M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, sur l'article.

M. Simon Uzenat. Nous sommes plusieurs dans cet hémicycle à avoir défendu l'octroi de la protection fonctionnelle aux élus, notamment lors de l'examen de la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, devenue la loi du 21 mars 2024. Cette loi a permis un certain nombre d'avancées, mais le Sénat n'a pas pu obtenir gain de cause sur l'allongement des délais de prescription.

Nous n'avons pas pu déposer d'amendement en ce sens sur le présent texte en deuxième lecture, l'article 45 de la Constitution ayant produit ses effets, mais je tenais à redire ici que cet allongement est une demande très régulièrement formulée par les élus.

Face au sentiment d'impunité – la situation actuelle est de fait ressentie ainsi –, le Sénat avait proposé de porter de trois mois à un an le délai de prescription en cas d'injure ou de menace contre une personne dépositaire de l'autorité publique. Cette disposition avait été rejetée par l'Assemblée nationale.

Nous le redisons, nous devrons retravailler en urgence sur ce sujet. Les violences sont l'un des fléaux qui conduisent aujourd'hui de nombreux élus locaux à renoncer à se porter de nouveau candidats, voire, dans le pire des cas, à démissionner de leur mandat. Nous ne pouvons nous y résoudre. Je tenais à le faire savoir.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 110 est présenté par Mme Florennes.

L'amendement n° 258 est présenté par Mmes Eustache-Brinio et Patru et M. Kerrouche, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

- les trois dernières phrases sont remplacées par quatre phrases ainsi rédigées : « Les membres du conseil municipal en sont informés. La preuve de cette information, accompagnée de la demande, est transmise, dans un délai de dix jours à compter de la réception de la demande, au représentant de l'État dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement, selon les modalités prévues au II de l'article L. 2131-2. L'élu bénéficie de la protection de la commune à compter de la réception de ces documents par le représentant de l'État dans le département ou par son délégué dans l'arrondissement. La commune notifie à l'élu concerné la preuve de cette réception et porte cette information à l'ordre du jour de la séance suivante du conseil municipal. » ;

La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour présenter l'amendement n° 110.

Mme Isabelle Florennes. L'article 19, dans sa version issue des travaux de la commission du Sénat en deuxième lecture, étend à tous les élus la nouvelle procédure automatique d'octroi de la protection fonctionnelle. Cette procédure a été créée par la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux.

Depuis son entrée en vigueur, de nombreuses difficultés liées à sa mise en œuvre nous ont été communiquées, ce qui fait apparaître la nécessité de mieux sécuriser ce nouveau mécanisme. Dans cette perspective, plusieurs corrections ont été apportées à la procédure actuelle lors de l'examen du présent texte à l'Assemblée nationale afin de clarifier et de simplifier son application par les acteurs concernés.

Tel qu'il est rédigé, l'article 19 conserve bien ces modifications pour les élus régionaux et départementaux ; en revanche, il ne les reprend pas pour les élus municipaux, créant ainsi une différence de traitement entre les élus. Le présent amendement vise à corriger cet oubli.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l'amendement n° 258.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Françoise Gatel, ministre. La coordination proposée est pertinente. J'émets donc un avis favorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 110 et 258.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mme Senée, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Après l'alinéa 9

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un élu bénéficiant de la protection fonctionnelle est définitivement débouté ou condamné dans une procédure l'opposant à un autre élu de la même collectivité, le comptable public engage automatiquement une action récursoire. » ;

II. – Après les alinéas 22, 34, 46 et 58

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un élu bénéficiant de la protection fonctionnelle est définitivement débouté ou condamné dans une procédure l'opposant à un autre élu de la même collectivité, le comptable public engage automatiquement une action récursoire. » ;

La parole est à Mme Ghislaine Senée.

Mme Ghislaine Senée. Le groupe Écologiste se félicite que les deux chambres se soient accordées sur l'octroi automatique, sans délibération, de la protection fonctionnelle à l'ensemble des élus, membres de la majorité comme de l'opposition, lorsque cela est nécessaire. Il restait à bien préciser les choses, ce que nous avons fait en adoptant les deux amendements précédents.

Cela étant, nous devrions tout de même instaurer un garde-fou. Compte tenu de l'actualité, personne ne remet en cause la protection fonctionnelle, qui joue un rôle essentiel dans la protection juridique et matérielle des élus locaux. En effet, elle leur garantit le soutien de la collectivité lorsqu'ils sont victimes de violences ou mis en cause dans l'exercice de leur mandat.

Toutefois, on observe, de façon latente, qu'il n'existe pas de limite dans la prise en charge de la protection fonctionnelle par la collectivité. Comme l'élu n'engage pas de frais personnels, il a parfois intérêt à expurger toutes les voies d'appel possible. Or les procédures durent souvent plus longtemps que le mandat lui-même.

Par ailleurs, dans certaines collectivités, on voit se multiplier les procédures-bâillons. Nous ne parlons pas suffisamment de ce sujet, qui n'a d'ailleurs pas été évoqué jusqu'à maintenant dans le cadre de ce débat. Quelquefois, des exécutifs locaux, voire des oppositions, utilisent la protection fonctionnelle pour lancer des procédures – notamment en diffamation et en calomnie – contre tel ou tel élu de la collectivité.

Nous souhaitions, par cet amendement, à tout le moins éveiller l'attention de notre assemblée sur ce problème et, s'il pouvait être adopté, poser une limite.

M. le président. Veuillez conclure !

Mme Ghislaine Senée. Nous proposons donc une restitution automatique des montants versés au titre de la protection fonctionnelle à la collectivité, lorsqu'un élu est définitivement condamné ou débouté dans le cadre d'une procédure l'opposant à un autre élu de la même collectivité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Un amendement identique avait été déposé par le groupe Écologiste en première lecture ; nous l'avions alors rejeté.

Nous comprenons tout à fait l'intention de nos collègues : s'assurer, à raison, du bon emploi des deniers des collectivités territoriales. Pour autant, comme en première lecture, l'amendement ne nous semble ni utile ni opérant.

D'une part, il découle des règles de retrait d'une décision créatrice de droit que l'élu à qui la protection fonctionnelle aurait été accordée, puis retirée, est tenu de rembourser à la collectivité les sommes éventuellement engagées par celle-ci. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir explicitement une action récursoire contre l'individu concerné.

D'autre part, je rappelle que nous nous situons dans le cadre de la protection fonctionnelle demandée par un élu victime de violences ou de menaces du fait de ses fonctions. En conséquence, nous voyons difficilement comment cet élu pourrait être condamné dans une procédure l'opposant à un autre élu de la même collectivité. Il en irait probablement différemment dans le cas de la protection fonctionnelle accordée à un élu faisant l'objet de poursuites pénales pour des faits survenus en lien avec l'exercice de ses fonctions.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Françoise Gatel, ministre. Il est ici question d'un sujet un peu tortueux et complexe. Le Sénat a voulu que l'ensemble des élus du conseil municipal bénéficient d'une protection fonctionnelle. Je reprendrai l'exemple qui était donné à l'époque : celui d'un conseiller municipal agressé physiquement ou verbalement par un habitant de la commune qui est contrarié par la modification du jour de collecte des ordures ménagères et l'en tient personnellement responsable.

Compte tenu de ce genre d'événements, il nous a semblé pertinent d'élargir la protection fonctionnelle à tous les conseillers municipaux, y compris, bien sûr, à ceux de l'opposition.

Vous vous félicitez de l'extension de la protection fonctionnelle, mais, dans le même temps, vous mettez en lumière des situations dans lesquelles elle ne devrait pas s'appliquer. J'entends cet argument : comme pour toute nouvelle disposition de droit, il peut y avoir un abus ou une distorsion.

La protection fonctionnelle bénéficie à tous les élus municipaux, mais elle peut être retirée. C'est le cas si, à un moment donné, le conseil municipal ou le maire considèrent que le motif du recours à la protection fonctionnelle n'a rien à voir avec le mandat de l'élu, qu'il s'agit d'un simple problème de relations entre les gens.

Je privilégie le principe dont nous souhaitons tous l'application : tout élu, quels que soient son grade, sa fonction ou ses missions, peut être interpellé et mérite, à ce titre, une protection, quitte à réguler les choses par la suite.

Je crois en la sagesse du Sénat, je vous l'ai dit, mais aussi en celle des hommes et des femmes qui, parfois, ont quelques excès : faisons-leur confiance !

En conséquence, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.

Mme Ghislaine Senée. Le fait qu'une commune puisse engager 21 procédures en diffamation en faisant profiter son exécutif de la protection fonctionnelle pose problème, d'autant que, comme l'exécutif est à l'origine de la procédure, il n'y a pas de décision du conseil municipal. Voilà le point sur lequel nous insistons.

Vous avez cependant raison, madame la ministre : on peut parfois faire confiance à la responsabilité des élus. Aussi, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.

Je mets aux voix l'article 19, modifié.

(L'article 19 est adopté.)

Article 19
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local
Article 21

Article 20

(Non modifié)

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L'article L. 2123-34 est ainsi modifié :

a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La commune est également tenue d'accorder sa protection aux personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article qui sont mises en cause pénalement en raison de tels faits et qui ne font pas l'objet des poursuites mentionnées au même deuxième alinéa ou qui font l'objet de mesures alternatives à ces poursuites, dans tous les cas où le code de procédure pénale leur reconnaît le droit à l'assistance d'un avocat. » ;

b) À la fin de la première phrase du troisième alinéa, les mots : « deuxième alinéa du présent article » sont remplacés par les mots : « audit deuxième alinéa » ;

1° bis Au second alinéa du I et au 2° du II de l'article L. 2335-1, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;

2° L'article L. 3123-28 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le département est également tenu d'accorder sa protection aux personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article qui sont mises en cause pénalement en raison de tels faits et qui ne font pas l'objet des poursuites mentionnées au même deuxième alinéa ou qui font l'objet de mesures alternatives à ces poursuites, dans tous les cas où le code de procédure pénale leur reconnaît le droit à l'assistance d'un avocat. » ;

3° L'article L. 4135-28 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La région est également tenue d'accorder sa protection aux personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article qui sont mises en cause pénalement en raison de tels faits et qui ne font pas l'objet des poursuites mentionnées au même deuxième alinéa ou qui font l'objet de mesures alternatives à ces poursuites, dans tous les cas où le code de procédure pénale leur reconnaît le droit à l'assistance d'un avocat. » ;

4° L'article L. 7125-35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La collectivité territoriale de Guyane est également tenue d'accorder sa protection aux personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article qui sont mises en cause pénalement en raison de tels faits et qui ne font pas l'objet des poursuites mentionnées au même deuxième alinéa ou qui font l'objet de mesures alternatives à ces poursuites, dans tous les cas où le code de procédure pénale leur reconnaît le droit à l'assistance d'un avocat. » ;

5° L'article L. 7227-36 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La collectivité territoriale de Martinique est également tenue d'accorder sa protection aux personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article qui sont mises en cause pénalement en raison de tels faits et qui ne font pas l'objet des poursuites mentionnées au même deuxième alinéa ou qui font l'objet de mesures alternatives à ces poursuites, dans tous les cas où le code de procédure pénale leur reconnaît le droit à l'assistance d'un avocat. »

M. le président. L'amendement n° 259, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Patru et M. Kerrouche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer les mots :

et au 2° du II

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il s'agit d'un amendement de coordination, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Françoise Gatel, ministre. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 259.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 20, modifié.

(L'article 20 est adopté.)

Article 20
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local
Article 22

Article 21

(Non modifié)

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° À la fin de l'article L. 2123-31, les mots : « , les adjoints et les présidents de délégation spéciale dans l'exercice de leurs fonctions » sont remplacés par les mots : « et les autres membres du conseil municipal » ;

1° bis À l'article L. 2123-32, les mots : « aux articles L. 2123-31 et L. 2123-33 » sont remplacés par les mots : « à l'article L. 2123-31 » ;

2° L'article L. 2123-33 est abrogé ;

3° Au I de l'article L. 2573-9 et au premier alinéa de l'article L. 5211-15, les mots : « à L. 2123-33 » sont remplacés par les mots : « et L. 2123-32 » – (Adopté.)

Article 21
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local
Après l'article 22

Article 22

Après le quatrième alinéa de l'article L. 561-10 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 adaptent l'intensité et la fréquence de ces mesures de vigilance complémentaires en fonction du profil de risque du client, le cas échéant de son bénéficiaire effectif, du bénéficiaire du contrat d'assurance-vie ou de capitalisation.  – (Adopté.)

Article 22
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local
Article 23

Après l'article 22

M. le président. L'amendement n° 188 rectifié ter, présenté par MM. Rochette, Malhuret et Levi, Mme Bessin-Guérin, MM. Paccaud, Brault, Dhersin, Chasseing et Henno, Mmes Loisier, Lermytte et Herzog, MM. Iacovelli, Chevalier et A. Marc, Mme Antoine, MM. Grand, P. Vidal, Delia, V. Louault et Duplomb, Mme Berthet et MM. Bonneau et Ravier, est ainsi libellé :

Après l'article 22

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article L. 516-10 du code monétaire et financier, les mots : « ou de celles qu'exercent ou ont exercées des membres directs de sa famille ou des personnes connues pour lui être étroitement associées ou le devient en cours de relation d'affaires » sont supprimés.

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. À vouloir ériger la transparence en principe absolu, nous avons produit son contraire. En prétextant moraliser la vie publique, nous avons glissé vers une société du soupçon et du voyeurisme.

Publier sur internet les informations personnelles des élus est très légitime. En revanche, publier les informations de leur entourage, de leurs conjoints ou de leurs enfants, ce n'est plus de la transparence, mais du voyeurisme ; ce n'est pas servir les élus, mais mener une traque contre eux, susciter leur défiance et exagérer le contrôle.

Mon amendement est très simple. Que les élus que nous sommes soient surveillés, contrôlés et encadrés ne me pose aucun problème. En revanche, il n'est absolument pas normal que les membres de notre famille ou nos relations proches soient aussi concernés.

Serait-il normal que, demain, nos enfants endurent des blocages bancaires pour acheter leur résidence principale, simplement parce qu'ils sont « fils de » ou « fille de » ? Bien sûr que non !

Je suis pour le contrôle des élus, mais nous sommes certainement allés trop loin. Nous avons souhaité faire régner la transparence coûte que coûte, mais cela se retourne déjà contre nous. Bref, soyons contrôlés, mais laissons tranquille notre entourage ! Tel est l'objet de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. L'amendement tend à exclure la prise en compte, au titre de la réglementation visant à lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, des proches des personnalités politiquement exposées (PPE). Toutefois, cette réglementation résulte directement du droit européen. (Exclamations sur les travées du groupe INDEP.)

Que l'on soit d'accord ou non, nous ne pouvons pas modifier la règle par un coup de baguette magique. (Mêmes mouvements.) On peut le regretter ou non, trouver cela bien ou mal, mais, en l'état actuel du droit européen, on ne peut rien y faire.

En conséquence, la commission vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Françoise Gatel, ministre. Selon une formule célèbre : « J'voudrais bien, mais j'peux point. » (Rires.) Ma réponse est sérieuse, car, même si l'on peut entendre vos commentaires, que bon nombre d'élus partagent, la réglementation en cause est le fruit de directives européennes. En conséquence, nous ne pouvons la modifier par la loi nationale.

Mme Françoise Gatel, ministre. L'avis est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour explication de vote.

M. Dany Wattebled. Madame la ministre, quand on veut, on peut ! (Mme la ministre proteste. – Exclamations au banc des commissions.) Nous sommes tous concernés par ce sujet dans cet hémicycle. Que nous soyons soupçonnés en tant qu'élus me semble compréhensible, mais veillons à ce que nos enfants, notre famille, ne soient pas exposés pour des motifs quelquefois futiles.

J'aime bien le droit européen, mais nous sommes encore en France ici, (Mêmes mouvements.) et on peut essayer de faire bouger les choses, madame la ministre. Si nos collègues le veulent, cette excellente proposition de modification de la réglementation sera au moins adoptée par notre assemblée et nous verrons bien quelle en sera l'issue.

Mme Françoise Gatel, ministre. Mais elle est inapplicable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 188 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 22
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local
Article 24 bis

Article 23

(Suppression maintenue)

Article 23
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local
Article 25

Article 24 bis

Après le treizième alinéa du I de l'article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les déclarations de situation patrimoniale des personnes mentionnées aux 2° et 3° sont pré-remplies par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. »

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, sur l'article.

M. Pierre Jean Rochette. Mes chers collègues, je veux vous faire part du mécontentement que j'ai ressenti en constatant que mon amendement concernant les fichés S avait été déclaré irrecevable.

Aujourd'hui, dans notre République, on peut mettre un ancien Président en prison – alors que bon nombre de Français considèrent, à tort ou à raison, que le dossier est fragile –, mais on peut être en même temps élu et fiché S. (M. Thomas Dossus s'exclame.) Je me contente de présenter des faits !

Y a-t-il une cohérence là-dedans ? Où donc est la cohérence républicaine ?

Mon amendement avait une visée très simple : rendre inéligibles tous les fichés S, de façon automatique. (Exclamations sur des travées des groupes SER et GEST.) Oui, mes chers collègues, cette proposition en fait sourire certains, elle déplaît. Mais nous ne sommes pas là pour plaire ou pour nous faire plaisir !

Je suis profondément désolé que mon amendement ait été déclaré irrecevable. Une nouvelle fois, nous ne servons pas la cause des élus.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, sur l'article.

M. Thomas Dossus. Je veux réagir à la prise de parole de notre collègue Pierre-Jean Rochette. La différence entre un fiché S et un ancien Président de la République, c'est que, pour ce dernier, il y a eu une instruction et des procès, au terme desquels un juge a pris une décision, alors qu'une fiche S est un acte administratif commis par un service de façon discrétionnaire. À partir de là, tout le monde pourrait être fiché S, en fonction du pouvoir en place…

Ce que vous proposez, monsieur Rochette, n'est ni plus ni moins que le rétablissement des lettres de cachet et l'interdiction arbitraire à certaines personnes de candidater à des élections. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. L'amendement n° 247, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le I de l'article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À l'occasion d'un changement de mandat, de fonction ou de qualité des personnes mentionnées aux 2° et 3° du présent I, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique met à leur disposition les informations figurant dans les dernières déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale qu'elles ont déposées. Les conditions d'application du présent alinéa sont précisées par décret en Conseil d'État ».

La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre. Nous abordons un très beau sujet : la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) – je vois votre intérêt grandir à cet instant… (Sourires.) Je vous le dis avec beaucoup de franchise, parce que vous connaissez bien l'affaire : nous devons pouvoir simplifier les choses dans ce domaine.

Nous avons tous été amenés à remplir, à plusieurs reprises, une déclaration d'intérêts et une déclaration de patrimoine. Concernant la déclaration d'intérêts, nous connaissons toutes les informations relatives à notre situation. En revanche, dans le cadre de la déclaration de patrimoine, les choses sont différentes – je me tourne vers Mme Mercier, qui m'avait interpellée sur le sujet.

En effet, après un retour de l'administration, vous pouvez découvrir avec étonnement que vous êtes titulaire d'un compte à la Banque postale, ouvert par votre grand-mère il y a maintes années et crédité de 30 euros, ou que vous possédez un terrain en indivision dans une très belle forêt de l'Allier, par exemple.

Vous vous demandez alors pourquoi les services de l'administration ne vous l'ont pas indiqué plus tôt, puisqu'ils le savent maintenant ; mes propos sont sérieux, ce n'est pas un sketch !

Je pense qu'il nous faut progresser pour éviter ce genre de situations. Aussi, je suis particulièrement favorable au préremplissage de la déclaration d'intérêts ; sur ce point, je n'ai pas changé d'avis. Cependant, nous sommes tous soucieux que les dispositifs que nous promettons de créer s'appliquent dans les bons délais.

J'ai donc mené une enquête très sérieuse pour voir quelles étaient nos capacités d'évolution, en me référant à la déclaration d'impôts. Si nous pouvons préremplir cette dernière, pourquoi ne pourrions-nous pas en faire autant pour la déclaration d'intérêts ?

Mme Françoise Gatel, ministre. Jusque-là, nous sommes d'accord. J'ai vérifié comment les choses s'étaient passées et j'ai noté qu'il a fallu du temps – vous le comprendrez – pour sécuriser la feuille de déclaration d'impôts.

Même si un préremplissage est souhaitable, les élections municipales vont se tenir en mars 2026. Dès lors, je ne suis pas sûre que nous puissions garantir que les choses seront réglées comme vous le souhaitez. En tout cas, je ne vous le promettrai pas.

Je voudrais vous rappeler la conséquence de l'évolution envisagée : les élus locaux seront remboursés de leurs frais de campagne une fois que la procédure de déclaration d'intérêts aura été accomplie.

Le préremplissage est une très bonne idée, mais encore faut-il qu'elle puisse être mise en œuvre. Je m'imagine déjà devoir répondre – si je suis encore ministre au printemps prochain – à la question d'actualité d'un sénateur me reprochant, avec énervement, de ne pas avoir accompli ce qui avait été promis.

Mon propos est très clair : je vous propose pour l'heure de sécuriser les choses, mais je ne renonce pas à toute progression pour autant. Il appartient au pouvoir législatif – et notamment à votre commission des lois, madame la présidente Jourda – de continuer à investiguer, de manière à travailler en bonne intelligence avec la HATVP. Celle-ci manifeste clairement la volonté d'améliorer les choses, mais elle craint que les délais ne puissent pas être tenus.

J'invite donc votre commission des lois et, de manière générale, le Parlement à poursuivre le dialogue constructif engagé avec la HATVP, pour que nous puissions avancer.

Cet amendement s'inspire du principe que nous connaissons tous : « Dites-le-nous une fois. » Le Gouvernement propose que le préremplissage soit ciblé sur les éléments de la déclaration d'intérêts dont dispose déjà la HATVP dans le cadre de précédentes déclarations, et qu'il soit ensuite procédé à un ajustement.

Le pas en avant que nous proposons de faire peut vous sembler petit et peu satisfaisant, mais, pour être très claire avec vous, notre volonté est de sécuriser le dispositif, même si nous tenons compte de la volonté des uns et des autres de progresser.

On a beau dire que les promesses n'engagent que ceux qui les font, sur un sujet comme celui-là, je ne vous promettrai que ce que nous pourrons réaliser.

Le dispositif est déjà favorable aux élus locaux et constitue un progrès. Il nous appartiendra, ensuite, de faire avancer les choses. Sachez que la HATVP, avec l'appui du Gouvernement, fera de son mieux pour que le dispositif soit opérationnel dès les prochaines élections municipales.