Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en France, le code du travail ne reconnaît qu'un seul et unique jour férié légal qui soit chômé et payé : le 1er mai, fête des travailleurs et du mouvement social.

La loi est claire : ce jour-là, le travail est proscrit. Pourtant, depuis les années 1980, grâce à une tolérance de l'administration, certains commerces pouvaient ouvrir boutique et faire travailler leurs employés volontaires.

En contradiction avec cette tradition bienveillante, plusieurs boulangers et fleuristes de bonne foi ont été sanctionnés pour avoir ouvert leur commerce le 1er mai 2024. Comment expliquer que la fête du travail puisse entraîner la verbalisation de travailleurs volontaires ? Les employeurs, pour ouvrir leur commerce, ont parfois, bien sûr, besoin de salariés volontaires.

Ces contrôles particulièrement malvenus ont donné lieu à des amendes ayant pu atteindre 1 500 euros par salarié. Imaginez les conséquences désastreuses pour ces petits commerces. Je pense notamment aux fleuristes : la vente du muguet ce jour-là représente en moyenne un dixième de leur chiffre d'affaires annuel.

Si la tolérance qui prévalait depuis des années n'est plus d'actualité, il revient au législateur d'intervenir. Tel est l'objet de cette proposition de loi qui apporte plusieurs précisions nécessaires pour sécuriser juridiquement les quelques commerçants concernés, tout en préservant le 1er mai comme il est aujourd'hui pour les travailleurs. Le texte clarifie le droit et la nature des commerces et des établissements exemptés des dispositions relatives au 1er mai, en les listant de façon précise et spécifique.

Cette liste, qui sera évidemment soumise au Conseil d'État, comprend les petits commerces alimentaires, les établissements à caractère culturel et les établissements dont les activités sont liées aux traditions du 1er mai, c'est-à-dire les fleuristes. Cela permettra à ces commerçants d'accepter l'aide de leurs salariés volontaires pour travailler ce jour-là.

Les modifications apportées au texte par le rapporteur en commission des affaires sociales me semblent aller dans le bon sens et sont protectrices.

L'objectif de ce texte est non pas de changer la nature du 1er mai, mais de l'adapter à la réalité actuelle. Le principe fondamental du volontariat demeure. Quant aux indemnités versées aux salariés concernés, elles ne changeront pas et seront précisées par voie d'amendement.

Ce texte, dont je suis cosignataire, introduit des modifications précises et actualise le cadre juridique pour répondre aux besoins de la population. Le travail ne doit pas devenir un risque pour ces commerçants.

Nous sommes favorables au droit au travail. Ce droit est une liberté qui ne peut et ne doit être restreinte. Nous avons en France assez de petits commerces, de boulangers, d'artisans fleuristes, de petits cinémas qui connaissent des difficultés économiques. Notre mission est de les écouter, ainsi que ceux de leurs salariés qui sont volontaires.

Les dispositions de cette proposition de loi sont pragmatiques et légitimes. Ce texte n'est pas, contrairement à ce que j'ai entendu dire, contre le monde du travail. Il apporte une clarification nécessaire et responsable. Jamais personne ne devrait être pénalisé pour avoir voulu travailler, dès lors que cela répond à un besoin de la population.

Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Pauline Martin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pauline Martin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai un rêve, le même que le président Pompidou, qui disait : « Mais arrêtez donc d'emmerder les Français !  Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! On en crève ! Laissez-les vivre un peu et vous verrez que tout ira mieux ! » (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Après avoir été saisie par les petits commerçants du Loiret le 30 avril dernier, je m'étonnais, lors des questions d'actualité au Gouvernement, des risques d'excès de zèle de l'État lors des contrôles chez les artisans boulangers et fleuristes ouverts le 1er mai. Je souhaitais que les inspecteurs profitent de cette journée ensoleillée pour acheter fleurs et baguettes sans contrôle ni verbalisation... J'indiquais alors que nous comptions sur le Gouvernement pour l'action réglementaire et que vous pouviez compter sur nous pour l'action législative. Nous y sommes.

Quel dommage, cependant, de devoir en passer par une proposition de loi permissive pour mettre en œuvre des mesures qui découlent du simple bon sens !

Mme Monique Lubin. « Permissive » ?

Mme Pauline Martin. À l'heure où l'État invite les Français à travailler plus afin de soutenir notre économie en berne et d'assurer nos retraites, il est temps de préserver la liberté des salariés volontaires de travailler lors d'une journée fériée, chômée, ouvrant droit à une rémunération bonifiée. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)

Si les parlementaires excellent dans l'art des propositions de loi, c'est aussi, mais pas seulement, parce que notre société procédurière se noie dans les réglementations au nom de la sacro-sainte liberté de chacun. Même si le code du travail a pris un embonpoint inquiétant, la valeur travail n'a jamais été aussi menacée, décriée et remisée, au profit d'une société dite de loisirs, qui exige de pouvoir manger sa baguette même le 1er mai.

M. Pascal Savoldelli. Tout cela au profit du capital !

Mme Pauline Martin. Je remercie mes collègues Annick Billon et Hervé Marseille, qui ouvrent la voie à une autorisation de travailler pour les boulangers et les fleuristes qui le souhaitent.

Loin de constituer un recul social, cette proposition de loi est un acte de confiance envers nos artisans, un acte de liberté et de cohérence pour ceux qui veulent travailler sans mettre tout le monde dans le pétrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille.

Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Annick Billon vise à permettre aux salariés de certains établissements et services, au premier rang desquels les boulangeries et les magasins de fleurs, de travailler le 1er mai, jour de la fête du travail, des travailleuses et des travailleurs. Elle a plus précisément pour objet de lever l'insécurité juridique qui pèse, depuis un arrêt de la Cour de cassation de 2006, sur plusieurs secteurs d'activité traditionnellement ouverts ce jour-là.

Cet arrêt a en effet remis en cause une position ministérielle ancienne, réaffirmée en 1986 par la directrice des relations du travail de l'époque, Martine Aubry, qui prévoyait jusque-là une dérogation au caractère chômé du 1er mai pour les services et les établissements dérogeant déjà au repos dominical.

Depuis trois ans, les contrôles des services de l'inspection du travail se multiplient, renforçant l'incompréhension tant des employeurs que des salariés et nourrissant un profond sentiment d'injustice, en particulier chez les fleuristes. Comment expliquer, en effet, que les magasins de ces derniers restent fermés ou fonctionnent au ralenti, faute d'employés présents, quand la vente de muguet par les particuliers est tolérée partout ailleurs ?

Plusieurs dizaines de boulangers ont ainsi été verbalisés ces dernières années en Vendée, en Charente, à Paris et à Lyon. La presse s'en est fait largement l'écho. Le montant total des amendes infligées – 750 euros par salarié – se chiffre parfois en milliers, voire en dizaines de milliers d'euros, soit un montant non négligeable pour les petites, voire très petites entreprises dont nous parlons ici.

Du fait de cette incertitude, une majorité de ces entreprises sont restées fermées à l'appel de leurs syndicats le 1er mai dernier, faute de garanties, alors que cette journée a toujours revêtu une importance majeure pour elles.

Il était donc urgent de modifier le cadre législatif pour clarifier et sécuriser la situation des boulangeries, des jardineries, des commerces de bouche de proximité, des théâtres et des cinémas et pour desserrer certaines contraintes qui pèsent inutilement sur le travail. C'est tout l'objet de cette proposition de loi, à laquelle plusieurs sénateurs du groupe RDPI ont souhaité s'associer.

Le texte initial prévoyait une dérogation pour tous les secteurs admis à déroger au repos dominical, c'est-à-dire pour les établissements « dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendue nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public ».

La commission des affaires sociales a cependant souhaité restreindre la liste des secteurs éligibles. Elle a estimé, à raison, que le régime applicable au 1er mai, seul jour férié et obligatoirement chômé de notre calendrier, ne pouvait être calqué sur celui du dimanche.

Dans la rédaction qui nous est aujourd'hui soumise, les établissements ou les services concernés sont ceux qui ouvraient déjà le 1er mai et dont l'activité justifie l'inscription d'une dérogation de droit dans la loi. Il s'agit plus précisément des commerces de bouche de proximité, qui permettent la continuité de la vie sociale, des commerces dont l'activité répond à un besoin du public lié à un usage traditionnel du 1er mai – les fleuristes et les jardineries qui vendent du muguet – et des établissements du secteur culturel.

La commission a également souhaité réaffirmer que seuls les salariés volontaires exerçant dans ces établissements ou ces services pourraient travailler le jour de la fête du travail. Il s'agit d'une précaution essentielle. Un équilibre nous semble avoir été trouvé ici.

Notre groupe salue la sécurisation juridique du dispositif permise par le rapporteur. Il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause le caractère chômé et férié du 1er mai, que la loi reconnaît depuis 1947. Ce dispositif permettra simplement de revenir à la situation d'équilibre qui prévalait jusqu'en 2006.

La majorité des membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants voteront cette proposition de loi, qui va dans le bon sens et contribue à lever certaines contraintes pesant sur l'emploi. Je vous invite à en faire de même, mes chers collègues.

Pour ma part, si je peux comprendre la volonté de certains de travailler le 1er mai pour obtenir un plus, j'ai en mémoire les témoignages de salariés de mon territoire sur l'attitude de certains employeurs, y compris des petits artisans, exerçant des pressions pour qu'ils acceptent de travailler ce jour-là. Alors je dis : non ! Je dis non, quand cela va trop loin.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Frédérique Puissat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai fait suite à une alerte des boulangers et, singulièrement, à plusieurs contrôles qui ont été largement médiatisés. Au-delà de cette profession, les fleuristes, dont je salue les représentants présents dans nos tribunes, avaient aussi réclamé de pouvoir ouvrir le 1er mai en employant des salariés.

L'article L. 3133-4 du code du travail prévoit que le 1er mai est un jour férié et chômé. Il est fondamental de rappeler que la présente proposition de loi ne modifie pas cet article : le 1er mai, si cette proposition de loi est adoptée, restera un jour férié et chômé. Il se distingue en ce sens des autres jours fériés.

Toutefois, le texte qui nous est aujourd'hui soumis tire les conséquences d'une interprétation et d'une insécurité juridiques, déjà évoquées par les précédents orateurs, résultant notamment d'un arrêt de la Cour de cassation de 2006. Il modifie pour cela l'article L. 3133-6 du code du travail.

En effet, comme notre rapporteur l'a bien précisé, nous parlons d'une interprétation du code du travail. En cas de contrôle et de poursuites pénales, il appartient à l'employeur de démontrer que, en l'espèce, sa situation est légale. Il est à noter que, en 2024, le tribunal de police a systématiquement donné raison aux boulangers incriminés.

Ce texte vise donc à clarifier le droit afin d'éviter les embouteillages, notamment dans les tribunaux de police, qui ont d'autres problèmes à régler. Il vise à permettre aux boulangers de passer leur temps à faire ce pour quoi nous les aimons, à savoir des pains et des viennoiseries, au lieu de le perdre en procédures inutiles.

La proposition de loi permettra également aux commerces dont l'activité répond à un besoin du public lié à un usage traditionnel du 1er mai, en l'occurrence les fleuristes, d'offrir des perspectives de bonheur à nombre de nos concitoyens et aux établissements du secteur culturel – les cinémas et les théâtres – de leur procurer des moments de plaisir, à la fraîche...

Je remercie donc les auteurs de ce texte, Annick Billon, Hervé Marseille et Mathieu Darnaud, ainsi que tous nos collègues signataires, de l'avoir déposé. J'adresse un grand merci au rapporteur, toujours capable d'expliquer avec simplicité, humanité et souvent humour des textes complexes. Par son amendement, il a resserré la liste des secteurs qui bénéficieraient de la dérogation autorisant le travail le 1er mai. Il a également prévu que, dans ces établissements, l'activité des salariés n'est possible ce jour-là que sur la base du volontariat.

En conséquence, les membres du groupe Les Républicains voteront ce texte. Cela ne nous empêchera pas de respecter les collègues qui ne le voteront pas, ni même de les écouter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons est bien modeste, mais il aborde un sujet bien plus vaste, celui de notre rapport collectif au travail et à l'organisation économique de notre société.

Il s'agit non pas de remettre en cause la symbolique du 1er mai, qui reste une date forte dans notre histoire sociale, mais simplement de permettre à certains salariés de secteurs spécifiques, sur la base du volontariat, de travailler ce jour-là, en bénéficiant d'une rémunération accrue, dans le respect, bien sûr, du droit du travail.

Les secteurs concernés – les boulangeries, les magasins de fleurs, les commerces de proximité – sont ancrés dans nos territoires. Ils répondent à une demande réelle exprimée à la fois par les professionnels et par les clients. Refuser d'entendre cette réalité reviendrait à nier les évolutions sociales et celles du monde du travail, ainsi qu'à ignorer les besoins des Français sur le terrain.

Alors que la France vit une tension budgétaire inédite, alors que la dette publique de notre pays s'élève à plus de 3 300 milliards d'euros, la création de richesses est indispensable. Et cette richesse est d'abord le fruit du travail.

Au-delà de cette dimension, ce texte permet aussi de mettre fin à une forme d'insécurité juridique. En l'absence de base légale claire, certains professionnels ont été verbalisés pour avoir ouvert leur établissement le 1er mai. Cela n'est pas acceptable. La loi doit protéger, non pas piéger.

Plus profondément, cette question est également un enjeu de société. Nous devons cesser d'avoir une vision binaire, de penser que le travail serait nécessairement synonyme de contrainte. Travailler, c'est aussi s'émanciper, participer, contribuer à la vie de la nation. Le travail est le fondement de notre prospérité collective.

Enfin, ce texte ne crée pas d'obligation. Il ne contraint ni l'employeur ni le salarié, bien sûr. Il propose une liberté nouvelle, encadrée, pour répondre à des besoins concrets. Il s'inscrit aussi dans une vision plus large, celle d'un travail qui paie, qui récompense l'effort et le mérite.

Aujourd'hui, les salariés, d'une façon générale, ont trop le sentiment que le travail ne suffit plus pour bien vivre. Et ils ont raison. Les évolutions professionnelles sont parfois freinées, les perspectives limitées. Quant au phénomène de smicardisation, il s'installe durablement, ce qui mine le contrat social et affaiblit la valeur travail dans la société.

Je le dis encore une fois, ce texte est modeste, mais il aborde un sujet concret. Je pense qu'il doit nous inviter plus globalement à réfléchir à la place du travail dans la société, qui mérite un vrai débat, à redonner de l'ambition à notre modèle social, sans doute en prévoyant de travailler plus et mieux, en tenant compte, bien évidemment, de la pénibilité. Le travail doit redevenir un vecteur d'émancipation, de progrès, mais aussi de rassemblement entre les générations, dans une société qui est fracturée – cela a été dit, même si nous ne partageons pas nécessairement une position identique. Je pense profondément que le travail doit permettre de nous rassembler.

C'est la raison pour laquelle les membres du groupe Les Républicains voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai

Article unique

L'article L. 3133-6 du code du travail est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Peuvent également occuper des salariés ce jour, sous réserve de leur volontariat, les établissements, autres que ceux mentionnés au I, suivants :

« 1° Les établissements assurant, à titre principal, la fabrication ou la préparation de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate ;

« 2° Les autres établissements dont l'activité exclusive est la vente de produits alimentaires au détail ;

« 3° Les établissements dont l'activité répond à un besoin du public lié à un usage traditionnel propre au 1er mai ;

« 4° Les établissements exerçant une activité culturelle.

« Les catégories d'établissements concernées sont déterminées par un décret en Conseil d'État.

« Les salariés occupés bénéficient d'une indemnité dans les conditions prévues au même I. »

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 2 rectifié est présenté par Mme Pantel, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, MM. Grosvalet et Guiol, Mme Jouve et M. Roux.

L'amendement n° 3 est présenté par Mmes Lubin et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 4 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

L'amendement n° 15 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L'amendement n° 2 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l'amendement n° 3.

Mme Monique Lubin. Par cet amendement, nous proposons la suppression de l'article unique, car nous sommes très défavorables à cette proposition de loi. Nous avons déjà eu l'occasion de donner notre avis sur le texte, mais je tiens à dire encore certaines choses.

D'abord, je voudrais revenir sur des propos que j'ai entendus. Il a été dit que les salariés auraient été verbalisés. Or ce sont non pas les salariés qui ont été verbalisés à la suite des contrôles qui ont été effectués, mais leurs employeurs, car ils ne respectaient pas la loi. Je tenais à le préciser.

Ensuite, le général de Gaulle a été cité. Il avait demandé que l'on arrête d'emmerder les Français. (Exclamations sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Non, c'était Pompidou !

Mme Monique Lubin. Ah, pardon !

Je me demande en tout cas ce qu'il est advenu du gaullisme social auquel certains ici se référaient encore il y a quelque temps, auquel ils se réfèrent peut-être encore aujourd'hui. Je ferme la parenthèse.

Je l'ai dit, nous sommes foncièrement opposés à ce texte. Un certain nombre d'entre vous me semblent d'ailleurs également un peu gênés aux entournures.

Vous ne cessez de dire que le travail le 1er mai se fera sur la base du volontariat. Franchement, on le sait – cela a été démontré avec les ouvertures de magasins le dimanche –, le volontariat est respecté au début. En revanche, lorsque l'employeur doit remplacer un salarié et en embaucher un nouveau, le travail le dimanche – ce sera la même chose demain pour le 1er mai – figure dans le contrat, dans le contrat verbal, évidemment, pas dans le contrat écrit.

Ceux qui osent dire qu'ils ne souhaitent pas travailler le dimanche ou le 1er mai, même en étant payés double, ne sont tout simplement pas recrutés. Dans la réalité, pour un certain nombre de salariés, le volontariat ne dure pas.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l'amendement n° 4.

Mme Marianne Margaté. Nous l'avons dit, le 1er mai revêt dans l'histoire de notre pays et dans celle du mouvement ouvrier international une symbolique particulière. Le 1er mai appartient aux travailleurs, et c'est bien cela qui vous est insupportable.

Mme Marianne Margaté. Le rapporteur a dit en commission des affaires sociales qu'il convenait de faire preuve de prudence et d'équilibre, car rien n'est aussi symbolique que le 1er mai dans le code du travail. Or on ne peut pas dire que la prudence et l'équilibre caractérisent ce texte.

En effet, vous ajoutez à la liste des commerçants pouvant faire travailler leurs salariés le 1er mai, à savoir les boulangers et les fleuristes, les commerces de bouche de proximité, les épiceries, les supérettes, les théâtres, les cinémas... Il s'agit donc bien là d'une remise en cause profonde du 1er mai et elle suscite, nous l'avons dit, l'opposition de l'ensemble des organisations syndicales. C'est un passage en force, sous couvert d'une urgence qui n'existe pas.

Je veux également revenir sur l'argument du bon sens, qu'on a beaucoup entendu dans votre bouche, mes chers collègues. Le « bon sens », c'est la négation du débat politique ! C'est un argument d'autorité qui ne signifie rien. Ce n'est pas le bon sens qui doit prévaloir ici, ce sont des arguments politiques. Dans le discours politique contemporain, le bon sens est souvent totalement rhétorique. Il revient à conférer à des propos le statut d'évidence incontestable ou à faire passer des préjugés pour des vérités. Je pense qu'il faut relever le niveau du débat politique sur ces questions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 15.

Mme Raymonde Poncet Monge. Pour ma part, je reviendrai d'abord, très rapidement, sur les assertions relatives à Martine Aubry.

Je rappelle que le courrier de Martine Aubry en 1986 concernait les dérogations relatives au travail dominical, mais également les établissements et services pouvant employer du personnel le 1er mai. Les deux situations étaient alors extrêmement liées, parce qu'elles concernaient toutes deux les établissements et services qui ne pouvaient pas interrompre le travail.

Ensuite, les dérogations au travail dominical ont peu à peu été étendues : de l'impossibilité d'interrompre le travail, on est passé à ces prétendus « besoins du public ». C'est pour cela que la Cour de cassation a dû rappeler la définition du 1er mai.

Vous dites, chers collègues, que le tribunal de police a relaxé tous les boulangers incriminés. Mais pourquoi ? Ce n'est pas parce qu'il est important d'aller à la boulangerie le 1er mai, c'est parce qu'ils ont prouvé qu'ils ne pouvaient pas interrompre leur activité le 1er mai – je ne sais pas comment ils ont fait... C'est en cela qu'ils ont respecté la loi.

J'évoquerai, pour terminer, la majoration de salaire due aux employés travaillant le 1er mai. Cette majoration n'est pas un doublement du salaire, c'est une compensation. Elle est octroyée aux personnes qui ne chôment pas ce jour-là, c'est la règle, et elle s'ajoute au salaire.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Henno, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Je me suis déjà exprimé sur la notion de volontariat. Le volontariat existe quand bien même il y a un lien de subordination. Ce lien n'éteint pas la notion de volontariat, pas du tout. À vous écouter, on pourrait pourtant croire que tel est le cas.

Madame Lubin, je respecte totalement vos arguments et vos convictions ; nous sommes dans une République et en démocratie. Mais je ne peux pas vous laisser dire que nous sommes gênés aux entournures.

Voyez-vous, je m'efforce toujours de ne pas m'exprimer sur le ressenti des autres ; je l'ai appris en étudiant Bergson. Je vous le dis : nous ne sommes nullement gênés.

Nous avons travaillé pour parvenir à un texte équilibré, pour faire en sorte que la fête du travail soit respectée sans pour autant être transformée en une opération ville morte. Il n'est pas question de revenir à la situation antérieure, laquelle a donné lieu à des abus de la part de certains inspecteurs du travail. Nous respectons leur autonomie, mais s'ils n'avaient pas infligé des amendes, nous ne discuterions pas aujourd'hui de ce texte dans l'hémicycle.

Nous faisons en sorte, tout simplement, que quelques décisions abusives ne puissent pas avoir d'effets sur un nombre considérable de commerces et sur la vie réelle. Nous ne sommes en rien gênés, madame Lubin, parce que nous sommes de bonne foi, figurez-vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Le Gouvernement émet le même avis que le rapporteur de la commission des affaires sociales : il est défavorable à ces amendements de suppression.

Catherine Vautrin l'a rappelé expressément tout à l'heure, le Gouvernement soutient pleinement cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le rapporteur, vous n'avez pas regardé la réalité en face ni étudié la manière dont le volontariat a été appliqué en cas de dérogation au travail dominical.

Le lien de subordination introduit une dissymétrie. L'employeur dispose de moyens de rétorsion lorsqu'un salarié ne veut pas travailler le dimanche ou, demain, le 1er mai. Ainsi, c'est lui qui, en dernière instance, valide les dates des congés annuels. Il est donc très facile pour lui – c'est évident – de pénaliser un salarié. C'est aussi simple que cela ! La voilà, la réalité.

Le rapport de subordination, je le répète, est dissymétrique. Certes, le contrat de travail est signé entre deux parties, mais l'une d'elles a un pouvoir différent de l'autre, que ce soit en termes d'organisation ou de subordination.

Dans la réalité, monsieur le rapporteur, il est bien entendu tout à fait possible d'imposer à un salarié de travailler le dimanche, même si la loi prévoit que ce dernier doit être volontaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Beaucoup de références historiques, de personnalités politiques importantes ont été évoquées. Il a été question de l'imaginaire, de la pratique, de notre patrimoine, du pain, etc.