compte rendu intégral

Présidence de M. Alain Marc

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

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« Duoday » au Sénat

M. le président. Mes chers collègues, nous sommes très heureux d’accueillir aujourd’hui au Sénat près de cent duos qui vont découvrir le fonctionnement de notre institution, nos métiers et notre environnement professionnel.

Je salue Julia, Enzo, Jennifer, Maria, Gabriel, Léa et tous les duos présents dans les tribunes de notre hémicycle. Ils ont apprécié cette matinée de rencontres et de visite, qui se poursuivra cette après-midi par une découverte des métiers du Sénat et par un échange libre avec les sénateurs et les sénatrices.

Notre Haute Assemblée continuera à être particulièrement mobilisée en 2026 pour offrir des perspectives professionnelles aux personnes en situation de handicap et pour que le regard porté collectivement sur elles évolue.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite aux duos la plus cordiale bienvenue dans notre hémicycle. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.)

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Candidatures à une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur les marges des industriels et de la grande distribution.

En application de l’article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Dossier législatif : projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025
Article liminaire

Loi de finances de fin de gestion pour 2025

Adoption d’un projet de loi modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025, rejeté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée (projet n° 132, rapport n° 136).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons aujourd’hui le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2025.

Ce texte est le dernier jalon de l’exécution de la loi de finances pour 2025, promulguée le 14 février dernier à l’issue d’un compromis parlementaire.

Il s’agit d’un texte technique, qui retrace les principaux événements survenus en cours de gestion et permet d’ajuster la répartition de certains crédits pour répondre aux imprévus auxquels nous devrons faire face d’ici à la fin de l’année.

Ce projet de loi a été rejeté par l’Assemblée nationale il y a une semaine, ce que je regrette. Il est utile et précieux que son parcours parlementaire puisse continuer devant vous aujourd’hui. Je vous invite donc à l’étudier et à l’améliorer. Et si de bonnes idées émergent, j’espère qu’elles pourront prospérer.

Je tiens aussi à vous dire que ce projet de loi est d’abord, j’y insiste, un texte technique ; il vise simplement à ce que nous soyons collectivement capables de bien finir l’année. En effet, il n’a pas d’autres objectifs que de garantir précisément et en toute transparence les jalons essentiels de la trajectoire qui nous permettra de respecter la cible de déficit de 5,4 % du PIB en 2025.

Cette cible n’est évidemment pas de nature à nous réjouir, mais nous pouvons nous féliciter d’avoir tenu l’objectif que nous nous étions donné, après plusieurs années au cours desquelles, vous le savez, de très grands écarts ont pu exister entre les prévisions et l’exécution.

Le texte ne contient aucune dépense ni aucune économie supplémentaire que vous ne connaissiez déjà. Surtout, il permet, je le redis, de tenir les objectifs fixés par les parlementaires en février dernier.

Les cinq principales ouvertures de crédits réalisées par ce PLFG ne visent donc à rien d’autre qu’éviter de potentielles impasses lors des dernières semaines de 2025.

La première ouverture de crédits concerne l’allocation aux adultes handicapés et la prime d’activité, dont la dynamique est plus allante que ce qui avait été anticipé. C’est pourquoi une somme de 450 millions d’euros est prévue pour nous permettre de payer tous les allocataires au mois de décembre.

La deuxième ouverture de crédits, à hauteur de 119 millions d’euros, vise à maintenir ouvertes jusqu’à la fin de l’année les 203 000 places d’hébergement d’urgence que compte notre pays.

La troisième ouverture de crédits, à hauteur de 190 millions d’euros, porte sur la mission « Sécurités ». Elle vise à répondre aux besoins supplémentaires de nos territoires ultramarins, notamment pour protéger la population à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, et à tenir compte du coût des incendies.

De plus, 45 millions d’euros sont ouverts sur le programme « Conditions de vie outre-mer », pour faire face aux dépenses exceptionnelles qui ont dû être engagées à Mayotte, à la suite du passage du cyclone Chido, et à La Réunion, après le cyclone Garance.

La quatrième ouverture de crédits concerne la mission « Défense », à hauteur de 349 millions d’euros. Elle tend à financer des surcoûts opérationnels dans un contexte de tensions croissantes et à contribuer à l’accélération de l’effort de réarmement souhaité par le Président de la République et promis à la Nation le 13 juillet dernier.

Enfin, la cinquième ouverture de crédits vise à garantir le respect de nos engagements contractuels en matière de production d’énergies renouvelables, à hauteur de 1,1 milliard d’euros.

Ces ouvertures de crédits sont gagées par des annulations au sein de la réserve dite de précaution, qui, vous le savez, permet depuis cette année de couvrir les besoins au niveau interministériel. Elles correspondent donc non pas à des économies supplémentaires effectuées par ailleurs, mais bien à des ajustements de trésorerie ou à des retards sur certains investissements, permettant ainsi de mieux répartir nos moyens entre les dépenses effectives et les nouveaux besoins.

Dans le détail, les principales annulations brutes portent sur les missions où les plus fortes sous-consommations ont été observées. Je pense notamment à la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » : le montant de 800 millions d’euros annulé correspond uniquement à l’annulation d’une partie de la réserve, ce qui permet d’assurer la bonne exécution des crédits, en ligne avec les crédits ouverts en loi de finances initiative.

D’autres annulations sont prévues au sein de la mission « Investir pour la France de 2030 », à hauteur de 1,6 milliard d’euros, pour ajuster la trésorerie excédentaire des opérateurs, laquelle, sinon, se serait élevée à plus de 5 milliards d’euros à la fin de l’année 2025.

Dans un souci d’exhaustivité, je veux indiquer que des annulations interviennent également en dehors du périmètre des dépenses de l’État, pour tenir compte des dernières prévisions sur des programmes portant des crédits évaluatifs.

Il en va ainsi, notamment, de la mission « Remboursements et dégrèvements », ou encore du programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État », le coût des intérêts étant un peu plus faible en 2025 que prévu, du fait d’une baisse des taux directeurs, ainsi que, il faut bien le dire, de taux longs moins élevés que dans nos prévisions initiales. Ces taux s’élèvent en effet à 3,45 % sur dix ans, contre une prévision initiale de près de 3,6 % pour la fin d’année.

En résumé, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y aura aucune coupe dans les budgets des ministères ni dans les prestations.

Les mesures contenues dans le projet de loi de finances de fin de gestion sont techniques et permettent de mettre en œuvre des principes de bonne gestion, sur lesquels, rappelons-le, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons très longuement échangé depuis le début de l’année.

L’enjeu était de nous doter de ces fameux comités d’alerte, afin de faire toute la lumière sur les données que nous avions à notre disposition, tant en dépenses qu’en recettes, et, ainsi, de réussir à atteindre cette cible de 5,4 %, première étape évidemment essentielle pour arriver à moins de 3 % en 2029.

Le bilan que nous pouvons dresser de cette vigilance collective est que nous avons tenu la dépense, puisque les dépenses de l’État sont en ligne, à 300 millions d’euros près, avec notre prévision.

Notre économie est également plus résiliente que certains ne le craignaient, avec 0,7 % de croissance déjà acquis pour l’année 2025 et des recettes fiscales restées globalement en ligne avec nos prévisions de début d’année. De bonnes performances sur l’impôt sur les sociétés ont ainsi pu compenser une moins bonne performance sur la TVA.

Je le répète, il nous manque, par rapport à nos prévisions, 4 milliards d’euros en comptabilité nationale. Je publierai évidemment, au cours des prochaines semaines, les conclusions de la mission d’urgence que j’ai demandée à l’inspection générale des finances.

Enfin, comme le Premier ministre l’a rappelé à de nombreuses reprises, le Gouvernement s’est mis au service du Parlement. Le Gouvernement a proposé, le Parlement a voté, le Gouvernement a exécuté.

Je crois que cette bonne exécution est un gage de crédibilité que nous devions vous donner, à vous les parlementaires, notamment dans la perspective du nouveau compromis que vous cherchez à bâtir pour 2026, mais également à nos partenaires européens, à nos créanciers et, surtout, aux Français, qui ont besoin de comprendre que ce qui est dit est ensuite mis en œuvre.

Nous sommes parvenus à tenir l’objectif de déficit pour 2025. Dès lors, il me semble que nous pouvons être d’autant plus confiants : cet objectif sera de nouveau tenu l’an prochain, et les demandes issues du compromis parlementaire que vous êtes en train de bâtir seront de nouveau satisfaites.

Après deux années marquées par l’augmentation du déficit, ce changement de méthode était bienvenu. Je souhaite qu’il puisse perdurer en 2026.

Que nous nous rencontrions tous les trimestres pour évoquer les dépenses et les recettes, non seulement de l’État, mais aussi des collectivités et de la sécurité sociale, est une méthode qui a la force d’une évidence. Nous avons vu qu’elle a porté ses fruits, puisqu’elle a permis aux parlementaires, mais aussi aux élus locaux et aux organisations syndicales et patronales, de faire toute la lumière sur les difficultés ou les ajustements requis.

Vous l’aurez compris, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui permet d’apporter les derniers ajustements à la gestion de 2025, que nous avons conduite en faisant preuve de vigilance et d’anticipation, dans une responsabilité partagée avec vous, les parlementaires, si bien que je puis dire que, si les objectifs sont tenus, ils l’ont été grâce à notre action conjointe.

Ce socle, qui, je l’espère, sera voté, permettra d’assurer une bonne entrée dans l’année 2026, au vu des débats parlementaires qui nous occupent par ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Marc Laménie et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant de commencer mon intervention, je veux saluer à mon tour les duos présents dans nos tribunes.

C’est la troisième fois que nous examinons un projet de loi de finances de fin de gestion, tel qu’il a été réformé par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf). Et c’est la seconde fois que le Sénat examine le texte initial proposé par le Gouvernement, et non celui qui a été modifié par l’Assemblée nationale, puisque nos collègues députés l’ont rejeté.

Je veux d’ailleurs rappeler, à ce sujet, que l’Assemblée nationale a successivement rejeté l’article liminaire, qui est pourtant un prérequis imposé par la Lolf pour la validité de toute loi de finances, puis adopté la première partie, avant de vider intégralement la seconde partie de tous les articles de crédits, puis d’accepter un amendement de seconde délibération du Gouvernement et, enfin, de rejeter tout bonnement l’ensemble du texte…

Madame la ministre, ce simple constat sur un texte à l’enjeu somme toute relativement limité devrait, me semble-t-il, pousser le Gouvernement à s’interroger sur sa méthode.

Notre Constitution prévoit des outils pour faire face à l’absence de majorité claire à l’Assemblée nationale. Refuser de les utiliser ne me semble pas de bonne pratique, tout comme il n’est pas de bonne pratique de vous engager à transmettre au Sénat toutes les dispositions votées par l’Assemblée nationale dans le PLF, y compris si elles sont inopérantes, inconstitutionnelles ou non conformes au droit européen.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mais nous aurons l’occasion d’en reparler à propos du projet de loi de finances pour 2026.

J’en viens au fond du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025.

Le Gouvernement retient dans ce texte une croissance du PIB de 0,7 % en volume en 2025, inférieure de 0,2 point à la prévision retenue dans la loi de finances initiale pour 2025, mais en ligne avec les dernières prévisions institutionnelles.

À vrai dire, l’acquis de croissance sur les trois premiers trimestres est d’ores et déjà de 0,8 %, selon les données publiées par l’Insee. Une simple stagnation au quatrième trimestre devrait donc suffire à dépasser la cible.

Ce résultat reste toutefois modeste si l’on se fonde sur des comparaisons internationales : notre croissance est deux fois inférieure à la croissance moyenne de la zone euro, laquelle est elle-même deux fois moins élevée que la croissance mondiale. La situation aurait cependant pu être encore plus dégradée, il est vrai.

Notre activité a globalement souffert, en 2025, des mesures commerciales américaines et du climat politique d’incertitude prolongée.

Par ailleurs, mes chers collègues, notre croissance subit le contrecoup direct, puissant, de la dérive des comptes publics des années 2023 et 2024. Cette année, la première marche de la nécessaire consolidation budgétaire freine déjà la demande privée, donc un peu notre croissance.

En sens inverse, la baisse du taux directeur principal de la Banque centrale européenne (BCE), porté de 4 % à 2 % entre juin 2024 et juin 2025 et qui ne déploiera tous ses effets qu’au bout de dix-huit mois, nous donne, heureusement, un peu d’air. On peut d’ailleurs imaginer que, sans les efforts que la France doit malheureusement faire pour remédier à ce fichu dérapage des comptes de 2023 et 2024, la croissance française aurait pu profiter à plein du desserrement des taux d’intérêt.

Pour ce qui concerne les finances publiques, pour la première fois depuis que les projets de loi de fin de gestion existent, c’est-à-dire depuis 2023, l’exécution serait tenue en 2025, avec un déficit public à 5,4 % du PIB, comme prévu en début d’année. Madame la ministre, c’est assurément un satisfecit !

Il ne faut toutefois pas oublier que la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques promulguée il y a moins de deux ans est totalement hors d’atteinte pour le moment. Elle n’est plus que le lointain écho de ce que pourraient être nos finances publiques si le Sénat avait davantage été entendu et, j’ose le dire, suivi, et bien sûr si les dérapages des comptes publics en 2023 et 2024 n’avaient pas eu lieu.

Mes chers collègues, le Gouvernement peut, en outre, remercier les collectivités territoriales, puisque celles-ci se sont illustrées, en 2025, par une bonne maîtrise de leurs dépenses : non seulement la dépense des collectivités territoriales a été moins dynamique que prévu, mais surtout, madame la ministre, elle a progressé moins vite que celle de l’État et que celle des administrations de sécurité sociale.

Le déficit du budget de l’État serait de 131 milliards d’euros en 2025, soit 8 milliards d’euros de moins que le déficit de 139 milliards d’euros prévu par la loi de finances initiale. Cela nous change des années 2023 et 2024 – j’y reviens encore –, où chaque exécution budgétaire était si dégradée qu’elle faisait peser un doute sur la sincérité de la prévision du début de l’année.

Je ferai remarquer, concernant les recettes, que la moins-value de TVA par rapport à la prévision en loi de finances initiale serait non pas de 4,5 milliards d’euros, mais de 5 milliards d’euros. Ce résultat, bien surprenant, n’est pas expliqué par les données de la croissance.

Vous nous avez indiqué, madame la ministre, que vous lanceriez des travaux sur le sujet. Je vous indique, pour ma part, que la commission des finances du Sénat souhaite y être très étroitement associée.

J’en viens aux dépenses. Sur le périmètre du budget général, les annulations de crédits sont supérieures aux ouvertures, de sorte que les crédits de paiement diminuent de 7,4 milliards d’euros. Non seulement ce n’est pas courant, mais c’est même exceptionnel, puisque, tous les ans, depuis 2015, le collectif budgétaire de fin d’année marquait une augmentation des crédits du budget général. C’est donc une bonne chose.

Je ne relèverai qu’un point sur ces annulations : la mission « Investir pour la France de 2030 » rend 1,4 milliard d’euros de crédits compte tenu du moindre besoin d’abondement de trésorerie des organismes gestionnaires.

Madame la ministre, tous les ans, des crédits sont rendus par cette mission. Et tous les ans, nous avons le plus grand mal à disposer d’informations sur la gestion de France 2030, ce qui n’est pas acceptable. Je pense d’ailleurs que la France a actuellement moins besoin des 5 milliards d’euros annuels de crédits du plan France 2030 que de stabilité fiscale ! Mais là encore, nous en reparlerons lors de l’examen du projet de loi de finances.

Je formulerai deux remarques sur les articles du texte, qui se contentent, pour la plupart, de tirer les conséquences des évolutions de crédits.

L’article 2 réduit le montant des taxes affectées aux chambres de commerce et d’industrie (CCI). Madame la ministre, cette baisse entre en totale contradiction avec la trajectoire définie entre le Gouvernement et CCI France. Pour ma part, je pense qu’il est essentiel que l’État respecte ses engagements. À défaut d’un autre accord négocié et accepté avec le réseau consulaire, la commission des finances propose de maintenir le plafond existant.

L’article 3, pour sa part, modifie la répartition entre les régions de la part fixe d’accise sur les énergies qui leur est versée en 2025 au titre de l’accompagnement financier de l’État à la création de places dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). La commission a constaté que cet article n’était pas conforme à la Lolf, qui, juridiquement, ne permet pas de prendre une telle mesure dans le cadre d’un projet de loi de finances de fin de gestion. Cette raison suffit à justifier sa suppression.

Nous vous proposons également de travailler ensemble à une solution, dans le cadre du PLF 2026, pour que les régions ne soient pénalisées en aucune manière.

Au total, on ne peut certes pas se satisfaire d’un déficit de l’État de 131 milliards d’euros pour 307 milliards d’euros de recettes, mais, convenons-en, il serait difficile d’effacer, en une seule année, cinquante années d’accoutumance au déficit. Une diminution de 25 milliards d’euros par rapport à 2024 est un résultat intéressant et un progrès dont il faut se réjouir.

C’est d’abord le résultat du budget de Michel Barnier et des efforts réalisés dans la loi de finances initiale, qui présentait déjà un solde en très nette amélioration par rapport à 2024. Mais c’est aussi, madame la ministre, le résultat des mesures prises en gestion par le Gouvernement, sous votre autorité, afin de maîtriser l’évolution des dépenses.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mais – parce qu’il y a un « mais » –, nous n’en sommes qu’au début de l’effort, lequel est loin d’être terminé. Même retraité de l’inflation, le déficit reste très supérieur à ceux des années 2010, au cours desquelles il était pourtant considéré, à juste titre, comme excessif, puisque l’endettement continuait alors à croître – c’est toujours le cas actuellement.

Je crois donc qu’il faut saluer l’effort accompli en 2025, mais le considérer comme un point de départ du redressement, et aucunement comme un point d’arrivée. Surtout, il ne faut pas qu’il soit un îlot de sérieux dans un océan d’irresponsabilité.

En conclusion, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de voter ce texte et d’en adopter les crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Sautarel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025, rejeté à l’Assemblée nationale, confirme une croissance de 0,7 % déjà acquise et une inflation de 1,1 %, avec un déficit public maintenu à 5,4 % du PIB.

Nous pourrions donc nous réjouir que la trajectoire budgétaire du pays soit, enfin, respectée cette année. Peut-être ce résultat vient-il que le budget de Michel Barnier a été arrêté de manière réaliste par une commission mixte paritaire responsable, mais peut-être est-il aussi le fruit, admettons-le, des régulations introduites en cours d’année.

Toutefois, nous ne pouvons nous satisfaire de la situation. Nous restons très loin des autres pays européens, raison de plus pour ne pas nous écarter d’un déficit à 4,7 % en 2026. Ce n’est que par une réduction drastique de nos dépenses, accompagnée d’une liberté renforcée, que nous pourrons revenir à une trajectoire de réduction du déficit nous permettant d’engager une baisse de notre dette, préoccupation majeure à laquelle nous devons répondre.

Le solde de l’État s’améliore par rapport à la loi de finances initiale, pour atteindre 131 milliards d’euros, sous l’effet d’une baisse des dépenses – enfin ! – et d’une forte dynamique des recettes. Les recettes fiscales nettes sont relevées à 353,4 milliards d’euros, soit pratiquement 4 milliards d’euros de plus que prévu, tirées par l’impôt sur les sociétés et par plusieurs taxes et malgré une moindre TVA – 5 milliards d’euros manquent, ce qui continue d’interroger.

Je veux, à l’instar du rapporteur général, souligner l’évolution prévisible, à ce stade, des dépenses par sous-secteur des administrations publiques entre la loi de finances initiale et le projet de loi de finances de fin de gestion.

Cette évolution passe, pour les administrations publiques centrales, de +1,9 % à +2,3 % ; pour les administrations de sécurité sociale, de +2,9 % à +3,4 % ; pour les administrations publiques locales, +2,6 % à +2 %.

Les collectivités territoriales sont donc doublement les plus vertueuses dans cette exécution 2025, avec une évolution plus faible que prévu de leurs dépenses et le plus bas niveau d’augmentation des trois niveaux d’administration. Il conviendra de s’en souvenir dans quelques jours pour calibrer l’effort des collectivités dans le projet de loi de finances pour 2026…

En outre, le projet de loi de finances de fin de gestion ouvre 3 milliards d’euros de crédits, principalement pour l’énergie, la défense et les prestations sociales, compensés par 4,2 milliards d’euros d’annulations, notamment sur France 2030 et les réserves ministérielles.

Par ailleurs, nous soutiendrons les amendements que défendra notre rapporteur général, visant notamment au respect du contrat passé avec les chambres de commerce et d’industrie, à la majoration des crédits du fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) pour honorer les engagements au titre des contrats de plan État-région (CPER) et à l’abondement des crédits dévolus à la mission d’aménagement du territoire de La Poste et des pôles de compétitivité.

Notre groupe votera le texte ainsi amendé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon groupe tient à saluer l’exécution budgétaire de l’année 2025. Le déficit public se maintient à 5,4 % du PIB, ce qui est mieux qu’espéré, notamment en raison de la croissance, certes relative, mais bien réelle.

Les dépenses du budget général atteignent 503,6 milliards d’euros, soit 4,4 milliards d’euros de moins que prévu par la loi de finances initiale, ce qui confirme la rigueur budgétaire appliquée cette année.

La masse salariale de l’État progresse de 1,1 %, au même rythme que l’inflation, reflétant ainsi une stabilisation après la hausse de plus de 6 % en 2024.

L’exécution budgétaire est telle que, une fois n’est pas coutume, M. le rapporteur général lui-même la salue. Je l’en remercie.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J’aimerais m’y habituer !

M. Bernard Buis. Il convient de noter que le PLFG prévoit des ouvertures de crédits à hauteur de 3 milliards d’euros, principalement pour financer la hausse des charges énergétiques, les surcoûts opérationnels des armées et certaines prestations sociales, sans oublier les 200 millions d’euros dévolus à la mission « Sécurités » pour les surcoûts opérationnels survenus en outre-mer et dans le cadre de la lutte contre les incendies, notamment dans l’Aude cet été.

Ces ouvertures de crédits, justifiées à mes yeux, répondent à des situations bien particulières. L’exécution budgétaire rigoureuse témoigne d’un respect du Parlement et des trajectoires votées, ce qui constitue une première depuis que les lois de fin de gestion existent. C’est la raison pour laquelle le Sénat s’apprête à voter ce texte, là encore pour la première fois. À ce titre, mon groupe vous remercie, madame la ministre.

Il n’en demeure pas moins que certaines recettes semblent être passées sous les radars. En effet, si les recettes totales de l’État pour 2025 se situent à 376,9 milliards d’euros, soit une progression de 6,3 milliards d’euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale, les recettes liées à la taxe sur la valeur ajoutée reculent de 5 milliards d’euros, sans que l’on soit sûr ni du montant ni du pourquoi, ni du comment.

Madame la ministre, comment expliquer ce décalage ? Vous évoquez les petits colis provenant de Chine, mais est-ce la seule cause ? Par ailleurs, l’administration fiscale a-t-elle eu connaissance de cette différence avant la fin de l’année et, si oui, depuis quand ? Il serait inquiétant que nos agents ne puissent estimer une baisse de ce type que tard dans l’année…

Vous nous avez annoncé qu’un rapport expliquant les causes de ce phénomène devrait voir le jour. Cependant, c’est la question des estimations du ministère de l’économie et des finances qui est aujourd’hui cruciale.

La commission des finances alertait déjà sur les surestimations de l’administration en 2023, lorsque nous avions, par surprise, appris que le déficit s’élevait à 5,5 %. Elle préconisait alors d’adopter un principe de prudence dans les prévisions budgétaires.

À cet égard, le rapport attendu ne pourrait-il pas contribuer à nourrir une réflexion renouvelée sur l’évolution des pratiques de prévision budgétaire ? (M. François Patriat applaudit.)