme Annick Billon. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. M. le rapporteur a raison, les amendements sont satisfaits : la consultation des organisations syndicales est bien prévue aujourd'hui de manière générale.

C'est pourquoi je demande le retrait de ces amendements ; sinon, l'avis serait défavorable.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je retire l'amendement n° 16, madame la présidente.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Et moi, l'amendement n° 7 !

Mme la présidente. Les amendements nos 16 et 7 sont retirés.

L'amendement n° 9, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

«.... – Les dérogations prévues aux I et II ne bénéficient pas aux entreprises intégralement automatisées. »

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Tous nos amendements sont rejetés, mais comme vous le voyez, nous sommes sympathiques : nous en retirons… (Sourires.) Pourtant, nous avions fait le pari du dialogue parlementaire et de l'écoute.

L'amendement que je vous présente est encore un amendement de repli, qui a été rejeté en commission. Il soulève la question de l'existence d'entreprises intégralement automatisées et qui ouvrent le 1er mai. Vous en connaissez tous – Casino, Monoprix, etc. –, il n'y en a pas que dans le Val-de-Marne…

Or, même dans ce cas, des humains sont bien mobilisés, ne serait-ce qu'avec la personne qui ouvre le magasin et qui le ferme ou celles qui assurent la sécurité – il est tout de même normal qu'il y ait des vigiles. Il y a donc bien des travailleurs ou des travailleuses qui interviennent ; tout n'est pas entièrement automatisé.

M. Pascal Savoldelli. J'ai écouté M. le rapporteur, qui nous a dit qu'il voulait exclure les supermarchés des dérogations prévues dans cette proposition de loi.

Nous demandons donc, tout simplement, que l'on sorte d'une forme de flou juridique, en excluant clairement du champ de ce texte les entreprises commerciales qui opèrent en automatisation complète.

Si cet amendement est adopté, nous pourrons témoigner, mes chers collègues, de votre esprit constructif et d'ouverture !