M. Daniel Chasseing. Cet amendement va dans le même sens. Il vise à permettre aux pharmacies d’officine de récupérer les médicaments non utilisés afin de les remettre gratuitement aux établissements sociaux ou médico-sociaux avec lesquels elles sont conventionnées. Je rappelle que ces médicaments sont sécurisés.
Les médecins qui rendent encore visite aux personnes âgées – ils étaient plus nombreux il y a quelques années – découvrent dans leurs placards de très nombreuses boîtes de paracétamol, mais aussi d’autres médicaments, souvent très onéreux.
Il arrive que le médecin spécialiste modifie leur traitement, alors que le généraliste venait de le renouveler une ou deux semaines auparavant. Les médicaments s’accumulent et restent dans leurs boîtes, au fond du placard, ou terminent à la poubelle.
Une réflexion s’impose sur ce sujet, car cette situation dure depuis des années. On doit pouvoir trouver des solutions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission émet un avis défavorable, pour les raisons de fond que j’ai exprimées précédemment, cet amendement tendant à élargir le périmètre de l’expérimentation à la ville.
L’ordre des pharmaciens a fait part de ses vives préoccupations concernant une telle extension, alors que plusieurs amendements avaient été déposés sur ce sujet à l’Assemblée nationale.
Je rappelle, mes chers collègues, que le trafic de faux médicaments rapporte davantage, à l’échelon mondial, que le trafic de drogue. Soyons donc attentifs à la sécurité du médicament. On ne peut pas demander aux pharmaciens de s’en assurer, via la sérialisation, tout en leur imposant de récupérer des médicaments pour les redistribuer aux patients.
Je vous rappelle également que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) interdit, depuis 2009, la redistribution des médicaments non utilisés.
Il nous faut raison garder concernant les patients qui accumulent de petites boîtes jaunes dans leur pharmacie. Un travail de pédagogie incombe aussi aux professionnels de santé, notamment aux médecins. Certes, lorsque ces derniers se rendaient à domicile, ils faisaient le tour de la pharmacie pour vérifier les stocks ; aujourd’hui, nous voyons des prescriptions médicales sur lesquelles le médecin a inscrit « ne pas délivrer ». Les patients ont également acquis une certaine conscience.
Je ne dis pas que tout est parfait. Je pense qu’un véritable travail de pédagogie reste à faire, mais je constate globalement, en me fondant sur mon expérience de pharmacienne dans une autre vie, que nous récupérons moins de médicaments non utilisés que par le passé, et c’est heureux.
Un travail de sensibilisation demeure nécessaire ; en attendant, la commission est défavorable à l’élargissement de cette expérimentation à la ville.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 1267 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Je comprends vos réserves, madame la rapporteure.
En Corrèze, des médecins se déplacent encore et se rendent compte, par exemple, que le spécialiste a remplacé certains médicaments par d’autres sur l’ordonnance. Leur effet médical est sensiblement le même, mais ils portent un autre nom. Les médicaments prescrits antérieurement restent donc sur place. Il n’existe aucune possibilité de réemploi.
L’État doit engager une réflexion sur ce sujet afin de trouver des solutions.
Dans cette attente, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 1267 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 691, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 13, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Les cessions réalisées ne peuvent avoir pour effet de porter atteinte, même temporairement, à l’intégrité du stock de l’État constitué en application du premier alinéa de l’article L. 1413-4 dudit code.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement tend à sécuriser les conditions de cession à titre gratuit des masques de l’État.
La possibilité de céder à des établissements publics de santé ou médico-sociaux des masques issus du stock stratégique de l’État avant leur péremption constitue une mesure de bonne gestion ; elle répond à une recommandation de la Cour des comptes et permettra une gestion plus dynamique des stocks, libérée des coûts de destruction évitables.
Je rappelle que le niveau du stock stratégique a été relevé, à la suite de la crise sanitaire, à 2 milliards de masques.
Toutefois, il ne paraît pas inutile de sécuriser les conditions de ces cessions pour s’assurer qu’elles ne conduisent pas à une diminution, même provisoire, du stock de l’État, qui pourrait mettre sous tension le système de santé en cas de survenue d’une situation d’urgence ou d’une crise sanitaire.
La crise du covid nous a enseigné la prudence et l’anticipation. Il ne faudrait pas qu’une bonne mesure visant à lutter contre le gaspillage conduise à une baisse temporaire du stock, d’autant que la Cour des comptes et la direction générale de la santé (DGS) évoquent des délais de réapprovisionnement excédant parfois les délais prévisionnels après commande.
Cet amendement vise donc à préciser les conditions de cession à venir.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Vous souhaitez encadrer les cessions de masques de Santé publique France aux établissements de santé et aux établissements médico-sociaux, afin de préserver le stock de l’État.
La constitution et la préservation de ce stock sont une priorité. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés à constituer une réserve de 2 milliards de masques à l’horizon 2029.
Je l’affirme très clairement : les cessions de produits détenus et gérés par Santé publique France n’affecteront en aucun cas les volumes de ces stocks hautement stratégiques. Ces opérations ne concerneront que la part des produits excédant la cible, notamment les seuils annuels fixés pour atteindre notre objectif.
Votre amendement étant satisfait, il ne me semble pas nécessaire, je vous invite donc à le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame la rapporteure, l’amendement n° 691 est-il maintenu ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Madame la ministre, vous m’avez rassurée et je vous fais confiance ; je retire donc cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 691 est retiré.
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 273 rectifié ter est présenté par M. Milon, Mme Deseyne, M. Sol, Mme Lassarade, M. Somon, Mme Micouleau, M. Burgoa et Mme Aeschlimann.
L’amendement n° 361 rectifié bis est présenté par M. Henno, Mmes Vermeillet, Vérien et Saint-Pé, M. Pillefer, Mme Perrot, MM. Mizzon, Menonville, Levi, Laugier et Lafon, Mme Guidez, M. Dhersin, Mme de La Provôté, M. Courtial et Mmes Bourguignon, Billon et Antoine.
L’amendement n° 369 rectifié ter est présenté par Mme Romagny, MM. Bonneau, Cambier, Chevalier et Fargeot, Mme Sollogoub et M. Genet.
L’amendement n° 1439 est présenté par M. Khalifé.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – Le 3° du I de l’article L. 5126-1 du code de la santé publique est complété par les mots : « ainsi que de contribuer à la réduction de l’impact environnemental des produits de santé mentionnés au 1° par les activités décrites dans le présent article ».
…. – L’article L. 5126-6 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Afin de lutter contre le gaspillage de conditionnements entamés de médicaments rendus impropres à une réutilisation, peuvent être inscrits sur cette liste tous les médicaments qui ne sont pas classés dans la catégorie des médicaments réservés à l’usage hospitalier, en sortie d’hospitalisation. Les conditions de cette dispensation ainsi que les modalités de facturation et de prise en charge de ces médicaments sont fixées par arrêté. »
La parole est à M. Jean Sol, pour présenter l’amendement n° 273 rectifié ter.
M. Jean Sol. La lutte contre le gaspillage des produits de santé, levier de réduction de l’impact environnemental de l’activité pharmaceutique, est essentielle. À cet égard, l’expérimentation proposée à l’article 32 doit être encouragée.
Le présent amendement vise à renforcer l’action des PUI en la matière et à préciser que l’atteinte de cet objectif fait partie de leurs missions propres.
Il tend également à préciser la rédaction de l’article et à indiquer que les sorties d’hospitalisation peuvent occasionner une perte de médicaments sous forme de déchets lorsque les conditionnements de vente ne sont pas adaptés à la durée du séjour.
La disposition que nous proposons permettra aux établissements de santé de remettre les conditionnements entamés aux patients, afin d’assurer la continuité de leur traitement après l’hospitalisation.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 361 rectifié bis.
M. Olivier Henno. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour présenter l’amendement n° 369 rectifié ter.
Mme Anne-Sophie Romagny. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l’amendement n° 1439.
M. Khalifé Khalifé. Il est également défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Si j’ai bien compris, ces amendements tendent à permettre la facturation aux patients, au moment de leur sortie d’hospitalisation, des médicaments dont les conditionnements ont été entamés, mais non terminés, afin que ceux-ci puissent les conserver.
D’une part, contrairement à la ville, les médicaments sont largement distribués à l’unité dans les établissements de santé ; c’est même la norme : c’est ce qu’on appelle la délivrance individuelle nominative. Par conséquent, les pertes et le gaspillage restent limités.
D’autre part, ce que tendent à instaurer ces amendements correspond déjà, du moins en partie, à la pratique des hôpitaux : de nombreux patients quittent l’établissement avec des conditionnements entamés. Toutefois, ceux-ci ne font aujourd’hui l’objet d’aucune facturation.
Votre proposition aurait donc pour effet d’autoriser cette facturation et, partant, le remboursement par l’assurance maladie.
La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Cet amendement est intéressant, sous les réserves qu’a formulées Mme la rapporteure.
La première tient au fait que, dans les établissements, les médicaments sont de plus en plus souvent délivrés à l’unité ; la seconde au fait qu’il en résulterait une double facturation pour l’assurance maladie, qui paierait finalement la boîte à deux reprises.
Dès lors, je ne puis émettre qu’un avis défavorable sur ces amendements tels qu’ils sont rédigés, même si, sur le fond, j’en comprends le sens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain porte un vif intérêt à cet article, soutenu par Unicancer.
L’expérimentation de la réutilisation des médicaments non utilisés nous semble extrêmement intéressante ; elle bénéficie d’ailleurs d’un appui important des médecins, en particulier des cancérologues. Pour avoir échangé avec le directeur de l’Oncopole de Toulouse, je sais qu’il est extrêmement favorable à ce dispositif.
Certes, les traitements sont souvent délivrés à l’unité ou par petites quantités dans les cancéropoles ou dans les centres régionaux anticancéreux (Crac). Il n’en demeure pas moins que les protocoles de chimiothérapie changent souvent, pour des raisons diverses. Il arrive également que le patient décède et que la famille se retrouve avec des quantités de médicaments dont elle ne peut se servir.
Il convient donc, tout simplement, de faire confiance aux pharmaciens des PUI, qui ont toute capacité pour déterminer à quel moment ces médicaments peuvent être réutilisés. En luttant ainsi contre le gaspillage, sachant qu’il s’agit de produits extrêmement coûteux, on fera une économie certaine.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Pour notre part, nous approuvons cette partie de l’article 32, ainsi que, naturellement, les amendements allant dans le même sens.
Nous avons déposé, le 13 octobre dernier, une proposition de loi portée par notre collègue Céline Brulin, visant à autoriser l’Agence nationale de santé publique à céder gratuitement aux hôpitaux les masques arrivant à péremption. Selon un inventaire de l’État de janvier 2024, près de 700 millions de masques, achetés au prix fort pendant la pandémie de covid-19, sont d’ores et déjà périmés ou le seront bientôt.
Or, en l’état actuel de la législation, il est impossible de céder gratuitement les produits acquis aux hôpitaux. Par conséquent, les masques arrivant à péremption devront être recyclés ou détruits, pour un montant estimé entre 1 et 3 millions d’euros, selon Santé publique France.
En mai 2025, la Cour des comptes avait recommandé de faire évoluer le cadre juridique afin de permettre la cession à titre gratuit des produits issus du stock d’État détenu par Santé publique France et d’organiser, en période ordinaire, le circuit de distribution des masques avant leur péremption, en fonction des besoins des hôpitaux publics.
Un amendement en ce sens avait été adopté dans le cadre du PLFSS pour 2022, mais il a été censuré par le Conseil constitutionnel au motif que cette mesure devait faire l’objet d’un véhicule législatif ordinaire. Cette décision a entraîné le dépôt de notre proposition de loi.
Nous espérons que cet article 32 ne sera pas de nouveau censuré par le Conseil constitutionnel, même si cela reste une possibilité. En tout état de cause, si cette censure devait se répéter, nous invitons l’ensemble des soutiens de cet article à cosigner notre proposition de loi, dans un esprit transpartisan.
Mme la présidente. Mme la rapporteure, vous rangez-vous à l’avis défavorable du Gouvernement ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Tout à fait.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 273 rectifié ter, 361 rectifié bis, 369 rectifié ter et 1439.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 32, modifié.
(L’article 32 est adopté.)
Après l’article 32
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 841 rectifié, présenté par MM. Lévrier et Iacovelli, Mme Nadille, MM. Théophile, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 32
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5123-8 du code de la santé publique est ainsi rédigé:
« Afin d’éviter le gaspillage des médicaments, lorsque leur forme pharmaceutique le permet, la délivrance de certains médicaments en officine se fait à l’unité. Les laboratoires pharmaceutiques sont tenus de conditionner les médicaments concernés dans des emballages hermétiques adaptés à une distribution à l’unité, sous forme de bandes à dérouler prédécoupées, assurant l’intégrité, la traçabilité, et la sécurité des doses délivrées. La délivrance de dispositifs médicaux et autres petits équipements ne peut excéder les besoins effectifs en termes de soins.
« Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale fixe la liste des médicaments et dispositifs relevant du présent article. Un décret en Conseil d’État précise les modalités de conditionnement, d’étiquetage, d’information, de traçabilité, et les spécifications techniques des emballages unitaires. »
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Le gaspillage des médicaments en France représente chaque année plusieurs centaines de millions d’euros, sans parler de ses conséquences environnementales. Les résidus des médicaments, qu’il s’agisse d’antibiotiques, d’antidépresseurs ou d’antihistaminiques, se retrouvent désormais dans la quasi-totalité de nos cours d’eau et de nos nappes souterraines.
Cet amendement vise à rendre obligatoire, lorsque cela est techniquement possible, la délivrance de médicaments à l’unité dans des emballages hermétiques et prédécoupés, adaptés à la traçabilité et à la sécurité des doses.
Il s’agit d’une simple mesure de bon sens : il convient d’adapter la délivrance aux besoins réels des patients, de réduire l’automédication et de diminuer à la fois le coût pour l’assurance maladie et l’impact environnemental de nos pratiques sanitaires.
Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), cette mesure permettrait de réduire de 10 % la consommation d’antibiotiques, soit une économie potentielle de 450 millions d’euros par an.
Mme la présidente. L’amendement n° 843 rectifié, présenté par MM. Lévrier et Iacovelli, Mme Nadille, MM. Théophile, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 32
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5123-8 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 5123-8. – Afin d’éviter le gaspillage des médicaments et lorsque leur forme pharmaceutique le permet, la délivrance de certains médicaments en officine se fait à l’unité. De la même manière, la délivrance de dispositifs médicaux et d’autres petits équipements ne peut excéder les besoins effectifs en termes de soins.
« Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale établit la liste des médicaments et des dispositifs qui relèvent du présent article. Un décret en Conseil d’État détermine les modalités particulières de conditionnement, d’étiquetage et d’information de l’assuré ainsi que de traçabilité. »
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Cet amendement est proche du précédent, à ceci près que nous proposons que la forme pharmaceutique de délivrance soit exclusivement l’unité.
Nous n’avons rien inventé : ces solutions existent dans d’autres pays d’Europe. Il ne s’agit donc que d’une amélioration.
Mme la présidente. L’amendement n° 1240, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :
Après l’article 32
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 5123-8 du code de la santé publique, le mot : « peut » est remplacé par le mot : « doit ».
La parole est à M. Aymeric Durox.
M. Aymeric Durox. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ces trois amendements portent sur la dispensation à l’unité.
Partageons d’abord un constat de base : si la dispensation à l’unité constitue plutôt la norme en établissement de santé, elle demeure l’exception en ville, où son développement fait régulièrement l’objet de débats, car il est une source potentielle d’économie.
La Cour des comptes a consacré un rapport à ce sujet, publié voilà quelques jours à peine. Son intitulé est explicite : La délivrance à l’unité des médicaments : une pratique à développer de manière sélective. Dans sa conclusion, la juridiction financière a toutefois relevé que ce dispositif ne représentait pas la solution idéale pour la médecine de ville.
Si la Cour souligne les avantages de ce mode de dispensation – juste prescription, lutte contre le gaspillage, diminution des risques iatrogènes, encore que… –, elle en pointe également les limites. Surtout, elle constate que la dispensation à l’unité ne constitue pas un modèle généralisable en ville, car elle exigerait une transformation profonde de la chaîne de production et de distribution du médicament, pour des gains finalement limités.
En invitant à relativiser les économies attendues, la Cour indique que la mise en œuvre en ville de la dispensation à l’unité nécessiterait d’augmenter de 5 % à 10 % les ressources humaines.
J’ajoute que cette pratique ne constitue pas non plus une solution aux ruptures de stock, puisqu’il est impossible d’y recourir pour les formes injectables ou pédiatriques, lesquelles concentrent pourtant d’importantes tensions d’approvisionnement.
En revanche, je souscris à la nécessité d’œuvrer pour que les laboratoires pharmaceutiques conditionnent les médicaments et les dispositifs médicaux en plus petites quantités, le cas échéant en leur imposant des obligations légales fondées notamment sur les recommandations de la Haute Autorité de santé.
Pour les traitements chroniques, le sujet ne se pose pas. Pour le reste, il s’agit aussi d’une question d’observance. Oui, mes chers collègues, il faut le dire : nous devons renvoyer chacun à ses responsabilités, ou à son intérêt, j’y insiste. Un travail de pédagogie reste donc à accomplir pour encourager les patients à l’observance.
Pour ce qui est des antibiotiques, par exemple, soit les conditionnements correspondent aux recommandations de la HAS, soit, pour prendre un exemple très connu, il faudrait des boîtes de sept comprimés au lieu de six. Là encore, cela relève du dialogue avec l’industrie pharmaceutique.
J’estime en fait que ces amendements tendent à proposer une fausse bonne idée. La commission y est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je tiens à préciser d’emblée que le dispositif de délivrance à l’unité est d’ores et déjà opérationnel. En ce qui concerne les antibiotiques, nous avons adopté, dans les derniers PLFSS, des mesures permettant d’imposer la dispensation à l’unité en cas de pénurie ou de risque de pénurie.
S’ils étaient adoptés, ces amendements contraindraient les pharmaciens à s’équiper de machines importantes, ce qui représente un lourd un investissement, afin de mettre les médicaments à l’unité sous pli hermétique. (M. Martin Lévrier fait un geste de dénégation.)
En raison de ces difficultés de mise en œuvre pratique, je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Il n’y a pas si longtemps, on prenait un médicament en faisant preuve d’une grande attention. On le prenait parce que le docteur l’avait prescrit, en respectant scrupuleusement le nombre de jours de traitement et le nombre de cachets à prendre.
Puis, à un moment donné, pour des raisons économiques, mais aussi en raison du manque de médecins, le discours a changé : l’automédication est devenue possible. Les gens pouvaient se soigner eux-mêmes. On a alors tout à coup eu accès à une foultitude de médicaments, efficaces ou non, et de produits dérivés. Les pharmacies, d’ailleurs, sont devenues des sortes d’épiceries où sont proposés des produits paramédicaux. (Murmures.)
Résultat, nous constatons aujourd’hui que cela va trop loin. Pendant la crise du Doliprane, des infirmières ont raconté que certaines de leurs patientes conservaient dans leur pharmacie des dizaines de boîtes qu’elles n’utilisaient pas et qu’elles n’entendaient pas partager.
Une réflexion de fond doit donc être conduite sur le rôle du médicament, sur sa nature, sur son conditionnement et sur son efficacité, ainsi que sur le rôle du pharmacien en tant que conseil, à partir de l’ordonnance du médecin.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. La dispensation à l’unité me semble complexe à mettre en œuvre, pour des raisons de sécurisation. Vous avez rappelé que les pharmaciens ont l’obligation d’appliquer la sérialisation des boîtes, ce qui permet d’en connaître l’origine exacte ; à l’unité, cette traçabilité serait difficile à mettre en œuvre.
La solution la plus efficace serait d’imposer à l’industrie pharmaceutique des conditionnements correspondant au traitement classique de la maladie contre laquelle il est prescrit.
Vous l’avez dit, madame la rapporteure : pour les traitements au long cours, nous disposons de boîtes de 30 ou de 90 comprimés, encore que certains petits malins proposent des boîtes de 28, ce qui décale le renouvellement au bout d’un certain temps. Pour les traitements plus courts, par exemple une antibiothérapie de six jours, les boîtes doivent correspondre à six jours de traitement ; pour les macrolides, prescrits pour cinq jours, il faut faire des boîtes de dix comprimés.
Il convient donc d’adapter le conditionnement pour qu’il se rapproche le plus possible de la réalité de la prescription médicale la plus courante.
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je souhaite apporter une précision sur l’amendement n° 841 rectifié.
En évoquant des emballages hermétiques et prédécoupés adaptés à la traçabilité, je m’inspire d’exemples en vigueur dans d’autres pays, où l’on recourt à des rouleaux de médicaments.
Le seul « investissement lourd » que je demande aux pharmaciens, c’est une bonne paire de ciseaux pour découper dans ce rouleau le nombre de comprimés nécessaires, lesquels sont protégés et datés.
C’est donc à l’industrie que je demande un effort important, notamment pour gérer ces nouveaux stocks, différents des petites boîtes. Toutefois, les volumes sont moindres pour une quantité de médicaments supérieure : il s’agit donc d’une solution gagnant-gagnant, moins coûteuse, sécurisée et parfaitement opérationnelle.
Enfin, un dernier mot, pour Mme la rapporteure : plusieurs pays européens ont adopté la dispensation à l’unité. Je ne suis donc pas si sûr qu’il s’agisse d’une fausse bonne idée.
Je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je comprends l’intention des auteurs de ces amendements et je pense qu’il faut s’engager sur la voie de la dispensation à l’unité, mais petit à petit : il faut grignoter du terrain, boîte de médicaments après boîte de médicaments.
Des travaux sont actuellement menés au ministère, notamment sur les quinolones, pour lesquelles il est impératif de progresser vers la délivrance à l’unité. Ce chantier est conduit de concert avec les industriels et les pharmacies.
Vouloir tout faire d’un coup ne me semble pas réaliste.


