M. Marc Laménie. Cet amendement, déposé sur l'initiative de Daniel Chasseing et cosigné par plusieurs d'entre nous, concerne l'exonération de TFNB spécifique aux jeunes agriculteurs, qui est source d'inégalités entre les territoires. Il vise à prévoir un abattement de 100 % l'année d'installation, dégressif ensuite de 20 points par an.

Une telle exonération, qui serait nationale, remplacerait l'exonération de droit nationale, ainsi que les exonérations, facultatives, qui sont laissées à l'initiative des collectivités.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L'adoption d'amendements de ce type, qui ont pour objet un dégrèvement, aurait pour effet de faire peser l'intégralité de la charge sur l'État. Restons raisonnables.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je rejoins M. le rapporteur général : il n'est pas souhaitable de modifier le dispositif actuel dans le sens envisagé par les auteurs de cet amendement.

Aujourd'hui, l'État prend en charge le dégrèvement de 50 % dont bénéficient les jeunes agriculteurs. Par ailleurs, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) peuvent porter ce taux à 100 %.

Les auteurs de cet amendement proposent que la responsabilité et le coût d'une telle aide, qui sont actuellement partagés entre l'État et les collectivités concernées, soient mis à la charge exclusive de l'État. Il me paraît utile de rappeler que la TFNB est une taxe locale et que l'État compense déjà cette exonération de 50 %.

Il faut, me semble-t-il, garder le sens des impôts et ne pas chercher à les réduire à tout prix sans se soucier des coûts supplémentaires que cela occasionnerait.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1635 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-2275, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l'article L. 571-3 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 571-3-... ainsi rédigé :

« Art. L. 571-3-.... – Afin d'atteindre l'objectif de 75 000 hectares de surface agricole utile fixé par le schéma d'aménagement régional de la Guyane approuvé par le décret n° 2016-931 du 6 juillet 2016, l'État transfère à titre gratuit, jusqu'au 31 décembre 2034, entre 125 000 et 150 000 hectares de foncier à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural de Guyane. Les transferts sont effectués par lots et les terrains ainsi cédés sont exonérés d'impositions foncières pendant dix ans. »

II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. – La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. La situation en Guyane est à la fois unique et urgente.

Sur un territoire grand comme le Portugal, l'agriculture n'occupe que 0,47 % des terres, contre 50 % en métropole. Résultat, la Guyane ne produit que 20 % de ses besoins alimentaires, alors que sa population augmente rapidement. Les accords de Guyane de 2017 ont prévu 20 000 hectares pour la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), mais c'est loin d'être suffisant.

Pour atteindre l'objectif de 75 000 hectares de surface agricole utile à l'horizon 2030, il faut transférer entre 125 000 et 150 000 hectares de foncier, soit moins de 2 % du territoire, en tenant compte des contraintes naturelles.

Par cet amendement, nous proposons un transfert progressif sur dix ans, avec exonération foncière temporaire, afin de sécuriser le foncier agricole et de permettre aux exploitants de développer leurs cultures. Il s'agit de soutenir la souveraineté alimentaire, de réduire la dépendance aux importations et de planifier la filière agricole de manière durable en respectant les engagements pris par l'État.

Les choses sont claires : si on ne libère pas ce foncier maintenant, la Guyane restera dépendante, sa population subira des prix élevés et les filières locales continueront à s'étioler.

Il ne s'agit donc pas d'une option ; c'est la condition pour nourrir la Guyane et garantir un avenir agricole durable.

Je vous invite d'autant plus à soutenir notre démarche qu'un amendement à l'objet similaire a été adopté ici lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025. Malheureusement, il n'a pas survécu au 49.3 ! Reproduisons cet effort pour la population de Guyane.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je sollicite l'avis du Gouvernement. Je note à cet égard que, quand on retient une solution mal calibrée, on finit le payer cher et durablement !

Le transfert a été permis en 2025, mais, comme notre collègue vient de l'indiquer, cette autorisation n'a pas été maintenue. Reste que les transferts de terres ont été exonérés de TFNB pendant dix ans. À la suite du transfert opéré cette année, la Safer va rencontrer des problèmes de trésorerie, car les rétrocessions sont valorisées dans son résultat. C'est logique.

En tout état de cause, le résultat ne me paraît pas conforme aux objectifs initiaux. Arrêtons de prendre des décisions qui ne vont pas dans le bon sens.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Cet amendement et l'amendement n° I-1212 rectifié, qui n'a pas encore été présenté, portent sur le même sujet.

Pour des raisons légistiques, le Gouvernement préfère l'amendement n° I-1212 rectifié, sur lequel il émettra un avis favorable. Celui-ci a en effet pour objet un report de l'impôt jusqu'à la vente des terrains.

Aujourd'hui, il est demandé à la Safer d'acquitter l'impôt sans en avoir les ressources. Il paraît logique de n'exiger ce paiement qu'une fois les terrains cédés. Lorsqu'elle aura engrangé le produit de la vente, la Safer pourra payer l'impôt.

Par conséquent, je suggère de rectifier l'amendement n° I-2275, afin de le rendre identique à l'amendement n° I-1212 rectifié ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. M. Pascal Savoldelli, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la ministre ?

M. Pascal Savoldelli. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-2275 rectifié, dont le libellé est identique à celui de l'amendement n° I-1212 rectifié, qui sera présenté dans quelques instants.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je soutenais à la fois l'amendement n° I-2275 dans sa version initiale et l'amendement n° I-1212 rectifié. En l'occurrence, s'il y a un accord préalable et une fusion, j'en serai fort heureux.

Nous avons connu le même problème en Guadeloupe. En 1983, l'État – Pierre Mauroy était alors Premier ministre – n'avait pas hésité à acheter 12 000 hectares de terres appartenant aux anciennes sociétés esclavagistes et à les redistribuer sous forme de groupements fonciers agricoles (GFA). Il s'est donc agi de propriétés collectives. Là aussi, nous avions pensé à la trésorerie de la Safer.

Georges Patient estime qu'il faut attendre la vente ou la revente. Soit. C'est une bonne solution. Nous voterons cette disposition.

M. le président. L'amendement n° I-1212 rectifié, présenté par MM. Patient, Fouassin, Rambaud, Buis et Buval, Mmes Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier et Mohamed Soilihi, Mme Nadille, M. Patriat, Mme Phinera-Horth, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article 44 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. - La subvention d'investissement issue de la cession à titre gratuit, au titre du 5° du même article L. 5141-1, est imposée au taux d'impôt sur les sociétés en vigueur au moment de la cession du bien concerné par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural de Guyane. »

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Stéphane Fouassin.

M. Stéphane Fouassin. Cet amendement a été travaillé avec la Safer de Guyane, ce qui n'était pas le cas de l'amendement n° I-2275. Georges Patient mène en effet un travail d'accompagnement sur le long terme.

L'an dernier, nous avons déjà adopté sur son initiative des dispositions permettant à l'État de transférer gratuitement du foncier agricole à la Safer de Guyane. C'était la condition préalable à la mise en œuvre de l'accord, qui prévoit l'octroi de 20 000 hectares à cette structure pour constituer son stock foncier. Cela a permis une première cession de 560 hectares dès cette année.

Cet amendement vise à compléter le dispositif mis en place l'an dernier en permettant un report de l'impôt sur les sociétés correspondant aux cessions foncières de l'État. La Safer pourra ainsi payer cette partie de l'impôt au moment où elle revendra à un agriculteur le foncier correspondant. Sans cela, elle pourrait se retrouver en cessation de paiement dès 2026.

En effet, le montant des impôts liés à la cession par l'État des seuls 560 hectares s'élève à 384 000 euros, c'est-à-dire plus que la trésorerie actuelle de la Safer. L'adoption de cet amendement est donc indispensable à sa poursuite d'activité.

Pour rappel, les Safer sont des sociétés sans but lucratif avec des missions d'intérêt général, sous tutelle du ministère chargé de l'agriculture et du ministère chargé des finances. Elles permettent, entre autres, de lutter contre la spéculation foncière.

Je vous invite à adopter cette mesure.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos I-2275 rectifié et I-1212 rectifié ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-2275 rectifié et I-1212 rectifié.

(Les amendements, modifiés par la suppression du gage, sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.

Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L'amendement n° I-48 rectifié est présenté par MM. Capus et Malhuret, Mme Paoli-Gagin, M. Laménie, Mmes Bourcier et Bessin-Guérin, MM. Brault, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, Médevielle, Pellevat, Rochette, L. Vogel et Wattebled.

L'amendement n° I-205 rectifié ter est présenté par M. Cabanel, Mme Jouve, M. Bilhac, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mmes Pantel et Girardin et MM. Roux et Masset.

L'amendement n° I-328 rectifié bis est présenté par MM. Sautarel, H. Leroy et J.B. Blanc, Mmes Dumont, Gosselin, Drexler et Canayer, MM. Rapin, Belin, Grosperrin, Genet et Michallet, Mme Imbert, M. Rojouan et Mme Demas.

L'amendement n° I-591 rectifié est présenté par M. Menonville et les membres du groupe Union Centriste.

L'amendement n° I-1101 rectifié ter est présenté par MM. Pla, Roiron et Montaugé, Mme G. Jourda, MM. Bouad et Bourgi, Mme Carlotti, M. Gillé, Mme Matray, MM. Mérillou, Michau, Vayssouze-Faure et M. Weber, Mme Conway-Mouret, MM. Omar Oili, Redon-Sarrazy et Temal et Mme Le Houerou.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article 151 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est ainsi modifié :

1° Au I, les mots : « ou 2025 » sont remplacés par les mots : « , 2025 ou 2026 » ;

2° À la première phrase du 1 du IV, les mots : « ou 2025 » sont remplacés par les mots : « , 2025 ou 2026 ».

II. – Le I n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III. – La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l'amendement n° I-48 rectifié.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement vise à proroger en 2026 le crédit d'impôt « haute valeur environnementale » (HVE).

Comme vous le savez, cet outil est vraiment très utile pour nos agriculteurs qui s'engagent vers des modèles de production plus durables. Il est indispensable pour la transition agroécologique de nos exploitations.

Son extinction en 2026 conduirait mécaniquement à une augmentation d'impôts pour de nombreux agriculteurs, qui, on le sait, ont déjà du mal à vivre du fruit de leur travail.

Je vous invite donc à adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet, pour présenter l'amendement n° I-205 rectifié ter.

M. Raphaël Daubet. J'ajoute à ce qui vient d'être indiqué que l'objectif des 50 000 fermes certifiées HVE d'ici à 2030 sera hors de portée sans prorogation du crédit d'impôt.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour présenter l'amendement n° I-328 rectifié bis.

M. Stéphane Sautarel. Je partage les arguments qui ont été exposés. Je suis même favorable à une prorogation jusqu'en 2030.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l'amendement n° I-591 rectifié.

M. Michel Canévet. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l'amendement n° I-1101 rectifié ter.

M. Franck Montaugé. Je précise à titre complémentaire que la politique agricole commune 2023-2027 prévoit la disparition des aides aux écorégimes dont bénéficient aujourd'hui les exploitants certifiés HVE. En l'absence de prorogation du crédit d'impôt, ces derniers perdraient donc également l'accès aux écorégimes. Pour beaucoup, ce serait la double peine.

Ce n'est, me semble-t-il, pas le moment de demander encore plus à ceux qui font déjà beaucoup d'efforts – je pense notamment à nos viticulteurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Certes, ces cinq amendements sont identiques, mais leurs auteurs n'ont pas tous la même position, puisque M. Sautarel souhaite une prorogation jusqu'en 2030.

En tout cas, la commission émet un avis favorable sur ces amendements identiques, dès lors que la date retenue est 2026.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je remercie évidemment les auteurs de ces amendements de vouloir soutenir la transition agroécologique française.

Le crédit d'impôt HVE représente 13 millions d'euros par an.

Tout à l'heure, le Sénat s'est prononcé en faveur du prolongement du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, adoptant même des sous-amendements ayant pour effet d'en quadrupler l'intensité budgétaire. Le crédit d'impôt bio est ainsi passé de 40 milliards d'euros à 160 milliards d'euros ! Il s'agit donc d'un soutien fort à la transition, au-delà même – vous vous en doutez – de ce qu'imaginait le Gouvernement.

Pour le Gouvernement, le gain du crédit HVE n'est pas très important : il n'est que de quelques centaines, au mieux de quelques milliers d'euros par exploitant agricole. Le dispositif ne semble donc pas avoir fait ses preuves, hormis sur l'aspect labellisation. Ce ne sont pas quelques centaines d'euros par an qui vont changer les pratiques d'une exploitation agricole.

C'est la raison pour laquelle je propose de ne pas proroger le crédit HVE. Tenons-nous-en à ce qui a été décidé sur le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, dont, encore une fois, vous avez décidé de quadrupler l'intensité.

Nous maintiendrons la labellisation HVE et l'incitation aux bonnes pratiques, mais – vous le voyez bien – ce ne sont pas 13 millions d'euros divisés par le nombre d'agriculteurs aujourd'hui engagés dans une démarche haute valeur environnementale qui changeront fondamentalement la donne. Simplifions les mécanismes.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la ministre, je partage vos réflexions, mais je n'en tire pas les mêmes conclusions s'agissant du vote sur ces amendements identiques.

Tout serait plus simple si nous avions le rapport d'évaluation du crédit d'impôt HVE qui nous est dû. Comme vous semblez avoir les données à disposition, je vous propose de les garder bien au chaud jusqu'au prochain budget, quitte à ce que nous appliquions le dispositif une année supplémentaire en attendant. Vous le voyez, nous ne sommes pas trop gourmands ! (Sourires.)

En plus, cela permettra aux différents candidats à l'élection présidentielle d'avoir des documents à jour fournis par l'État.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous avons voté le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique à 6 000 euros, mais nous sommes contre la prolongation du crédit d'impôt HVE. Nous sommes cohérents.

En effet, le label HVE a été institué pour créer du flou. De ce point de vue, l'objectif a été atteint ! Les bénéfices ne sont pas du tout au rendez-vous. Je ne suis pas le seul à le dire ! Les travaux de l'Office français de la biodiversité (OFB) et de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) montrent bien que ce label, dans lequel l'utilisation des pesticides, même les plus dangereux, et des engrais de synthèse est toujours permise, n'apporte pratiquement aucun bénéfice pour la transition écologique, notamment en termes de reconstitution de la faune et de la flore.

Arrêtons avec ce greenwashing, qui n'apporte rien, sauf du flou, voire de la méfiance dans l'esprit des consommateurs. Au bout d'un moment, en effet, ceux-ci ne savent plus qui croire !

Il y a une agriculture qui est très vertueuse : c'est l'agriculture biologique. Accentuons nos efforts en la matière. Pour le reste, puisque tout le monde cherche à faire des économies, faisons-les sur ce qui n'est pas efficient !

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Madame la ministre, supprimer ainsi le crédit d'impôt HVE cette année, c'est envoyer un très mauvais signal à une filière grande difficulté. Je vous renvoie au récent rapport d'information de nos collègues Henri Cabanel, Daniel Laurent et Sébastien Pla.

Les filières vont devoir s'engager dans une réflexion en profondeur concernant notamment leurs marchés et leurs productions. À mon sens, dans le cadre cette réflexion stratégique énorme, il faudra prendre en compte la question des modes de culture. Je pense en l'occurrence à la viticulture.

Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que le dispositif représente seulement quelques centaines, voire quelques milliers d'euros par exploitant. Beaucoup de viticulteurs en ont bien besoin !

Cher Daniel Salmon, le dispositif HVE n'est peut-être pas la panacée en matière de viticulture bio, mais cela a tout de même été un geste important ! On ne peut pas prétendre que c'est seulement du greenwashing. J'ai observé les effets de ce crédit d'impôt sur la viticulture chez moi, en Gascogne, notamment dans le Gers. On ne peut pas dire qu'il n'y aurait eu aucun bénéfice et que tout ne serait que mensonge. Je tenais à le signaler amicalement.

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour explication de vote.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Dans la viticulture champenoise, la phase HVE est souvent une phase de transition avant le passage en exploitation bio. Je ne pense donc pas que l'on puisse essentialiser les choses comme vous le faites, monsieur Salmon.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-48 rectifié, I-205 rectifié ter, I-328 rectifié bis, I-591 rectifié et I-1101 rectifié ter.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-1244 rectifié, présenté par MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mmes Guhl et de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Est instituée, à compter du 1er janvier 2026, une taxe additionnelle aux droits de douane perçus sur les importations de produits agricoles et forestiers issus de filières contribuant à la déforestation importée.

II. – Sont concernés les produits relevant des filières suivantes : cacao, hévéa, soja, huile de palme, bois et produits dérivés du bois, ainsi que le bœuf et ses coproduits.

III. – Le taux de la taxe est fixé à 1,5 % de la valeur en douane des marchandises importées.

IV. – Un décret précise les modalités d'application du présent article, notamment les critères permettant d'identifier les produits importés relevant de filières non durables au sens de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.

La parole est à M. Yannick Jadot.

M. Yannick Jadot. Cet amendement vise à instaurer une taxe additionnelle aux droits de douane sur l'importation de produits forestiers ou agricoles non durables contribuant à la déforestation.

Vous le savez, la France a adopté en 2018 la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. C'est un enjeu absolument essentiel.

L'objectif est que la déforestation causée par les importations françaises de produits forestiers ou agricoles non durables soit stoppée d'ici à 2030. Certes, il y a des cahiers des charges, mais les choses ne vont clairement pas assez vite. C'est pourquoi nous proposons une taxe additionnelle aux droits de douane.

La France ne produit que la moitié des protéines végétales nécessaires à l'alimentation de ses animaux et qu'un tiers de celles qui sont à destination de la consommation humaine.

Il y a donc un enjeu – cela fait partie du débat dans la mobilisation contre l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur – à freiner la déforestation, donc à valoriser la filière française forestière. Nous devons évidemment aussi favoriser une augmentation de la production de légumineuses sur notre territoire.

M. le président. L'amendement n° I-1508 rectifié bis, présenté par MM. M. Weber, Mérillou, Montaugé, Pla, P. Joly et Redon-Sarrazy, Mme Bélim, MM. Ros, Devinaz, Bourgi et Féraud, Mmes Briquet, Blatrix Contat, Matray et Monier, M. Chaillou, Mme Bonnefoy et MM. Marie, Stanzione, Tissot, Ziane et Jomier, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Il est institué une taxe à l'importation de tout produit, produit dérivé, produit transformé :

1° issu ou produit à partir des matières premières suivantes : bois, soja, huile de palme, cacao, bœuf et hévéa ;

2° contribuant directement à la déforestation, à la dégradation des forêts ou à la dégradation d'écosystèmes naturels en dehors du territoire national ;

Le montant de la taxe s'élève à 1,5 % et s'ajoute à la TVA.

II. – Sont exonérés de la taxe sur les produits importés susmentionnés ayant fait l'objet d'une certification de conformité défini à l'article L. 641-20 du code rural et de la pêche maritime, certifiant qu'ils n'ont pas contribué directement à la déforestation, à la dégradation des forêts ou à la dégradation d'écosystèmes naturels en dehors du territoire national.

Les opérateurs économiques qui mettent sur le marché les produits mentionnés au I du présent article, ont l'obligation de fournir une déclaration d'engagement dans une démarche de certification permettant de recueillir des informations sur la traçabilité les produits, afin de mieux évaluer et réduire le risque de déforestation importée.

III. – Le contrôle et la surveillance du respect du II du présent article est effectué par :

1° Dans les conditions prévues au titre VI du livre Ier du code forestier, les agents mentionnés au 1° de l'article L. 161-4 du même code et les autres fonctionnaires ou agents non titulaires de l'État commissionnés à cet effet par le ministre chargé des forêts, en raison de leurs compétences, et assermentés ;

2° Dans les conditions prévues au chapitre II du titre VII du livre Ier du code de l'environnement, les inspecteurs de l'environnement mentionnés à l'article L. 172-1 du même code.

La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Je rejoins les propos de notre collègue Jadot.

Nous avons beaucoup discuté dans l'hémicycle, notamment lorsque nous avons évoqué l'accord avec le Mercosur, des moyens de lutter contre la déforestation grâce à un certain nombre de produits.

Il me paraîtrait intéressant que des opérateurs économiques mettant ces produits sur le marché bénéficient à la fois d'une exonération et d'une sorte de label. Ce serait aussi une garantie pour le consommateur.

Je pense que le sujet est important et que les attentes de nos concitoyens à cet égard sont fortes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. À mon avis, personne dans cet hémicycle ne pense que la déforestation importée est une bonne chose.

Monsieur le sénateur Jadot, vous avez été député européen. Vous savez que nous avons mené un combat utile en la matière, avec le soutien de groupes politiques, notamment le vôtre.

Reste que l'objet de cet amendement pose un vrai problème.

Imaginons que la France soit le seul pays à instituer une telle taxe additionnelle aux droits de douane. Les grumes brésiliennes, argentines ou colombiennes que nous ne voulons pas voir transformées parce qu'elles sont le produit de la déforestation iront simplement à Rotterdam au lieu de s'arrêter au Havre. Elles seront donc transformées et pourraient très bien revenir ensuite en produits terminés chez nous.

Nous n'aurons plus la filière de transformation, mais nous aurons toujours la déforestation à l'autre bout du monde, et ce sans en avoir le gain. En effet, aucun importateur n'acceptera de payer 1,5 % de droits de douane en plus, alors qu'il peut avoir le même client en passant par un autre port européen.

C'est la raison pour laquelle, dans un espace de libre circulation, les droits de douane sont communs. Ils sont d'ailleurs à la main de la Commission européenne, afin d'avoir la certitude que les États ne jouent pas à ce jeu entre eux en se faisant d'ailleurs des illusions sur les effets de telles mesures.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de ces amendements, dont l'adoption aurait pour conséquence la fin de la filière bois française, sans aucun impact sur la déforestation. Si l'intention est bonne, le dispositif envisagé me paraît contre-productif.