PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
avenir des concessions hydroélectriques
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, en remplacement de M. Pierre Jean Rochette, auteur de la question n° 703, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
M. Daniel Chasseing. Deuxième source de production électrique après le nucléaire et première source d’électricité renouvelable, l’hydroélectricité occupe une place centrale dans notre approvisionnement en électricité et jouera un rôle majeur dans la réussite de la transition énergétique de notre pays. Elle est de plus la seule source d’énergie renouvelable permettant le stockage de l’énergie électrique.
Du fait d’un différend qui oppose notre pays à la Commission européenne depuis plus de vingt ans concernant l’application de la directive du 24 février 2014 sur l’attribution du contrat de concession, le renouvellement de la soixantaine de concessions hydroélectriques qui arrivent à échéance le 31 décembre prochain reste encore incertain.
À l’heure où nous sortons tout juste d’une crise énergétique, et alors que l’importance de la souveraineté de la France en la matière est régulièrement rappelée par le Gouvernement, le blocage de l’investissement dans le parc hydroélectrique qu’entraîne ce contentieux n’est pas tenable.
À la fin du mois d’août, Matignon annonçait avoir trouvé un accord de principe avec la Commission européenne et saluait le franchissement d’une étape importante pour la relance des investissements. On évoque le remplacement des concessions françaises échues par un nouveau régime d’autorisation.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les modalités de cet accord et les suites qui lui seront données ? Ne pensez-vous pas qu’il faut prévoir un financement spécifique pour développer les stations de transfert d’énergie par pompage (Step), afin de stocker l’énergie électrique, ce que ne peuvent faire ni les éoliennes ni les stations de production d’énergie photovoltaïque ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l’industrie. Je vous remercie, monsieur le sénateur Daniel Chasseing, de l’attention que vous portez à l’avenir de nos concessions hydroélectriques.
Comme vous l’avez souligné, l’hydroélectricité, première source d’électricité renouvelable en France, est un pilier essentiel de notre souveraineté énergétique.
Les concessions arrivant à échéance sont automatiquement prolongées sous le régime des délais glissants, ce qui permet de maintenir les exploitants en place et d’assurer la continuité de la production.
À la suite du rapport d’information sur les modes de gestion et d’exploitation des installations hydroélectriques des députés Marie-Noëlle Battistel et Philippe Bolo, le Gouvernement a conduit des échanges approfondis – vous l’avez souligné, monsieur le sénateur – avec la Commission européenne.
Ces discussions ont permis d’aboutir à un accord de principe visant à clore les deux précontentieux en cours. Cet accord prévoit le passage d’un régime de concession à un régime d’autorisation pour l’exploitation de l’énergie hydraulique, la possibilité de maintenir les exploitants actuels et la vente aux enchères par EDF de 6 gigawatts de capacités hydroélectriques, au bénéfice des consommateurs.
Cet accord ouvre donc la voie à la relance des investissements dans l’hydroélectricité attendue par la filière, en particulier dans les stations de transfert d’énergie par pompage.
Une proposition de loi portée par les députés Battistel et Bolo sera d’ailleurs prochainement déposée pour mettre en œuvre cet accord et clore définitivement les contentieux. Le Gouvernement y apportera tout son soutien.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.
M. Daniel Chasseing. Dans un contexte où la production électrique excède la demande, ne serait-il pas judicieux d’accélérer le développement de l’énergie hydroélectrique, que l’on peut stocker grâce aux Step, et de freiner celui des énergies solaire et éolienne, qui sont par nature intermittentes et que l’on ne peut pas stocker ?
retour du loup
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, auteur de la question n° 598, adressée à Mme la ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire.
M. Franck Menonville. Les attaques de loups se multiplient sur tout le territoire français, en particulier dans le département dont je suis élu, la Meuse, où, depuis le début de l’année, on a dénombré plus de quinze attaques qui auraient entraîné la prédation de quatre-vingt-dix animaux.
Comme cela a été le cas cette semaine dans la Drôme, ces attaques se déroulent parfois en plein cœur de village.
Les conséquences pour nos éleveurs – on ne le dit pas assez – sont non seulement économiques, mais aussi psychologiques. Le désarroi de certains d’entre eux est tel qu’ils envisagent de cesser leur activité, ou tout au moins, l’élevage.
L’élevage en plaine et la dissémination des pâtures rendent la protection des animaux très difficile, car il faut consacrer du temps à la pose de clôtures et à leur entretien, ce qui emporte des coûts.
Les victimes, meurtries, sont pour certaines traumatisées, et nos éleveurs, découragés. Ils attendent le déploiement de davantage de moyens de protection et, surtout, la simplification des procédures encadrant les tirs de défense.
À cet égard, je salue les avancées significatives qui ont été obtenues par Mme la ministre, notamment le déclassement du statut de protection du loup. Pourriez-vous nous préciser comment cela se concrétisera dans nos territoires, monsieur le ministre ?
Les populations lupines présentes sur notre territoire étant à mon sens sous-estimées, envisagez-vous par ailleurs d’engager leur réévaluation afin d’adapter au mieux les capacités de prélèvement et de régulation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Franck Menonville, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Mme la ministre de l’agriculture, retenue ce soir. Comme elle, étant moi-même élu d’un département affecté par la prédation du loup – la Saône-et-Loire –, je comprends que ces attaques vous préoccupent, car elles sont de plus en plus nombreuses et fragilisent profondément l’activité d’élevage dans votre territoire.
Dès sa prise de fonction, il y a plus d’un an, la ministre de l’agriculture Annie Genevard a fait du dossier du loup une priorité nationale. Si l’État consacre chaque année 52 millions d’euros aux mesures de protection et d’indemnisation, il faut aujourd’hui aller plus loin pour défendre concrètement les troupeaux, notamment dans les départements qui, à l’instar de celui dont vous êtes élu, monsieur le sénateur, sont les plus concernés.
Tel est l’objectif de l’arrêté du 21 juin 2025 qu’Annie Genevard a co-signé avec la précédente ministre de la transition écologique, lequel assouplit les conditions d’intervention dans les départements concernés par les attaques, comme la Meuse.
La ministre a également facilité le recours aux tirs de défense et renforcé l’appui opérationnel des lieutenants de louveterie et de l’Office français de la biodiversité (OFB).
À ce jour, 155 loups ont été prélevés, le plafond étant fixé à 192. La ministre est tout à fait favorable au relèvement de 2 % de ce plafond, de sorte que les éleveurs puissent se défendre jusqu’à la fin de l’année.
À l’échelon européen, la révision du statut de protection du loup, désormais actée dans la directive du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive Habitat, marque un tournant. Elle reconnaît la nécessité d’une régulation raisonnée, fondée sur la réalité de terrain des territoires ruraux comme le vôtre, monsieur le sénateur.
Sachez enfin qu’un nouveau cadre national est en préparation, un décret en Conseil d’État étant en cours d’examen. Il permettra de simplifier les démarches qui sont actuellement discutées au sein du groupe national Loup animé par la préfète coordinatrice, d’harmoniser les règles de tir et de garantir une action rapide et proportionnée en cas d’attaque.
La ministre Annie Genevard veillera naturellement à ce que la Meuse bénéficie pleinement de ces avancées, dans le respect de l’équilibre entre biodiversité et pastoralisme. Elle ne manquera pas de vous tenir au courant de l’avancement de ce dossier.
traitement des enquêtes pour violences policières et cellules de déontologie
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, auteure de la question n° 643, adressée à M. le ministre de l’intérieur. (M. Patrick Kanner applaudit.)
Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le ministre, le 17 juin 2025, les médias Libération et Disclose révélaient des centaines de cas de violences sexuelles subies par des femmes de la part de gendarmes et de policiers. Ces hommes auraient profité du statut de victime et de la fragilité des femmes concernées.
Quelque 215 policiers et gendarmes, tous grades confondus, ont ainsi été accusés de faits de harcèlement sexuel, d’agression sexuelle ou de viol.
Si toutes les violences sexuelles sont insupportables, elles le sont d’autant plus lorsqu’elles sont commises par des membres des forces de l’ordre qui ont la confiance des femmes victimes, souvent venues déposer plainte et trouver refuge au commissariat ou à la gendarmerie.
Face à ces faits, les inspections générales de la police nationale et de la gendarmerie nationale, l’INPN et l’IGGN, doivent enquêter en toute indépendance et se montrer intraitables. Or depuis plusieurs années, les rapports annuels de ces inspections indiquent qu’elles ne traitent que 10 % des affaires pénales impliquant policiers et gendarmes, sans préciser par quel service les 90 % d’affaires restantes sont prises en charge.
S’agit-il de services spécialisés chargés des affaires internes, monsieur le ministre ? Quels sont leurs effectifs ? À quelle direction sont-ils rattachés ?
Je souhaite également vous interroger sur les cellules de déontologie, qui semblent jouer un rôle essentiel à Lyon ou à Lille. Sont-elles instituées dans tous les départements ? Quel est leur rôle exact ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice Corinne Narassiguin, M. le ministre de l’intérieur, retenu ce soir, vous prie d’excuser son absence.
Je tiens à rappeler au préalable que les forces de l’ordre jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les violences intrafamiliales et les infractions à caractère sexuel. Il peut toutefois arriver, comme vous le soulignez, que certains militaires ou fonctionnaires, pourtant soumis à un devoir d’exemplarité en toutes circonstances, soient mis en cause pour de tels faits dans le cadre de leur activité professionnelle ou de leur vie privée.
De tels agissements sont bien évidemment inacceptables et sont sanctionnés avec la plus extrême sévérité sur les plans pénal et disciplinaire. À cet instant, permettez-moi d’exprimer tout mon soutien aux victimes de ces agissements.
Sur le plan pénal, l’autorité judiciaire est systématiquement informée de ces situations par les responsables territoriaux de la police et de la gendarmerie. Les enquêtes sont confiées à des services extérieurs au mis en cause ou à la victime. Dans la gendarmerie, elles relèvent des sections ou brigades de recherche, l’IGGN n’intervenant que pour les affaires les plus complexes. Dans la police, elles sont menées par les directions territoriales ou les cellules de déontologie, l’IGPN n’étant saisie qu’en cas de fait grave.
Comme vous l’aurez compris, toute infraction pénale dont est suspecté un militaire de la gendarmerie ou un policier fait ainsi l’objet d’investigations adaptées, en toute objectivité et impartialité, toujours sous le contrôle effectif d’un magistrat.
Sur le plan disciplinaire, l’autorité hiérarchique engage en outre sans délai une enquête administrative indépendamment de la procédure judiciaire. Elle peut ensuite prendre les mesures appropriées, celles-ci pouvant aller jusqu’à la révocation de l’agent concerné.
En complément de l’action de l’IGGN dans les régions et les départements, un réseau de 700 référents égalité-diversité chargés de prévenir toute forme de discrimination et de violence, ainsi que 30 correspondants déontologues, assurent le suivi des signalements et leur traitement via une enquête interne.
Je puis donc vous assurer, madame la sénatrice, de l’engagement de la police et de la gendarmerie nationales, qui mettent en œuvre en la matière une politique disciplinaire rigoureuse. Elles ne transigent ni avec la déontologie ni avec le respect du droit.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour la réplique.
Mme Corinne Narassiguin. Je vous remercie de votre réponse, qui n’est toutefois que partielle, monsieur le ministre.
L’IGPN et l’IGGN ne traitant que 10 % des affaires de violences susvisées, nous avons besoin de transparence quant aux procédures assurant l’impartialité des services de police et de gendarmerie qui se voient confier en interne le reste de ces affaires. J’espère donc avoir davantage de précisions, peut-être en sollicitant plus directement le ministre de l’intérieur.
dérive liée à la généralisation de l’usage des obligations de quitter le territoire français
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, auteur de la question n° 666, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Akli Mellouli. Permettez-moi tout d’abord de souhaiter la bienvenue à M. le ministre de l’intérieur, à qui ma question est adressée. J’espère sincèrement que son arrivée marquera l’ouverture d’une nouvelle dynamique, plus humaine, plus rigoureuse aussi, mais fidèle à ce que notre République a de meilleur : la justice, la mesure et le respect de la dignité humaine.
Si je prends la parole aujourd’hui, monsieur le ministre, c’est pour attirer votre attention sur une dérive profonde qui mine peu à peu notre cohésion républicaine : la généralisation de l’usage des obligations de quitter le territoire français, les fameuses OQTF.
Ce mécanisme, prévu par la loi pour répondre à des situations précises, tend aujourd’hui à devenir une réponse réflexe, presque automatique, face à toute complexité migratoire, à tout dossier jugé trop compliqué, à toute personne simplement perçue comme étrangère. On pense non plus en droit, mais en OQTF.
C’est là, monsieur le ministre, une pente dangereuse, car lorsque la réponse administrative se substitue à l’examen individuel, lorsque le soupçon remplace l’instruction, c’est l’idée même de la République qui s’érode. Le droit n’est plus qu’un symbole et la dignité un dommage collatéral.
Je prendrai un exemple concret, humain, qui en dit long : le 2 juin dernier, une femme franco-algérienne de 58 ans, vivant en France depuis plus de trente ans, naturalisée en 1997, travaillant dans une crèche parisienne, a été interpellée à Roissy, à son retour d’Algérie.
Sans égard pour sa situation, sans instruction approfondie, une OQTF lui a été notifiée, assortie d’une interdiction de retour d’un an. Pourquoi ? Parce que, se fondant sur un faisceau d’indices contestables, un agent a estimé qu’elle ne résidait pas principalement en France.
Une telle décision brutale, disproportionnée, révèle à quel point une logique sécuritaire mal maîtrisée peut conduire à l’absurde. Loin d’être une exception, il s’agit d’un symptôme, monsieur le ministre.
Lors de chaque fait divers, au moindre soupçon, l’OQTF met un point final à une procédure expéditive. Sous la pression politique, sous la pression médiatique, on préfère la rapidité à la justesse, l’apparence à la vérité. Ce faisant, on instaure un cercle vicieux fait de soupçons, d’expulsions, d’agitations, de durcissements et d’injustices.
Ce que l’on présente comme une solution crée en réalité de nouvelles fractures : fractures entre les citoyens et leur administration, fractures entre la République et ceux qui voudraient encore y croire.
Si je ne conteste pas la nécessité de prendre, dans certains cas, des mesures de police administrative, je conteste leur banalisation. Je conteste que la République puisse renoncer à sa promesse de justice.
Ma question est simple, monsieur le ministre : allez-vous encadrer plus strictement les motifs d’émission des OQTF, de sorte que ces dernières ne s’appliquent plus à des citoyens ou à des résidents parfaitement intégrés, dont le seul tort est d’entrer dans une catégorie administrative floue ?
Au-delà, êtes-vous prêt à engager une évaluation publique, régulière et transparente des OQTF exécutées, qui nous donne les moyens de mesurer lucidement leur efficacité réelle et leur compatibilité avec les valeurs qui fondent notre République ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Akli Mellouli. Je forme le vœu que, sous l’autorité du ministre de l’intérieur, la République retrouve le sens de la mesure, de la justice et, surtout, le sens humain.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Mellouli, je ferai part au ministre de vos mots de bienvenue au sein de ce gouvernement.
Le séjour d’un étranger en France répond à un motif précis et s’inscrit dans un cadre défini. Les autorisations de circuler ou de séjourner sont données pour une durée précise, en application de la loi et de la réglementation européenne, les préfectures appréciant au cas par cas les situations individuelles.
En revanche, et cela va de soi, le Gouvernement, tout comme nos concitoyens, attend que lorsque les situations ne justifient pas un droit au séjour, les mesures prévues par notre cadre juridique soient appliquées. L’article 6.1 de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive Retour, impose en effet aux États membres de l’Union européenne de prendre une décision de retour à l’encontre de tout étranger en situation irrégulière.
Ce point a été confirmé par la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 22 juin 2021, qui a d’ailleurs sanctionné la pratique allemande par laquelle des tolérances de séjour dépourvues de véritable statut juridique étaient accordées, emportant des situations de « ni-ni », les ressortissants concernés n’étant ni régularisables ni expulsables.
Si le nombre d’OQTF augmente depuis plusieurs années en France, c’est d’abord en raison d’une pression migratoire plus importante sur notre territoire et d’une amélioration de la détection de celle-ci, laquelle se mesure par exemple via la hausse du nombre d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière sur la voie publique – 147 154 en 2024, contre 123 800 en 2023.
La hausse du nombre d’OQTF prononcées est également la conséquence d’une application rigoureuse des possibilités de retrait-refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour pour des motifs d’ordre public, conformément aux dispositions de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Cette hausse montre que la police du séjour est exercée de façon diligente par les préfets.
Il est également probable qu’une partie de ces mesures soient prononcées à l’encontre des mêmes personnes, qui utilisent des alias afin d’empêcher leur identification et, in fine, leur éloignement.
En définitive, monsieur le sénateur, le nombre de mesures exécutées est bien plus déterminant que le nombre de mesures prononcées. Or celles-ci sont en hausse de 27 % en 2024 et de plus 14,7 % à la fin août 2025, tout cela dans un cadre précis.
prise en charge des troubles du langage chez les enfants
M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet, auteur de la question n° 671, adressée à Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées.
M. Raphaël Daubet. Je souhaite vous parler ce soir d’un sujet qui mine de nombreuses familles dans notre territoire et qui, plus grave encore, met en péril la réussite et l’équilibre de nombreux enfants, monsieur le ministre : il s’agit de l’accès aux soins pour les plus jeunes.
Dans le Lot, département dont je suis élu, il faut aujourd’hui attendre deux à trois ans pour obtenir un rendez-vous dans un centre médico-psychologique (CMP). Deux à trois ans pour un enfant en souffrance, c’est une éternité. Pendant ce temps, les difficultés scolaires s’aggravent, l’estime de soi s’effondre, et des jeunes qui auraient pu s’en sortir décrochent peu à peu, et pour longtemps.
Ce ne sont pas les alertes qui manquent. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a récemment souligné l’ampleur de ces difficultés. En douze ans, les délais d’attente ont doublé, tandis que le nombre de pédopsychiatres a chuté de 16 %. Les orthophonistes sont eux aussi saturés.
Les médecins de la protection maternelle et infantile, comme ceux de l’éducation nationale, assistent pourtant à l’explosion, dès la maternelle, des troubles du langage et du développement.
Les remontées de terrain concordent : alors que de plus en plus d’enfants sont repérés, il y a de moins en moins de soignants pour les accompagner. Et la situation ne paraît pas sur le point de s’améliorer.
Ces enfants sont nos enfants, les enfants de la République. C’est pour leur avenir que nous devons nous battre. Au lendemain des Assises de la santé scolaire, quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il prendre pour que, partout sur le territoire national, chaque élève puisse accéder à une véritable prise en charge, monsieur le ministre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Daubet, les difficultés que vous soulevez avec rigueur et sens des responsabilités sont en effet un sujet douloureux pour les familles concernées. Je vous prie de bien vouloir excuser ma collègue Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre chargée de l’autonomie et des personnes handicapées, qui m’a demandé de vous transmettre les éléments de réponse suivants.
Plusieurs leviers sont mobilisés par les agences régionales de santé (ARS) pour renforcer l’accompagnement du jeune enfant en pédopsychiatrie. L’ARS d’Occitanie, région qui vous est chère, monsieur le sénateur, accompagne activement l’institut Camille Miret, qui gère l’ensemble des cinq centres médico-psychologiques du département du Lot, afin d’assurer la continuité et l’adaptation de l’offre sur le territoire.
Le département du Lot bénéficie par ailleurs d’un maillage d’interventions spécifiques, notamment d’une équipe mobile adolescents complexes (Emac), portée par l’institut Camille Miret, laquelle est capable d’intervenir dans les établissements scolaires, les lieux d’accueil et auprès des familles. Afin d’éviter les ruptures de parcours, cette équipe pluridisciplinaire assure un accompagnement coordonné des jeunes présentant des troubles sévères.
En parallèle, la dynamique de renforcement des plateformes de coordination et d’orientation (PCO) se poursuit, la PCO du Lot affichant les meilleurs délais régionaux, soit dix-neuf jours en moyenne. En 2025, l’ARS lui a attribué une dotation complémentaire de 100 000 euros pour étendre son action aux enfants de 7 à 12 ans, afin de réduire la pression sur les centres médico-psychologiques et d’améliorer le repérage précoce des troubles du neurodéveloppement.
Une feuille de route régionale engagée à l’automne 2025 vise en outre à optimiser la répartition des moyens en pédopsychiatrie, notamment pour la tranche 16-18 ans et la prise en charge des situations complexes.
L’ARS encourage et accompagne l’institut Camille Miret dans un redéploiement interne qui lui permettra de consolider son offre, notamment par la création d’un hôpital de jour pour adolescents à Cahors, à partir de capacités existantes aujourd’hui sous-utilisées.
Pour ce qui concerne les soins d’orthophonie, l’ARS accompagne la mise en conformité des centres médico-psychologiques avec les règles de conventionnement, tout en veillant à garantir la continuité des suivis dans cette phase transitoire. Des discussions nationales sont en cours pour pérenniser un financement simplifié de ces actes.
L’ensemble de ces actions illustre une stratégie volontariste, centrée sur la sécurisation des parcours, le soutien professionnel et la réorganisation progressive de l’offre dans le Lot.
Le cabinet de la ministre Parmentier-Lecocq se tient naturellement à votre disposition pour tout complément d’information, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet, pour la réplique.
M. Raphaël Daubet. Vous avez conclu de la bonne façon, monsieur le ministre, en nous informant que des discussions nationales sont en cours. C’est précisément ce que nous attendons. Ces discussions doivent être accélérées.
Je connais bien l’Institut Camille Miret, dans le Lot. Il a besoin de beaucoup de soutien, il faut évidemment penser à lui, mais également à beaucoup d’autres établissements partout en France.
Pour en avoir discuté avec des psychologues et des médecins scolaires, je vous assure que nous pouvons sauver les enfants dont je parle. Il suffit que nous trouvions les moyens de leur tendre la main pour leur éviter l’échec scolaire, dont les conséquences sont gravissimes.
Il s’agit non pas de cas désespérés, mais bien souvent de gosses que nous n’avons malheureusement pas pu aider en temps voulu et qui n’ont pas eu la scolarité qu’ils auraient méritée.
prix du lait dans certaines enseignes de la grande distribution
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, auteure de la question n° 687, adressée à Mme la ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire.
Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le ministre, ma question s’adressait à Mme Genevard, ministre de l’agriculture, et concerne les prix de vente du lait dans certaines enseignes de la grande distribution.
En effet, alors que le prix du litre de lait avait été fixé autour de 1 euro, seuil minimum permettant de garantir une juste rémunération des éleveurs, nous constatons que cet engagement est contourné. Les promotions massives qui sont pratiquées, en particulier sur des packs familiaux, posent un double problème : d’une part, elles paraissent en contradiction avec les règles encadrant les promotions en volume et en valeur ; d’autre part, elles font craindre un non-respect du seuil de revente à perte majoré de 10 % (SRP+10).
Au-delà de ces manquements, c’est tout le cadre posé par les lois Égalim qui est fragilisé. Le principe de la marche en avant des prix, destiné à assurer une rémunération équitable des producteurs, est remis en cause.
Dans un département comme la Manche, où la filière laitière représente un pilier essentiel de l’agriculture, cette situation provoque une vive inquiétude. Nos éleveurs, déjà soumis à des coûts de production élevés, ne peuvent accepter que la grande distribution piétine les règles au détriment de leur travail et de leur revenu.
Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour assurer le strict respect de la loi, renforcer les contrôles et garantir toute la transparence sur les pratiques de la grande distribution en matière de prix agricoles ?

