M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je ne peux pas laisser dire que des élevages de poissons en pisciculture abîment les eaux en France. Je vous invite, monsieur Salmon, madame Senée, à venir visiter un site de pisciculture en rivière, qui s’occupe de la qualité de l’eau de la Vaucouleurs, une charmante petite rivière des Yvelines.
Depuis des dizaines d’années, le pisciculteur auquel je fais référence est une vigie absolument extraordinaire de la qualité des eaux.
Alors, laissez-nous manger des saumons ; laissez-nous-manger des truites ; et laissez-nous les élever en France ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Max Brisson. Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.
Mme Ghislaine Senée. Madame Primas, nous parlons d’élevage en circuit fermé. Cela n’a rien à voir avec la Vaucouleurs, du moins je l’espère. Dans ces cas, oui, un travail de vigilance sur la qualité des eaux est réalisé par les pisciculteurs eux-mêmes, mais nous ne parlons pas du même système d’élevage.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° I-1031 rectifié ter, tendant à insérer un article additionnel après l’article 10.
Après l’article 10 (suite)
Mme la présidente. L’amendement n° I-1031 rectifié ter, présenté par M. Pla, Mme G. Jourda, MM. Bouad et Bourgi, Mmes Carlotti et Conway-Mouret, M. Gillé, Mme Matray, MM. Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Omar Oili, Redon-Sarrazy, Temal, Vayssouze-Faure et M. Weber, Mme Le Houerou et M. Tissot, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le II de la section V du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un …° ainsi rédigé :
« …°
« Crédit d’impôt pour dépenses de travaux d’obligations légales de débroussaillement
« Art. 200 …. – Les contribuables, personnes physiques, fiscalement domiciliés en France au sens de l’article 4 B, bénéficient d’un crédit d’impôt au titre des dépenses engagées pour des travaux réalisés en application des obligations de débroussaillement et de maintien en l’état débroussaillé résultant du titre III du livre Ier du code forestier. Le bénéfice du crédit d’impôt est subordonné au respect des mêmes obligations.
« Les dépenses définies au premier alinéa du présent article s’entendent des sommes versées à un entrepreneur certifié dans des conditions définies par décret, ayant réalisé les travaux de débroussaillement.
« Le crédit d’impôt est égal à 50 % des dépenses effectivement supportées et retenues dans la limite de 3 000 euros par foyer fiscal.
« Le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur le revenu après imputation des réductions d’impôt mentionnées aux articles 199 quater C à 200 bis, des crédits d’impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S’il excède l’impôt dû, l’excédent est restitué. »
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement a été déposé par les deux sénateurs socialistes de l’Aude, Sebastien Pla et Gisèle Jourda, car notre pays a connu, dans leur département, durant l’été 2025, son plus grand incendie depuis plus de cinquante ans. Une personne y a perdu la vie, plusieurs habitations et constructions ont été détruites et 17 000 hectares ont été atteints.
Cet amendement vise à soutenir les particuliers soumis aux obligations légales de débroussaillement (OLD), essentielles à la prévention des incendies et à la sécurité civile.
Des travaux de plus en plus coûteux devant être assumés par des particuliers, notamment la coupe d’arbres, il tend à créer un crédit d’impôt restituable, afin que les ménages non imposables puissent en bénéficier. Ce dispositif encourage la participation citoyenne à la résilience face aux feux de forêt, conformément aux orientations du Beauvau de la sécurité civile.
Le respect de ces obligations représente une charge financière croissante pour les particuliers, surtout dans les zones où le risque incendie est élevé et où les territoires apportent déjà de fortes aménités à la Nation. En effet, les travaux liés aux obligations légales de débroussaillement vont au-delà du simple débroussaillement : la coupe d’arbres, le broyage et l’évacuation de volumes importants de végétaux sont également concernés.
Ces dépenses, souvent contraintes, ne tiennent pas compte des ressources des ménages. Les dispositifs existants offrent un avantage fiscal aux contribuables imposables, mais excluent de facto les foyers à faibles revenus, notamment les ménages non imposables, qui doivent pourtant assumer ces mêmes obligations légales.
Le crédit d’impôt que nous proposons de créer a pour objet de rétablir l’équité entre nos concitoyens et de renforcer la capacité de chacun à contribuer à la prévention des incendies, car tous les contribuables doivent être égaux face à cette obligation. Il s’agit d’un dispositif simple, équitable, cohérent avec les objectifs du Beauvau de la sécurité civile, qui permet d’éviter des dépenses opérationnelles et des risques humains pour la sécurité civile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je suis, par principe, réservé sur la création de nouveaux crédits d’impôt. En l’occurrence, cet amendement vise une obligation prévue par la loi ; par définition, nous devons respecter cette obligation, puisque nous l’avons voulue…
Par ailleurs, une partie de ces dépenses obligatoires peuvent déjà entrer dans le cadre du crédit d’impôt services à la personne.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Chacun connaît le coût des incendies et celui des débroussaillements. Le crédit d’impôt services à la personne, que vous avez maintenu inchangé, permet de déduire 50 % des dépenses de jardinage, dans la limite de 5 000 euros par an. Or le jardinage recouvre le débroussaillement et les autres travaux que vous avez mentionnés.
Vous dites que le débroussaillement peut être effectué à l’extérieur de la propriété.
M. Jean-Claude Tissot. Ils le disent eux-mêmes !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Si vous voulez que je fasse figurer au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) que les travaux de jardinage incluent les travaux de débroussaillement autour d’une propriété, je suis prête à le faire. Il n’est aucunement nécessaire de créer un nouveau crédit d’impôt, avec un nouveau plafond, qui va engendrer de nouveaux risques de fraudes.
Je m’engage à écrire explicitement dans le Bofip que le débroussaillement est inclus dans les travaux de jardinage éligibles au crédit d’impôt services à la personne. Cela réglera le problème de manière plus efficace, sans le moindre coût.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Je précise que cet amendement vise les particuliers qui réalisent eux-mêmes les travaux et ne sont, de ce fait, pas éligibles au crédit d’impôt services à la personne. En effet, ce crédit d’impôt n’est mobilisable que si une entreprise réalise les travaux. Voilà le sens de cet amendement.
N’étant pas son auteur, je le maintiens.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce que vous dites est vrai, monsieur Tissot, mais on ne crée pas un crédit d’impôt pour faire respecter une obligation légale.
M. Olivier Paccaud. Bien sûr !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pardonnez-moi, mais on marche sur la tête ! Combien de temps devrons-nous passer à examiner des propositions qui n’ont plus aucun sens ?
M. Olivier Paccaud. Et pourquoi pas un crédit d’impôt pour déneiger ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous sommes au Sénat et je préfère dire les choses posément. Allons-nous créer des crédits d’impôt pour déneiger, pour balayer les feuilles ou que sais-je encore… Il faut que cet hémicycle retrouve un peu la raison ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le rapporteur général, le dispositif existant offre d’ores et déjà un avantage fiscal au contribuable imposable, mais il exclut de facto les foyers à faibles revenus, notamment les ménages non imposables. Ces derniers doivent pourtant assumer les mêmes obligations.
On peut se poser les mêmes questions que le rapporteur général sur le crédit d’impôt, mais il se trouve que seuls les contribuables imposables bénéficient aujourd’hui de cette déduction.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-1031 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 11 (précédemment examiné)
Mme la présidente. L’amendement n° I-2402 rectifié, présenté par M. Uzenat, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le XLIX de la section II du chapitre IV du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« L : Crédit d’impôt en faveur du commerce équitable
« Art. 244 quater Z.- I. – Les entreprises mentionnées au III et imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 octies A, 44 terdecies à 44 septdecies peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt sur leurs recettes provenant d’activités relevant du commerce équitable au sens de l’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur de petites et moyennes entreprises.
« II. – 1. Le taux du crédit d’impôt mentionné au I s’élève à 50 % des dépenses de l’année occasionnées par le montant supplémentaire obligatoire destiné aux projets collectifs prévu par le cahier des charges du commerce équitable tel que défini dans l’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur de petites et moyennes entreprises.
« 2. Le montant du crédit d’impôt prévu au I du présent article ne peut excéder 1 million d’euros par an et par entreprise. Le cas échéant, le montant du crédit d’impôt est diminué à concurrence des sommes excédant ce plafond.
« III. – Les entreprises pouvant bénéficier du crédit d’impôt sont les entreprises françaises fabriquant des biens relevant du commerce équitable soumis à des systèmes de garantie ou conformes à des labels reconnus au sens de l’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur de petites et moyennes entreprises.
« V. – Le bénéfice du crédit d’impôt est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis, du règlement (UE) n° 1408/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture ou du règlement (UE) n° 717/2014 de la Commission du 27 juin 2014 concernant l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture. »
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Cet amendement vise à instaurer un crédit d’impôt pour les entreprises qui sont engagées dans le commerce équitable.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le commerce équitable concerne aussi les producteurs français. Les produits issus du commerce équitable sont en moyenne de 10 % à 15 % plus chers que les produits conventionnels. Ce choix engendre des externalités positives sur le plan écologique et social et garantit – c’est un point essentiel auquel nous sommes tous attachés – une juste rémunération de nos producteurs et de nos agriculteurs.
Le crédit d’impôt que nous proposons a vocation à stimuler la demande pour un coût mesuré : il représente une dépense publique évaluée à environ 10 millions d’euros.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous avons de nombreux moyens d’agir sur des familles de produits, notamment en instaurant des taxes. Nous pouvons, par exemple, créer un crédit d’impôt sur le chocolat. En revanche, nous ne pouvons pas le faire porter uniquement sur le chocolat équitable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Pascal Savoldelli. Il n’y aura pas de compromis sur le chocolat ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, sans doute avez-vous expertisé la question. Nous l’avons également fait de notre côté et je ne suis pas aussi catégorique que vous. Des possibilités existent. C’est également vrai, notamment, pour les collectivités locales, dans le cadre de la loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (Égalim 3).
Il me semble que cet outil mérite d’être considéré pour soutenir certaines filières. Vous avez donné l’exemple du cacao, mais des filières plus traditionnelles, comme celle du lait, peuvent être concernées. Il existe du lait produit en France et labellisé commerce équitable.
Il s’agit de traiter la question de la juste rémunération des producteurs. Nous disons très souvent dans cet hémicycle que nous ne savons pas très bien ce qui revient aux agriculteurs à l’issue des négociations commerciales. Dans le cas du commerce équitable, nous avons des garanties de traçabilité sur ces revenus.
Tout l’enjeu est d’envoyer un message : les externalités négatives de notre système alimentaire ont bien été documentées ; en soutenant le commerce équitable, nous pouvons valoriser des externalités positives. Il s’agit donc d’un investissement d’avenir.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-2402 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° I-1647, présenté par MM. Uzenat et Temal, Mme Le Houerou, MM. Ros, P. Joly et Omar Oili, Mme Bélim, MM. Pla, Redon-Sarrazy, Chantrel et Bourgi, Mme Briquet, MM. M. Weber et Chaillou, Mmes Blatrix Contat et Conconne et M. Stanzione, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre III du livre III de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par une section 3…. ainsi rédigée
« Section 3…. : contributions et taxes autres que celles prévues par le code général des impôts
« Art. L. 4332-…. - Sur le territoire métropolitain, en dehors de la région d’Ile-de-France, et sur les territoires de la collectivité de Corse, le conseil régional peut instituer une taxe additionnelle de 200 % à la taxe de séjour ou à la taxe de séjour forfaitaire perçue par les communes visées à l’article L. 2333-26 ainsi que par les établissements publics de coopération intercommunale mentionnés aux 1° à 3° du I de l’article L. 5211-21, par décision de l’organe délibérant prise dans les conditions prévues à l’article L. 2333-26.
« Cette taxe additionnelle est établie et recouvrée selon les mêmes modalités que la taxe à laquelle elle s’ajoute. Lorsque son produit est perçu par une commune ou par un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, les montants correspondants sont reversés à la fin de la période de perception au bénéficiaire final de la taxe additionnelle.
« Le produit de cette taxe est affecté aux dépenses d’investissement et de fonctionnement de toute action relevant des compétences de la région ou de la collectivité de Corse en application de l’article L. 1231-3 du code des transports, destiné au financement des infrastructures et services de transports de la région. »
« Elle s’applique sur l’ensemble du territoire de la région ou de la collectivité de Corse. »
La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Nous allons parler des mobilités et, plus précisément, du financement des mobilités, au travers d’une taxe additionnelle à la taxe de séjour à destination des régions.
Les régions supportent des efforts massifs, en particulier dans le cadre des services express régionaux métropolitains (Serm). En Bretagne, nous avons décidé de créer un Serm ne faisant pas l’objet d’un dispositif fiscal d’accompagnement.
Certes, un versement mobilité régional et rural (VMRR) a été voté dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2025, mais il s’agit d’un impôt de production. Ne disposant à l’heure actuelle que de ce levier, nous sommes nombreux à vouloir diversifier les sources de financement.
Nous souhaitons que les régions bénéficient d’un véritable bouquet de solutions. Il existe notamment l’écotaxe. Certaines régions en feront usage, mais ce ne sera pas le cas de la région Bretagne.
Il nous semble indispensable de mettre à contribution les touristes pour offrir aux régions un autre levier que les impôts de production. En l’état, ils ne participent pas au financement des transports. Par exemple, ceux qui se rendent à Belle-Île-en-Mer, en Bretagne, utilisent des bateaux des dessertes maritimes financés par la puissance publique. Les touristes ne participent pas à ce financement.
Il serait ô combien important d’instaurer une taxe additionnelle à la taxe de séjour, dont le montant – quelques euros pour les hôtels les plus haut de gamme – serait au demeurant modéré. Les conclusions de la conférence Ambition France Transports incitaient d’ailleurs à développer une telle mesure à court terme.
Par ailleurs, il ne s’agirait que d’une faculté offerte aux régions, à l’instar du VMRR. Nous ne créons aucune obligation.
Je précise également, mes chers collègues, que ce dispositif s’applique déjà à la région Île-de-France. En effet, il a été adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2024.
Nous avons estimé les besoins de financement pour les mobilités à plusieurs milliards d’euros. Selon la conférence Ambition France Transports, il faudrait accorder 3 milliards d’euros par an de moyens supplémentaires en faveur du développement des mobilités entre 2026 et 2031. Il faut aller chercher l’argent : nous ne pouvons pas faire supporter l’effort exclusivement par les entreprises.
Nous proposons un moyen de diversifier le financement des transports et nous vous appelons tous, mes chers collègues, à le soutenir.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° I-2765, présenté par M. Canévet, est ainsi libellé :
Amendement n° I-1647, alinéa 5
1° Remplacer le taux :
200 %
par le taux :
30 %
2°
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette taxe ne peut être instituée que si le taux prévu au cinquième alinéa de l’article L4332-8-1 du code général des collectivités territoriales est strictement inférieur à 0,15 %.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Il m’a semblé opportun de sous-amender l’amendement de Simon Uzenat, car je trouve logique que les régions, qui prennent leur part dans l’accueil des touristes, notamment en matière de transport, comme il vient de le démontrer, puissent aussi percevoir, si elles le souhaitent, une portion de la taxe de séjour.
En revanche, le taux de 200 % me semble excessif. Je propose donc un taux de 30 % et j’en conditionne l’usage au fait que le versement mobilité régional n’excède pas 0,15 %.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pour tout vous dire, je suis bien embarrassé et quelque peu déboussolé.
La commission des finances avait proposé un avis défavorable sur l’amendement n° I-1647 il y a quelques jours. Les positions de certains semblent avoir vite évolué. Peut-être ne manquait-il pas grand-chose à l’amendement, mais vous comprendrez que cela me laisse interrogatif.
De nombreux amendements tendent à utiliser la taxe de séjour, c’est-à-dire à taxer le tourisme, pour abonder des projets de transport. Or ces projets font l’objet de crédits de la part des collectivités, en particulier les régions, et de l’État. Ils font souvent l’objet de contrats de plan État-région (CPER) et reçoivent parfois des crédits européens. Cela fait déjà beaucoup.
Au bénéfice des régions, je comprends les besoins de mobilités interrégionales, mais aussi au sein de l’espace régional. Dans les territoires urbains, il existe des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et le versement mobilité. Ce n’est pas le cas dans les territoires moins denses, où c’est souvent la région qui agit pour le compte des intercommunalités à dominante rurale.
L’an passé – c’est-à-dire il y a seulement douze mois ! –, nous avons laissé à la main des régions un bonus facultatif de 0,15 %. Je crois comprendre que ce bonus n’est, à ce stade, pas utilisé par les régions.
Par ailleurs, j’avais proposé il y a deux ans que l’on mobilise des quotas carbone. On m’avait alors reproché de vouloir prendre de l’argent dans les poches de l’État. Il me semble pourtant que l’État, c’est toute la France… L’idée était de flécher au moins 50 % des crédits issus des quotas carbone européens vers des actions vertueuses en matière de décarbonation de l’économie, notamment dans les transports.
Il est amusant de constater que de nombreux amendements ont été déposés cette année pour mobiliser des quotas carbone… En un an, les outils que nous choisissons ne semblent pas les mêmes. Il serait intéressant de disposer d’un tableau pour séquencer les dispositifs retenus.
Il est très difficile pour moi d’arbitrer. Si l’on ouvre la porte à toutes les mesures de taxation qui sont proposées, on ne comprendra plus rien ! Nous nous y perdons nous-mêmes… Si nous mobilisons la taxe de séjour, en perdrons-nous le bénéfice définitivement ? Si nous augmentons de nouveau la taxe de séjour dans deux ans, disposerons-nous de davantage de souplesse par rapport au taux de 0,15 % du VMR ?
Convenez que le sujet est complexe… Je ne veux pas faire une séance de questions-réponses à moi tout seul, mais je ne saisis pas les raisons pour lesquelles vous souhaitez instaurer ce concours fiscal supplémentaire.
Je comprends votre intention : le tourisme est certes un facteur d’attractivité, mais il est vrai qu’il mobilise de nombreux services, qu’il s’agisse des transports publics ou des routes. Pour autant, est-il opportun de traiter cette question par le biais de la taxe de séjour ? Je pose la question.
Il m’est très difficile de trancher, d’autant plus qu’il y a dix minutes, je n’avais aucune information sur ce sous-amendement. Or nous disons souvent qu’il ne faut pas délibérer au débotté…
Je sens une forme de pression sur les réseaux sociaux. La ministre m’a demandé si j’avais moi aussi reçu des dizaines ou des centaines de mails sur cette question. Nous allons bientôt être forcés de fermer nos boîtes mail… Et si nous sommes agressés sur les réseaux sociaux, peut-être que le Président de la République a raison : il faut tout arrêter.
Nous devons pouvoir débattre tranquillement et sereinement. Voilà ma réflexion à chaud sur ce sujet. Sûrement est-elle éminemment critiquable, mais je vous appelle, mes chers collègues, à arrêter de partir dans tous les sens, car nous n’avons plus de ligne directrice. Nous allons finir par nous y perdre et nous y perdrons tous. Je crains, au bout du compte, que les Français nous envoient tous jouer au cerceau ; et je n’ai pas envie de cela.
À ce stade, je ne suis pas en mesure d’émettre un avis sur ce sous-amendement ; j’attends de disposer de plus d’informations.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. L’idée que je perçois dans les propos du rapporteur général, à laquelle je souscris, est la suivante : d’année en année, nous faisons bouger des curseurs, ce qui contribue largement au sentiment de complexité et de bureaucratie qui désespère beaucoup d’élus, de chefs d’entreprise et de Français. Ces derniers ont l’impression que les choses changent en permanence. À peine ont-ils compris un nouveau dispositif qu’il a disparu l’année suivante…
Je rembobine le fil : l’année dernière a eu lieu un grand débat à l’issue duquel a été créé le versement mobilité régional et rural. Les autorités organisatrices de la mobilité percevaient déjà le versement mobilité depuis plusieurs années et, pour tout vous dire, mon ministère était assez défavorable à cette mesure.
En effet, dans une période où toutes les entreprises se plaignent des impôts de production, la création d’un impôt pour financer les transports dans les régions semblait être une offensive assez peu cohérente avec ce que nous cherchons à faire par ailleurs.
Dans cet hémicycle, vous avez voté en faveur de la création de ce versement mobilité régional et rural à un taux assez élevé, qui a ensuite été revu à la baisse en commission mixte paritaire.
Une fois que cet outil a été créé, les régions ont délibéré et, à la grande surprise de certains, elles ont été nombreuses à décider qu’il était hors de question qu’elles le déploient. (MM. Franck Dhersin et Olivier Rietmann renchérissent.) Je rappelle que nous avons collectivement choisi de faire figurer dans le texte qu’il devait faire l’objet d’une concertation avec les entreprises.
Or je crois comprendre, monsieur le rapporteur général, qu’en Bretagne, le président de région, son conseil régional et les organisations patronales bretonnes ont décidé de ne pas utiliser le versement mobilité à taux plein, voire pas du tout. Ainsi, dans le cadre d’un compromis local, il a été proposé que les touristes soient mis à contribution.


