M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. La commission se range à l’avis du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par M. Lurel, Mme Canalès, MM. Fichet, Jacquin, Kanner et Cozic, Mme Le Houerou, M. Raynal, Mmes Briquet et Blatrix Contat, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les moyens humains et matériels alloués à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à la direction générale des finances publiques et à la direction générale des douanes et droits indirects. Le rapport évalue l’adéquation entre d’un côté l’évolution du montant des crédits et des effectifs de personnels des directions et de l’autre, l’évolution de ses missions, ainsi que l’évolution des enjeux et des priorités auxquelles les directions doivent répondre, notamment du point de vue de la lutte contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale et le blanchiment des capitaux.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Par cet amendement, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les moyens mis à disposition des services de lutte contre la fraude. Il s’agit de s’assurer que nous sommes bien à la hauteur des ambitions affichées par ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Le rapport ici demandé couvre un spectre très large d’administrations. Par ailleurs, les moyens et les effectifs de la douane, de la DGFiP et de la DGCCRF font l’objet d’évaluations régulières de la part d’organismes chargés d’évaluer les politiques publiques, comme la Cour des comptes, entre autres.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Nous connaissons l’avis traditionnel de notre assemblée sur les demandes de rapport. Il n’empêche que nous soutenons l’amendement de notre collègue Lurel, et cela pour une raison simple : comme nous l’évoquions au début du débat, ce projet de loi ne permet pas de renforcer les moyens humains pour lutter contre la fraude, alors que c’est absolument nécessaire.
La commission d’enquête menée par Raphaël Daubet et Nathalie Goulet avait conduit à formuler une proposition forte : utiliser les avoirs saisis pour créer un fonds de concours destiné à renforcer la lutte contre le blanchiment et la fraude. Or l’amendement qui a été déposé en ce sens s’est heurté à l’article 45 de la Constitution.
C’est précisément la raison pour laquelle il est nécessaire de voter l’amendement de M. Lurel. Si nous n’évaluons jamais les moyens consacrés à la lutte contre la fraude, nous continuerons d’avoir aussi peu de résultats. Encore une fois, seuls 2,9 milliards d’euros ont été détectés au titre de la fraude, alors que celle-ci se chiffre en dizaines de milliards d’euros.
À un moment, il faut que l’on prenne le problème à bras-le-corps, ce qui suppose de renforcer les moyens humains.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. L’amendement n° 22 de M. Lurel visait à inclure les faits de blanchiment aggravé dans la liste des infractions pénales autorisant les agents de la DGFiP à concourir aux enquêtes menées par la justice. Il se trouve qu’il a été rejeté par notre assemblée, après que le Gouvernement a émis un avis défavorable, sans vraiment le motiver.
Au travers de l’amendement n° 23, notre collègue propose que le Gouvernement nous remette un rapport, afin de vérifier que des moyens humains adéquats sont alloués à la DGFiP, soit la direction qui a perdu le plus d’équivalents temps plein (ETP) de toute la fonction publique d’État. Là encore, la commission des finances et le Gouvernement ont désapprouvé cette proposition, conformément au rejet traditionnel des demandes de rapport.
Peut-on collectivement constater que les moyens humains de la DGFiP doivent être renforcés ? Pourquoi ces moyens sont-ils insuffisants ? Où le manque d’effectifs est-il le plus prégnant, et comment y remédier ?
J’y insiste, le rapporteur pour avis et le ministre en particulier ont assez peu motivé leur avis défavorable, alors que ce sujet mérite tout de même des explications plus poussées.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Jusqu’à présent, j’ai voté en faveur des amendements déposés par notre collègue Lurel, mais je ne voterai pas celui-ci.
Mes chers collègues, je vous invite à assister, demain matin, à la présentation du rapport spécial de Claude Nougein, en commission des finances, sur la mission « Gestion des finances publiques ». Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, je soutiens le rapporteur et le ministre sur ce sujet. Je recommande à mes collègues de se précipiter sur l’orange budgétaire, soit le document de politique transversale consacré à la lutte contre la fraude fiscale, celui-ci détaillant l’ensemble des dispositifs et des moyens humains qui y sont consacrés.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il ne suffit pas de dire quels sont les moyens alloués à la DGFiP. Il faut en plus vérifier que ces derniers sont bien en adéquation avec l’objectif affiché : combattre efficacement la fraude fiscale et assurer un rendement pour l’État.
Tout à l’heure, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que les effectifs de la DGFiP ont été multipliés par deux. Soit, mais à partir de combien ? Certains prétendent que, en dix ans, les effectifs ont été réduits d’un quart : ce sont donc des dizaines de milliers de postes qui ont été supprimés, sur un effectif global de 100 000 ETP.
Les représentants de la DGFiP, avec lesquels nous nous sommes entretenus, s’étonnent eux-mêmes du peu de moyens qui leur sont alloués. Notez que cette direction rapporte plus qu’elle ne coûte : sa situation dépasse celle du simple autofinancement.
Les effectifs ont peut-être été doublés en quatre ans, monsieur le ministre, mais à partir d’un étiage complètement catastrophique. Cette réévaluation des moyens humains n’est donc pas suffisante et, en tout état de cause, elle interpelle quant à votre ambition de lutter réellement contre la fraude sociale.
Dans ces conditions, il est bon d’avoir un rapport qui détaille avec un peu plus de profondeur ce qu’étaient les effectifs de la DGFiP. Ces derniers auraient été, d’après Force ouvrière (FO), divisés par quatre : c’est un véritable scandale !
Nous doutons des objectifs affichés et de votre connaissance du problème. Je l’ai dit tout à l’heure, le montant de la fraude fiscale est compris entre 14 milliards et 100 milliards d’euros. Les moyens sont donc inadéquats par rapport à votre discours et à vos ambitions politiques.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. David Amiel, ministre délégué. Les chiffres sur lesquels je me fonde sont publics, madame Poncet Monge. Le montant de la fraude détectée est passé d’environ 9 milliards d’euros à 20 milliards d’euros en 2024 : voilà le doublement dont je parle.
Il est loin d’avoir un impact négligeable sur nos finances publiques et met d’ailleurs en perspective les objectifs que vous avez rappelés pour l’année prochaine. En quatre ans, 2,5 milliards d’euros supplémentaires ont été détectés au titre de la fraude chaque année.
Quant aux effectifs, je parlais des recrutements effectués pour mener les enquêtes les plus approfondies. À cet égard, je veux citer la création de l’Office national antifraude (Onaf), qui emploie 80 agents dont les compétences judiciaires permettent d’articuler les procédures pénales et administratives, donc d’obtenir des résultats.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 19 (priorité)
I. – Le I de l’article 1744 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 250 000 » sont remplacés par les mots : « cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 » ;
2° Le septième alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « cinq ans d’emprisonnement et à 500 000 € d’amende » sont remplacés par les mots : « sept ans d’emprisonnement et à une amende de 3 000 000 € » ;
b) Sont ajoutés les mots : « ou en bande organisée ».
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l’article 705, après le 9°, il est inséré un 10° ainsi rédigé :
« 10° Délits mentionnés à l’article 1744 du code général des impôts. » ;
2° Le 2° de l’article 706-1-1 est abrogé ;
3° L’article 706-73-1 est complété par des 16° et 17° ainsi rédigés :
« 16° Délits mentionnés aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées que ces infractions résultent de l’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° du II de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales ;
« 17° Délits mentionnés au I de l’article 1744 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée. – (Adopté.)
Après l’article 19 (priorité)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 244 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le III de la section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du code général des impôts, il est inséré un … ainsi rédigé :
« … : Déchéance des droits à perception de certains avantages fiscaux
« Article 200-0 … – I. – Les personnes morales qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour l’une des infractions prévues aux articles 1729 A bis et 1741 du code général des impôts sont inéligibles à l’un des avantages fiscaux suivants :
« 1° Les allègements d’imposition prévus aux articles 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 terdecies, 44 quaterdecies, 44 quindecies et 208 sexies ;
« 2° Les crédits d’impôts prévus aux articles 244 quater B, 244 quater C ;
« 3° Les réductions d’impôts prévus à l’article 238 bis. »
« II. – L’inéligibilité à l’un des avantages fiscaux énumérés au précédent paragraphe est automatique et porte pour une durée de sept ans à compter de la condamnation définitive.
« III. – Un décret fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Cet amendement est d’une logique simple et implacable : une entreprise condamnée pour fraude fiscale grave ne peut continuer à bénéficier d’avantages fiscaux financés par la collectivité. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.)
L’État ne peut pas d’un côté sanctionner la fraude et, de l’autre, subventionner le fraudeur. Il y va de la cohérence du système, mais c’est aussi une question élémentaire de respect de la loi commune.
Il nous a pourtant été opposé, à propos d’un amendement précédent concernant les personnes physiques, l’argument de l’individualisation et de la proportionnalité de la peine. Cet argument classique ne s’applique pas ici, puisque la mesure proposée n’est pas une peine au sens de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
En effet, elle n’a ni la nature ni la finalité d’une sanction répressive. Il s’agit d’une mesure de garantie et d’ordre public fiscal, qui tire les conséquences objectives d’une condamnation définitive pour fraude.
De même qu’une entreprise condamnée pour corruption ne peut plus candidater à un marché public, ou qu’une banque sanctionnée par l’ACPR peut perdre son agrément, il est parfaitement logique qu’une société condamnée pour fraude fiscale soit, pour un temps, exclue des dispositifs d’aide fiscaux.
Il s’agit non pas de juger une seconde fois, mais d’éviter que l’argent public ne récompense la fraude.
M. le président. L’amendement n° 227 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le III de la section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du code général des impôts, il est inséré un … ainsi rédigé :
« … : Déchéance des droits à perception de certains avantages fiscaux
« Article 200-0 … – I. – Les personnes physiques qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour l’une des infractions prévues aux articles 1729 A bis et 1741 sont inéligibles à l’un des avantages fiscaux suivants :
« 1° L’avantage en impôt procuré par les déductions au titre de l’amortissement prévues aux h et l du 1° du I de l’article 31 et à l’article 31 bis ;
« 2° Les réductions, y compris, le cas échéant, pour leur montant acquis au titre d’une année antérieure et reporté, et crédits d’impôt sur le revenu ;
« 3° La réduction d’impôt acquise au titre des investissements mentionnés à la première phrase des vingt-sixième et vingt-septièmes alinéas du I de l’article 199 undecies B. La réduction d’impôt acquise au titre des investissements mentionnés à la deuxième phrase du vingt-sixième alinéa du I de l’article 199 undecies B et à l’article 199 undecies C. »
« II. – L’inéligibilité à l’un des avantages fiscaux énumérés au I est automatique et porte pour une durée de cinq ans à compter de la condamnation définitive.
« III. – Un décret fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Comme pour l’amendement précédent, nous estimons que toute condamnation pénale d’une entreprise pour une infraction fiscale lourde doit entraîner la déchéance fiscale, ce qui aurait pour conséquence de priver la société concernée du droit à bénéficier de tout avantage fiscal pour une durée de cinq ans.
M. le président. L’amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 131-11 du code pénal, il est inséré un article 131-11- … ainsi rédigé :
« Art. 131-11- … – En cas de condamnation pour fraude aux prestations sociales ou pour fraude fiscale, la juridiction peut prononcer, à titre de peine complémentaire, l’interdiction pour le condamné de bénéficier d’aides publiques, de subventions ou de prestations sociales pour une durée maximale de cinq ans à compter de la décision devenue définitive. »
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Les fraudes aux prestations sociales et fiscales portent atteinte à la solidarité nationale et affaiblissent la confiance des contribuables dans l’équité du système.
Afin de doter les juridictions d’un instrument proportionné permettant de sanctionner les fraudes les plus graves, le présent amendement vise à créer une peine complémentaire consistant à interdire à la personne condamnée de bénéficier d’aides publiques, de subventions ou de prestations sociales pour une durée maximale de cinq ans.
Cette peine, que nous suggérons d’intégrer dans le code pénal, respecte les exigences d’individualisation et de proportionnalité des sanctions.
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié bis, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Laouedj, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 1741 du code général des impôts, il est inséré un article 1741 … ainsi rédigé :
« Art. 1741 … – I. – Toute personne physique ou morale condamnée en application des dispositions de l’article 1741 peut être privée, pour une durée de trois ans, du bénéfice des dispositifs d’aides publiques accordées par l’État ou ses établissements publics.
« II. – Toute personne physique ou morale condamnée pour des faits de fraude aux prestations ou aux cotisations sociales, dans les conditions prévues à l’article L. 114-9 du code de la sécurité sociale, peut être privée, pour une durée de trois ans, du bénéfice des dispositifs fraudés gérés par l’État ou les administrations sociales.
« III. – Les I et II ne s’appliquent pas aux aides visant à assurer la continuité de l’emploi, la couverture des risques sociaux des salariés, ni à celles accordées à des personnes tierces dépourvues de lien juridique avec la personne condamnée.
« IV. – Les dispositions du présent article s’appliquent aux dispositifs de soutien public attribués à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° du relative à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, selon les modalités fixées par décret. »
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Cet amendement du groupe RDSE vise à s’inspirer directement des constats dressés par la commission d’enquête du Sénat relative aux aides publiques aux entreprises. Vous connaissez le problème, mes chers collègues : plus de 111 milliards d’euros d’aides sont distribués chaque année, souvent sans véritable condition ni contrôle.
La commission d’enquête, dont le président, Olivier Rietmann, participe à nos débats aujourd’hui, a mis en évidence une faille majeure : rien n’empêche l’entreprise condamnée pour fraude fiscale ou sociale de continuer à percevoir des fonds publics.
C’est pourquoi il a été recommandé d’interdire l’octroi d’aides publiques et d’imposer le remboursement aux entreprises condamnées pour des infractions graves.
Notre amendement vise à s’inscrire pleinement dans cette logique de responsabilisation et de cohérence, puisqu’il a pour objet d’exclure les fraudeurs du bénéfice de certaines aides publiques. Il s’agit non pas d’une double peine, mais d’une mesure de bon sens : une entreprise qui a trompé l’État ne peut pas, dans le même temps, bénéficier de sa solidarité financière. Cette disposition est proportionnée et ciblée.
Par cet amendement, nous souhaitons garantir que l’argent public soutienne ceux qui respectent la loi, et non ceux qui la contournent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Ces amendements ont pour objet de déchoir les personnes physiques de leur droit à percevoir certains dispositifs fiscaux, selon des durées variables.
Bien entendu, je comprends l’intention ici exprimée : nos collègues souhaitent que nous soyons les plus fermes possible avec les fraudeurs. Toutefois, les dispositifs proposés soulèvent quelques difficultés.
D’une part, la privation de certains avantages fiscaux serait automatique. Or, en l’état actuel du droit, les peines complémentaires sont facultatives et leur prononcé ressort de la seule décision des magistrats. En conséquence, ces dispositions nous semblent pour le moins fragiles.
D’autre part, la privation d’avantages fiscaux est envisagée pour une durée de sept ans, cinq ans ou trois ans. Or non seulement le juge ne pourrait pas adapter la durée de la privation aux circonstances de l’espèce, mais cette durée ne tiendrait pas compte de la gravité des faits.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Rappelons tout d’abord le droit existant : la loi de finances pour 2024 a instauré une peine complémentaire de privation temporaire des droits à réduction et crédits d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune immobilière visant les personnes physiques coupables de fraude fiscale aggravée, de recel ou de blanchiment de ce délit. Il me paraît important de fixer ce cadre.
Dès lors, il nous semble que les amendements qui visent à étendre ces dispositifs à des aides publiques posent un problème de proportionnalité, ainsi que le rapporteur vient de le rappeler.
De même, les dispositifs visant les entreprises nous paraissent également problématiques, dans la mesure où seul le dirigeant est le plus souvent reconnu coupable de fraude. L’adoption de ces amendements conduirait à sanctionner l’ensemble de l’outil productif, sans considération des effets que cela pourrait emporter sur les salariés.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.
M. Christian Bilhac. J’ai bien entendu qu’il s’agirait d’une peine complémentaire. Non, il ne s’agit pas de cela !
Une peine, c’est lorsque l’on prend quelque chose à quelqu’un : s’il s’agit d’une amende, on prend de l’argent, s’il s’agit d’une peine de prison, on prend la liberté de quelqu’un.
En l’espèce, on ne prend rien, on cesse seulement de donner. Ce n’est pas pareil ! Devrions-nous donc continuer de donner à un fraudeur et, ainsi, le récompenser ?
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Je voudrais rectifier certaines affirmations : non, on ne continue pas de verser des aides ou des primes fiscales à des fraudeurs.
Dès lors que la fraude est révélée, on inflige au coupable une amende et un redressement : l’intéressé paye l’impôt, subit un redressement et s’acquitte de pénalités. Veillons à ne pas faire croire que les fraudeurs ne seraient pas punis dans notre pays ; bien au contraire, ils le sont, et très fort.
Quant à l’amendement défendu par notre collègue Michel Masset, j’ai coutume de dire que ceux qui parlent du rapport sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants ne l’ont pas lu, tant on entend de bêtises à son sujet. Or, en l’espèce, je suis surpris, car M. Masset était membre de la commission d’enquête et a été très présent et attentif au cours des débats.
Le rapport ne dit absolument pas cela ; il indique que le contrôle sur les aides publiques aux entreprises est fait, et bien fait, qu’il va jusqu’au bout et que des sanctions sont prévues en cas de fraude.
Il relève, en revanche, un véritable problème quant à l’évaluation des dispositifs ou à leur conditionnalité. Pour autant, le contrôle est bien assuré par l’administration fiscale. Nous préconisons, entre autres, que les aides ne soient pas versées à des entreprises qui ne respectent pas la loi en matière sociale ou environnementale. Cela me semble de bon aloi.
Gardons-nous, en revanche, d’aller plus loin en prétendant que les contrôles ne seraient pas opérés. Je ne peux laisser passer une telle contre-vérité !
Je suis désolé, mon cher Michel Masset, mais il s’agit d’une mauvaise interprétation du rapport. Les contrôles fiscaux sont bien faits et des sanctions tombent en cas de malversation.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)


