M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Au préalable, je tiens à rappeler que la première raison d’être du crédit d’impôt recherche est de réduire le coût du travail des ingénieurs ; d’ailleurs, certains appellent ce dispositif le « CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) des ingénieurs ». Chacun sait qu’il existe un lien entre le coût du travail et l’instauration du CIR.
Je souhaite par ailleurs rappeler quelques éléments factuels sur les bénéficiaires du crédit d’impôt recherche. Les entreprises industrielles représentent plus de 55 % d’entre eux. Cette donnée est importante pour toutes celles et tous ceux, que je crois nombreux ici, qui souhaitent la réindustrialisation du pays. Par ailleurs, 59 % des créances profitent aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Je veux également insister sur le fait que le crédit d’impôt recherche constitue, et de loin, notre principal levier de soutien à la recherche privée ; d’ailleurs, le tissu français de PME et d’ETI est important. À ce sujet, le niveau actuel des dépenses publiques de recherche en France se situe au-dessus de la moyenne de l’OCDE ; c’est un atout, mais cela ne signifie pas pour autant que l’on puisse tout financer.
J’en viens aux avis de la commission sur ces vingt-trois amendements en discussion commune.
La commission demande le retrait des amendements nos I-669 rectifié et I-1180 rectifié ter, qui ont pour objet de plafonner, à 100 millions d’euros, l’assiette du CIR ; un tel plafond constituerait un signal négatif pour l’industrie et jouerait en défaveur de l’emploi qualifié en France.
La commission a émis un avis défavorable sur les amendements qui tendent à modifier le barème ou la nature même du CIR ; le barème actuel correspond à un certain équilibre et permet tant aux PME qu’aux grandes entreprises de bénéficier de la réduction du coût du travail. Il s’agit des amendements nos I-74 rectifié sexies, I-250, I-1731, I-1732, I-1969 et I-667.
La commission est également défavorable aux amendements qui visent à modifier le périmètre d’appréciation du seuil de 100 millions d’euros, car cela pourrait défavoriser les groupes industriels structurants de notre tissu productif. Il s’agit des amendements nos I-674, I-1522 rectifié bis et I-2088 rectifié.
Elle est aussi défavorable à l’amendement n° I-2091 rectifié, qui a pour objet de restreindre l’assiette du crédit d’impôt recherche, en limitant les dépenses de sous-traitance, laquelle permet pourtant aux PME et aux laboratoires publics de bénéficier du CIR des grands groupes.
La commission a encore émis un avis défavorable sur les amendements qui visent à combiner des mesures de modification du barème ou de plafonnement de l’assiette : les amendements nos I-1181 rectifié ter, I-1179 rectifié ter, I-666 rectifié, I-1521 rectifié quater, I-2089 et I-2086.
Enfin, elle est défavorable aux amendements tendant à instaurer des dispositifs anti-transfert d’activité à l’étranger pendant une période de trois ou dix ans pour les bénéficiaires du crédit d’impôt recherche. Les rédactions proposées sont contraires au droit européen et, du reste, méconnaissent la réalité de la vie des entreprises. Il s’agit des amendements nos I-190 rectifié, I-1728, I-2084 et I-2379 rectifié bis.
Je le rappelle, l’an dernier, la commission des finances avait proposé un amendement, adopté par le Sénat, qui tendait à rationaliser le dispositif du CIR, pour une économie de 440 millions d’euros. Il faut éviter de modifier les mesures fiscales chaque année ; il convient de maintenir le cap de notre politique de soutien à la recherche.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements en discussion commune.
Je me méfie de l’argument qui consiste à dire que, puisque l’on dépense beaucoup pour une mesure, cela montre qu’elle est inefficace et qu’il faut la raboter.
M. Stéphane Piednoir. Nous ne disons pas cela !
M. Roland Lescure, ministre. Certains d’entre vous l’ont dit, pas tous. Il y a eu beaucoup d’arguments différents, je ne veux pas donner l’impression de caricaturer les positions des uns et des autres, mais je me permets de faire une réponse groupée.
Nombre d’études démontrent que l’euro dépensé au titre du crédit d’impôt recherche est sans doute l’euro public le mieux dépensé : un euro de crédit d’impôt recherche produit un euro de dépense privée en plus.
Il y a beaucoup de niches fiscales en France ; à titre personnel, je suis favorable au soutien du mécénat, par exemple, mais il faut reconnaître que cette niche a un effet trois fois moindre : pour un euro de crédit d’impôt dépensé, on a 20 à 30 centimes de mécénat en plus. Le CIR, c’est un pour un ; il n’y a aucune politique publique dont l’effet multiplicateur soit aussi fort.
C’est vrai, cet effet est un peu moins fort pour les grandes entreprises – il est plutôt de 0,8 –, mais c’est normal, puisque le dispositif est plafonné : au-delà de 100 millions d’euros, le taux est de 5 % contre 30 % en deçà. C’est donc forcément un peu moins efficace pour les grandes que pour les petites sociétés, mais l’effet est tout de même extrêmement puissant par rapport à beaucoup d’autres avantages fiscaux.
Cela me conduit à répondre aux arguments liés à l’optimisation. Comme le montant de 100 millions d’euros s’apprécie filiale par filiale, certains sénateurs affirment que les groupes transféreraient des dépenses d’une filiale à l’autre. Là encore, des études démontrent que c’est absolument faux. Du reste, quiconque sait comment s’organise un grand groupe industriel disposant de centres de recherche sait bien que chaque centre a sa spécialité : ce n’est pas parce qu’un groupe fait de la thérapie génique à Troyes et des vaccins à Brest qu’il va transférer des dépenses de recherche de Troyes vers Brest dans une démarche d’optimisation fiscale. L’organisation des groupes est extrêmement rationnelle.
J’ai été ministre de l’industrie et de l’énergie pendant deux ans. J’ai rencontré à ce titre de nombreux investisseurs internationaux qui souhaitaient investir en France, car notre pays est le plus attractif d’Europe depuis six ou sept ans. Eh bien, le CIR – Dieu sait que nous avons des acronymes et Dieu sait que les investisseurs internationaux nous regardent habituellement avec des yeux de merlan frit quand on les mentionne –, tous le connaissent. Chacun le prononce dans sa langue, mais il est extrêmement connu, parce qu’il permet de rendre l’emploi d’ingénieurs à la française, réputés dans le monde entier, extrêmement compétitif par rapport à la concurrence.
Le budget du CIR correspondrait à peu près, selon certains d’entre vous, au budget cumulé des grands centres de recherche publique. En aucun cas je n’opposerai la recherche privée à la recherche publique : les deux types de recherche sont indispensables, mais, dans l’ensemble, les dépenses de recherche en France représentent un peu plus de 2 % du PIB, environ 2,2 % ou 2,3 % – j’aimerais que ce soit un peu plus –, dont deux tiers de recherche privée et un tiers de recherche publique. Cela prouve bien que ce dispositif est efficace. Un euro de recherche publique, c’est un euro de recherche – forcément, l’effet multiplicateur est moindre que pour la recherche privée.
Le rapporteur général l’a indiqué, vous avez adopté des mesures de rationalisation l’année dernière. Préservons la stabilité du crédit d’impôt recherche cette année ; évitons de compliquer ce dispositif simple, identifié, efficace et qui a un impact très fort sur la recherche privée pour les grandes, les moyennes et les petites entreprises.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. Nous avons presque là une sorte de débat de contrôle sur le CIR ; cela nous fait en plus un entraînement en vue de la seconde partie du projet de loi de finances, car j’imagine que nombre des amendements défendus aujourd’hui seront redéposés lors de l’examen de la mission « Recherche et enseignement supérieur », dont je suis l’un des deux rapporteurs spéciaux au nom de la commission des finances.
À ce titre, cela fait sept ans que je vois cette niche fiscale évoluer, globalement dans le bon sens.
Je souhaiterais verser plusieurs éléments au débat, car il me semble que tout cela manque de chiffres ; on a donné le montant global de l’augmentation du CIR, mais pas le reste.
D’abord, cela n’a pas été dit, mais il faut le savoir, 52 % des dépenses éligibles au CIR sont destinées à favoriser l’emploi. Il s’agit donc d’un dispositif important de soutien de l’emploi. C’est normal, d’ailleurs, car le coût de l’emploi en France est beaucoup plus élevé que dans les autres pays, notamment européens.
Ensuite, on a beaucoup glosé sur le plafond de 100 millions d’euros de dépenses de R&D, mais, M. le ministre le confirmera peut-être, d’après les services du ministère de la recherche, au-dessus de ce seuil, l’optimisation fiscale représente 47 millions d’euros ; 47 millions sur 8,8 milliards d’euros… Certains ont avancé le chiffre de 500 millions d’euros, mais je ne sais pas ce qu’il recouvre, car mes sources mentionnent un montant beaucoup plus faible.
Quant à l’optimisation à laquelle se livreraient les grandes entreprises, elle passe par le recours à des TPE et à des PME. Donc attention à ce sujet !
Enfin, on nous dit : « Recherche en France, production en France. » Mais comment traite-t-on le cas d’Airbus ou d’Ariane ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-François Rapin. Ces entreprises font de la recherche en France, mais elles ont aussi des activités de développement et de production dans d’autres pays de l’Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Après avoir entendu les explications du rapporteur général et du ministre, la position du groupe Union Centriste est claire : nous considérons qu’il ne faut rien bouger (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) et, s’il fallait apporter des modifications à ce dispositif, qu’il ne faudrait pas improviser. Il faut bien mesurer les conséquences de chaque évolution.
Je ne serais pas contre la constitution, sur ce thème, d’un groupe de travail pluraliste placé sous l’égide du ministre de l’économie et des finances, mais il est crucial, à l’heure où la France a besoin d’innovation, de n’improviser aucune réforme, comme le proposent les auteurs de ces amendements.
La délégation sénatoriale aux entreprises a récemment reçu des représentants d’organisations patronales. À cette occasion, le président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti) soulignait que trois ingénieurs en France coûtaient autant que cinq ingénieurs en Allemagne. Nos entreprises supportent à l’évidence des charges plus élevées que leurs concurrentes des autres pays.
Fabien Gay indiquait précédemment que STMicroelectronics ne paie pas d’impôts en France, mais cette entreprise emploie plus de 10 000 personnes dans notre pays ; elle fait donc vivre plus de 10 000 familles ! (M. Fabien Gay s’esclaffe.) Cela signifie aussi qu’elle paie des cotisations sociales, qu’elle acquitte la taxe foncière et les autres prélèvements dus aux collectivités sur le territoire desquelles elle a des unités de production ! (M. Fabien Gay proteste.)
Revenons à la réalité et demandons-nous comment nous pouvons favoriser l’emploi en France. Pour notre part, nous pensons que le crédit d’impôt recherche est un bon outil pour cela. (M. Vincent Delahaye applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Mon intervention ira dans le même sens.
D’abord, d’après le rapport précité du Conseil d’analyse économique, le crédit d’impôt recherche profite essentiellement à une trentaine de nos fleurons industriels, tout simplement parce que ce sont eux qui ont les plus importantes dépenses de recherche. Toujours selon ce rapport, « on peut raisonnablement estimer que, même sans CIR, ces entreprises auraient de toute façon dépensé au moins 100 millions d’euros en R&D ». Certes, mais l’auraient-elles fait en France ?
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Il faut avoir à l’esprit que l’activité de recherche d’un groupe comme Schneider Electric, par exemple, est implantée à 50 % en France, alors que 80 % de son chiffre d’affaires provient de l’étranger. Or le fait d’avoir des centres de recherche en France est le moyen le plus sûr, même si ce n’est pas une garantie absolue, d’avoir une unité de production à proximité.
Ensuite, on a évoqué l’hypothèse de la suppression de l’avantage fiscal pour les dépenses qui excèdent le seuil de 100 millions d’euros. Les effets d’une telle décision pourraient être massifs, car, pour certains groupes, les dépenses qui correspondent à cette tranche, même au taux minoré de 5 %, pourtant faible, correspondent à la moitié des sommes qu’elles perçoivent au titre du crédit d’impôt.
Enfin, dans la période que nous connaissons, veillons à ne pas pénaliser des secteurs comme l’automobile, qui traverse de grandes difficultés, ou la défense – Thales, Safran et d’autres groupes du secteur bénéficient largement du crédit d’impôt recherche –, qui est stratégique, en nous attaquant au CIR.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je conteste les propos que Fabien Gay m’a attribués. Je n’ai jamais prétendu qu’une entreprise bénéficiant du CIR pour des activités de recherche avait ensuite l’obligation d’implanter ses activités de développement et de production en France.
Je dis simplement que, d’une part, nous sommes dans une économie ouverte et, si l’on réglemente trop, les entreprises ont tendance à aller voir ailleurs, et que, d’autre part, une entreprise qui dispose d’un centre de recherche quelque part sera naturellement encline à localiser les activités de développement à proximité. Puis, quand on a conçu et développé un produit, on a tendance à implanter le site de production non loin. Voilà mon propos.
Par ailleurs, le ministre indiquait que tout le monde à l’étranger connaît le CIR ; ce n’est pas faux, cela nous distingue et nous avons besoin d’éléments qui nous distinguent favorablement du point de vue de la compétitivité.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.
M. Thierry Cozic. J’entends dire qu’il ne faudrait absolument rien changer, qu’il ne faudrait pas toucher au pacte Dutreil – 6 milliards d’euros – ni à la niche Copé – 7 milliards d’euros.
M. Olivier Rietmann. Changez de disque !
M. Emmanuel Capus. Il est rayé !
M. Thierry Cozic. La niche Copé, de l’aveu même du ministre, ce n’est d’ailleurs rien à côté du CIR qui représente, lui, 8 milliards d’euros. Cet avantage fiscal a un impact fort sur les finances publiques.
M. Olivier Rietmann. Mais cela rapporte beaucoup !
M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre, le rendement public du point de vue de l’innovation, de l’emploi, de la R&D privée est difficile à mesurer. La question de l’efficacité du dispositif se pose donc bel et bien !
La Cour des comptes estime, dans un rapport récent, que le rendement des dépenses en matière d’innovation est bien plus élevé pour les TPE et les PME que pour les grandes entreprises.
M. Thierry Cozic. Je le rappelle, les grandes entreprises représentent 3 % des bénéficiaires et 47 % de la dépense totale, quand les PME correspondent à 83 % des bénéficiaires et perçoivent 28 % de l’enveloppe globale.
En outre, pour 1 million d’euros de CIR distribué, les TPE et PME déposent 1,165 brevet, contre 0,464 pour les grandes entreprises.
Nous sommes d’accord, le CIR reste un important instrument de soutien à la R&D, mais il est très coûteux pour l’État et constitue un levier relativement faible.
Le groupe socialiste votera donc l’ensemble des amendements qui tendent à recentrer le dispositif et/ou à instaurer une conditionnalité. Il est plus que temps que la puissance publique reprenne la main et oriente la recherche en fonction de ses priorités politiques. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Il ne faut pas confondre rêve et réalité. Nous souhaiterions tous, évidemment, que le CIR soit beaucoup plus utilisé par les très petites et les petites entreprises, mais elles ne peuvent pas le faire !
Michel Canévet l’a mentionné, la délégation sénatoriale aux entreprises a reçu avant-hier matin des représentants des organisations patronales. Quand nous avons abordé la question du CIR, le vice-président de l’Union des entreprises de proximité (U2P) nous a dit qu’il était inutile qu’il participe à la conversation, car le CIR ne concernait pas les petites et les très petites entreprises. Affaire classée !
Mme Sophie Primas. Mais oui, c’est trop compliqué !
M. Olivier Rietmann. Pourquoi sont-ce les grandes entreprises, les grandes ETI et les grosses PME qui sont les plus grosses consommatrices de CIR ? Mais parce que ce sont elles qui ont la puissance de le faire ! Ce sont elles qui ont la puissance de mettre en place des laboratoires et des filiales de recherche, qui, bien souvent, sont des PME ! Et ce sont elles qui ont la puissance d’embaucher en masse des ingénieurs !
Or, M. le ministre l’a dit, nos ingénieurs sont, certes, parmi les meilleurs en Europe, mais ils sont aussi les plus chers. Nous sommes très bons et très bien placés sur la main-d’œuvre peu ou non qualifiée, mais nous sommes très mal placés sur la main-d’œuvre très qualifiée. Les seuls ingénieurs plus chers que les nôtres sont les ingénieurs américains.
Cela pose donc le problème de l’attractivité. Si l’on devait changer une chose sur le CIR, il faudrait ajouter un « A » au sigle : crédit d’impôt recherche et « attractivité ». Le CIR ne va pas attirer les TPE et PME américaines ou autres ; il attirera les grandes et très grandes entreprises, qui ont une importante puissance de développement.
Pour autant, cela ne nous empêche pas de nous poser des questions. C’est ce que la commission d’enquête sur les aides publiques aux entreprises a fait dans son rapport, en évoquant l’hypothèse – nous n’avons pas déposé d’amendement ici en ce sens – de certaines conditionnalités. Je pense notamment aux cas où des montants importants de CIR ont été versés et qu’il y a une délocalisation très rapide après – je dis bien « très rapide » –, ou à l’enjeu de la sectorisation, que l’Union européenne interdisait naguère, mais autorise aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Vous dites, monsieur le ministre, que la France est le pays le plus attractif. Pourtant, on nous répète en permanence qu’il y a trop d’impôts dans notre pays et que le coût du travail y est trop élevé. Soit on est le pays qui attire le plus, soit on ne l’est pas !
Il faut être plus nuancé : il y a des secteurs où la France est très attractive et il y en a où elle a des problèmes de compétitivité. Nous devons donc aborder les choses avec nuance.
C’est tout l’enjeu des amendements déposés sur le CIR. À un moment donné, il faut que l’on atteigne la cible. Le monde a changé : entre le moment où le dispositif a été conçu et aujourd’hui, des changements sont intervenus.
Je donnerai deux exemples d’évolution du modèle économique des grandes entreprises.
Premier exemple, Sanofi et les Big Pharma. Il y a encore dix ans, les entreprises du Big Pharma faisaient de la recherche, mais elles ont complètement changé leur modèle : aujourd’hui, elles externalisent et rachètent des biotechs. Ce sont ces dernières qui font l’innovation aujourd’hui. Les entreprises du Big Pharma sont devenues des structures qui mettent sur le marché. Le modèle économique a évolué ; donc, de grâce, faisons évoluer le dispositif du CIR !
Second exemple, Michelin ; nous sommes quelques-uns ici à représenter le département du Maine-et-Loire et le Choletais est directement concerné par le sujet. Il y a un peu plus de dix ans, cette entreprise vendait du pneu ; aujourd’hui, elle vend du kilomètre. La société a fait évoluer son modèle économique et, malheureusement pour mon département, elle délocalise ses usines pour des raisons de marché, en vertu de son nouveau modèle économique.
Les modèles économiques changent, mais il ne faudrait surtout pas faire évoluer notre fiscalité ? Il ne faudrait pas que l’on ajuste nos dispositifs pour en tenir compte ? Ce n’est pas possible !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Grégory Blanc. C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour un recentrage de l’ensemble des dispositifs. (Protestations sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Vincent Delahaye. C’est caricatural !
M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet, pour explication de vote.
M. Raphaël Daubet. Je rappelle notre attachement au crédit d’impôt recherche, qui constitue un bon moyen pour soutenir la compétitivité de notre économie. J’insiste sur sa capacité à créer de la valeur ajoutée, souvent davantage que les exonérations fiscales pures et dures.
Nous regrettons l’absence de terrain d’entente entre nous sur la question du recentrage du dispositif, qui nous semble correspondre à un véritable besoin et à une nécessité. Toutefois, si M. le ministre s’engage à ouvrir ce chantier prochainement, je retirerai, le moment venu, mon amendement n° I-250.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Il nous faut avoir une réflexion plus large que le seul cadre budgétaire sur le crédit d’impôt recherche.
Personne ne remet en cause le dispositif global, mais un certain nombre d’éléments doivent maintenant être revus pour être analysés sereinement. Je le redis : personne ne s’oppose à ce que l’on soutienne la recherche fondamentale dans un certain nombre de filières industrielles indispensables.
En revanche, le fait d’attribuer le crédit d’impôt recherche à des hypermarchés au seul motif qu’ils ont installé un panneau « Bienvenue, bonjour à la clientèle », à une banque pour avoir lancé un nouveau plan d’épargne logement innovant, ou à certaines maisons de luxe soulève, me semble-t-il, une question de périmètre, sur laquelle il nous faudrait nous accorder.
Par ailleurs, si le dispositif vise à soutenir l’emploi – vous refusez la conditionnalité, mais nous continuerons de porter cette exigence –, le fait d’autoriser que 30 % des dépenses de recherche puissent être externalisées, sans même en connaître les modalités, dont 10 % à l’étranger, au sein de l’Union européenne, pose question. Il faut donc envisager une réduction du périmètre.
Enfin, la question de l’industrialisation est essentielle. Oui, il y a de la R&D en France. Je partage avec M. Capo-Canellas la volonté d’accélérer l’industrialisation de notre pays. Nous proposons même – cette recommandation figure dans le rapport de notre commission d’enquête – l’instauration d’un bonus pour les entreprises qui font de la recherche et développement en France et qui industrialisent, partiellement ou totalement, leurs processus sur notre territoire. Vous le voyez, nous ne sommes pas que dans une optique punitive.
Quoi qu’il en soit, il convient d’examiner précisément le périmètre du dispositif. Sur les 8 milliards d’euros versés, une part finance des activités qui ne relèvent pas de la recherche fondamentale.
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour explication de vote.
M. Pierre Barros. Je souhaite aborder la question de la R&D des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises, qui n’ont pas accès au CIR, alors que ce dernier bénéficie largement aux grands groupes.
De fait, les PME se sont organisées autrement. Il existe, en effet, des structures de recherche et développement collectives financées par des taxes affectées prélevées sur les entreprises et, souvent, par les collectivités territoriales, notamment les régions : les centres techniques industriels (CTI).
Or, chaque année, les financements des CTI sont attaqués. Une approche plus cohérente, à l’échelle globale, permettrait de mieux accompagner ces structures et de conforter leurs travaux de recherche et développement.
Je citerai le Centre technique des industries mécaniques (Cetim), créé dans les années 1960, remarquable par son activité de recherche fondamentale et par son action appliquée, ensuite déployée chez Alstom ou dans d’autres groupes. Eh bien, ce centre rencontre régulièrement des difficultés de gouvernance et de financement.
Les PME disposent ainsi d’outils autres que le crédit d’impôt recherche, et c’est heureux. Le CIR capte beaucoup d’argent. Peut-être pourrait-on flécher davantage ces crédits vers les CTI afin qu’ils produisent davantage de résultats au bénéfice des PME.
M. le président. Monsieur Daubet, l’amendement n° I-250 est-il maintenu ?
M. Raphaël Daubet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I-250 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° I-1179 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1181 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-74 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1521 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1180 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1522 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)