Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Il faut avoir un petit peu de mémoire, au-delà de trois ou six mois !
En juin dernier, le Gouvernement a reconnu son erreur concernant la compensation de la hausse de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), dont le taux était passé pour 2025 de 20 % à 30 %. M. Lombard avait ensuite reconnu l'erreur du Gouvernement – c'était ici même, le 11 juin dernier – et avait indiqué que, le moment venu – c'est-à-dire aujourd'hui ! –, la compensation serait ajustée. Or vous nous annoncez 50 millions d'euros : ce montant n'est pas du tout à la hauteur de ce que doit l'État aux collectivités !
Je rappelle, monsieur le ministre, que cette compensation n'est pas un cadeau que vous faites aux communes rurales : c'est un simple retour à la normale qui est demandé.
Le cadeau fiscal qui a été accordé à juste titre à notre agriculture ne saurait être financé sur le dos des communes, comme ce fut le cas en 2025. Certaines petites communes ont subi 2 000, 3 000, jusqu'à 10 000 euros de perte de ressources à cause de cette non-compensation !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. 110 000 euros !
M. François Bonhomme. Au demeurant, les services de l'État en ont ajouté une couche : au mois de mai, alors que les taux étaient votés et que les effets de la non-compensation n'étaient pas encore connus, les communes rurales ont reçu un courrier leur offrant la possibilité d'augmenter eux-mêmes les impôts pour compenser l'absence de réponse de l'État.
Il ne faut pas plaisanter, monsieur le ministre ! Nous demandons non pas une charge supplémentaire, mais un juste retour des choses. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Paulette Matray et Émilienne Poumirol applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Adel Ziane pour explication de vote.
M. Adel Ziane. Monsieur le rapporteur général, vous avez émis un avis défavorable sur nos amendements. Or le choix qui est fait à l'article 34 soulève plusieurs difficultés. Le cas de Guingamp a été évoqué par nos collègues et amis bretons, mais ces compensations concernent un nombre limité de collectivités.
Je veux revenir sur l'exemple de Saint-Denis.
Cette ville, qui accueille le Stade de France, supporte des charges importantes liées à l'organisation d'événements sportifs auxquels de nombreuses personnes peuvent assister.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Des charges, sans doute, mais aussi des recettes !
M. Adel Ziane. Elle perçoit 2,7 millions d'euros au titre de la compensation « taxe sur les spectacles » ; la suppression de cette ressource, qui représente près de 1 % de ses recettes réelles de fonctionnement, créerait un choc budgétaire significatif pour cette collectivité.
J'ajoute que la suppression de ce versement aurait pour effet immédiat la diminution des ressources des centres communaux d'action sociale (CCAS) de la ville, qui bénéficient du reversement obligatoire d'une fraction de cette compensation. Cela affecterait négativement leurs finances.
Enfin, il s'agit d'une mesure injuste d'un point de vue fiscal : elle ferait peser l'effort sur des collectivités qui supportent déjà des dépenses croissantes pour l'accueil des événements sportifs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.
M. Gérard Lahellec. Je soutiens ces amendements : les adopter serait tout simplement un juste retour des choses.
Guingamp et son stade du Roudourou ont été cités ; tout le monde connaît l'En avant Guingamp. Nous pourrions également citer Boulazac (Bravo ! sur des travées des groupes CRCE-K, SER et INDEP.) et son club de basket-ball, qui évolue en Pro A. Que je sache, il s'agit là de la ruralité : Guingamp est par excellence un exemple de ruralité, et de culture en ruralité !
Le juste retour des choses serait, par exemple, de ne pas pénaliser cette commune en la privant de 223 000 euros. Il convient donc de voter ces amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et RDSE et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. J'ai une question technique à poser, madame la présidente : les amendements présentés par Jean-Baptiste Lemoyne et Marc Laménie, d'une part, et mon amendement n° I-2525 rectifié, d'autre part, portent sur des sujets différents ; je veux m'assurer que son éventuelle adoption ne ferait pas tomber le mien.
Mme la présidente. Le vôtre ne tombera pas, mon cher collègue.
M. Bernard Delcros. Sur le fond, je souhaite répondre à M. le ministre.
Je ne peux pas entendre ce genre de propos ! Vous nous dites, en substance : « Le Gouvernement fait tout de même un effort de 50 millions, ne vous plaignez pas ! » Vous ne l'avez pas dit de cette manière, mais c'est bien ainsi que j'ai perçu votre réponse.
Or ce n'est pas ce que nous demandons : nous demandons que la perte de recettes liée pour les collectivités à cette hausse de l'exonération soit entièrement compensée.
On n'a jamais vu une exonération ou une suppression de fiscalité locale n'être pas intégralement compensée au moment où elle est décidée ! On sait qu'ensuite les dynamiques s'essoufflent, mais c'est un autre sujet.
Si cette exonération concernait les grandes villes, il ne viendrait à l'idée de personne de leur tenir pareil discours : « Nous supprimons une partie de vos recettes, et nous ne compensons le manque à gagner qu'à moitié, mais ne vous plaignez pas ! »
Mme Sophie Primas. Oh si !
M. Bernard Delcros. On le fait ici parce qu'il s'agit de petites communes.
En toute franchise – je le dis gentiment –, je suis fâché de cette situation. Je demande donc que l'on compense intégralement les pertes de recettes subies par les collectivités par l'effet de telles décisions, au moins l'année où elles sont prises. La dynamique, c'est autre chose…
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-254 rectifié ter et I-547 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-726 rectifié, I-1678 rectifié bis et I-1892.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 34, modifié.
(L'article 34 est adopté.)
Après l'article 34
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-2106 est présenté par Mmes Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi, Barros, Basquin et Brossat, Mmes Brulin et Corbière Naminzo, MM. Corbisez et Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Margaté, MM. Ouzoulias et Savoldelli, Mmes Silvani et Varaillas, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L'amendement n° I-2512 rectifié bis est présenté par M. Delcros, Mmes Billon et Vermeillet, M. Dhersin, Mme Bourguignon, M. Fargeot, Mmes Antoine, Patru et Saint-Pé et M. Lemoyne.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au titre de l'année 2026, il est institué un prélèvement sur les recettes de l'État visant à compenser, pour les collectivités territoriales et leurs groupements, le coût correspondant au relèvement du taux de cotisation des employeurs des agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales opéré en 2025. Le montant de cette compensation correspond à la différence entre le montant total des cotisations versées par les employeurs territoriaux en 2025 et le montant total de ces cotisations versées en 2024.
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l'amendement n° I-2106.
M. Pierre Barros. Par cet amendement, nous demandons que l'État compense enfin, dès 2026, le coût colossal imposé aux collectivités territoriales par la hausse brutale de 3 points du taux de cotisation employeur à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), entrée en vigueur par décret du 30 janvier 2025.
Cette décision unilatérale, prise sans concertation avec les représentants des collectivités, a eu un impact immédiat et massif sur les budgets locaux entre 2024 et 2025 : ce relèvement du taux a représenté des centaines de millions d'euros supplémentaires à verser, sans qu'intervienne en contrepartie aucune amélioration du service, aucune création de postes, aucune simplification administrative. Il s'agit d'une pure et simple translation de charges vers les territoires.
Pour de nombreuses collectivités, cette dépense imprévue grève des finances locales déjà très fragilisées.
Nous demandons donc que l'État assume la responsabilité de sa décision en compensant intégralement, en 2026, la différence entre les cotisations versées avant et après la hausse du taux.
Pour une collectivité comptant une centaine agents, le manque à gagner est de 130 000 euros : autant d'emplois en moins, car les suppressions de postes sont en général la variable d'ajustement lorsqu'il s'agit de payer les charges liées à ce genre de décisions. C'est une très mauvaise nouvelle pour le service public !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l'amendement n° I-2512 rectifié bis.
M. Bernard Delcros. Il est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° I-2513 rectifié bis, présenté par M. Delcros, Mmes Billon et Vermeillet, M. Dhersin, Mmes Bourguignon et Saint-Pé et M. Roux, est ainsi libellé :
Après l'article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au titre de l'année 2026, il est institué un prélèvement sur les recettes de l'État visant à compenser, pour les collectivités territoriales et leurs groupements situés dans les zones France ruralités revitalisation mentionnées à l'article 44 quindecies A du code général des impôts, le coût correspondant au relèvement du taux de cotisation des employeurs des agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales opéré en 2025.
Le montant de cette compensation correspond à la différence entre le montant total des cotisations versées par les employeurs territoriaux en 2025 et le montant total de ces cotisations versées en 2024.
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Cet amendement et le précédent sont des amendements d'appel ; leurs objets respectifs sont très proches.
Mes chers collègues, monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur ce sujet : nous débattons de l'effort demandé aux collectivités – initialement estimé à 4,7 milliards d'euros, ramené à 2 milliards d'euros –, mais il ne faut pas oublier l'augmentation de la cotisation CNRACL.
En régime « plein effet », après quatre années, une fois le taux stabilisé à la hausse, le surcoût sera de 5,4 milliards d'euros par an pour les collectivités : déjà 1,2 milliard l'année dernière et 1,3 milliard cette année, et ce alors même que cette mesure ne règle pas le problème du déficit structurel de la caisse à terme.
Je souhaite vraiment, monsieur le ministre, qu'une concertation soit ouverte sur ce sujet : il faut un débat avec le Gouvernement et avec les parties concernées afin de trouver un accord.
Un rapport a été fait à l'Assemblée nationale ; la Cour des comptes et les inspections se sont également emparées du dossier. Des solutions doivent être apportées ; à défaut, on fera contribuer les collectivités dans des proportions considérables sans pour autant résoudre de façon pérenne ce déficit structurel.
Monsieur le ministre, une concertation doit être engagée rapidement !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J'ai bien entendu le plaidoyer de notre collègue Bernard Delcros. Nous sommes tous conscients de la difficulté : elle touche l'ensemble de nos systèmes de retraite par répartition, obligatoires comme complémentaires, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, qu'il s'agisse des salariés du secteur privé ou des agents des collectivités publiques.
C'est le déséquilibre croissant entre le nombre de bénéficiaires et le nombre de cotisants qui est en cause. Des améliorations ont certes été apportées par des réformes partielles, mais celles-ci restent manifestement insuffisantes. Comme c'est le cas pour la dette publique, chaque année passée sans traiter ce problème aggrave la situation, et les déficits s'accumulent.
Dès lors, monsieur le ministre, il appartient au Gouvernement de tout faire pour mettre les choses à plat et tracer des perspectives.
Le conclave a été un échec ; on nous propose désormais autre chose : une grande négociation sociale autour de la retraite.
Nous ne pourrons pas éternellement nous contenter de ce genre d'expédients, car la situation contribue à électriser davantage l'opinion. Je sens partout des tensions : si nous pouvions les apaiser, il serait plus facile de préparer l'avenir.
Je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Monsieur le sénateur Delcros, je partage votre analyse : vous avez raison, la CNRACL souffre d'un problème structurel. Il s'agit en réalité du problème démographique général qui affecte nos régimes de retraite, mais celui-ci se décline de façon particulièrement exacerbée dans la fonction publique territoriale.
Actuellement, le régime géré par la CNRACL compte 1,33 cotisant pour 1 retraité ; ce ratio vous donne une idée du défi qui est devant nous.
Il y a évidemment à prendre des mesures de court terme – c'est l'objet de cet article 34. Toutefois, comme vous l'avez souligné, elles ne suffiront pas, pas plus que nous ne pourrons les reconduire indéfiniment. Il est donc impératif de remettre l'ouvrage sur le métier.
Ce travail s'inscrit dans la réflexion générale que nous devons avoir sur les régimes de retraite, objet de la conférence sur le travail et les retraites lancée avec mon collègue Jean-Pierre Farandou. Sont au programme aussi bien le régime général du secteur privé que les différents régimes de la fonction publique.
Parallèlement, nous devons mener des travaux spécifiques sur la CNRACL. Ces travaux s'appuieront sur ceux que le Parlement a déjà conduits sur la base de rapports demandés aux inspections – l'inspection générale des finances (IGF), l'inspection générale des affaires sociales (Igas), l'inspection générale de l'administration (IGA).
Nous leur avons demandé des compléments techniques ; ces éléments nous permettront d'engager tous ensemble, dans les prochaines semaines, un dialogue fondé sur des simulations très précises.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Je vais retirer mes amendements, madame la présidente.
Monsieur le ministre, aux travaux des inspections que vous évoquez, il convient d'ajouter ceux de la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée nationale, qui contiennent des propositions vraiment intéressantes, concrètes et raisonnables.
Il faut que nous avancions sur ce sujet !
Mme la présidente. Les amendements nos I-2512 rectifié bis et I-2513 rectifié bis sont retirés.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous maintenons notre amendement.
Certes, des problèmes que l'on peut qualifier de structurels pèsent sur la CNRACL. Mais n'oublions pas que, dans le passé, cette caisse a contribué, au titre de la solidarité inter-régimes, au soutien d'autres régimes de retraite, pour des montants considérables ; on pourrait envisager que cette solidarité ne s'exerce pas toujours à sens unique…
Mme Isabelle Florennes. Eh oui…
Mme Céline Brulin. Par ailleurs, je me souviens du débat de l'année dernière : on nous promettait d'examiner des solutions durables, mais il fallait d'abord, nous disait-on, parer à l'urgence. Or nous voici, un an plus tard, face à une deuxième année consécutive de hausse de 3 points. L'an prochain, même tarif : encore une augmentation de 3 points, et ainsi de suite la quatrième année.
Je ne peux donc pas entendre vos arguments, monsieur le ministre. Je sais que vous n'êtes en fonction ni depuis très longtemps ni, peut-être, pour très longtemps. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne dis pas ça contre vous : dans ce genre de situations, l'instabilité n'aide pas…
En tout état de cause, nous ne pouvons pas continuer, année après année, à faire peser cette charge sur les collectivités, mais aussi sur les hôpitaux et les Sdis (services départementaux d'incendie et de secours), par exemple.
Un certain nombre de propositions sont désormais sur la table ; elles méritent d'être considérées, d'autant que certaines d'entre elles pourraient être mises en œuvre assez rapidement.
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Je m'inscris dans la continuité des propos de notre collègue Céline Brulin.
Les citoyens qui nous regardent pourraient à juste raison s'étonner de la teneur de nos débats et y voir une nouvelle démonstration de ce que certains pensent : décidément, les élus ne savent rien gérer, pas même la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
Mais de quels montants parle-t-on ? Il ne s'agit pas d'un petit prélèvement. Au cours des cinquante dernières années, la CNRACL a versé un total cumulé de 100 milliards d'euros pour soutenir d'autres régimes. Les collectivités ont donc contribué de façon très nette ; puis, sans qu'elles aient été consultées, de nouveaux prélèvements ont été opérés. Et voici qu'aujourd'hui on revient frapper à leur porte : un gros trou ayant été constaté, il va falloir qu'elles contribuent à nouveau, et qu'elles se préparent à payer encore davantage à l'avenir !
Nous voulons bien faire tous les efforts du monde, mais il faut être sérieux !
Sans doute la pilule avait-elle été un peu adoucie par l'annonce d'une hausse de 3 points sur quatre ans, plutôt que de 4 points sur trois ans. Il n'en demeure pas moins que l'impact budgétaire de cette mesure pour les collectivités est absolument considérable.
Je note au passage que la commission des finances, tout comme le Gouvernement, omet volontairement cette charge dans l'évaluation de l'effort demandé pour 2025, pour 2026 et pour les années suivantes. Or celle-ci est considérable, comme l'a rappelé notre collègue Bernard Delcros.
Que l'on soit bien d'accord sur les responsabilités des uns et des autres : sur ce sujet, comme sur les autres, les collectivités ont été exemplaires en matière de gestion. Pourtant, l'État ne se contente pas de leur faire les poches ; il leur fait aussi la leçon. Il ne faut pas pousser le bouchon trop loin ! La priorité est de garantir une forme d'équilibre ; tel est l'objet de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour explication de vote.
M. Pierre Barros. Ce débat est intéressant. Ces dernières semaines – c'est presque historique –, nous avons vu remises en débat des mesures telles que la défiscalisation des heures supplémentaires ou les dispositifs d'accompagnement permettant de limiter le coût du travail au nom de la compétitivité.
Et voilà que nous chargeons la barque des collectivités territoriales par une hausse des cotisations qu'elles paient sur les salaires de leurs agents.
J'entends les arguments des uns et des autres. S'il était décidé d'appliquer la même mesure, dans les mêmes proportions, à n'importe quelle boîte privée, je peux vous assurer que dans cet hémicycle, et certainement ailleurs, on envisagerait les choses d'une manière bien différente !
Ce « deux poids, deux mesures » est un peu compliqué à avaler. Un gestionnaire, un maire, le directeur général des services ou le DRH d'une collectivité ont droit au même respect qu'un chef d'entreprise ou que le DRH d'une boîte privée !
Mme Émilienne Poumirol. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je tiens tout de même à rappeler la portée de ce vote : le coût annuel de la mesure proposée s'élève à plus de 1,2 milliard d'euros. Ça pique – des deux côtés, certes !
Il nous revient de faire attention à l'équilibre de nos comptes publics et à l'effort que nos propositions représentent pour la collectivité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.
Mme Ghislaine Senée. Je l'ai déjà dit : on sait combien, du point de vue de nos territoires, des élus locaux et des collectivités, cette mesure de hausse de la cotisation CNRACL a été la pire de celles que nous avons prises l'an dernier.
Je me suis amusée à calculer le différentiel de coûts entre les agents titulaires et les contractuels pour une collectivité territoriale, à isopérimètre.
Le constat est sans appel : pour les titulaires, le taux de cotisation employeur atteint aujourd'hui 39,65 % et va augmenter jusqu'à 48 % ; pour les contractuels, le même taux oscille entre 12 % et 21 %. Rendez-vous compte ! Ce différentiel pousse immanquablement les collectivités à recruter des contractuels.
On est en train de tuer la fonction publique territoriale ! La fonction publique hospitalière subit le même traitement, même si, dans son cas, la mesure est compensée dans le cadre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam).
Le sujet est grave, le cercle vicieux : moins il y aura de titulaires, plus le déficit de la CNRACL se creusera. Il nous faut assumer pleinement la défense de la fonction publique territoriale ; nous ne pouvons donc accepter cette situation.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-2106.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'amendement n° I-1173 rectifié, présenté par Mme Briquet et M. Sautarel, est ainsi libellé :
Après l'article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – A. Au titre de l'année 2026, il est institué un prélèvement sur les recettes de l'État visant à verser aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre une avance afin de compenser les retards de versement de la taxe d'aménagement.
B. Bénéficient du prélèvement sur les recettes de l'État mentionné au A les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale qui enregistrent, entre 2024 et 2025, une perte importante, au regard de leurs recettes fiscales, de taxe d'aménagement mentionnée à l'article 1635 quater A du code général des impôts.
Pour l'application du premier alinéa, les recettes fiscales s'entendent des impositions mentionnées au I du 3 de l'article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.
C. Pour chaque collectivité territoriale et établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre mentionné au B, le montant de l'avance mentionnée au A est égal à un tiers de la perte mentionnée au même B.
D. Les conditions d'application du I sont fixées par décret en Conseil d'État.
II. – En 2027, l'avance versée en 2026 au titre du I est déduite, pour chaque collectivité et établissement mentionné au B du même I, des douzièmes prévus à l'article L. 2332-2, au I de l'article L. 3332-1-1 et au I de l'article L. 4331-2-1 du code général des collectivités territoriales ou des fractions de la taxe sur la valeur ajoutée versées par la voie du compte de concours financiers mentionné au II de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.
III. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du II est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
IV. – La perte de recettes résultant pour l'État du I et du III est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Cet amendement, que je présente conjointement avec Stéphane Sautarel, fait suite à la mission flash de contrôle budgétaire que nous avons menée sur les difficultés de recouvrement de la taxe d'aménagement. Il s'agit du troisième amendement reprenant les préconisations de notre rapport.
Nos travaux ont mis en lumière que l'une des causes de la baisse des recettes de la taxe d'aménagement résidait dans le transfert de sa liquidation à la direction générale des finances publiques (DGFiP).
Nous proposons donc, par cet amendement, que les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant subi une perte importante de recettes de taxe d'aménagement entre 2024 et 2025 puissent bénéficier d'une avance de l'État en 2026.
Le montant de cette avance serait égal à un tiers de la perte de recettes subie ; il serait ensuite déduit des douzièmes de fiscalité versés l'année suivante.
Cette mesure assurerait une rentrée de trésorerie pour les collectivités, qui pourraient ainsi financer les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE).
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Sagesse !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Nous avons commencé hier le débat sur la taxe d'aménagement ; je réitère les propos que j'ai tenus alors : oui, il y a eu des dysfonctionnements évidents dans la réforme du recouvrement de cette taxe, mais ces difficultés sont en train d'être progressivement apurées.
L'objectif est clair : en concertation avec les élus locaux, la DGFiP, qui a repris la collecte, doit s'assurer que les versements dus soient intégralement restitués aux collectivités qui doivent en être bénéficiaires, sans la moindre perte de recettes.
En revanche, le dispositif que vous proposez ici, tendant à instituer une forme de compensation égale à un tiers de la perte de recettes subie, ne paraît pas approprié.
En effet, si l'examen des pertes de recettes de ces dernières années révèle des problèmes de collecte, il met surtout en exergue une baisse du produit de la taxe, corrélée à une baisse de l'aménagement. Le secteur immobilier a subi un recul considérable : on observe des baisses de 20 % à 30 % du nombre de permis de construire délivrés en 2023 par rapport aux années précédentes. Cette tendance s'est mécaniquement répercutée sur le niveau des recettes perçues au titre de la taxe d'aménagement.
Faut-il garantir que la réforme n'emporte aucune perte pour les collectivités ? Oui, les dossiers sont en cours d'apurement et la mobilisation de la DGFiP est totale sur ce point.
Cela étant, instaurer un mécanisme compensatoire calculé sur la base des années précédentes, via une avance égale à un tiers de la perte de recettes, serait faire une fausse promesse aux collectivités.
Une grande partie du manque de recettes étant imputable non pas à la réforme ou à des difficultés de recouvrement, mais à la simple évolution du marché immobilier, le dispositif proposé donnerait probablement lieu, par la suite, à des dégrèvements visant à la restitution des sommes indues.
Je crains donc que l'on ne crée une nouvelle difficulté à l'avenir si cet amendement venait à être adopté. C'est la raison pour laquelle j'en demande le retrait ; à défaut, l'avis serait défavorable.


