M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.

M. Thierry Cozic. Monsieur le rapporteur général, je serai très clair avec vous : je ne comprends pas que vous souhaitiez supprimer cet article. Dois-je vous rappeler que, dans l’Histoire, les dispositions de ce type ont toujours été portées par la droite ? De Nicolas Sarkozy, en 2012, en passant par Michel Barnier, l’an dernier, à chaque fois, elles émanaient de votre famille politique.

Vous êtes en train de solder la sortie catastrophique de votre président de parti sur le dos des Français. (Mme Christine Lavarde et M. Laurent Somon protestent.)

Ne venez pas nous parler de responsabilité et de sérieux budgétaires après un tel amendement ! D’ailleurs, mes chers collègues centristes, vous ne pouvez pas vous associer à une telle suppression. Que la droite s’adonne à une forme de surenchère pour donner des gages à ce qu’elle estime être lucratif pour son électorat est une chose, mais ce n’est tout de même pas votre position, me semble-t-il.

Mme Christine Lavarde. C’est une vision de l’économie différente !

M. Thierry Cozic. Il me semble que nous devrions nous accorder, sur toutes les travées de cet hémicycle, pour reconnaître qu’une contribution des très grandes entreprises, telles que les grandes banques ou les grands énergéticiens, est nécessaire dans le moment particulièrement difficile que nous connaissons, afin de combler les trous de ce budget.

Je rappelle que les entreprises ont besoin de services publics dans le domaine de la recherche, de l’enseignement, de l’accompagnement des enfants ou du soutien à l’innovation. Elles reçoivent sans doute cinq à dix fois plus que le montant de leur contribution.

Enfin, monsieur le ministre, vous n’avez certes rien à voir avec cet amendement de suppression, mais je voudrais tout de même vous dire que, si nous avons ce débat, c’est parce que vous avez décidé, l’an dernier, que cette contribution serait exceptionnelle. Je me permettrai de reprendre les propos du député Mattei, qui dit souvent qu’annoncer une mesure en la qualifiant d’exceptionnelle, c’est encourager son contournement. Le résultat est très clair ce matin.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Mon collègue vient de le rappeler, nous sommes dans une situation exceptionnelle. Nous n’allons pas dresser le bilan des raisons pour lesquelles nous nous trouvons dans une telle situation, mais, dans un tel contexte, choisir de ne pas solliciter et mettre à contribution les grandes entreprises serait – c’est d’ailleurs le cas – totalement incompréhensible pour nos concitoyens.

Je veux surtout rappeler ce que l’un de mes collègues a mentionné tout à l’heure : on croit toujours que la France est le pays où les entreprises seraient le plus taxées et que la situation y serait quasi invivable.

M. Olivier Rietmann. C’est bien le cas !

M. Guillaume Gontard. Or, si l’on reprend calmement les chiffres, en Allemagne le taux d’imposition des entreprises est de 15,8 % et atteint 29,8 % si l’on ajoute l’impôt qui s’applique à l’échelon régional, soit un niveau supérieur à celui de la France. Telle est la réalité, bien loin de ce que nous avons tendance à croire.

En outre, la France est le deuxième pays au monde à avoir connu la plus forte régression de son taux légal d’impôt sur les sociétés, qui a diminué de 2,6 % entre 2020 et 2021. Cela aussi, c’est une réalité.

Par conséquent, le contexte n’est pas du tout celui que vous essayez de nous décrire. En fait, ce que vous tentez de nous expliquer, c’est la théorie du ruissellement. On nous refait le coup du ruissellement ! Autrement dit, les grandes entreprises ruisselleraient sur les plus petites, ce qui permettrait à ces dernières de fonctionner. Mais ce n’est absolument pas la réalité. (M. Olivier Rietmann proteste.)

Certains de mes collègues ont déjà mentionné l’inversion de la taxation des plus grandes entreprises par rapport aux plus petites. Mais surtout, que demandent les petites entreprises, les PME et les artisans, sinon des services publics et des collectivités capables de les accompagner ? Ils réclament une structuration des territoires, pour pouvoir s’implanter et pour passer des caps complexes et difficiles.

Ce ruissellement ne se fera pas naturellement. Il est par conséquent tout à fait normal que les grandes entreprises contribuent à aider ce tissu économique local.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, on ne peut pas me soupçonner de ne pas vouloir chasser la fraude et l’optimisation. C’est d’ailleurs ce que nous faisons au groupe Union Centriste.

Toutefois, il y a un principe qui compte, et nous l’avons entendu ce matin : c’est le respect de la parole donnée. Lorsque le Gouvernement affirme qu’il s’agit d’une contribution exceptionnelle, le respect de la parole donnée doit s’appliquer à l’égard des entreprises. C’est important.

Par conséquent, cher Emmanuel Capus, je continue de chasser l’optimisation et la fraude, comme vous le savez, mais en l’espèce, je voterai l’amendement de M. le rapporteur général.

M. Olivier Rietmann. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Premièrement, de quoi parlons-nous ? Non pas de l’ensemble des entreprises, mais de 450 d’entre elles, qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros, avec un taux différencié au-delà de 3 milliards d’euros. Il ne s’agit donc pas du petit tissu économique de nos territoires.

Deuxièmement, pourquoi la droite elle-même a-t-elle proposé cette mesure l’an dernier ?

Tout d’abord, parce que ces entreprises sont les mêmes que celles qui pratiquent le rachat d’actions, versent des dividendes importants et touchent des aides publiques, car, dans leur grande majorité, elles disposent de l’ingénierie nécessaire pour concourir à l’ensemble de ces aides. C’est donc une question de justice fiscale et sociale qui se pose, et cela à une large échelle dans notre pays.

Ensuite, c’est parce que nous parlons des 450 plus grandes entreprises, qui ont recours à tous les schémas d’optimisation fiscale. Pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, mais elles paient un taux différencié non pas parce qu’elles investissent plus, mais parce qu’elles recourent massivement à l’optimisation fiscale. Certaines très grandes entreprises paient même 0 % d’impôt et, en moyenne, ce taux est inférieur à 15 %. Telle est la réalité ! Je rappelle que, pour les seules entreprises du CAC 40, on dénombre 63 filiales dans les paradis fiscaux.

Dans ce contexte, il est nécessaire que nous ayons un impôt. Je partage ce point de vue avec la droite sénatoriale : au lieu de débattre d’une contribution exceptionnelle, nous devrions en réalité instaurer un impôt très régulier (M. Grégory Blanc approuve.), car il y a un besoin de visibilité. Oui, la question mérite d’être posée.

Cependant, alors que cet impôt existe et que le Gouvernement prévoit de le maintenir en divisant la contribution par deux, monsieur le rapporteur général, vous proposez de la supprimer. Qui paiera alors les 8 milliards d’euros manquants ?

La compensation consistera à faire peser la charge sur les classes populaires, qui sont déjà étranglées, tandis que vous continuerez à laisser de très grandes entreprises engranger des marges énormes, sans les taxer. Cela pose problème, mais c’est votre choix politique, et vous devez l’assumer.

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.

M. Olivier Rietmann. En 2016, le taux de l’impôt sur les sociétés était de 33 %, et le montant des sommes collectées s’élevait à 60 milliards d’euros. En 2024, il était de 25 % et le montant des sommes collectées dépassait 80 milliards d’euros. (M. Emmanuel Capus approuve.)

M. Thierry Cozic. Il faut prendre en compte l’inflation !

M. Olivier Rietmann. Plus on diminuera les coûts, les charges et les normes – autant de boulets attachés aux entreprises –, plus il y aura de création de richesses et plus les prélèvements et la collecte d’impôts seront importants.

En outre, il faut que nous soyons attentifs au message que nous adressons. En effet, nous avons besoin que nos entreprises investissent, mais les investisseurs étrangers sont aussi très importants.

Or quel message leur envoyons-nous quand nous leur disons : « Venez investir en France. Non seulement vous devrez respecter bien plus de normes qu’ailleurs, mais, si vous gagnez de l’argent, vous serez taxés, comme c’est le cas partout ailleurs, et en plus vous serez surtaxés » ? Je crois qu’un tel message n’est pas très encourageant pour ceux qui envisagent de venir investir en France ou y installer des entreprises, alors que nous en avons tellement besoin.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Comme souvent, il y a du vrai dans tous les propos. Je crois que personne dans cet hémicycle ne considère que la taxation des entreprises puisse aller de soi et qu’il ne faut pas y réfléchir.

Toutefois, nous sommes dans le contexte particulier d’une crise budgétaire et nous recherchons des solutions. Quelles que soient celles que nous proposons, elles ne sont jamais bonnes pour telle ou telle raison, d’ailleurs parfaitement audible – ce n’est pas le sujet.

J’aimerais toutefois rappeler que, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, sous le gouvernement Barnier, nous avions adopté en commission et en séance une mesure prévoyant une contribution de 8 milliards d’euros pour l’année et de 4 milliards d’euros l’année suivante.

M. Thierry Cozic. Exactement !

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Nous l’avions votée, ici même, et les 8 milliards d’euros ont été prélevés. (M. Grégory Blanc approuve.) En revanche, les 4 milliards d’euros prévus pour l’année suivante n’ont pu l’être, parce que le budget a été voté en retard, en 2025. Il ne pouvait pas y avoir d’effet rétroactif, et la mesure n’a pu être conservée.

Par conséquent, nous ne faisons que réintroduire une mesure qui a déjà été votée ici – je veux simplement le rappeler. Les 4 milliards d’euros ont déjà été votés dans cette assemblée, certes, non pour le budget 2026, mais pour le budget 2025. Il faut donc bien comprendre comment cette mécanique s’est mise en place. À l’époque de Michel Barnier, vous aviez approuvé la mesure. Aujourd’hui, vous êtes contre. Il y a tout de même une certaine contradiction dans cette affaire.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-2, I-45 rectifié bis et I-153 rectifié ter.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 69 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 320
Pour l’adoption 202
Contre 118

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 4 est supprimé et les amendements nos I-941, I-1431, I-154 rectifié bis et I-156 rectifié bis, les amendements identiques nos I-1430 et I-1908, les amendements nos I-46 rectifié bis, I-2510 rectifié bis et I-1366 ainsi que les amendements identiques nos I-155 rectifié bis et I-1121 rectifié n’ont plus d’objet.

Article 4
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2026
Article 11 (priorité)

Après l’article 4

L’amendement n° I-1272, présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman, M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre Ier, de la 1ère partie du livre Ier du code général des impôts est complété par une section XVII… ainsi rédigée :

« Section XVII…

« Contribution additionnelle sur les bénéfices des maîtres dœuvre de défense et leurs sous-traitants de rang un

« Article 235 ter – I. – Il est institué, au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2025, une contribution additionnelle sur les bénéfices des entreprises dont l’activité principale consiste en la production, l’entretien, la recherche, le développement ou la commercialisation de matériels de guerre, d’armes, de munitions et de leurs éléments définis aux 1° et 2° du I de l’article L. 2331-1 du code de la défense, lorsque leur chiffre d’affaires consolidé excède 400 millions d’euros.

« Sont également assujettis à cette contribution leurs sous-traitants de premier rang, au sens de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975.

« Est réputée activité principale toute activité pour laquelle le chiffre d’affaires consolidé provenant desdites activités représente au moins 20 % du chiffre d’affaires consolidé total de l’entreprise ou du groupe.

« II. – L’assiette est constituée par le bénéfice imposable déterminé selon les règles de l’impôt sur les sociétés, avant imputation des déficits, réductions, crédits d’impôt et créances fiscales de toute nature. Lorsque ces activités sont exercées par l’intermédiaire de filiales, succursales, sociétés en participation ou coentreprises, la contribution est assise sur le résultat d’ensemble déterminé et la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B et 223 D, incluant la quote-part des bénéfices des entités détenues ou contrôlées au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce.

« Le taux de la contribution sur la fraction du bénéfice imposable est fixé à :

« 1° 33 % pour la fraction inférieure ou égale à 400 millions d’euros ;

« 2° 37 % pour la fraction comprise entre 400 millions d’euros et un milliard d’euros ;

« 3° 41 % pour la fraction excédant un milliard d’euros.

« Lorsque la part du chiffre d’affaires provenant des activités de défense excède 40 % du chiffre d’affaires consolidé total, les taux mentionnés ci-dessus sont majorés de 15 points.

« III. – La contribution est admise en déduction de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

« IV. – Les réductions et crédits d’impôt ainsi que les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle.

« V. – La contribution exceptionnelle n’est pas admise dans les charges déductibles pour la détermination du résultat imposable.

« VI. – La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.

« VII. – La contribution exceptionnelle est payée spontanément au comptable public compétent au plus tard à la date prévue au deuxième alinéa du 2 de l’article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés. »

La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. Nous proposons d’instaurer une contribution additionnelle sur les bénéfices des maîtres d’œuvre de défense et de leurs sous-traitants de premier rang, afin de mettre un terme à une anomalie politique et économique devenue insoutenable.

Les rentes colossales issues des tensions internationales, de la commande publique et de la guerre échappent aujourd’hui à toute fiscalisation spécifique, alors même qu’elles ne procèdent d’aucun risque entrepreneurial réel.

Comme l’expose clairement la proposition de loi n° 150 relative à la fiscalisation des rentes des grandes entreprises de la défense et à la neutralisation des dividendes de guerre, l’économie de la défense est devenue l’un des nouveaux champs privilégiés de l’accumulation capitaliste dans un contexte de crise de valorisation.

Lorsque des groupes comme Dassault, Thales ou Safran voient leur capitalisation boursière exploser, non parce qu’ils innovent davantage, mais parce que les conflits se multiplient, nous sommes non plus dans une économie productive, mais bien dans une économie de rente. La guerre, les tensions géopolitiques et l’augmentation massive des dépenses militaires deviennent des opportunités financières, tandis que les risques sont intégralement socialisés par les puissances publiques.

En Europe, les dépenses militaires ont augmenté de 30 % entre 2021 et 2024, et la France prépare un basculement historique vers les 100 milliards d’euros annuels en 2030. Cette trajectoire nourrit directement la valorisation boursière sans pour autant renforcer la souveraineté de notre pays, puisqu’une large part de ces bénéfices alimente des circuits financiers – dividendes, rachats d’actions, placements de trésorerie –, plutôt que les capacités industrielles nationales.

Notre amendement a donc pour objet de corriger cette dérive, en créant une contribution progressive – de 33 %, puis 37 %, puis 41 % –, majorée de quinze points pour les groupes les plus militarisés et visant la rente dégagée à l’aval du processus, une fois la commande publique transformée en bénéfice net.

C’est une mesure ciblée qui protège les chaînes industrielles tout en refusant que la guerre devienne un moteur de profit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mon cher collègue, je viens de vous entendre dire que la guerre ne doit pas être un moteur de profit. J’ai lu, par ailleurs, que vous vous attaquiez à ceux qui seraient des « profiteurs de guerre ». Mes chers collègues, je vous invite à être très attentifs aux mots que vous employez.

En effet, dans les temps de grande instabilité géopolitique où nous sommes, ce type de propos me choque, je vous le dis franchement. Nous devons être attentifs aux formules que nous employons, même s’il est toujours tentant de faire un « coup de communication ». Ce n’est sans doute pas votre intention, mon cher collègue, mais les mots que vous utilisez me semblent trop graves au regard de la situation que nous connaissons.

Oui, nous avons besoin de produire un effort de défense. Heureusement, l’outil industriel français existe encore et il est le garant de notre indépendance. Mais de grâce, si nous voulons assurer notre souveraineté, y compris sur les enjeux de défense nationale et de défense européenne, en étant plutôt à l’avant-garde dans ce domaine, évitons ce type de formule !

En outre, je trouve assez regrettable le réflexe que vous semblez adopter de vouloir créer des taxes partout. Si je force à peine le trait, il n’y a jamais rien qui va quand il s’agit des entreprises. (M. Albéric de Montgolfier approuve.)

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1272.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-655 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Devinaz, Fagnen, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Marie, Mme Matray, MM. Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts sont redevables d’une contribution exceptionnelle. Le taux de cette contribution est fixé à 10 %.

La contribution est assise sur l’ensemble des bénéfices réalisés dans les entreprises mentionnées au premier alinéa, réalisés en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

Un décret en Conseil d’État fixe la date d’application du présent article.

La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.

Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement de notre collègue Olivier Jacquin vise à faire contribuer les plateformes de travail telles que la société Uber, alors même qu’elles ne paient pas les cotisations sociales qu’elles devraient payer si elles étaient employeurs et si les travailleurs qu’elles emploient étaient de véritables salariés.

En effet, ces plateformes d’emploi profitent de la législation pour contourner le droit du travail en n’ayant recours qu’à des autoentrepreneurs ou des microentrepreneurs, s’épargnant ainsi toute cotisation sociale patronale. La Cour de cassation a d’ailleurs qualifié, le 4 mars 2020, un chauffeur Uber d’« indépendant fictif ».

Avec les autres membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, Olivier Jacquin défend, depuis des années, une présomption de salariat pour ces travailleurs, ce qui aurait un impact direct tant sur leurs conditions de travail que sur leur protection sociale, mais aussi sur les comptes sociaux.

Nous n’avons pas encore réussi à convaincre le Gouvernement de changer de position sur le sujet. Dès lors, en attendant la transposition en droit national de la directive européenne, nous proposons de faire contribuer les plateformes d’emploi par le biais d’une contribution exceptionnelle.

M. le président. L’amendement n° I-2219 rectifié, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts sont redevables d’une contribution.

Le taux de cette contribution est fixé à 10 %.

La contribution est assise sur l’ensemble des bénéfices réalisés dans les entreprises mentionnées au premier alinéa, réalisés en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

Un décret en Conseil d’État fixe la date d’application du présent article.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. L’objectif est exactement le même que pour l’amendement précédent.

Je note que cette mesure a été adoptée à l’Assemblée nationale l’année dernière, avant d’être écartée dans le cadre du recours à l’article 49.3 de la Constitution.

Ces plateformes se sont installées en cassant la réglementation ou en se soustrayant à elle. Aujourd’hui, nous en payons le prix : des secteurs entiers ont été complètement ubérisés.

Il est donc nécessaire de faire contribuer ces plateformes pour réparer les dégâts causés par la « disruption », pour reprendre les termes d’Uber et d’autres, qu’elles ont provoquée.

À cet effet, nous proposons une contribution à hauteur de 10 % sur les bénéfices réalisés en France par ces plateformes, les fameux autoentrepreneurs qui y recourent n’étant en réalité que des salariés déguisés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je découvre à la lecture de cet amendement que vous souhaitez surtaxer de nombreuses petites entreprises ayant une activité dans le domaine de la revente de billets de spectacle ou du financement participatif, auquel je vous croyais pourtant attachés. Or c’est une mauvaise idée.

En revanche, je comprends votre volonté de taxer d’autres grandes entreprises, majoritairement d’origine américaine. Toutefois, tel qu’il est rédigé, le dispositif serait contre-productif et ne toucherait pas sa cible.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends vos préoccupations sur les enjeux sociaux dans ce secteur, mais vous vous focalisez sur l’aspect fiscal, ce qui n’est pas à mon avis la bonne manière de traiter la question.

Comme l’a dit M. le rapporteur général, le filet ici est bien trop large : il risque de fragiliser des entreprises bien françaises, ce que nous ne souhaitons pas.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Monsieur le ministre, vous êtes donc conscient du problème. Que prévoit le Gouvernement pour le corriger ?

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Je partage les préoccupations qui ont été exprimées par les auteurs des amendements et j’engage moi aussi le Gouvernement à travailler sur ce sujet.

La rédaction de ces amendements est insatisfaisante du point de vue technique. De plus, sur le principe, si une telle contribution des plateformes devait être instaurée, elle devrait être affectée à la sécurité sociale, et non au budget de l’État.

Je ne voterai pas ces amendements, mais, je le répète, j’incite le Gouvernement à agir sur le sujet.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-655 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-2219 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-1451 rectifié, présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après la section XX bis du chapitre III du titre premier de la première partie du code général des impôts, est insérée une section … ainsi rédigée :

« Section …

« Contribution sur les dividendes exceptionnels des grandes entreprises

« Art. 235 ter ZH …. – I. – A. – Il est institué une taxe sur les dividendes des sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 000 euros.

« B. – La taxe est due lorsque les dividendes, tels que définis aux articles L. 232-10 à L. 232-20 du code de commerce, versés par une société lors de l’exercice considéré est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne des dividendes versés lors des exercices 2017, 2018 et 2019.

« C. – La taxe est assise sur la fraction des dividendes versés par la société excédant 1,25 fois la moyenne des dividendes versés durant les trois exercices précités. La taxe est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de dividendes versés supérieure ou égale à 1,25 fois la moyenne des dividendes versés durant les trois exercices précités le taux de :

« a) 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

« b) 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

« c) 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.

« II. – A. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du présent code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

« B. – Un décret fixe les modalités de contrôle et de recouvrement ainsi que les garanties, les sanctions et les règles de présentation, d’instruction des réclamations. »

II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2026. Elles s’appliquent également à l’exercice fiscal de l’année de son entrée en vigueur.

La parole est à M. Fabien Gay.