M. Michel Canévet. Le présent amendement vise à modifier le dispositif dit d’apport-cession, en augmentant le délai de conservation par la holding des titres apportés ou de leur réemploi, en rehaussant la quotité du produit de la cession des titres apportés réinvestie dans l’économie réelle et en restreignant le champ des investissements donnant droit au maintien du report d’imposition, de manière à conforter leur utilité pour le financement de l’économie réelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le dispositif d’apport-cession permet de réinvestir de produit de la cession d’une entreprise dans une nouvelle entreprise sans imposition sur la plus-value réalisée, à condition de réinvestir au moins 60 % du produit de la cession dans un délai bref et au profit d’activités productives ou d’innovation. Ce mécanisme a permis, notamment, de soutenir l’activité de bon nombre de business angels.

Vous proposez de porter le seuil réinvesti à 70 %, d’allonger un peu le délai dans lequel l’investissement doit être effectué et d’exclure du champ éligible toutes les activités bancaires, financières, assurantielles ou immobilières, autrement dit toutes les activités que nous ne cherchons pas particulièrement à promouvoir.

J’estime donc qu’il s’agit de propositions positives. Au regard des échanges que nous avons eus hier, j’imagine que vous leur réserverez un accueil favorable.

Sur cet amendement, j’émets un avis de sagesse favorable.

M. le président. Madame la ministre, acceptez-vous de lever le gage ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-399 rectifié bis.

(Lamendement, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.

Après l’article 3 (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2026
Après l’article 4

Article 4

L’article 48 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 est ainsi modifié :

I. – Au I, les mots : « du premier exercice » sont remplacés par les mots : « des deux premiers exercices » ;

II. – Au IV :

1° Au A :

a) Le premier alinéa est complété par les mots : « pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2025 et à 10,3 % pour l’exercice suivant » ;

b) Au deuxième alinéa, après les mots : « inférieur à 1,1 milliard d’euros », sont insérés les mots : « et pour les redevables dont le chiffre d’affaires au titre de l’un de ces deux exercices est inférieur à 1 milliard d’euros et, au titre de l’autre exercice, supérieur ou égal à 1 milliard d’euros et inférieur à 1,1 milliard d’euros » ;

2° Au B :

a) Le premier alinéa est complété par les mots : « pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2025 et à 20,6 % pour l’exercice suivant » ;

b) Au deuxième alinéa, après les mots : « inférieur à 3,1 milliards d’euros », sont insérés les mots : « et pour les redevables dont le chiffre d’affaires au titre de l’un de ces deux exercices est inférieur à 3 milliards d’euros et, au titre de l’autre exercice, supérieur ou égal à 3 milliards d’euros et inférieur à 3,1 milliards d’euros ».

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, il nous reste 2 129 amendements à examiner. Afin de gagner du temps, je souhaite attirer votre attention sur l’importance de la décision que nous nous apprêtons à prendre pour la vie de nos entreprises et de nos entrepreneurs.

J’estime tout bonnement incompréhensible la prorogation de la surtaxe d’impôt sur les sociétés que le Gouvernement défend depuis le début de l’examen de ce PLF.

La commission propose de supprimer cette surtaxe, comme le Parlement et le Gouvernement s’y étaient engagés. Il y va d’abord de notre crédibilité et du respect de la parole donnée.

Depuis la promulgation du budget pour 2025, au mois de février dernier, le Gouvernement n’a eu de cesse d’affirmer aux chefs d’entreprise que cette surtaxe ne s’appliquerait pour un exercice et pour un exercice seulement. En juin dernier, Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics, indiquait que le Gouvernement ne souhaitait en aucun cas « recourir à une baguette magique fiscale pour combler des écarts dont la cause est la hausse de la dépense ».

Je rappelle par ailleurs que, de même que le Gouvernement s’inquiète de la stabilité politique de notre pays, la stabilité fiscale est l’un des premiers sujets de préoccupation des entrepreneurs.

Tous les entrepreneurs que j’ai entendus jugent incompréhensible que, par facilité, le Gouvernement choisisse de taxer les entreprises, plutôt que de réduire les dépenses, lesquelles augmentent trop rapidement depuis 2019 – les chiffres, fournis par le Gouvernement lui-même, parlent d’eux-mêmes.

Je note d’ailleurs que le Conseil des prélèvements obligatoires soulignait récemment lui aussi que la priorité devait être donnée à la stabilité et la prévisibilité de la fiscalité.

Il sera impossible de réindustrialiser le pays si nous faisons peser cette inquiétude permanente sur les entreprises, lesquelles se voient menacées, un peu à l’improviste, de devoir s’acquitter d’un montant de 4 milliards d’euros – excusez du peu ! –, au titre d’une taxe que le Gouvernement s’était pourtant engagé à abroger.

Nous savons tous par expérience que, par le jeu des commandes croisées, les investissements des grandes entreprises contribuent à remplir les carnets de commandes des PME et des entreprises de taille intermédiaire constituant notre tissu industriel.

Gardons en tête, mes chers collègues, que les entreprises que le Gouvernement propose de taxer représentent près d’un quart de l’emploi salarié et plus de 50 % des exportations.

Il n’y a pas de « bon paramètre » pour cette surtaxe. Le seul bon paramètre est donc sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, sur l’article.

M. Thierry Cozic. L’article 4 pérennise, en divisant par deux les taux applicables, la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (CEBGE).

Quelque 400 grandes entreprises qui réalisent au moins 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires dans notre pays étant redevables de cette contribution, il n’est nul besoin de vous lancer dans des diatribes sur les PME, qui n’entrent pas dans le périmètre de l’article 4, mes chers collègues !

Sous la présidence Macron, je le rappelle, le taux de l’impôt sur les sociétés est passé de 33 % à 25 %. Alors que le taux légal s’établit donc désormais à 25 %, on observe de plus que le taux réel de l’impôt payé par les grandes entreprises est en moyenne de 14 %, , contre 21,4 % pour les PME, alors même que les entreprises du CAC 40 réalisent régulièrement des bénéfices records.

Contrairement à ce que vous affirmez, mes chers collègues, ces profits records ne contribuent ni à l’investissement ni à l’augmentation des salaires, puisque la plus grande partie est reversée aux actionnaires – l’année dernière, quelque 100 milliards d’euros ont été reversés, ce qui constitue un record en Europe.

M. Olivier Rietmann. Mais quel pourcentage des bénéfices ce chiffre représente-t-il ?

M. Thierry Cozic. À cela s’ajoutent les 211 milliards d’euros aides publiques captées sans contrepartie ni condition par les entreprises visées par l’article 4.

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, sur l’article.

M. Grégory Blanc. Je tiens pour ma part à insister sur trois points.

Premièrement, l’OCDE plaide en effet pour que l’impôt sur les sociétés soit ramené aux alentours de 25 %. Je rappelle toutefois que, dans des pays comme les États-Unis ou l’Allemagne, des taux régionaux s’ajoutent au taux national d’impôt sur les sociétés, si bien que, toutes choses égales par ailleurs, les sociétés de même strate y sont imposées bien davantage qu’en France. Cet article n’a donc rien de scandaleux.

Deuxièmement, au-delà de l’opération de communication par laquelle le gouvernement Barnier a présenté l’instauration de la CEBGE, comme du reste de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), en indiquant que ce ne serait que pour un exercice, nous savons tous qu’il nous faudra trouver de 180 milliards d’euros à 200 milliards d’euros à l’horizon de 2031-2033.

Cela pourra certes passer par des économies – lors de l’examen du PLFSS, toutes les propositions d’économies de la gauche ont été balayées d’un revers de main –, mais il est certain qu’il faudra aussi augmenter la fiscalité. Prétendre l’inverse, c’est mentir à nos concitoyens. Il reste ensuite à débattre du périmètre de cette augmentation. Or j’estime qu’il n’y a rien de choquant à accroître la pression fiscale sur un certain nombre de grandes entreprises.

Troisièmement, enfin, si nous voulons un compromis, si nous voulons un budget, si nous voulons de la stabilité pour notre pays, il faut que l’effort soit équitablement réparti. Supprimer cet article reviendrait à refuser le compromis et, partant, à compromettre nos chances d’avoir un budget et de la stabilité.

Nous sommes parvenus à instaurer la CEBGE. Comme la CDHR, il nous faut maintenant lui donner de la stabilité dans la durée.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. L’article 4 proroge en 2026 la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, en divisant ses taux par deux.

Dans le PLF 2026, le total des recettes fiscales nettes est estimé à 373 milliards d’euros. Si l’on y ajoute les 140 milliards d’euros de remboursements et dégrèvements de l’État, le montant des recettes fiscales brutes atteindrait 513 milliards d’euros, soit 18,7 milliards d’euros de plus qu’en 2025.

Les recettes des trois principaux impôts sont ventilées comme suit : 109 milliards d’euros net pour la TVA, 104 milliards d’euros pour l’impôt sur le revenu et 59 milliards d’euros pour l’impôt sur les sociétés.

Le produit des petits impôts, qui est soutenu par la création d’impôts nouveaux ou par la prorogation d’impôts temporaires, s’établit à 100 milliards d’euros. L’impôt sur les sociétés, qui est le premier impôt sur les entreprises, représente 17 % des recettes fiscales pour 2025.

La prorogation de la CEBGE prévue par l’article 4 affaiblirait réellement la compétitivité des grandes entreprises et, partant, de l’emploi.

Je soutiendrai donc les amendements identiques de suppression de notre rapporteur général et de notre excellent collègue Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, sur l’article.

M. Olivier Rietmann. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, le respect de la parole de l’État commande la suppression de cette contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, qui devait rapporter 8 milliards d’euros, et pas davantage.

Quand va-t-on mettre fin à cette instabilité fiscale, qui est le plus gros boulet que nous pouvons mettre au pied de nos entreprises ? Une question se pose, monsieur le ministre : quand va-t-on cesser d’introduire chaque année de l’instabilité dans les projets d’investissement des entreprises ?

Chaque année – et encore plus cette année que les autres, toutes nous le disent –, les entreprises tremblent de savoir ce qui va se passer l’année prochaine. Nous votons en novembre et décembre un budget qui s’applique l’année suivante et qui conditionne immédiatement les entreprises, alors qu’elles ont une vision de long terme, voire de très long terme.

J’entends dire que l’on ne touche ici que les grandes entreprises, et non les PME. De grâce, cessons de mettre en opposition les très petites, les petites, les moyennes et les grandes entreprises. Il s’agit d’un écosystème : quand on touche aux unes, on touche aux autres. Les grandes entreprises, ce sont du travail, des donneurs d’ordre, de la sous-traitance pour les petites et les très petites sociétés.

Cher Thierry Cozic, vous faisiez partie de la commission d’enquête sur les aides publiques. Bernard Arnault lui-même le disait : « Si je n’ai pas des petites ou de très petites entreprises, si je n’ai pas des artisans dans tous les territoires de notre pays qui sont capables de travailler le cuir de la meilleure des manières, je suis incapable de vendre des sacs à main made in France ».

Quant aux aides prétendument versées sans contrepartie, soit un peu plus de 200 milliards d’euros, elles doivent être comparées avec les cotisations et les impôts payés, soit 1 217 milliards d’euros. Leur contrepartie est donc d’au moins 1 000 milliards d’euros, acquittés par les entreprises. Même Marylise Léon et Frédéric Souillot reconnaissent qu’il ne faut pas remettre en cause les aides publiques. Ce que nous voulons, en la matière, c’est de l’évaluation.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Roland Lescure, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. Je prends la parole sur cet article 4 en espérant pouvoir aller très vite ensuite dans mes avis rendus sur les multiples amendements visant l’article 4 ou tendant à insérer des articles additionnels après l’article 4. Autrement dit, permettez-moi d’être un peu long maintenant pour m’autoriser à être bien plus bref ensuite.

Le débat qui a eu lieu dans le cadre de ces prises de parole liminaires montre bien les enjeux qui nous opposent. Il laisse augurer de notre capacité, ou non, à converger in fine vers un budget qui pourrait être voté largement, malgré des désaccords de fond importants sur un sujet aussi essentiel que la fiscalité des entreprises.

Je m’exprime devant vous en tant que ministre, alors que j’ai été parlementaire depuis 2017, président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, puis ministre et vice-président de la chambre basse.

Dans ce cadre, j’ai porté la politique de baisse de la taxation des sociétés depuis 2017, qui nous a conduits, pour le dire de manière simple, à diminuer progressivement le taux d’imposition sur les sociétés de 33 % à 25 %, nous remettant ainsi dans la compétition européenne.

Toutefois, je m’exprime aussi devant vous en tant que ministre, qui a déposé un projet de loi budgétaire qu’il assume et dans lequel la surtaxe de l’imposition sur les grandes sociétés que nous avions votée l’année dernière est prolongée pour l’année prochaine à hauteur de 4 milliards d’euros. Cela veut dire tout de même que les entreprises concernées paieront moins d’impôt sur les sociétés en 2026 qu’en 2025, puisque nous passerions d’une surtaxe de 8 milliards d’euros à une surtaxe de 4 milliards d’euros.

Nous avons fait ce choix parce que nous avons considéré que, dans ce budget, il fallait opérer un redressement important de nos finances publiques. D’une part, nous y croyons ; d’autre part, nous sommes sensibles à l’équation politique qui existe aujourd’hui en France et aux aspirations, parfois contradictoires, que nous devons faire converger – c’est notre rôle à tous –, à savoir lever plus d’impôts ou faire moins de dépenses.

Le Gouvernement a donc choisi de déposer un budget dans lequel l’effort en dépenses primaires est réparti pour environ un tiers sur les prélèvements et pour deux tiers sur les dépenses. Certains estimeront sans doute que nous devrions faire porter l’effort davantage sur l’un que sur l’autre, et inversement, mais cette répartition nous a semblé équilibrée.

À partir du moment où l’on souhaite un effort équilibré entre impôts et dépenses, il faut choisir les prélèvements dont la modification sera la moins inefficace possible. Or, aujourd’hui, il nous semble préférable de surtaxer les entreprises qui font des bénéfices, plutôt que de recourir à des impôts qui seront moins efficaces ou qui frapperont directement les classes moyennes.

Nous avons donc suivi cette logique pour construire l’équilibre global du budget. Nous nous sommes appuyés sur l’instrument qui nous semble le moins inefficace de tous et qui permet de faire contribuer de manière exceptionnelle les grandes entreprises gagnant de l’argent – tant mieux pour elles !

Monsieur Rietmann, je vous rassure, l’exception ne devient pas la règle ; même si elle se répète, elle doit rester une exception. J’insiste d’ailleurs sur le fait que nous avons décidé de diminuer de moitié cette contribution exceptionnelle.

Encore une fois, ce que nous proposons nous semble être un dispositif équilibré entre l’impôt et les dépenses, efficace en matière de recettes et acceptable in fine – je l’espère en tout cas –, par une majorité de sénateurs et de députés quand le texte arrivera à la dernière étape de son examen.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émettra un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article, ainsi que sur les amendements qui visent à complexifier le dispositif.

Par avance, j’indique que je donnerai aussi un avis défavorable sur la majeure partie des amendements visant à introduire un article additionnel après l’article 4, parce qu’ils tendent, chacun selon ses nuances, à complexifier le système. Celui-ci est en réalité très simple : dans le cadre de l’impôt sur les sociétés, nous demandons une surtaxe aux grandes entreprises et, pour ainsi dire, cela s’arrête là.

Ces précisions ayant été apportées, monsieur le président, je serai bref pour rendre les avis du Gouvernement. C’est un engagement de ma part, que je tiendrai.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° I-2 est présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances.

L’amendement n° I-45 rectifié bis est présenté par MM. Capus, Malhuret et Laménie, Mmes Bourcier et Bessin-Guérin, MM. Brault, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, Médevielle, Pellevat, Rochette, L. Vogel et Wattebled.

L’amendement n° I-153 rectifié ter est présenté par Mme Lavarde, MM. Darnaud, Rietmann et Retailleau, Mme Aeschlimann, MM. Anglars, Bacci, Bazin et Belin, Mmes Bellamy, Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc, J.-B. Blanc, Bonhomme et Bonnus, Mmes Borchio Fontimp et V. Boyer, MM. Brisson, Bruyen, Buffet, Burgoa, Cadec et Cambon, Mmes Canayer, Carrère-Gée et Chain-Larché, MM. Chaize et Chatillon, Mme Ciuntu, M. Daubresse, Mme de Cidrac, MM. de Legge, de Nicolaÿ et Delia, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumas, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mmes Gruny, Imbert, Jacques, Josende et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Le Rudulier et H. Leroy, Mmes Lopez et Malet, MM. Mandelli et Margueritte, Mme P. Martin, M. Meignen, Mme M. Mercier, M. Michallet, Mme Micouleau, M. Milon, Mmes Mouton et Muller-Bronn, M. Naturel, Mme Nédélec, MM. Paul, Paumier, Pernot, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reynaud, Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Séné, Sido, Sol, Somon et Szpiner, Mmes Valente Le Hir et Ventalon et MM. C. Vial et J.P. Vogel.

L’amendement n° I-1120 rectifié est présenté par MM. Kern et Levi, Mme Billon et MM. Fargeot et Bonneau.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I-2.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est déjà défendu. J’apporterai néanmoins deux éléments de précision complémentaires.

Tout d’abord, monsieur le ministre, nous devions passer d’un rendement de 8 milliards d’euros en 2025 à zéro. Vous dites que vous avez divisé ce rendement de moitié, de 8 milliards à 4 milliards d’euros, mais vous l’avez ensuite réaugmenté de 50 % à l’Assemblée nationale. Autrement dit, nous arrivons finalement à 6 milliards d’euros. Je ne m’y retrouve plus ! Je préfère la solution qui consiste à passer de 8 milliards d’euros à zéro ; au moins, les choses sont claires.

Ensuite, pour expliquer la situation un peu plus concrètement, sans citer de noms, il existe en France de grandes entreprises, ou des groupes, qui travaillent dans la coopération ou dans le mutualisme.

Ces entreprises appliquent un principe de partage de la valeur assez différent de celui des autres sociétés pour la rémunération globale de leurs salariés, car telle est leur philosophie. Or elles se trouveraient frappées de plein fouet, d’autant qu’elles exercent uniquement sur le territoire national.

Pour ces entreprises, produire en France aurait donc un effet assez négatif. Par conséquent, mieux vaut choisir de supprimer totalement cette taxe pour redonner du souffle aux entreprises dans leur capacité à créer de la richesse : nous en aurons besoin si nous voulons éviter de trop fiscaliser.

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° I-45 rectifié bis.

M. Emmanuel Capus. Ce matin, j’ai cru que nous étions bloqués dans un mauvais scénario inspiré par le film Un Jour sans fin. Hier, nous avons passé notre journée à voter de nouveaux impôts ; et ce matin, voilà que nos collègues du groupe Union Centriste veulent de nouveau créer une contribution exceptionnelle.

Je tiens à vous remercier, monsieur le rapporteur général, car mon amendement de suppression est identique au vôtre : enfin, nous allons cesser de créer de nouveaux impôts !

Premièrement, qu’est-ce qui n’est pas clair dans l’expression « contribution exceptionnelle » ? Il s’agit d’une contribution qui est exceptionnelle, donc temporaire. Je vous remercie, monsieur le président Rietmann, de l’avoir rappelé.

Puisque cette contribution a un caractère temporaire, le respect de la parole publique nécessite que nous nous y tenions et que nous ne demandions pas des efforts exceptionnels chaque année aux grandes entreprises. D’autant plus que chacun sait – le président Rietmann l’a rappelé – que celles-ci forment un ensemble économique comportant de nombreux sous-traitants, de sorte que, si on les frappe, c’est l’ensemble de la chaîne de production qui sera touchée.

Deuxièmement, je le rappelle, et il faut le souligner, voire le marteler : ce n’est pas en créant des impôts que nous résoudrons les problèmes de notre pays ; c’est en diminuant la dépense publique. Il faut donc se concentrer sur la baisse de la dépense publique.

Troisièmement, nous avons déjà des impôts extrêmement élevés par rapport à ceux qui pèsent sur les entreprises dans le reste de l’Union européenne, notamment. Il faut donc impérativement et rapidement réduire la dépense publique et diminuer les impôts.

C’est la raison pour laquelle je vous propose, au travers de cet amendement identique à celui de M. le rapporteur général, de supprimer cette contribution exceptionnelle et temporaire. (M. Marc Laménie applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour présenter l’amendement n° I-153 rectifié ter.

Mme Christine Lavarde. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° I-1120 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote.

Mme Florence Blatrix Contat. Nous sommes en effet depuis hier dans Un Jour sans fin, celui des baisses de recettes. Au sein de la Haute Assemblée, on nous rappelle souvent à la responsabilité : celle de stabiliser notre dette et d’atteindre un déficit représentant 3 % du PIB.

Or que constate-t-on depuis hier ? L’article 3 visant à lutter contre l’optimisation a été complètement vidé de son contenu par la majorité sénatoriale, ce qui a affaibli les recettes. En outre, la modification de l’impôt sur la fortune immobilière représente une diminution de son rendement de 600 millions d’euros, comme Mme la ministre l’a indiqué.

Mes chers collègues, alors que vous avez déjà sensiblement baissé les recettes hier, vous souhaitez aujourd’hui priver l’État de 4 milliards d’euros de recettes encore. Pourtant, nous le savons, depuis 2017, la part des dépenses dans le PIB est stable, et ce sont les recettes qui ont diminué. Vous ajoutez encore à la facture, qui risque d’être salée à l’issue de l’examen du texte au Sénat.

Pour en revenir à l’impôt sur les sociétés, son taux est de 25 %. Toutefois, l’Insee a rappelé encore très récemment que les grandes entreprises paient moins d’impôts que les PME : leur taux d’imposition est effectif de 14,3 %, en partie du fait de l’optimisation – nous savons, en effet, que leur impôt est régressif.

Il serait donc complètement irresponsable de se priver de la recette de cette surtaxe exceptionnelle. Cet impôt pèse non sur la production, mais sur des entreprises qui sont rentables et qui peuvent contribuer à l’effort national.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Roland Lescure, ministre. Je précise, à l’attention de Mme la sénatrice Blatrix Contat, que la raison pour laquelle les grandes entreprises paient en moyenne moins d’impôts que les PME, c’est qu’elles investissent davantage en pourcentage de leur chiffre d’affaires.

Tout cela est donc économique et absolument pas lié à une optimisation, quelle qu’elle soit.

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. Tout d’abord, ce que prévoit l’article a pour effet de dégrader le déficit. Je m’étonne donc qu’il puisse y avoir, dans cette assemblée, une volonté de dégrader massivement les finances publiques de la France. Cela ne me paraît pas responsable.

Ensuite, le débat porte en réalité sur la façon dont est construit cet impôt. Sur ce sujet, j’ai déposé un amendement que je ne pourrai sans doute pas défendre, car l’arithmétique de l’hémicycle fait que la discussion s’arrêtera là.

Je suis heureux d’entendre M. le rapporteur général expliquer que cet impôt est contre-intuitif. J’avais déposé un amendement en ce sens, l’année dernière, dont Christine Lavarde semble avoir repris la logique. Il s’agissait de dire que cet impôt, dans sa construction, est contraire à la défense du made in France, parce qu’il consiste à taxer les entreprises sur la base du chiffre d’affaires qu’elles réalisent en France, et uniquement sur cette base. Or il me semble qu’il faudrait le faire selon une autre méthode de calcul.

L’année dernière, j’avais proposé que le calcul se fasse en tenant compte du chiffre d’affaires mondial, de façon que de grandes entreprises comme TotalEnergies – ou Michelin, qui avait annoncé qu’elle délocalisait son usine du Maine-et-Loire –, ne puissent plus passer entre les mailles du filet. Mais M. le rapporteur général et le Gouvernement m’ont expliqué que cela n’était pas possible et que le dispositif que j’avais travaillé avec des fiscalistes ne valait rien.

Monsieur le ministre, je me permets de vous interpeller : il faut, dans la navette, que nous changions le mode de calcul.

La taxe sur le chiffre d’affaires en France doit s’appliquer en prenant comme indicateur non pas le chiffre d’affaires mondial, mais un autre indicateur qui est prévu dans le code des impôts, à savoir celui de la masse salariale en France rapportée à la masse salariale mondiale. En effet, si on la fonde sur cet indicateur, la taxe pénalisera moins les entreprises qui font le choix de produire en France, comme EDF ou Orange, et pèsera davantage sur les entreprises françaises qui font le choix de la délocalisation.

Je voulais attirer votre attention sur ce point.