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Mise au point au sujet d'un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé.

M. Khalifé Khalifé. Lors du scrutin public n° 42, sur l'amendement n° 572 rectifié septies, tendant à insérer un article additionnel après l'article 11 septies du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, mon collègue Antoine Lefèvre souhaitait voter contre.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin.

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Article 30 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Après l'article 30

Financement de la sécurité sociale pour 2026

Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 842 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel après l'article 30.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 31

Après l'article 30

Mme la présidente. L'amendement n° 842 rectifié bis, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile et Fouassin, Mme Nadille, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l'article 30

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l'article L. 1413-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1413-1-… ainsi rédigé  :

« Art. L. 1413-1 – Tout système d'information acquis, développé ou déployé par Santé publique France, les agences régionales de santé ou leurs établissements partenaires, fait obligation d'assurer l'interopérabilité fonctionnelle, technique et sémantique avec les dispositifs nationaux et régionaux de veille, de pilotage et de gestion sanitaire, selon les référentiels d'interopérabilité fixés par l'Agence du numérique en santé (CI-SIS) et publiquement notifiés.

« Le respect de cette interopérabilité conditionne toute attribution de subvention, aide à l'investissement, ou dotation pour charges d'investissement, accordée sur crédits de la mission "Santé" du budget général, du Fonds pour la transformation de l'action publique, ou toute enveloppe spécifique mobilisée dans le cadre du Ségur du numérique en santé, à compter du 1er juillet 2026.

« Un décret en Conseil d'État précise :

« 1° Le périmètre fonctionnel des systèmes d'information concernés,

« 2° Le calendrier d'application anticipée ou différée par familles de système d'information,

« 3° La procédure de vérification ou d'audit préalable à tout soutien financier,

« 4° et les modalités de reporting d'avancement transmises, chaque année, à la représentation nationale.

« Tout manquement constaté entraîne la suspension immédiate du soutien financier octroyé pour le projet non conforme. »

II. – Un rapport d'étape, transmis annuellement au Parlement avant le 30 septembre, rend public l'état de la conformité et du partage effectif des systèmes d'information, région par région, pour la veille, la gestion de crise, et la gouvernance sanitaire.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Le bon sens est aux concepteurs de logiciels ce que le platisme est à l'astronomie…

C'est pourquoi, au travers de cet amendement, nous avons un objectif simple : faire en sorte que, en matière de santé publique, tous les systèmes d'information administratifs, et non médicaux, qu'ils relèvent de Santé publique France, des agences régionales de santé ou de leurs partenaires, puissent enfin dialoguer entre eux.

En conditionnant le financement public au respect des standards d'interopérabilité fixés par l'Agence du numérique en santé, nous mettrions fin à la fragmentation actuelle et garantirions une meilleure coordination nationale et territoriale. Ce dispositif, assorti d'un audit annuel et d'un rapport public au Parlement, renforcerait la transparence, la performance, surtout, ainsi que la souveraineté numérique de notre pays et de notre système de santé.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l'assurance maladie. Cet amendement vise à conditionner l'attribution de subventions à l'interopérabilité des systèmes d'information en santé. Or il est satisfait par la législation en vigueur, puisque l'Agence du numérique en santé veille précisément au respect des référentiels d'interopérabilité, de sécurité et d'éthique qu'elle élabore.

Par ailleurs, l'attribution de fonds publics au financement d'opérations de conception ou de renouvellement de systèmes d'information ou de services numériques en santé est déjà conditionnée à des engagements de mise en conformité auxdits référentiels d'interopérabilité.

Pour ces raisons, je vous propose de retirer cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. Même si les règles d'interopérabilité sont déjà inscrites dans la loi, il reste encore du travail pour les rendre effectives.

Cet amendement étant satisfait, j'en demande de retrait.

Mme la présidente. Monsieur Lévrier, l'amendement n° 842 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Martin Lévrier. Cet amendement était un amendement d'appel, mais j'insiste lourdement sur la problématique qu'il soulève.

Nous ne pouvons pas dépendre de concepteurs de logiciels qui font traîner les systèmes – nous nous plaignons déjà des normes et des règlements – et dont la lenteur et le refus de partager entre eux des informations empêchent tous les Français de bénéficier d'un système plus efficace et plus rapide.

C'est inadmissible, et cela fait trop longtemps que cela dure. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)

Cela étant, je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 842 rectifié bis est retiré.

Après l'article 30
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Après l'article 31

Article 31

I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l'article L. 1111-15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Tout établissement, service ou organisme ou tout autre personne morale assurant des activités de prévention, de diagnostic ou de soins doit mettre en place les mesures matérielles, organisationnelles et d'information des professionnels exerçant en son sein, définies par décret en Conseil d'État, permettant le respect par ces derniers des obligations de report dans le dossier médical partagé prévues au premier alinéa du présent article. » ;

2° Après le même article L. 1111-15, sont insérés des articles L. 1111-15-1 à L. 1111-15-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 1111-15-1. – En cas de manquement aux obligations de reporter des éléments dans le dossier médical partagé fixées au premier alinéa de l'article L. 1111-15, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie compétent peut, sur la base des éléments constatés par l'organisme mentionné à l'article L. 221-1 du code de la sécurité sociale, au regard des seuils de report définis par activité par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, prononcer à l'encontre du professionnel de santé, après l'avoir mis en mesure de présenter ses observations, une pénalité financière.

« Le montant maximal de la pénalité à l'encontre des professionnels de santé est fixé à 2 500 euros par manquement constaté, sans pouvoir excéder 10 000 euros par an.

« Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité du manquement et du nombre de manquements déjà constatés durant une période déterminée imputables au même auteur.

« Art. L. 1111-15-2. – En cas de manquement à l'obligation de mettre en place les mesures mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 1111-15, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie compétent peut prononcer une pénalité financière à l'encontre d'un établissement, service ou organisme ou d'une autre personne morale, après l'avoir mis en mesure de présenter ses observations.

« Le montant maximal de la pénalité à l'encontre d'un établissement, service ou organisme ou d'une autre personne morale est fixé à 25 000 euros par manquement constaté, sans pouvoir excéder 100 000 euros par an. Il est calculé en fonction du volume d'activité.

« Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité du manquement et du nombre de manquements déjà constatés durant une période déterminée imputables au même auteur.

« Art. L. 1111-15-3. – Les pénalités mentionnées aux articles L. 1111-15-1 et L. 1111-15-2 sont recouvrées par l'organisme local d'assurance maladie compétent. Les huitième et avant-dernier alinéa du I de l'article L. 114-17-2 du code de la sécurité sociale sont applicables au recouvrement des pénalités. Leur produit est affecté à la Caisse nationale de l'assurance maladie. La décision prononçant cette pénalité peut être contestée devant le tribunal judiciaire spécialement désigné en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire.

« Les modalités d'application des articles L. 1111-15-1 et L. 1111-15-2 et du présent article sont définies par décret en Conseil d'État, notamment la nature des informations et les durées prises en compte, les règles et délais de procédure et les modes de calcul des pénalités financières. »

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 162-1-7-1, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025, est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « que celui-ci a préalablement consulté le dossier médical partagé du patient ou » sont supprimés ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « s'il a préalablement consulté le dossier médical partagé du patient ou » sont supprimés ;

c) Au troisième alinéa, les mots : « que le prescripteur n'a pas consulté préalablement le dossier médical partagé du patient ou » sont supprimés ;

2° Après l'article L. 162-1-7-5, il est inséré un article L. 162-1-7-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 162-1-7-6. – Dans le respect des conditions d'accès définies aux articles L. 1111-16 à L. 1111-18 du code de la santé publique, le prescripteur consulte le dossier médical partagé du patient avant la prescription d'un produit de santé et de ses prestations associées, d'un acte inscrit sur la liste prévue à l'article L. 162-1-7 ou d'un transport de patient, lorsqu'ils sont particulièrement coûteux pour l'assurance maladie ou en cas de risque de mésusage. La liste des actes ou produits coûteux concernés est définie par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

« Le directeur de l'organisme local d'assurance maladie compétent peut, sur la base des éléments constatés par l'organisme mentionné à l'article L. 221-1 du code de la sécurité sociale, prononcer une pénalité financière à l'encontre d'un professionnel de santé, après l'avoir mis en mesure de présenter ses observations, en cas de manquement à l'obligation de consulter le dossier médical partagé dans les cas mentionnés au premier alinéa du présent code.

« Le montant maximal de la pénalité à l'encontre des professionnels de santé est fixé à 2 500 euros par manquement constaté, sans pouvoir excéder 10 000 euros par an.

« La pénalité est recouvrée par l'organisme local d'assurance maladie compétent. Les huitième et avant-dernier alinéa du I de l'article L. 114-17-2 sont applicables au recouvrement de cette pénalité. Son produit est affecté à la Caisse nationale de l'assurance maladie. La décision prononçant cette pénalité peut être contestée devant le tribunal judiciaire spécialement désigné en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire.

« Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État, notamment la nature des informations et les durées prises en compte, les règles et délais de procédure et les modes de calcul de la pénalité financière. »

III. – Au premier alinéa de l'article 20-5-6 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte, après la référence : « L. 162-1-7, », est insérée la référence : « L. 162-1-7-6, ».

IV. – Le I du présent article entre en vigueur dans des conditions et à une date fixées par décret en Conseil d'État, et au plus tard le 1er mars 2027.

Le 2° du II et le III entrent en vigueur dans des conditions et à une date fixées par décret en Conseil d'État, et au plus tard le 1er juillet 2027.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 246 rectifié ter est présenté par M. Parigi, Mme Devésa, MM. Kern et Longeot et Mmes Housseau et Perrot.

L'amendement n° 404 rectifié ter est présenté par Mmes Lassarade et Richer, MM. Panunzi, Bonhomme et H. Leroy, Mme de La Provôté, M. Lefèvre, Mme Malet, MM. Burgoa et Houpert, Mmes Berthet et Aeschlimann, MM. D. Laurent, Margueritte, Cambon et Genet, Mmes Bonfanti-Dossat et Di Folco, M. de Nicolaÿ, Mme Borchio Fontimp et MM. Duplomb, J.M. Boyer et Gremillet.

L'amendement n° 494 rectifié bis est présenté par MM. Milon et Khalifé, Mme Deseyne, MM. Sol et Somon et Mme Micouleau.

L'amendement n° 690 est présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L'amendement n° 246 rectifié ter n'est pas soutenu.

La parole est à M. Laurent Duplomb, pour présenter l'amendement n° 404 rectifié ter.

M. Laurent Duplomb. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l'amendement n° 494 rectifié bis.

M. Khalifé Khalifé. Notre amendement tend à supprimer l'article 31 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), lequel vise à renforcer les obligations d'alimentation et de consultation du dossier médical partagé (DMP) en prévoyant un régime de sanctions financières à l'encontre des professionnels et des établissements de santé qui ne s'y soumettent pas.

En effet, si l'objectif qui sous-tend cet article est louable, les principaux obstacles à l'alimentation effective du DMP sont dues non pas aux médecins, mais bien aux limitations techniques et structurelles des logiciels métiers. C'est la raison pour laquelle il est proposé, en attendant que ces derniers soient conformes, de supprimer cet article.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour présenter l'amendement n° 690.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Lors de l'examen du précédent PLFSS, la commission avait préconisé une approche incitative pour favoriser l'adhésion des professionnels de santé au DMP. Elle avait notamment proposé d'intégrer la consultation et le renseignement du DMP aux critères conventionnels de rémunération des professionnels libéraux et aux critères de l'incitation financière à la qualité des établissements de santé.

Or le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, jugeant leur effet sur les dépenses des régimes obligatoires d'assurance maladie trop indirect pour justifier leur place dans un PLFSS.

À la logique punitive prévue dans l'article 31, nous préférons une logique incitative, d'où cet amendement de suppression. En effet, la mesure reviendrait à faire peser la responsabilité de la réussite ou de l'échec du DMP sur les seuls professionnels de santé.

Pour faire écho à ce qu'a dit Martin Lévrier à l'instant, je confirme que les éditeurs ont aussi leur part de responsabilité. Je suis complètement d'accord avec vous, mon cher collègue : certains traînent des pieds. Je n'irai pas jusqu'à tous les critiquer, mais le fait est qu'on ne sent pas un engouement de leur part. Je pense qu'ils pourraient être sanctionnés s'ils ne font pas évoluer leurs systèmes pour les rendre interopérables.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je suis défavorable à ces amendements de suppression.

J'entends, madame la rapporteure, que vous souhaitez un système incitatif, mais l'obligation de remplir le DMP est inscrite dans la loi depuis 2019. Le dispositif est depuis monté en charge, certains professionnels faisant l'effort de remplir ce dossier. Peut-être faudrait-il aider ceux qui ne le font pas.

Certains amendements, que nous examinerons si l'article n'est pas supprimé, visent à reporter la date d'entrée en vigueur des sanctions. Pourquoi pas ? On peut en discuter, l'essentiel étant de dire aux professionnels de santé qu'il faut maintenant qu'ils remplissent ce dossier, car on sait qu'il améliore la qualité de la prise en charge des patients. Si nous nous obstinons à réclamer aux professionnels de le remplir, ce n'est pas pour les importuner – une fois de plus, me direz-vous. C'est parce que les malades sont mieux soignés lorsque leur dossier est rempli.

Lorsque je me suis déplacée dans un service d'urgence, la première chose que les urgentistes m'ont demandé, c'est de faire en sorte que tout le monde remplisse le DMP. En effet, un malade qui arrive aux urgences a plus de chances d'aller mieux si son DMP est renseigné.

L'obligation de renseigner le DMP, je l'ai dit, figure dans la loi depuis 2019 ; vous proposez aujourd'hui un dispositif incitatif. Je suis ouverte à la recherche d'un compromis, par exemple à une entrée en vigueur un peu plus tardive des sanctions.

Monsieur Lévrier, certains amendements tendent également à sanctionner les éditeurs quand ils sont responsables des difficultés d'utilisation du DMP. Nous en débattrons et nous avancerons sur cette question.

À mon avis, ce ne serait pas une bonne chose pour la qualité de la prise en charge des patients de balayer cet article d'un revers de main.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Je voterai contre la suppression de l'article 31, même si, je le dis d'emblée, il n'est pas parfait. En effet, il comprend des angles morts, risque de susciter des incompréhensions et comporte des rigidités qui nécessitent d'être corrigés. Toutefois, il met en œuvre une ambition essentielle pour notre système de santé : il vise à rendre le dossier médical partagé enfin utile, complet et réellement opérationnel pour celles et ceux qui soignent.

Aujourd'hui, les professionnels de santé perdent un temps considérable à rechercher les informations parce qu'un compte rendu est introuvable, que le bilan d'un examen déjà réalisé n'a pas été communiqué, qu'une ordonnance n'a pas été partagée… Ce temps perdu est du temps volé aux soins, alors qu'un DMP correctement alimenté permettrait d'avoir, en un clic, accès à toutes ces informations.

Le DMP est aussi un moyen d'éviter des actes inutiles. Faute d'accès à l'historique du patient, jusqu'à 40 % des examens d'imagerie seraient redondants. Or chaque répétition injustifiée accroît les délais d'attente d'autres patients, renchérit les coûts pour l'assurance maladie, voire expose des personnes à des risques évitables.

N'oublions pas la coordination. Lorsqu'un patient sort d'hospitalisation, son médecin de ville doit disposer du compte rendu sans délai. De même, lorsqu'un patient arrive aux urgences, l'hôpital doit avoir accès à son parcours, à ses traitements, à ses examens récents. Sans un DMP complet, cette continuité n'existe pas et ce sont les patients qui en subissent les conséquences.

Nous avons déposé plusieurs amendements visant à rendre cet article plus juste et applicable.

D'abord, nous souhaitons que les professionnels et les établissements ne soient pas sanctionnés lorsque le manquement est dû à la défaillance d'un logiciel et que la responsabilité en incombe aux éditeurs. Ensuite, il convient d'intégrer le dossier pharmaceutique au dossier médical partagé, dans une logique de renforcement de la prévention des interactions médicamenteuses. Enfin, et surtout, il faut garantir au patient qu'il restera maître de ses données et que son consentement ou son opposition au partage de ses données sera respecté.

Supprimer cet article, c'est renoncer à des avancées nécessaires et accepter de maintenir un système qui n'est pas optimal, dont les failles pourraient pourtant être corrigées. Un numérique en santé efficace, protecteur et utile n'est pas un luxe, c'est une nécessité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Nous sommes tous convaincus ici de l'intérêt et de l'utilité du DMP pour la pertinence des soins, la non-redondance des examens, la connaissance des antécédents du patient, de ses pathologies, de ses traitements, etc. Ce dossier permet d'éviter des examens, de diminuer les coûts et de réduire les risques pour le patient.

Cela étant, le problème d'interopérabilité avec l'hôpital est important. Je suis ignare en informatique, mais il me semble pourtant que l'on pourrait trouver des systèmes compatibles entre eux.

J'insiste sur la difficulté qu'a soulevée Martin Lévrier concernant les éditeurs de logiciels. Au début de l'informatisation, nous n'avions le choix qu'entre trois ou quatre logiciels. Aujourd'hui, les éditeurs de logiciels se sont engouffrés dans le marché de la santé, qui est très juteux et très fructueux compte tenu du nombre de médecins et d'hôpitaux en France. Nous avons désormais le choix entre une foultitude de logiciels, mais ils ne sont pas tous interopérables.

Ainsi, il nous a fallu « bidouiller » un peu le système informatique du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) pour que les fiches remplies sur le lieu d'intervention par les sapeurs-pompiers ou les photos des plaies arrivent directement aux urgences. Sans cela, il aurait fallu tout recommencer à l'arrivée du patient à l'hôpital.

Les problèmes sont donc avant tout techniques. Si nous approuvons la suppression de cet article, c'est parce que, aujourd'hui, personne ne fait d'effort en matière d'interopérabilité.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Dans la droite ligne de ce qui vient d'être dit et comme nous l'avions d'ailleurs souligné lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale l'année dernière, le problème est non pas l'obligation d'utiliser le DMP, mais l'adaptation des outils.

La procédure d'homologation des évolutions des logiciels par le Centre national de dépôt et d'agrément (CNDA) n'est pas encore effective et l'interopérabilité de ces logiciels avec le DMP toujours pas assurée.

L'année dernière, l'exécutif a publié un arrêté qui donnait aux éditeurs jusqu'à l'été 2026 pour mettre à jour leurs logiciels.

Concrètement, lorsqu'un professionnel de santé entame une consultation, le logiciel lui demande l'autorisation de transférer les données vers le DMP. En théorie, il suffit de cliquer sur « oui » et tout se fait automatiquement ensuite. Seulement, cette fonctionnalité n'est pas encore complètement opérationnelle. Le renseignement du DMP n'est donc pas une question de bonne ou de mauvaise volonté. Et je ne vous parle pas des établissements de santé, qui, comme vous le savez, accusent un bien plus grand retard.

Madame la ministre, voter l'article 31 dès cette année – nous pourrions le faire l'an prochain – serait précipité. Pourquoi vouloir légiférer à tout prix ? Comme l'a dit Annie Le Houerou, nous allons devoir reporter la date d'entrée en vigueur des sanctions.

Le jour où la technique sera au point, où il ne sera plus nécessaire de renseigner le logiciel lors de chaque consultation, alors le DMP fonctionnera.

Par ailleurs, d'autres outils peuvent être utilisés. Alors que Mme Vautrin ciblait particulièrement le secteur de l'imagerie, nous pourrions imaginer que le système envoie une alerte lorsqu'une lettre clé est répétée.

En résumé, je ne m'oppose pas, par principe, à cet article ; j'estime simplement qu'il est prématuré de le voter.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. J'avoue être partagé sur le DMP. Nous avons déjà débattu à maintes reprises de ce sujet, sur lequel Jean-Marie Vanlerenberghe intervenait fréquemment.

Nous sommes tous d'accord, me semble-t-il, pour dire qu'il est indispensable de mettre en place le DMP, afin d'améliorer la qualité des soins, de mieux réguler les actes et de lutter contre les soins redondants.

Toutefois, lorsque l'on se fixe un objectif, compter sur la responsabilité des acteurs ou sur l'incitation ne suffit pas toujours. À un moment donné, il faut envisager la contrainte, voire la sanction, et ne plus laisser le choix. Ce moment est-il arrivé ? C'est une question d'appréciation.

Pour ma part, je considère que nous nous approchons de ce moment, mais que nous n'y sommes pas encore. J'ai testé moi-même le DMP en tant que patient. Je ne suis pas un spécialiste en informatique, mais il me semble qu'il y a bien des domaines dans lesquels les choses sont beaucoup plus simples. Des efforts restent à faire.

Avant de contraindre les professionnels à utiliser le DMP, il faut faire en sorte que l'outil soit irréprochable d'un point de vue technique et opérationnel. Il me semble que cette heure n'est pas tout à fait arrivée.

En revanche, il me paraît logique de tout faire pour mettre en œuvre le DMP dès l'année prochaine et contraindre les professionnels à l'utiliser. Fixer un délai minimum pour atteindre un objectif est souvent le meilleur moyen d'y arriver.

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Cette discussion ressemble étrangement à celle que nous avons eue sur mon amendement précédent.

Mes chers collègues, nous ne sommes pas juste entre nous, nous sommes écoutés : soyez rassurés, les concepteurs de logiciels nous entendent parfaitement. Ils vous répondront comme les Shadoks : « S'il n'y a pas de solution, c'est qu'il n'y a pas de problème ». Voilà où nous en sommes !

J'ai vécu pendant un an cette galère : certains laboratoires remplissent le DMP, d'autres non ; l'hôpital ne le fait pas ; quand un médecin cherche les informations vous concernant, il est obligé de faire 500 clics pour essayer de trouver votre dossier.

En tant que responsables politiques, même si nous n'avons aucune compétence technique dans ce domaine, nous sommes en droit d'imposer aux concepteurs de logiciels de faire des efforts. S'ils ne se donnent pas les moyens d'en faire, c'est parce que nous avons la faiblesse de tout reporter à plus tard et de toujours les croire sur parole. Pour ma part, je ne les crois plus. Il est urgent de leur fixer des dates butoirs et de prévoir des pénalités, comme nous le faisons tous dans nos mairies ou ailleurs.

Le DMP, dont j'entends parler depuis 2017, est indispensable pour nos concitoyens. Nous devons désormais l'imposer et instaurer des pénalités pour les éditeurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit Émilienne Poumirol. Le DMP est bien sûr utile et même indispensable, mais avant d'envisager de telles pénalités, il faudrait que les données médicales y soient renseignées automatiquement. À défaut, les médecins perdront beaucoup de temps et seront découragés, notamment ceux qui sont peu à l'aise avec l'informatique – je pense aux médecins retraités.

Je le répète, il faut absolument que les données médicales soient automatiquement transférées dans le DMP. Par conséquent, je voterai l'amendement défendu par M. Khalifé.