M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Certains collègues, en défendant leur amendement, ont bien indiqué qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. À mon sens, il ne peut y avoir, en l’espèce, d’amendement d’appel, car, au travers de ces propositions, ce sont des points de vue qui s’expriment.

Je reste cohérent avec la ligne adoptée par la commission, qui souhaite supprimer la surtaxe d’IS. Le moment est venu de donner un signal clair pour en finir avec le zigzag fiscal, avec le « p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non », avec cette espèce de flou, qui n’est même plus artistique, autour de mille et une taxes.

Disons-le, la taxe au tonnage est un avantage qui a permis à l’entreprise concernée de se reconstituer, de se remettre sous pavillon français, de croître et de trouver une place majeure dans le commerce et le transport maritime mondial. En France, cela représente autour de 20 000 emplois et, à l’échelle mondiale, près de 100 000, ainsi que plus de 20 milliards d’euros de contributions fiscales.

Faisons donc attention : ne participons pas à cette espèce de chasse aux grands groupes, en disant ou, en tout cas, en laissant entendre que ce n’est pas parce qu’ils font notre fierté que nous ne pouvons pas leur « piquer » un peu d’argent, voire davantage, au motif que cela épargnerait les autres. (M. Thomas Dossus sexclame.) Il nous faut trouver des points d’équilibre, avant éventuellement d’examiner de quelle manière le dispositif pourrait évoluer.

En tout cas, pour cette année, il convient de tenir une ligne politique claire. La commission émet donc un avis défavorable sur tous ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Cela a été dit par la plupart des intervenants : nous avons un champion mondial, qui figure dans le top 5 ; parmi les quatre autres, on compte un Allemand, un Chinois, un Danois et un Suisse. Soyons-en fiers.

J’ajoute que je n’ai jamais entendu ce champion mondial faire du chantage au siège social. Jamais. N’entrons donc pas dans cette logique qui voudrait faire croire que, s’il était davantage taxé, il partirait. Non, il est extrêmement ancré en France, plus précisément – c’est un supporter du Paris Saint-Germain qui vous le dit – à Marseille. Il soutient ainsi fortement un club qui n’est pas le mien : je ne puis donc être suspecté…

M. Fabien Gay. De parti pris !

M. Roland Lescure, ministre. … d’entretenir quelque biais que ce soit sur le sujet !

L’entreprise en question a placé quinze bâtiments sous pavillon français voilà à peine quinze jours, alors que la discussion qui nous occupe ce matin avait lieu à l’Assemblée nationale. Nous parlons donc bien d’un champion mondial et, en plus, d’un champion fier d’être français et marseillais.

Par conséquent, nous sommes évidemment défavorables aux amendements, à l’exception, j’y reviendrai, de l’amendement n° I-1450, car leur adoption obérerait de manière durable et forte la compétitivité d’un champion français et fier de l’être. Vraiment, nous nous tirerions une balle dans le pied.

J’insiste donc : mesdames, messieurs les sénateurs, ne votez pas ces amendements. Je suggère même leur retrait, pour dire à cette entreprise toute notre fierté de la voir non seulement implantée en France, mais y rester.

Concernant l’amendement n° I-1450, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat. En effet, monsieur Savoldelli, son adoption permettrait, par parallélisme des formes, de garantir, au cas où la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, à laquelle, vous le savez, nous sommes favorables, serait maintenue dans le cadre de la navette, que la contribution exceptionnelle des grandes entreprises soumises à la taxe au tonnage puisse être augmentée de manière exceptionnelle.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Il s’agit d’un sujet ô combien important. La France est un grand pays maritime, qui possède le deuxième espace maritime le plus étendu au monde. Si nous voulons le rester, il nous faudra toujours des armateurs. Or ces derniers sont confrontés à la concurrence internationale.

Chacun peut donc comprendre la nécessité de leur réserver des règles de fiscalité avantageuses par rapport à des concurrents à bas coût.

Par ailleurs, ces armateurs doivent pouvoir essaimer sur l’ensemble du globe pour être véritablement performants.

Enfin, ils sont confrontés aux enjeux de la transition énergétique : il leur faut donc des moyens pour y faire face.

Tout cela m’amène à dire qu’il importe absolument de soutenir les armateurs français.

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. Monsieur le ministre, je suis fier – nous devons tous l’être –, des entreprises françaises, de toutes les entreprises françaises qui font le choix de la France. Il n’y a pas de difficulté sur ce point.

Nous pouvons tous nous réjouir ici d’avoir une économie qui puisse se développer, s’épanouir. En la matière, nous n’avons qu’une seule boussole : accompagner ces entreprises, les amener à être encore plus fortes sur la scène internationale. Je ne comprends donc pas votre argument, permettez-moi de vous le dire.

Le sujet n’est pas d’affaiblir CMA CGM, ni, d’ailleurs, les autres entreprises dans notre pays. Il s’agit de savoir, ce qui relève d’un point de vue différent par rapport au débat sur le patrimoine, si, à un moment donné, en matière de fiscalité, nous sommes capables de demander à certaines entreprises de réaliser un effort un peu plus important, pour permettre de mieux soutenir les autres.

Cela suppose d’opérer des transferts, de faire du rééquilibrage fiscal, d’aller chercher de l’argent dans certains endroits, par exemple pour mieux aider le secteur du logement.

Plus notre politique économique sera globale, plus elle sera essentielle pour le développement de notre pays. CMA CGM est une entreprise fière d’être française ; nous sommes tout aussi fiers qu’elle le soit et qu’elle se développe. Toutefois, CMA CGM a besoin d’être appuyée par la force diplomatique de la France, de commercer avec des ports maritimes à la productivité renforcée, à l’attractivité croissante, à la capacité d’investissement assurée. Pour cela, nous avons besoin de plus d’argent, non de moins d’État.

Par conséquent, que de telles entreprises soient mises quelque peu à contribution pour nous permettre de mieux accomplir les missions qui sont les nôtres, en vue, notamment, de soutenir leur développement, ne me paraît pas scandaleux.

Puisqu’une disposition similaire sera prévue à l’article 4 dans le cadre de la navette, par cohérence, il faut faire évoluer la taxe au tonnage pour CMA CGM.

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.

M. Olivier Rietmann. Cher collègue Pierre Barros, vous avez indiqué à juste titre que CMA CGM avait contracté un prêt garanti par l’État d’un milliard d’euros. L’entreprise l’a cependant remboursé, et cette opération a largement rapporté au budget de l’État, au vu des intérêts qu’elle a payés.

M. Grégory Blanc. Elle a donc bien bénéficié d’un apport de liquidités !

M. Olivier Rietmann. Cela a été dit, la taxe au tonnage a évidemment une portée mondiale. Si nous nous y attaquons, nous allons taper sur une seule entreprise, française, et pas sur les autres, ce qui la mettra en difficulté.

Faut-il le rappeler, le nombre d’emplois liés au secteur maritime et portuaire en France est de 20 000 pour CMA CGM, mais de 500 000 pour l’ensemble du pays. Ces personnes n’apprécieraient sans doute pas que l’on mette des boulets aux entreprises qui les emploient.

Tout cela n’empêche pas CMA CGM de payer la surtaxe à l’IS, qui représente, me semble-t-il, 400 millions d’euros : voilà qui est, d’ores et déjà, une contribution exceptionnelle.

Par ailleurs, je suis surpris que le groupe écologiste dépose ce genre d’amendement. Si la taxe au tonnage a permis à CMA CGM de payer moins d’impôts, ce régime lui donne surtout les moyens d’investir, sur la période 2025-2026, un milliard d’euros dans la décarbonation de sa flotte,…

M. Grégory Blanc. C’est très bien ! (M. Guillaume Gontard approuve.)

M. Olivier Rietmann. … ce qui va tout de même dans le bon sens.

Certes, il y a eu 3,8 milliards d’euros de moindres rentrées fiscales dans les caisses de l’État en 2023 et 1,5 milliard d’euros en 2024, mais ce montant va encore baisser, car le coût du fret maritime continue de diminuer. Et ce système permet des investissements très importants dans la transition écologique.

M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet, pour explication de vote.

M. Raphaël Daubet. Ces leçons de fierté me choquent.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce ne sont pas des leçons…

M. Raphaël Daubet. Ce n’est pas du tout le moment de s’y livrer. L’an dernier, lorsque la question de la contribution exceptionnelle s’est posée, y compris pour CMA CGM, personne ne s’en est offusqué. Nous avons pris une décision parce que les finances publiques l’exigeaient : il y avait un enjeu de redressement.

Il est tout à fait normal de considérer que, cette année, une fois de plus, et peut-être cela va-t-il encore se répéter, nous avons besoin d’aller chercher des ressources nouvelles.

M. Roland Lescure, ministre. D’où mon avis de sagesse sur l’amendement n° I-1450 !

M. Raphaël Daubet. Ce n’est donc ni une question de fierté ni une volonté de « piquer de l’argent » à cette entreprise. Ce n’est pas ainsi qu’il faut le voir, et ce n’est pas notre manière de penser et de présenter le débat.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. J’ai trouvé une correspondance entre mon analyse et celle de M. le ministre : le problème vient de l’érosion de la base taxable. Voilà la réalité concrète dont nous devons parler, et c’est exactement la question que se pose l’État danois avec Maersk.

Nous avons là un groupe oligopolistique, dans un secteur où il y a donc très peu d’offreurs et énormément de demandeurs. Nous sommes tous fiers de cette entreprise, là n’est pas la question.

C’est bien pour répondre à la problématique de l’érosion de la base taxable, qui sera durable si nous ne faisons rien, que nous proposons une telle disposition, laquelle ne va pas mettre un groupe de cette importance en grande difficulté ; c’est aussi ce que propose, par exemple, l’État danois pour Maersk.

Ils ne sont que quelques armateurs à dominer le marché : c’est un monopole capitalistique, et il n’y a rien d’irrespectueux dans mon propos. À un moment donné, il faut arrêter l’érosion de la base taxable. Je le répète, la véritable question, ce n’est pas la taxe, c’est la base taxable qui échappe à nos recettes fiscales nationales.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1917 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1450.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1919 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-665 rectifié, I-1918 rectifié ter et I-2478 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-1456 rectifié et I-2479 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-232 rectifié bis et I-664 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-1449, présenté par MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 33,3 % » ;

2° Après le a septies, sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :

« …° Le taux normal de l’impôt sur les sociétés mentionné au deuxième alinéa du présent I est fixé à :

« – 20 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 38 120 € et 76 240 € ;

« – 25 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 76 241 € et 152 480 € ;

« – 30 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 152 481 € et 304 960 € ; ».

La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. Nous entendons régulièrement invoquer ce que l’on appelle la courbe de Laffer, selon laquelle plus on baisse les taux d’imposition, plus les recettes augmenteraient mécaniquement grâce à un supposé surcroît d’activité.

Voilà quarante ans que ce récit sert de justification aux politiques de réduction de la fiscalité sur le capital. Nous l’avons encore entendu ce matin, et je pense que nous continuerons à l’entendre pendant les semaines d’examen de ce projet de loi de finances pour 2026.

Permettez-moi de rappeler que la courbe de Laffer n’est ni une loi ni même une théorie robuste. Elle a été, selon les historiens eux-mêmes, littéralement dessinée au dos d’une serviette lors d’un dîner à Washington dans les années 1970 ; je ne dirai pas par qui. Et depuis, ce croquis improvisé semble valoir démonstration scientifique.

Mes chers collègues, la progressivité de l’impôt répond à quatre réalités économiques incontestables dans les économies avancées : les profits augmentent plus vite que les salaires ; les multinationales captent des rentes de monopole et d’oligopole ; l’optimisation et l’érosion des bases fiscales se sont industrialisées ; la part des bénéfices dans la valeur ajoutée ne cesse de croître.

Entre 2011 et 2021, les cent plus grandes entreprises françaises cotées en Bourse ont versé en moyenne 71 % de leurs bénéfices sous forme de dividendes et de rachats d’actions. Sur la même période, les dépenses par salarié ont augmenté de 22 %, tandis que les versements aux actionnaires ont crû de 57 %. Dans ce contexte, maintenir un taux unique d’impôt sur les sociétés revient à faire peser l’effort proportionnellement plus sur les petites entreprises que sur les géants du capital.

C’est pourquoi nous ne pouvons pas nous contenter d’une mesure temporaire sur l’impôt sur les sociétés ni continuer à empiler les baisses d’impôts non financées. Ces dernières n’ont ni soutenu la croissance ni stimulé l’investissement productif.

Aussi, par cet amendement, nous proposons de rétablir le taux de l’impôt sur les sociétés à 33,3 % et d’introduire un élément de progressivité avec un barème d’impôt sur les sociétés fonction du bénéfice imposable.

M. le président. L’amendement n° I-1300 rectifié ter, présenté par MM. Capus et Laménie, Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Grand, V. Louault et Brault, Mme L. Darcos, MM. Chevalier, A. Marc et Chasseing, Mme Lermytte et MM. Levi et Pointereau, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa du I, les taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 24 % » ;

2° Au b du I, le taux : « 15 % » est remplacé par le taux : « 14 % ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Cet amendement est l’exact contraire de celui qui vient d’être présenté. Il y a un vrai débat, deux positions radicalement opposées. Les communistes veulent augmenter les impôts ; nous, nous voulons les baisser. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

En effet, en France, nous avons déjà les entreprises les plus taxées, les plus étouffées par les contributions,…

M. Emmanuel Capus. … les taxes, les redevances, les impôts de toute la zone euro, de toute l’Union européenne et même de toute l’OCDE.

Nous avons déjà les impôts les plus élevés. Les entreprises sont donc étouffées.

Et nos collègues communistes nous disent que la courbe de Laffer ne « fonctionne pas » ? Pourtant, il suffit de considérer les chiffres – notre collègue Olivier Rietmann les a rappelés tout à l’heure –, c’est mathématique. En 2016, avec un taux à 33 %, l’impôt sur les sociétés a rapporté 30 milliards d’euros. En 2024, avec un taux à 25 %, le même impôt rapporte 57,4 milliards d’euros. On a baissé le taux, et les recettes fiscales ont doublé !

La raison en est très simple ; c’est le principe qui est effectivement énoncé par la courbe de Laffer : « Trop d’impôt tue l’impôt. » Quand vous baissez les impôts, cela augmente les recettes fiscales !

Puisque nous sommes dans la théorie et le débat politique, intellectuel et économique, permettez-moi de citer Jean-Baptiste Say, économiste du XIXe siècle – c’est le siècle dans lequel vivent les communistes ; cela ne devrait pas les dépayser (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.) –, qui écrivait ceci : « Un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte. Par une raison contraire, une diminution d’impôts, en multipliant les jouissances du public, augmente les recettes du fisc et fait voir au gouvernement ce qu’il gagne à être modéré. »

Comme les quatre sénateurs de Maine-et-Loire sont présents dans l’hémicycle, je voudrais rappeler que nous sommes un territoire de modération et combien nous sommes attachés à de tels principes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° I-1449 et sollicite le retrait de l’amendement n° I-1300 rectifié ter – j’ai bien compris qu’il s’agit d’un amendement d’appel –, qui a au moins un mérite : nous rappeler qu’en termes d’impôt sur les sociétés, la France est encore au-dessus du taux moyen des pays de l’OCDE, soit 24 %.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1449.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1300 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-670, présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Devinaz, Fagnen, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Marie, Mme Matray, MM. Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le a quinquies du I de l’article 219 du code général des impôts est abrogé.

La parole est à M. Thierry Cozic.

M. Thierry Cozic. Cet amendement du groupe socialiste vise à supprimer la niche dite Copé.

Monsieur le ministre, cette année encore, nous avons vu fleurir les articles de presse indiquant que l’exécutif allait « s’attaquer aux niches fiscales ». Lors du précédent quinquennat d’Emmanuel Macron, Gérald Darmanin, alors ministre de l’action et des comptes publics, avait déjà promis de faire le ménage parmi ces niches.

Depuis, rien, ou presque, n’a changé. Amélie de Montchalin a déclaré vouloir passer en revue l’ensemble des niches fiscales, afin, selon ses termes, de « supprimer ce qui est inutile ». Elle notait ainsi que, comme le total des niches existantes s’élève à 85 milliards d’euros, en supprimer ne serait-ce que 10 % rapporterait 8 milliards d’euros !

Alors, laissez-nous vous aider, monsieur le ministre.

Je vous propose de supprimer la niche Copé, qui est bien connue dans notre hémicycle ; nous l’évoquons chaque année. Elle permet aujourd’hui une exonération partielle d’impôt sur les plus-values à long terme sur les cessions des filiales et titres de participation. Concrètement, elle bénéficie surtout aux holdings et facilite l’optimisation fiscale.

D’ailleurs, un certain flou demeure autour de cette disposition, puisque son coût total n’apparaît jamais clairement dans les documents budgétaires transmis au Parlement. Il se situerait entre 5 milliards d’euros et 8 milliards d’euros. Si vous avez les chiffres exacts, je suis preneur.

Ce qui est certain, c’est qu’une telle suppression vous permettrait de tenir compte de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés, donc de rééquilibrer la fiscalité des entreprises, et de réaliser des économies, comme vous l’appelez de vos vœux, sans les faire subir aux classes populaires et moyennes.

M. le président. L’amendement n° I-228 rectifié bis, présenté par Mme Lavarde, MM. Anglars et Belin, Mme Belrhiti, MM. Brisson, Burgoa et Cadec, Mme Canayer, M. Daubresse, Mmes Di Folco, Estrosi Sassone et Evren, M. Genet, Mme Gosselin, MM. Gremillet et Hugonet, Mmes Imbert et Josende, MM. Karoutchi, Khalifé, D. Laurent et H. Leroy, Mme M. Mercier, M. Michallet, Mme Micouleau, MM. Naturel, Paccaud, Panunzi, Perrin et Piednoir, Mme Primas, MM. Rapin, Rietmann, Sautarel, Savin, Sido et Sol, Mme Valente Le Hir, M. J.P. Vogel, Mme Aeschlimann et M. Mandelli, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la fin de la seconde phrase du troisième alinéa du a ter et au troisième alinéa du a quinquies du I de l’article 219 du code général des impôts, les mots : « d’un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable » sont remplacés par les mots : « d’un des comptes de titres quelle que soit, dans ce dernier cas, leur qualification comptable ».

II. – Le I s’applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2025.

La parole est à Mme Christine Lavarde.

Mme Christine Lavarde. L’organisation de nos travaux a l’intérêt de permettre de discuter d’amendements tendant à renforcer des dispositifs que les auteurs d’amendements présentés juste avant veulent au contraire supprimer ! (Sourires.)

En l’occurrence, mon amendement vise à préciser et à rendre plus efficiente la mise en œuvre de cette fameuse niche dite Copé, en accordant la présomption irréfragable d’éligibilité au régime des plus et moins-values de long terme à tous les titres, qu’ils aient ou non le statut de participation au sens comptable.

Pour pouvoir bénéficier de ces dispositions, il faudrait que lesdits titres soient inscrits dans une subdivision spéciale, qu’ils soient éligibles au régime des sociétés mères et qu’ils représentent par ailleurs une détention d’au moins 5 % des droits de vote de la société émettrice. Et une fois que la décision aurait été prise par la société d’inscrire lesdits titres dans la subdivision spéciale, il y aurait application du régime de long terme, c’est-à-dire exonération des plus-values ; mais, en même temps, il n’y aurait pas de déductibilité des moins-values.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable sur l’amendement n° I-670 et avis favorable sur l’amendement n° I-228 rectifié bis, dont l’adoption permettrait un retour à l’esprit de ce qui avait été imaginé en 1995 sur l’initiative du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.

M. Thierry Cozic. En présentant mon amendement, j’ai demandé quel était le coût de la niche Copé pour les finances publiques. Aujourd’hui, nous ne le savons pas. Il n’y a aucun élément dans les documents budgétaires.

J’aimerais donc connaître l’incidence à la fois du dispositif actuel sur nos finances et de la mesure défendue par Mme Lavarde sur son rendement.

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Depuis hier, un certain nombre de taxations ont été vidées de leur substance ou très largement diminuées. Je pense notamment à la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, à l’impôt sur la fortune, dont le montant a diminué, ou à la taxe sur les holdings. Nous avons également essayé d’avancer sur le pacte Dutreil, et nous n’y sommes pas arrivés.

Notre collègue Thierry Cozic a posé une double question très précise. Quel est le coût de la niche Copé pour nos finances publiques ? Quel serait celui de l’adoption de l’amendement de Christine Lavarde ?

Faut-il attendre, comme pour le pacte Dutreil, un rapport de la Cour des comptes montrant que le coût du dispositif est bien supérieur à son efficacité pour pouvoir enfin avancer ?

Oui, nous présentons cet amendement sur la niche Copé chaque année. Mais, pour nous, ce n’est pas un « marronnier » ; c’est une volonté d’en savoir davantage pour avancer et avoir une fiscalité plus juste et plus efficace, avec des niches fiscales moins importantes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Roland Lescure, ministre. Ce n’est pas une niche fiscale ; il n’y a donc pas de ligne qui permettrait d’indiquer le coût exact du dispositif.

Mais si ce dernier n’existait pas, nous en perdrions les intérêts. L’effet sur les recettes fiscales potentielles liées aux entreprises concernées serait très négatif.

Ce que je peux vous indiquer, monsieur le sénateur Cozic, c’est que le gain potentiel pour l’État de l’adoption de votre amendement serait un peu inférieur à 7 milliards d’euros.