Présidence de M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

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Hommage à Gilbert Bouchet, sénateur de la Drôme

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons appris ce matin le décès de notre collègue Gilbert Bouchet ; je tenais à partager cette triste nouvelle avec vous en ce début de séance. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre délégué, se lèvent.)

Gilbert Bouchet fut, pour le Sénat tout entier, un exemple de courage.

Maire de Tain-l’Hermitage, membre du Rassemblement pour la République, conseiller général de la Drôme, il mit toute son énergie et tout son dévouement au service de sa commune et de son département.

Son arrivée au Sénat, en septembre 2014, aura marqué sa vie politique : il défendit avec passion sa commune et son département au sein de notre assemblée.

Il siégea au sein du groupe Union pour un mouvement populaire (UMP), puis du groupe Les Républicains. Il fut membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication avant de rejoindre, en 2017, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Il fut aussi membre de la délégation aux entreprises.

Il est impossible d’évoquer la mémoire de Gilbert Bouchet, ancien hôtelier-restaurateur et responsable syndical dans le secteur de l’hôtellerie, sans parler de son soutien aux viticulteurs et de son amour – culturel – pour le vin. Il fut un membre éminent du groupe d’études Vignes et vin du Sénat. J’ai encore en mémoire ma venue, en 2015, au salon des vins de Tain-l’Hermitage, véritable institution qu’il avait créée.

Me rendant chez lui, dans la Drôme, au mois de juillet dernier, je m’étais trouvé face à un combattant déterminé. Nous avions échangé : il suivait au quotidien l’activité du Sénat et m’avait même, à cette occasion, transmis un certain nombre de dossiers.

Gilbert Bouchet transcenda sa maladie par le combat politique, au travers de sa proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves, adoptée à l’unanimité par le Sénat le 15 octobre 2024, puis par l’Assemblée nationale le 10 février suivant. La loi fut promulguée le 18 février 2025.

Il se battait pour accélérer le traitement des demandes de prestation de compensation du handicap et remédier à la longueur des délais d’attente, toujours excessive dans ces situations.

Venir au Sénat chaque mois et être présent dans notre hémicycle constituait pour lui une motivation dans la lutte qu’il menait contre la maladie. Je veux aussi saluer la solidarité, que nous avons pu mesurer encore ce matin, dont ont fait preuve ses deux collègues de la Drôme, Marie-Pierre Monier et Bernard Buis.

Nous garderons de Gilbert Bouchet le souvenir d’un sénateur chaleureux et courageux, d’un élu de proximité attaché à sa commune et à son département, bien sûr, mais aussi d’un humaniste doté d’une grande empathie.

Au nom du Sénat, le vice-président Pierre Ouzoulias et moi-même exprimons notre sympathie et notre compassion à son épouse, avec laquelle je me suis longuement entretenue ce matin, à sa famille et à ses proches.

Un hommage solennel lui sera rendu en séance dans quelques semaines, mais je ne pouvais débuter cette séance sans évoquer sa mémoire. Rappelons-nous de Gilbert Bouchet venant dans l’hémicycle en fauteuil roulant et sous respirateur. Souvenons-nous aussi de son intervention, depuis le banc des commissions, lors de la discussion de sa proposition de loi.

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Décès d’un ancien sénateur

M. le président. J’ai également le regret de vous faire part du décès d’une personnalité qui a marqué notre assemblée, notre ancien collègue Daniel Hoeffel, qui fut sénateur du Bas-Rhin de 1977 à 1978, puis de 1981 à 1993 et de 1995 à 2004, et vice-président du Sénat.

Nous lui rendrons hommage à l’ouverture de notre prochaine séance de questions d’actualité.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose d’observer un instant de recueillement et de solidarité en mémoire de Gilbert Bouchet et de Daniel Hoeffel. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre délégué, observent un moment de recueillement.)

(M. Pierre Ouzoulias remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

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Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, je souhaite associer mon groupe à l’hommage rendu à notre valeureux collègue Gilbert Bouchet, qui vient de disparaître. Nous partageons la peine de sa famille et des membres du groupe Les Républicains.

Mes chers collègues, le Louvre, le plus grand et le plus célèbre musée du monde, a fait l’objet d’un braquage inouï, qui mérite notre attention tant il a été mené avec une facilité déconcertante – on est loin d’Oceans Eleven ou de LAffaire Thomas Crown ! Les passants auraient pu s’interroger en voyant des travailleurs à l’œuvre un dimanche aux abords du Louvre…

Ce ne sont ni les rapports ni les mises en garde qui manquaient, et pourtant : nous voilà une fois encore dans l’ex post, en train de rechercher ici ou là des responsabilités ou des explications. Je le rappelle, nous avons adopté à l’unanimité, avant l’été, un rapport sur la criminalité organisée, où sont évoqués notamment les vols de bijoux et les trafics en tout genre de pierres précieuses.

J’ai bien peur que le braquage du Louvre ne conduise à un dépeçage de ces pièces uniques pour l’histoire de France et pour celle de l’humanité. Songez que le Muséum d’histoire naturelle vient lui aussi de faire l’objet d’un cambriolage, lors duquel ont été volées des pépites d’or dont la perte est irréparable.

Nous avons besoin de changer de logiciel. À la veille de la discussion budgétaire, nous devons avoir un débat franc, à la fois à la commission de la culture et à la commission des finances : il nous faut faire de la sécurité de nos musées et de nos bibliothèques un enjeu de sécurité nationale.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

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Candidatures à une délégation sénatoriale

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre à une commune d'être intégrée, pour une partie de son territoire, à un parc national et, pour une autre partie, à un parc naturel régional (PNR)
Article unique (début)

Intégration d’une commune à un PNN et à un PNR

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi visant à permettre à une commune d’être intégrée, pour une partie de son territoire, à un parc naturel national (PNN) et, pour une autre partie, à un parc naturel régional (PNR), présentée par M. Jean Bacci (proposition n° 747 [2024-2025], texte de la commission n° 42, rapport n° 41).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Bacci, auteur de la proposition de loi.

M. Jean Bacci, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, je serai bref : ma proposition de loi, qui est très courte, permet simplement de corriger une situation apparue en 2006, après l’entrée en vigueur d’une loi interdisant à une commune d’appartenir à deux parcs différents, dont l’inspirateur fut le député du Var Jean-Pierre Giran.

Depuis, nous nous sommes rendu compte qu’en Guyane il pouvait être nécessaire d’accorder la possibilité à une commune d’appartenir à un parc naturel national et à un parc naturel régional. Ce cas a fait l’objet d’une dérogation.

Le même problème se pose aujourd’hui dans le Var. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur souhaite créer un nouveau parc naturel régional Maures-Estérel-Tanneron. Or ce PNR pourrait concerner des communes qui appartiennent au parc national de Port-Cros.

Les communes adhérentes de ce parc national bénéficient d’une protection qui couvre leur partie maritime, où l’environnement est donc préservé. En revanche, les parties terrestres, plaines agricoles ou forêts, ne bénéficient d’aucune couverture. Ces communes auraient donc tout intérêt à pouvoir adhérer aussi au PNR qui est en préparation.

Les différents ministres – M. Béchu, Mme Pannier-Runacher – que j’ai rencontrés étaient tout à fait d’accord sur le principe, mais ils ne voulaient pas accorder une nouvelle dérogation : il fallait donc trouver un véhicule législatif.

Si vous la votez, mes chers collègues, cette proposition de loi, avec son article unique, permettra donc à une commune d’appartenir simultanément à un parc national, pour une partie de son territoire, et à un parc naturel régional, pour une autre partie, sans que ces zonages se chevauchent.

Mon texte avait été soumis aux services du ministère de l’environnement, qui avaient donné leur accord de principe pour qu’il soit adopté en l’état. J’espère qu’il en ira de même avec le nouveau gouvernement et que la proposition de loi sera adoptée.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Kristina Pluchet, rapporteure de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débutons donc les travaux de notre semaine sénatoriale par l’examen de la proposition de loi visant à permettre à une commune d’être intégrée, pour une partie de son territoire, à un parc naturel national et, pour une autre partie, à un parc naturel régional, présentée par notre collègue Jean Bacci, que je remercie pour cette initiative.

Mercredi dernier, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté ce texte à l’unanimité, témoignant ainsi du consensus qu’il suscite. Je ne doute pas que le Sénat s’inscrira dans une logique analogue, tant cette proposition de loi, dont les enjeux et la portée sont limités, est incontournable pour lever un verrou juridique qui aujourd’hui contraint, complexifie et restreint les choix de certaines communes.

J’en viens à présent au contenu du texte. Celui-ci vise à faire tomber un obstacle juridique institué par la loi du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux. Une commune ne peut aujourd’hui être doublement « zonée », au sein d’un parc national et, dans le même temps, au sein d’un parc naturel régional. Sans m’attarder sur les raisons qui ont justifié cette interdiction de principe, laissez-moi vous dire un mot sur la crainte qui avait alors animé le législateur.

Le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, le député Jean-Pierre Giran, fin connaisseur des problématiques des parcs nationaux, avait souhaité créer une cloison étanche entre les zonages respectifs d’un parc national et d’un PNR, afin de prévenir toute superposition d’outils de gestion et de limiter ainsi les injonctions contradictoires sur un même territoire.

Cette réserve a perduré, sans soulever de difficultés particulières, jusqu’à l’achoppement suscité par le projet de création du parc naturel régional des massifs des Maures, de l’Estérel et du Tanneron, voulu par la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, qu’évoquait Jean Bacci à l’instant. En l’état du droit, certaines communes du littoral varois seraient contraintes à un choix cornélien que l’on imagine douloureux : continuer d’appartenir au parc national de Port-Cros, ou adhérer, en 2028, à ce nouveau PNR.

Tel est l’état du droit et telles sont les circonstances qui ont justifié le dépôt de la proposition de loi. Cette dernière est donc composée d’un article unique, reprenant une exception introduite par le législateur, soucieux de tenir compte des spécificités locales de la Guyane.

Le code de l’environnement prévoit en effet qu’en Guyane les communes peuvent appartenir simultanément à un parc national et à un PNR. Cette exception se justifie par la taille peu ordinaire des communes qui composent ce territoire. À titre d’illustration, la commune de Maripasoula s’étend sur 18 300 kilomètres carrés, soit sur une superficie équivalente à une fois et demie l’Île-de-France. Il aurait donc été absurde de ne prévoir aucune souplesse pour ce territoire si singulier.

Le texte que nous examinons tend ainsi à renverser le paradigme institué en 2006 en faisant de l’exception la règle de droit applicable à l’ensemble du territoire national. J’ai mené mes travaux de rapporteure en ayant à l’esprit deux interrogations auxquelles je vais apporter des réponses.

Première question : que penser des réserves exprimées par le législateur en 2006 ?

Seconde question : quel est l’intérêt de cette mesure et quels bénéfices une commune et un territoire peuvent-ils tirer d’un tel double zonage ?

Afin de répondre à la première interrogation, je m’appuierai notamment sur les échanges que j’ai eus avec les représentants des parcs nationaux et avec les équipes du ministère de la transition écologique.

Ces deux auditions m’ont permis, d’une part, de faire un état des lieux des territoires potentiellement concernés par un double zonage. En l’état des configurations géographiques et à parcs constants, ce dispositif est susceptible d’intéresser vingt-deux communes sur l’entièreté de notre territoire. Vous conviendrez ainsi, mes chers collègues, que les effets de la proposition de loi sont limités.

Ces auditions m’ont également permis, d’autre part, d’apprécier le caractère proportionné de la proposition de loi, qui dresse un solide garde-fou face aux craintes qui avaient justifié cette interdiction. Comme l’indique l’intitulé de la proposition de loi, aucun espace de la commune concernée ne pourra être doublement zoné : les deux zonages concerneront chacun des parties bien distinctes de son territoire, et non l’entièreté de la commune.

Prenons un exemple concret : la commune de Hyères pourra être zonée, pour sa partie côtière et littorale, au sein du parc national de Port-Cros et, pour sa partie terrestre, tournée vers le massif des Maures, au sein du PNR du même nom.

Ainsi, les périmètres des parcs nationaux et des PNR ne se chevaucheront pas, ce qui nous prémunit contre tout risque de complexité administrative et d’enchevêtrement des compétences. Je tiens à souligner, monsieur le ministre, que ces dispositions sont susceptibles de concerner à la fois les communes situées dans l’aire d’adhésion d’un parc national et celles qui sont incluses dans son « aire optimale d’adhésion ».

En effet, les communes relevant de cette aire optimale conservent la possibilité d’adhérer à la charte d’un parc national, y compris postérieurement au décret portant création dudit parc. Elles pourront, par ailleurs, participer au fonctionnement du syndicat mixte gestionnaire du parc naturel régional, dans l’hypothèse où un recoupement entre les deux zonages viendrait à se présenter.

Quant à la seconde interrogation, qui porte sur l’intérêt concret pour un territoire d’une telle disposition, laissez-moi vous fournir, mes chers collègues, quelques éléments de réponse.

Tout d’abord, le double zonage favorisera le développement de « corridors écologiques » entre les réservoirs de biodiversité que sont les forêts et les milieux aquatiques.

Par ailleurs, la collaboration entre deux espaces protégés sur un même territoire favorisera les mouvements, les migrations, la dissémination des graines, et en facilitera l’étude scientifique.

Enfin, les communes concernées, situées au confluent d’une double ressource environnementale, pourront revendiquer et afficher cette double appartenance. Nous connaissons tous ici l’attachement de nos territoires à leurs spécificités locales et à la mise en valeur de leur patrimoine naturel.

En définitive et au regard des réponses données aux interrogations formulées, je dirai, reprenant les propos des personnes que j’ai entendues, que cette proposition de loi est équilibrée, bien construite et adaptée aux besoins de nos territoires.

La commission formule néanmoins une observation qu’elle estime cardinale pour la réussite et le bon fonctionnement de ce double zonage.

Il est impératif que les établissements publics gérant les parcs nationaux et les syndicats mixtes gestionnaires des parcs naturels régionaux interviennent conjointement, en bonne intelligence. Cela impliquera des moments d’échange et du travail en synergie, afin de veiller à la cohérence territoriale des mesures prises au sein des aires d’adhésion.

La coopération est en effet un préalable indispensable au bon fonctionnement de ce double zonage. Je formule le souhait que les modalités de cette coopération soient inscrites, au moment de leur renouvellement, au sein des chartes du parc national et du PNR concernés, de telle sorte que le document administratif servant de support à l’adhésion des communes comporte explicitement des mentions de cette indispensable synergie. Je ne peux pas formaliser ce souhait par un amendement, mais j’appelle votre attention, monsieur le ministre, sur cet impératif.

En définitive, mes chers collègues, la commission vous invite à adopter cette proposition de loi, qui relève d’une démarche consensuelle et pragmatique, conçue au plus près des enjeux de nos territoires.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargé de la transition écologique. Monsieur le président, monsieur le vice-président Mandelli, madame la rapporteure Pluchet, monsieur le sénateur Bacci, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez tout d’abord de m’associer à l’hommage qui a été rendu à vos collègues Bouchet et Hoeffel, et de saluer leurs combats et leurs travaux. Nous pensons à leurs proches, dont nous partageons la douleur.

Je veux également vous dire tout l’honneur qui est le mien au moment de m’exprimer pour la première fois devant vous, au nom du Gouvernement, dans le cadre de l’examen de la présente proposition de loi. Je me réjouis du consensus qui s’est fait autour de ce texte, dans lequel se trouve affirmée de manière claire et déterminée notre ambition collective : protéger nos sites d’exception et notre biodiversité, qui sont les véritables richesses de notre pays.

Je salue l’initiative parlementaire qui a été ainsi prise par M. Bacci, ainsi que les travaux de Mme la rapporteure. La proposition de loi traduit la volonté des territoires et de l’État d’agir ensemble pour préserver ces espaces uniques que nous refusons de voir disparaître ou se dégrader.

Les onze parcs nationaux et les cinquante-neuf parcs naturels régionaux français jouent un rôle fondamental dans la protection de notre patrimoine naturel, et même un rôle crucial dans le contexte du dérèglement climatique que nous connaissons aujourd’hui.

Les premiers protègent, dans 526 communes, des espaces d’exception où la nature reste souveraine ; ils représentent une portion d’environ 8,5 % du territoire, où le maintien d’écosystèmes précieux et irremplaçables est garanti.

Les seconds accompagnent un développement local dans plus de 5 000 communes, sur 19 % du territoire ; ils concernent plus de 4,5 millions d’habitants et permettent de concilier activité humaine et protection des ressources naturelles.

Ensemble – vous l’avez rappelé, madame la rapporteure –, ils sont les vecteurs d’un équilibre essentiel, qui montre la capacité de notre pays à conjuguer préservation et aménagement durable de notre territoire.

Nous pouvons nous féliciter de ce maillage territorial exceptionnel, mais nous devons également reconnaître qu’il peut parfois créer des situations complexes. Certaines communes se trouvent notamment à la croisée de plusieurs périmètres, sans pouvoir participer pleinement aux dynamiques afférentes. C’est ce que révèle le projet de création du parc naturel régional du massif des Maures : les communes déjà intégrées au parc national de Port-Cros souhaitent adhérer, pour des zones bien distinctes de leur territoire, au futur parc.

Vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur Bacci, sans évolution de notre droit, l’intégration de ces communes au nouveau PNR ne serait pas possible, alors qu’elles ont participé au projet de création. C’est un cas précis, mais, dans un pays où les parcs sont nombreux, de telles situations peuvent se reproduire, comme Mme la rapporteure l’a indiqué. Je tiens donc une nouvelle fois à saluer votre initiative, monsieur Bacci : vous avez su prendre le sujet à bras-le-corps pour y apporter une réponse concrète par le biais de cette proposition de loi.

Par le passé, la secrétaire d’État Sarah El Haïry et la ministre Agnès Pannier-Runacher ont déjà soutenu la demande de modification de la loi formulée par le président de région Renaud Muselier. Cette évolution étant indispensable pour approuver le périmètre du projet de parc naturel régional des Maures, le Gouvernement s’inscrit pleinement dans la continuité de ce soutien.

Cette avancée n’est d’ailleurs que l’extension d’une dérogation déjà existante dans notre droit, puisqu’en Guyane certaines communes sont classées pour partie en parc naturel régional et pour partie dans le parc national amazonien.

Le verrou juridique créé en 2006 visait à éviter les risques de superposition d’outils de gestion et à limiter les injonctions contradictoires sur un même territoire. Il n’a plus lieu d’être aujourd’hui, car d’importants progrès ont été réalisés, depuis lors, en matière de codéveloppement durable. La protection de la biodiversité se conçoit non plus dans des espaces clos, mais bien à l’échelle cohérente de territoires vivants.

Je précise que le texte que nous examinons aujourd’hui empêche bien entendu tout recoupement de zonage au sein d’une même commune ; il permettra donc d’éviter l’enchevêtrement des compétences entre les gestionnaires des différents parcs. Il offrira, me semble-t-il, un cadre à la fois plus clair et plus efficace pour la gestion des espaces naturels, mais aussi plus cohérent, plus souple et mieux adapté à la diversité des communes. Voilà qui permettra de gérer nos espaces naturels avec intelligence et en tenant compte des réalités écologiques, géographiques et humaines de chaque territoire.

J’ai bien conscience de la nécessité que les établissements gestionnaires des parcs contigus coopèrent étroitement – vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, et le Gouvernement y sera extrêmement attentif. Les dispositions réglementaires que le Gouvernement prendra et les instructions qu’il adressera à ses services et à ses opérateurs iront dans ce sens.

Je veux conclure en saluant l’unanimité qu’a recueillie ce texte en commission ; je suis certain que nos débats de cet après-midi s’inscriront dans le même état d’esprit de consensus et d’efficacité, au service des territoires et de la protection de notre patrimoine naturel.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte de bon sens qui permettra de répondre à certaines problématiques locales.

Comme cela a été rappelé, à l’occasion de la création d’un parc régional du massif des Maures, dans le département du Var, certaines communes, qui sont concernées par le périmètre du projet, mais qui relèvent déjà d’un parc national – celui de Port-Cros –, souhaiteraient également être intégrées, pour des secteurs bien distincts de leur territoire, au futur parc régional des Maures.

En apparence, l’idée ne semble pas poser de problème. Néanmoins, le droit en vigueur exclut expressément l’adhésion partielle d’une commune à deux types de parcs naturels différents. Cette disposition, introduite par la loi du 14 avril 2006, visait à mettre en place d’une cloison étanche entre parc national et parc régional, l’objectif étant d’éviter les injonctions contradictoires sur un même territoire.

Cette règle n’avait jamais réellement eu l’occasion d’être remise en cause ; en effet, les seules communes pouvant être concernées par un tel cas de figure à l’époque se trouvaient en Guyane et une dérogation avait déjà été prévue par la loi précitée. Cette exception permettait à une commune d’être classée, pour une partie de son territoire, en parc régional et, pour une autre partie, dans le parc national amazonien de Guyane.

Toutefois, il est apparu que cette situation concerne maintenant d’autres territoires, notamment ceux qui sont marqués par une forte diversité géographique ou écologique, ce qui justifie l’adoption de la présente proposition de loi.

C’est pourquoi le groupe RDPI votera ce texte, qui répond à un besoin concret et s’inscrit dans une logique de souplesse et de clarification, tout en respectant l’impératif de protection de la biodiversité. S’il est adopté, l’exception deviendra la règle.

Néanmoins, pour que ce dispositif soit une réussite, il importera que les établissements gestionnaires des parcs nationaux et des parcs régionaux contigus coopèrent afin d’éviter la superposition de régimes de gouvernance et de protection aux logiques distinctes, source potentielle de complexité pour les collectivités concernées comme pour les usagers du territoire. Le Gouvernement devra y veiller dans les instructions qu’il transmettra à ses services et à ses opérateurs.

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de constater qu’un texte visant à améliorer l’efficacité d’opérateurs œuvrant pour la protection de l’environnement suscite l’intérêt de la majorité sénatoriale.

Alors que les politiques environnementales sont régulièrement battues en brèche par la droite, j’ose voir dans cette proposition de loi, certes technique, la promesse d’un retour à un débat constructif sur l’écologie.

J’y vois également la reconnaissance de la contribution majeure des aires protégées à la préservation de nos patrimoines naturels et culturels, dont l’équilibre reste fragile. C’est là l’enjeu prioritaire des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux : assurer, au plus près des territoires et sur la base d’une ingénierie et d’une gouvernance locales, la protection de l’environnement.

Rappelons néanmoins que les parcs nationaux n’ont pas été épargnés au cours de l’examen du projet de budget pour 2025 : à cette occasion, les propositions de suppression de dispositifs environnementaux ou de coupes claires dans les crédits des opérateurs ont fusé. Les crédits directement fléchés pour les parcs ont chuté de plus de moitié et leur plafond d’emploi a continué de baisser. La situation des parcs est aujourd’hui telle qu’ils ne peuvent plus couvrir leurs dépenses de fonctionnement incompressibles, notamment leur masse salariale.

Dans son rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État, remis au mois de juillet dernier, notre collègue Christine Lavarde suggérait en outre, sans aucune concertation avec les opérateurs concernés et, selon toute vraisemblance, sans aucune connaissance du travail mené sur le terrain,…

M. Christian Cambon. Pas très sympa…

M. Michaël Weber. … la suppression pure et simple des parcs nationaux et la recentralisation de leurs compétences.

La chambre des territoires n’est donc pas à une incohérence près lorsqu’elle recommande l’éloignement de telles compétences et s’évertue à affaiblir l’action des parcs nationaux sur les territoires.

Or, j’en suis persuadé, la réussite des politiques environnementales dépend d’une gouvernance ancrée localement. Précisément, les conseils d’administration des parcs nationaux comportent des représentants des collectivités territoriales et sont généralement présidés par un élu local.

La gouvernance locale des parcs naturels régionaux a d’ailleurs très fortement contribué à leur réussite. La présidence en est détenue par un élu local, et une direction au profil technique anime une équipe aux compétences pluridisciplinaires, qui œuvre pour la préservation de la biodiversité et du patrimoine culturel, tout en étant actrice d’un développement construit sur la richesse des territoires concernés.

Dans ces territoires, la transition écologique n’est pas théorique : elle est concrète et innovante ; elle est avant tout une réponse aux attentes de la population. Preuve y est faite que la politique environnementale n’est pas imposée d’en haut, mais qu’elle émane des territoires, lesquels la plébiscitent.

En ce qui concerne le sujet plus particulier qui nous intéresse cet après-midi, je tiens tout d’abord à rappeler que la décision de créer un parc naturel régional relève de la compétence des régions.

Conscient de l’intérêt de cet outil, le président de la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, a pris l’initiative de la création d’un nouveau parc, le parc naturel régional du massif des Maures : il est à l’origine de la proposition de loi déposée par notre collègue Jean Bacci. Ce texte doit permettre de lever le blocage actuel, en donnant à une commune la possibilité d’adhérer volontairement à la fois à un parc national et à un parc naturel régional, en y rattachant respectivement deux parties distinctes de son territoire, ne se chevauchant pas.

Je le précise, un parc national est composé à la fois d’un cœur, c’est-à-dire d’une réserve naturelle réglementairement protégée, et d’aires d’adhésion périphériques, qui privilégient une approche contractuelle. Ces aires sont constituées de communes qui y adhèrent librement et s’engagent, par la signature d’une charte, dans un projet collectif de développement durable.

Le statut d’une commune classée en aire d’adhésion d’un parc national est équivalent à celui d’une commune adhérente d’un parc naturel régional. Il n’y a donc pas lieu de craindre que l’adhésion à un PNR soit un moyen de contourner une réglementation environnementale plus stricte. Les gouvernances, qui sont du même ordre, n’entrent pas en concurrence, ne se superposent pas et résultent de la libre volonté des communes d’adhérer ou non à un parc.

Les représentants des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux, qui travaillent d’ailleurs en parfaite synergie, ne voient aucune objection à une telle évolution législative, qui répond à un cas certes particulier, mais susceptible de se reproduire ailleurs. Comme il n’y a pas de conflit de gouvernance, puisque les zonages des deux parcs ne se chevauchent pas, il n’y a aucune raison de ne pas approuver cette proposition de loi, qui va dans le bon sens. (M. Ronan Dantec applaudit.)