M. Stéphane Fouassin. Cet amendement a été travaillé avec la Safer de Guyane, ce qui n’était pas le cas de l’amendement n° I-2275. Georges Patient mène en effet un travail d’accompagnement sur le long terme.

L’an dernier, nous avons déjà adopté sur son initiative des dispositions permettant à l’État de transférer gratuitement du foncier agricole à la Safer de Guyane. C’était la condition préalable à la mise en œuvre de l’accord, qui prévoit l’octroi de 20 000 hectares à cette structure pour constituer son stock foncier. Cela a permis une première cession de 560 hectares dès cette année.

Cet amendement vise à compléter le dispositif mis en place l’an dernier en permettant un report de l’impôt sur les sociétés correspondant aux cessions foncières de l’État. La Safer pourra ainsi payer cette partie de l’impôt au moment où elle revendra à un agriculteur le foncier correspondant. Sans cela, elle pourrait se retrouver en cessation de paiement dès 2026.

En effet, le montant des impôts liés à la cession par l’État des seuls 560 hectares s’élève à 384 000 euros, c’est-à-dire plus que la trésorerie actuelle de la Safer. L’adoption de cet amendement est donc indispensable à sa poursuite d’activité.

Pour rappel, les Safer sont des sociétés sans but lucratif avec des missions d’intérêt général, sous tutelle du ministère chargé de l’agriculture et du ministère chargé des finances. Elles permettent, entre autres, de lutter contre la spéculation foncière.

Je vous invite à adopter cette mesure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos I-2275 rectifié et I-1212 rectifié ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-2275 rectifié et I-1212 rectifié.

(Les amendements, modifiés par la suppression du gage, sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.

Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L’amendement n° I-48 rectifié est présenté par MM. Capus et Malhuret, Mme Paoli-Gagin, M. Laménie, Mmes Bourcier et Bessin-Guérin, MM. Brault, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, Médevielle, Pellevat, Rochette, L. Vogel et Wattebled.

L’amendement n° I-205 rectifié ter est présenté par M. Cabanel, Mme Jouve, M. Bilhac, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mmes Pantel et Girardin et MM. Roux et Masset.

L’amendement n° I-328 rectifié bis est présenté par MM. Sautarel, H. Leroy et J.B. Blanc, Mmes Dumont, Gosselin, Drexler et Canayer, MM. Rapin, Belin, Grosperrin, Genet et Michallet, Mme Imbert, M. Rojouan et Mme Demas.

L’amendement n° I-591 rectifié est présenté par M. Menonville et les membres du groupe Union Centriste.

L’amendement n° I-1101 rectifié ter est présenté par MM. Pla, Roiron et Montaugé, Mme G. Jourda, MM. Bouad et Bourgi, Mme Carlotti, M. Gillé, Mme Matray, MM. Mérillou, Michau, Vayssouze-Faure et M. Weber, Mme Conway-Mouret, MM. Omar Oili, Redon-Sarrazy et Temal et Mme Le Houerou.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 151 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est ainsi modifié :

1° Au I, les mots : « ou 2025 » sont remplacés par les mots : « , 2025 ou 2026 » ;

2° À la première phrase du 1 du IV, les mots : « ou 2025 » sont remplacés par les mots : « , 2025 ou 2026 ».

II. – Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° I-48 rectifié.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement vise à proroger en 2026 le crédit d’impôt « haute valeur environnementale » (HVE).

Comme vous le savez, cet outil est vraiment très utile pour nos agriculteurs qui s’engagent vers des modèles de production plus durables. Il est indispensable pour la transition agroécologique de nos exploitations.

Son extinction en 2026 conduirait mécaniquement à une augmentation d’impôts pour de nombreux agriculteurs, qui, on le sait, ont déjà du mal à vivre du fruit de leur travail.

Je vous invite donc à adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet, pour présenter l’amendement n° I-205 rectifié ter.

M. Raphaël Daubet. J’ajoute à ce qui vient d’être indiqué que l’objectif des 50 000 fermes certifiées HVE d’ici à 2030 sera hors de portée sans prorogation du crédit d’impôt.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour présenter l’amendement n° I-328 rectifié bis.

M. Stéphane Sautarel. Je partage les arguments qui ont été exposés. Je suis même favorable à une prorogation jusqu’en 2030.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° I-591 rectifié.

M. Michel Canévet. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° I-1101 rectifié ter.

M. Franck Montaugé. Je précise à titre complémentaire que la politique agricole commune 2023-2027 prévoit la disparition des aides aux écorégimes dont bénéficient aujourd’hui les exploitants certifiés HVE. En l’absence de prorogation du crédit d’impôt, ces derniers perdraient donc également l’accès aux écorégimes. Pour beaucoup, ce serait la double peine.

Ce n’est, me semble-t-il, pas le moment de demander encore plus à ceux qui font déjà beaucoup d’efforts – je pense notamment à nos viticulteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Certes, ces cinq amendements sont identiques, mais leurs auteurs n’ont pas tous la même position, puisque M. Sautarel souhaite une prorogation jusqu’en 2030.

En tout cas, la commission émet un avis favorable sur ces amendements identiques, dès lors que la date retenue est 2026.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je remercie évidemment les auteurs de ces amendements de vouloir soutenir la transition agroécologique française.

Le crédit d’impôt HVE représente 13 millions d’euros par an.

Tout à l’heure, le Sénat s’est prononcé en faveur du prolongement du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, adoptant même des sous-amendements ayant pour effet d’en quadrupler l’intensité budgétaire. Le crédit d’impôt bio est ainsi passé de 40 milliards d’euros à 160 milliards d’euros ! Il s’agit donc d’un soutien fort à la transition, au-delà même – vous vous en doutez – de ce qu’imaginait le Gouvernement.

Pour le Gouvernement, le gain du crédit HVE n’est pas très important : il n’est que de quelques centaines, au mieux de quelques milliers d’euros par exploitant agricole. Le dispositif ne semble donc pas avoir fait ses preuves, hormis sur l’aspect labellisation. Ce ne sont pas quelques centaines d’euros par an qui vont changer les pratiques d’une exploitation agricole.

C’est la raison pour laquelle je propose de ne pas proroger le crédit HVE. Tenons-nous-en à ce qui a été décidé sur le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, dont, encore une fois, vous avez décidé de quadrupler l’intensité.

Nous maintiendrons la labellisation HVE et l’incitation aux bonnes pratiques, mais – vous le voyez bien – ce ne sont pas 13 millions d’euros divisés par le nombre d’agriculteurs aujourd’hui engagés dans une démarche haute valeur environnementale qui changeront fondamentalement la donne. Simplifions les mécanismes.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la ministre, je partage vos réflexions, mais je n’en tire pas les mêmes conclusions s’agissant du vote sur ces amendements identiques.

Tout serait plus simple si nous avions le rapport d’évaluation du crédit d’impôt HVE qui nous est dû. Comme vous semblez avoir les données à disposition, je vous propose de les garder bien au chaud jusqu’au prochain budget, quitte à ce que nous appliquions le dispositif une année supplémentaire en attendant. Vous le voyez, nous ne sommes pas trop gourmands ! (Sourires.)

En plus, cela permettra aux différents candidats à l’élection présidentielle d’avoir des documents à jour fournis par l’État.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous avons voté le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique à 6 000 euros, mais nous sommes contre la prolongation du crédit d’impôt HVE. Nous sommes cohérents.

En effet, le label HVE a été institué pour créer du flou. De ce point de vue, l’objectif a été atteint ! Les bénéfices ne sont pas du tout au rendez-vous. Je ne suis pas le seul à le dire ! Les travaux de l’Office français de la biodiversité (OFB) et de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) montrent bien que ce label, dans lequel l’utilisation des pesticides, même les plus dangereux, et des engrais de synthèse est toujours permise, n’apporte pratiquement aucun bénéfice pour la transition écologique, notamment en termes de reconstitution de la faune et de la flore.

Arrêtons avec ce greenwashing, qui n’apporte rien, sauf du flou, voire de la méfiance dans l’esprit des consommateurs. Au bout d’un moment, en effet, ceux-ci ne savent plus qui croire !

Il y a une agriculture qui est très vertueuse : c’est l’agriculture biologique. Accentuons nos efforts en la matière. Pour le reste, puisque tout le monde cherche à faire des économies, faisons-les sur ce qui n’est pas efficient !

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Madame la ministre, supprimer ainsi le crédit d’impôt HVE cette année, c’est envoyer un très mauvais signal à une filière grande difficulté. Je vous renvoie au récent rapport d’information de nos collègues Henri Cabanel, Daniel Laurent et Sebastien Pla.

Les filières vont devoir s’engager dans une réflexion en profondeur concernant notamment leurs marchés et leurs productions. À mon sens, dans le cadre cette réflexion stratégique énorme, il faudra prendre en compte la question des modes de culture. Je pense en l’occurrence à la viticulture.

Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que le dispositif représente seulement quelques centaines, voire quelques milliers d’euros par exploitant. Beaucoup de viticulteurs en ont bien besoin !

Cher Daniel Salmon, le dispositif HVE n’est peut-être pas la panacée en matière de viticulture bio, mais cela a tout de même été un geste important ! On ne peut pas prétendre que c’est seulement du greenwashing. J’ai observé les effets de ce crédit d’impôt sur la viticulture chez moi, en Gascogne, notamment dans le Gers. On ne peut pas dire qu’il n’y aurait eu aucun bénéfice et que tout ne serait que mensonge. Je tenais à le signaler amicalement.

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour explication de vote.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Dans la viticulture champenoise, la phase HVE est souvent une phase de transition avant le passage en exploitation bio. Je ne pense donc pas que l’on puisse essentialiser les choses comme vous le faites, monsieur Salmon.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-48 rectifié, I-205 rectifié ter, I-328 rectifié bis, I-591 rectifié et I-1101 rectifié ter.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-1244 rectifié, présenté par MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mmes Guhl et de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Est instituée, à compter du 1er janvier 2026, une taxe additionnelle aux droits de douane perçus sur les importations de produits agricoles et forestiers issus de filières contribuant à la déforestation importée.

II. – Sont concernés les produits relevant des filières suivantes : cacao, hévéa, soja, huile de palme, bois et produits dérivés du bois, ainsi que le bœuf et ses coproduits.

III. – Le taux de la taxe est fixé à 1,5 % de la valeur en douane des marchandises importées.

IV. – Un décret précise les modalités d’application du présent article, notamment les critères permettant d’identifier les produits importés relevant de filières non durables au sens de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.

La parole est à M. Yannick Jadot.

M. Yannick Jadot. Cet amendement vise à instaurer une taxe additionnelle aux droits de douane sur l’importation de produits forestiers ou agricoles non durables contribuant à la déforestation.

Vous le savez, la France a adopté en 2018 la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. C’est un enjeu absolument essentiel.

L’objectif est que la déforestation causée par les importations françaises de produits forestiers ou agricoles non durables soit stoppée d’ici à 2030. Certes, il y a des cahiers des charges, mais les choses ne vont clairement pas assez vite. C’est pourquoi nous proposons une taxe additionnelle aux droits de douane.

La France ne produit que la moitié des protéines végétales nécessaires à l’alimentation de ses animaux et qu’un tiers de celles qui sont à destination de la consommation humaine.

Il y a donc un enjeu – cela fait partie du débat dans la mobilisation contre l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur – à freiner la déforestation, donc à valoriser la filière française forestière. Nous devons évidemment aussi favoriser une augmentation de la production de légumineuses sur notre territoire.

M. le président. L’amendement n° I-1508 rectifié bis, présenté par MM. M. Weber, Mérillou, Montaugé, Pla, P. Joly et Redon-Sarrazy, Mme Bélim, MM. Ros, Devinaz, Bourgi et Féraud, Mmes Briquet, Blatrix Contat, Matray et Monier, M. Chaillou, Mme Bonnefoy et MM. Marie, Stanzione, Tissot, Ziane et Jomier, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Il est institué une taxe à l’importation de tout produit, produit dérivé, produit transformé :

1° issu ou produit à partir des matières premières suivantes : bois, soja, huile de palme, cacao, bœuf et hévéa ;

2° contribuant directement à la déforestation, à la dégradation des forêts ou à la dégradation d’écosystèmes naturels en dehors du territoire national ;

Le montant de la taxe s’élève à 1,5 % et s’ajoute à la TVA.

II. – Sont exonérés de la taxe sur les produits importés susmentionnés ayant fait l’objet d’une certification de conformité défini à l’article L. 641-20 du code rural et de la pêche maritime, certifiant qu’ils n’ont pas contribué directement à la déforestation, à la dégradation des forêts ou à la dégradation d’écosystèmes naturels en dehors du territoire national.

Les opérateurs économiques qui mettent sur le marché les produits mentionnés au I du présent article, ont l’obligation de fournir une déclaration d’engagement dans une démarche de certification permettant de recueillir des informations sur la traçabilité les produits, afin de mieux évaluer et réduire le risque de déforestation importée.

III. – Le contrôle et la surveillance du respect du II du présent article est effectué par :

1° Dans les conditions prévues au titre VI du livre Ier du code forestier, les agents mentionnés au 1° de l’article L. 161-4 du même code et les autres fonctionnaires ou agents non titulaires de l’État commissionnés à cet effet par le ministre chargé des forêts, en raison de leurs compétences, et assermentés ;

2° Dans les conditions prévues au chapitre II du titre VII du livre Ier du code de l’environnement, les inspecteurs de l’environnement mentionnés à l’article L. 172-1 du même code.

La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Je rejoins les propos de notre collègue Jadot.

Nous avons beaucoup discuté dans l’hémicycle, notamment lorsque nous avons évoqué l’accord avec le Mercosur, des moyens de lutter contre la déforestation grâce à un certain nombre de produits.

Il me paraîtrait intéressant que des opérateurs économiques mettant ces produits sur le marché bénéficient à la fois d’une exonération et d’une sorte de label. Ce serait aussi une garantie pour le consommateur.

Je pense que le sujet est important et que les attentes de nos concitoyens à cet égard sont fortes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. À mon avis, personne dans cet hémicycle ne pense que la déforestation importée est une bonne chose.

Monsieur le sénateur Jadot, vous avez été député européen. Vous savez que nous avons mené un combat utile en la matière, avec le soutien de groupes politiques, notamment le vôtre.

Reste que l’objet de cet amendement pose un vrai problème.

Imaginons que la France soit le seul pays à instituer une telle taxe additionnelle aux droits de douane. Les grumes brésiliennes, argentines ou colombiennes que nous ne voulons pas voir transformées parce qu’elles sont le produit de la déforestation iront simplement à Rotterdam au lieu de s’arrêter au Havre. Elles seront donc transformées et pourraient très bien revenir ensuite en produits terminés chez nous.

Nous n’aurons plus la filière de transformation, mais nous aurons toujours la déforestation à l’autre bout du monde, et ce sans en avoir le gain. En effet, aucun importateur n’acceptera de payer 1,5 % de droits de douane en plus, alors qu’il peut avoir le même client en passant par un autre port européen.

C’est la raison pour laquelle, dans un espace de libre circulation, les droits de douane sont communs. Ils sont d’ailleurs à la main de la Commission européenne, afin d’avoir la certitude que les États ne jouent pas à ce jeu entre eux en se faisant d’ailleurs des illusions sur les effets de telles mesures.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de ces amendements, dont l’adoption aurait pour conséquence la fin de la filière bois française, sans aucun impact sur la déforestation. Si l’intention est bonne, le dispositif envisagé me paraît contre-productif.

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Yannick Jadot. Selon nous, une telle taxe additionnelle serait parfaitement conforme aux articles 114 et 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

D’ailleurs, madame la ministre, c’est exactement ce qui est en train de se faire sur les colis ! Vous le savez, une réglementation européenne est en train d’être reportée, notamment sous la pression de l’extrême droite. Il s’agit pourtant d’un enjeu absolument majeur. C’était l’un des grands débats de la COP30 à Belém. D’ailleurs, je pense que le groupe des libéraux au Parlement européen a aussi combattu ce report du règlement européen.

Nous sommes exactement dans la même situation que pour les colis. Nous souhaitons simplement anticiper une réglementation européenne pour accélérer, afin que la France envoie les bons signaux.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. J’imagine que le Sénat en débattra dans quelques heures, mais ce que le Gouvernement prévoit sur les colis, c’est une redevance pour contrôle au titre du code douanier, parce qu’il y a urgence.

Il ne s’agit pas du tout de la même procédure ! Les petits colis ont fait l’objet d’un accord européen en Conseil affaires économiques et financières (Ecofin) voilà quinze jours pour que toute l’Union européenne applique cette taxe petits colis à la mode française à partir du 1er novembre 2026. Ce n’est pas du tout le même motif juridique.

J’entends votre interpellation. Il y a des modalités pour agir. Pour autant, votre proposition n’est pas la bonne réponse.

Je suis en revanche tout à fait d’accord avec vous pour dénoncer le détricotage en règle au Parlement européen d’accords qui étaient la fierté européenne et qui faisaient avancer le débat mondial. C’est évidemment scandaleux et cela doit être combattu.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1244 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1508 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° I-1558, présenté par Mme Ollivier, M. Dossus, Mme Senée, MM. G. Blanc, Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Est instituée une contribution annuelle à la charge des installations d’élevages de saumons encadré par les articles L. 181-1 à L. 181-4 du code de l’environnement dont la totalité du grossissement est prévue dans des installations aquacoles à système de recirculation en circuit fermé.

II. – La contribution est assise sur le chiffre d’affaires moyen calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels en appliquant le taux de 95 %.

III. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret.

La parole est à Mme Ghislaine Senée.

Mme Ghislaine Senée. Cet amendement a été déposé sur l’initiative de notre collègue Mathilde Ollivier.

La consommation de saumon en France est très élevée. Elle représente 270 000 tonnes par an, alors que nous n’en produisons qu’environ 3 000 tonnes. La quasi-totalité des saumons consommés viennent de l’étranger, où les conditions d’élevage posent de graves problèmes environnementaux, sanitaires et de bien-être animal : surpopulation, maladies, parasites et accumulation de polluants. Ces pratiques ont malheureusement également un impact sur les saumons sauvages et les écosystèmes locaux.

Aussi, face à de tels risques et à l’essor des projets d’élevage en système de recirculation en circuit fermé sur le sol français, nous proposons d’instaurer une contribution financière dissuasive.

Celle-ci s’appliquerait aux installations où la totalité du grossissement des saumons est réalisée en système de recirculation en circuit fermé (RAS) et serait calculée sur le chiffre d’affaires moyen des trois dernières années, avec un taux de 95 %. L’objectif est de freiner ces projets, qui peuvent entraîner des rejets d’eaux usées, des consommations d’eau et d’énergie très importantes, ainsi que des risques pour la conchyliculture, le bien-être animal et l’environnement.

Ce moratoire temporaire permettrait d’attendre des études indépendantes.

L’amendement est inspiré de la proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur les projets de fermes aquacoles de saumons à circuit fermé, déposé notamment par les députés Anne Stambach-Terrenoir et Damien Girard.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Je suis obligé de prendre la parole.

Je rappelle que la France est un grand pays maritime. Alors que nous possédons le deuxième espace maritime du monde, nous importons plus des trois quarts des produits de la mer que nous consommons. Vous voyez bien le problème. Nous importons beaucoup de produits d’élevage. D’ailleurs, en 2023, pour la première fois, les produits d’élevage ont supplanté les produits de la pêche dans la consommation de produits de la mer dans le monde.

Pourtant, nos collègues proposent d’instituer une taxe de 95 % sur le chiffre d’affaires des piscicultures, alors même qu’aucune pisciculture n’a été créée en France depuis le siècle dernier. (Mme Sophie Primas sexclame.) Vous vous rendez compte ? On préfère importer des produits conçus dans des conditions que l’on ne maîtrise pas plutôt que de produire sur notre propre territoire à des conditions que l’on maîtrise. Cherchez l’erreur ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. « Saumon » ! (Sourires.)

M. Daniel Salmon. Oui, c’est Salmon – en anglais –, le temps de cet amendement. (Nouveaux sourires.)

Il y a en effet un vrai sujet entre la consommation et la production en France. C’est le cas dans d’autres secteurs. Il faut sans doute interroger aujourd’hui la consommation des Français. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Eh oui, mes chers collègues ! Nous mangeons énormément de saumon, alors que nous n’en produisons pas. Peut-être qu’il faudrait s’interroger.

Je suis breton. À Plouisy, on a voulu implanter une immense usine à saumons. On a déjà un certain nombre de soucis avec l’eau en Bretagne : seulement 3 % des eaux sont de bonne qualité dans mon département. C’est une véritable catastrophe ! Construire de nouvelles usines à saumons dans ce contexte, voilà qui pose question.

Dans ce domaine comme dans d’autres, il faut s’interroger sur notre consommation.

Si la balance commerciale française sur l’agriculture s’effondre, c’est lié, en particulier cette année, à la multiplication par deux du coût des importations de cacao et de café. Nous en importons beaucoup – certes, il va être difficile d’en produire chez nous – et, là aussi, il faut peut-être s’interroger. Idem sur l’huile de palme : nous en importons beaucoup. Interrogeons-nous sur notre consommation.

L’idée est non de pas de revenir à l’autarcie, mais d’analyser ce que nous sommes capables ou non de produire. Je pourrais également évoquer les fruits tropicaux ; nous en importons énormément. Tout cela vient déstabiliser notre balance commerciale. J’aimerais bien que l’on regarde ce qu’il y a dans l’assiette des Français ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)