M. Michel Canévet. … afin que tous les contribuables s’acquittent effectivement de ce qu’ils doivent payer.

L’une des lignes de force du groupe Union Centriste, c’est de considérer que chacun doit payer sa part, mais pas davantage ! En effet, chers collègues, la fiscalité de notre pays ne doit pas être confiscatoire ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.) Sinon, c’est l’esprit d’entreprise que nous risquons d’annihiler.

En outre, l’une des orientations majeures de mon groupe est la confiance que nous accordons aux entrepreneurs pour créer de l’emploi et apporter de la richesse à notre pays, (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.), car ce sont bien les entreprises qui permettent à chacun de s’émanciper et de bien vivre. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Thierry Cozic. Les milliardaires ?

M. Michel Canévet. Vous pouvez dire ce que vous voulez, chers collègues, telle est la réalité !

La situation de notre pays ne s’améliorera que si nous faisons confiance aux entrepreneurs pour assurer, demain, la prospérité de notre pays.

M. Akli Mellouli. Cela fait huit ans que cela ne marche pas !

M. Michel Canévet. Soyez donc bien conscients que tout ce qui tend à réduire les moyens des entreprises et à accroître leurs charges nuit autant à leur prospérité qu’à celle de l’emploi et de notre pays.

Mme Émilienne Poumirol. C’est le Medef qui parle…

M. Michel Canévet. Si nous voulons assurer notre avenir, il nous faut donc évoluer sur le sujet.

Mme Audrey Linkenheld. Mais le ruissellement ne marche pas !

M. Michel Canévet. Nous avons formulé plusieurs propositions en ce sens. Le groupe Union Centriste continuera à promouvoir cette ligne, à laquelle nous sommes attachés.

M. Akli Mellouli. Alors tout va bien ! Surtout, ne changeons rien !

M. Michel Canévet. Reste enfin, monsieur le ministre, la question du logement. Nous l’avons largement évoquée dans nos interventions et nos amendements.

Le Gouvernement doit réfléchir à des solutions pour remédier à la crise de ce secteur, à l’heure où nombre de Français ne parviennent pas à se loger. En outre, cela pourrait rapporter des recettes, via la fiscalité, et créer de l’emploi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Franck Dhersin. Vive les centristes !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la ligne politique du groupe Les Indépendants sur l’examen de ce budget a été présentée avec clarté par mes collègues lors de la discussion générale.

Nous pensons que la situation budgétaire très dégradée de la France vient du trop-plein de dépenses publiques, alimentées par une overdose fiscale et une trop faible quantité de travail en comparaison de nos concurrents européens.

Trop de dépenses, trop d’impôts et pas assez de travail !

La réduction des dépenses sera évoquée à l’occasion de la seconde partie du projet de loi de finances, qui commencera cet après-midi.

En revanche, la question de la quantité de travail aurait dû être réglée dans le PLFSS. Sur ce sujet, le Sénat a proposé des avancées et a rejeté la suspension de la réforme des retraites. C’est une bonne chose, mais nous craignons que la raison ne l’emporte pas dans ce débat.

Vient enfin la question des impôts. C’est l’objet du vote auquel nous nous apprêtons à procéder.

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) vient de rendre publics les résultats de son baromètre semestriel des prélèvements fiscaux et sociaux en France. Sa lecture nous apprend que 78 % de nos concitoyens pensent que le niveau d’imposition général en France est trop élevé. Nous pourrions décider qu’ils ont tort et gouverner contre eux, mais nous savons ce que de tels choix ont coûté aux pouvoirs en France.

Notre refus de toute augmentation d’impôt n’est pas une position politique de façade. Comme l’immense majorité des Français, nous sommes persuadés que notre pays souffre d’une fiscalité excessive, qui étouffe la consommation des ménages et l’activité économique de nos entreprises, nos artisans et nos indépendants.

M. Emmanuel Capus. C’est vrai !

M. Marc Laménie. Les ménages français, à qui l’on a vendu trop longtemps la fable du salaire différé, préfèrent désormais, à raison, qu’on leur laisse le fruit de leur travail pour vivre.

Nos chefs d’entreprise, nos artisans et indépendants, de leur côté, voient l’activité ralentir et se demandent comment faire pour continuer à se battre dans la compétition mondiale, tout en payant, en France, les impôts les plus lourds de l’Union européenne.

Pourtant, l’exercice que nous avons vécu durant une semaine – de jour comme de nuit ! –, à l’occasion de l’examen la première partie du projet de loi de finances, ne s’est pas déroulé comme nous le souhaitions. Pendant ces cinq jours de débats, d’étonnantes majorités se sont dessinées pour adopter bien trop d’impôts et taxes nouvelles.

Contribution différentielle sur les hauts revenus, impôt sur la fortune improductive, taxe sur les holdings, les rachats d’actions, les réseaux sociaux, le numérique, le gaz, les croisières, les cartes grises, les carburants en Île-de-France… La politique de la taxe n’est pas la bonne solution.

Même si la seconde délibération a écarté une partie de ces taxes, nous ne pourrons pas nous associer au vote sur la première partie du projet de loi de finances.

Il nous reste à examiner la seconde partie de ce texte. Cet exercice doit être un moment de rassemblement autour d’un constat évident : il nous faut baisser les crédits des missions. Seules doivent être préservées les missions régaliennes de l’État et les dépenses qui préparent l’avenir.

Mon groupe proposera des mesures d’économies sur plusieurs de ces missions. J’espère que tous nos collègues s’associeront à nous pour les voter.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Il y a peu de chances !

M. Marc Laménie. Au nom de mon groupe, je remercie l’ensemble des sénateurs, ainsi que le personnel du Sénat, les ministres et leurs collaborateurs du travail de qualité qu’ils ont fourni durant ces débats.

Néanmoins, les sénateurs du groupe Les Indépendants s’abstiendront sur la première partie du PLF. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Thomas Dossus applaudit également.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne tournons pas autour du pot : le projet de loi de finances que vous nous avez présenté est mauvais.

D’une part, il s’inscrit dans la droite ligne des précédents budgets, qui ont laissé filer le déficit. D’autre part, il choisit la facilité, puisqu’il augmente la fiscalité, au lieu de recourir à des économies structurelles.

Le résultat est là : le budget laisse s’envoler le déficit, repoussant son retour sous les 3 % du PIB à la Saint-Glinglin. Cette échéance avait été annoncée par Bruno Le Maire dès 2017, puis 2018 ou 2019 : or nous ne savons toujours pas quand cela se produira !

En attendant, la charge de la dette sera bientôt le premier poste du budget de l’État.

Je rappelle les chiffres, pour que mes collègues les aient bien en tête. Avant la période de la covid, les intérêts de la dette française représentaient à peu près 10 % des recettes fiscales nettes de l’État, soit environ 300 milliards d’euros, contre 32 milliards d’euros juste avant cette période. Or nous allons bientôt payer 100 milliards d’euros d’intérêts d’emprunt annuels.

Aucun pays au monde ne peut se permettre de consacrer le tiers de ses recettes fiscales nettes au seul paiement des intérêts d’emprunt. Or tel est le résultat réel de cette politique, qui nous a conduits à recourir à la dette non pas pour équilibrer les comptes publics, mais simplement pour boucler notre budget !

Qui est responsable ? L’origine de cette situation est l’accumulation des déficits primaires. L’endettement public de notre pays est dû, à hauteur de 85 %, au fait que nous votons à chaque fois des budgets en déficit. Et l’endettement va malheureusement continuer à augmenter l’année prochaine, alors même que les taux d’intérêt sont remontés.

Face à cette situation, le groupe Les Républicains a eu deux objectifs simples : tout d’abord, ne pas recourir de façon excessive à la pression fiscale ; ensuite, préserver les collectivités, notamment leur capacité d’emprunt.

Le premier objectif – ne pas recourir de façon excessive à la pression fiscale –, nous l’assumons. Nous avons ainsi proposé plus de 7 milliards d’euros d’économies d’impôt par rapport à la version initiale du PLF.

Ces économies doivent bénéficier, d’abord, aux entreprises et à l’emploi. Je pense, en particulier, au rejet, sur l’initiative de Jean-François Husson et de notre groupe, de la surtaxe de l’IS, pour un montant de 4 milliards d’euros, à la consolidation du pacte Dutreil, ainsi qu’au rejet de la réforme de la franchise en base de TVA pour les autoentrepreneurs.

Nous avons ensuite souhaité préserver, autant que possible, les finances des ménages les plus modestes, notamment en supprimant le gel du barème de l’impôt sur le revenu en faveur des contribuables les plus modestes.

Nous avons pris d’autres initiatives, notamment en matière de logement locatif. Nous avons souhaité, par ailleurs, baser l’assiette de l’IFI uniquement sur les biens immobiliers,

Notre second objectif était de préserver les collectivités, notamment leur capacité d’investissement. Nous répétons communément dans cette assemblée que les collectivités représentent plus de 70 % de l’investissement public en France. Or, si l’on exclut les dépenses militaires, nous savons, mes chers collègues, que c’est beaucoup plus ! Le Sénat, notamment sa majorité, a donc souhaité ne pas trop porter atteinte à leur capacité d’investir.

C’est la raison pour laquelle nous avons doublé le fonds de sauvegarde des départements, diminué la contribution au titre du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico) et rejeté la réforme relative à l’assiette des dépenses éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

Telles ont été les orientations du Sénat face à la facilité consistant à laisser filer les déficits, qui caractérisait le projet de budget initial.

Je conclurai mon propos en exprimant un regret, comme je le fais d’une année sur l’autre – il est vrai que j’ai vu bien des choses depuis que je siège au sein de la commission des finances… C’est celui, monsieur le ministre, que les gouvernements successifs n’entendent pas le Sénat, ou qu’ils l’entendent trop tardivement. Je prendrai deux exemples.

Le premier concerne le commerce électronique, dit aussi e-commerce. Nous avons eu l’impression que le Gouvernement découvrait le sujet… Mme de Montchalin a proposé de créer une commission ou un groupe de travail pour comprendre pourquoi, dans ce secteur, la TVA n’entrait pas dans les caisses !

Or, en 2013, lorsque je m’étais rendu avec notre ancien collègue Philippe Dallier au bureau de douane, à Roissy, nous avions déjà constaté que l’e-commerce avait explosé, et que la TVA et les droits de douane n’étaient pas recouvrés…

Des propositions consensuelles, approuvées par l’ensemble des groupes du Sénat – j’en prends le président de la commission des finances à témoin – ont été formulées. Ainsi, une initiative a été prise concernant les petits colis, et nous avons proposé d’instaurer la responsabilité solidaire des plateformes. Elles ont toutes été balayées !

De la même façon, nous avions considéré, avec notre collègue Vincent Éblé, que l’IFI était un mauvais impôt, parce qu’il fiscalisait exclusivement l’immobilier, et pas du tout les actifs improductifs. Ce constat, nous l’avions dressé ensemble. Or, là aussi, le Gouvernement a tergiversé et n’a pas écouté le Sénat.

Monsieur le ministre, le seul message que je puis vous adresser en cet instant est le suivant : écoutez le Sénat, et la France se portera mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Fouassin, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de sept jours et sept nuits d’examen intensif de cette première partie du projet de loi de finances pour 2026, je souhaite dresser un premier bilan des avancées significatives obtenues par notre groupe sur ce texte, qui nous permettent aujourd’hui de le voter avec conviction.

Permettez-moi tout d’abord de souligner l’une de nos priorités absolues : la protection de nos territoires ultramarins. Alors que l’article 7 du projet de loi gouvernemental aurait eu pour conséquence de fragiliser considérablement nos outre-mer, nous avons obtenu la suppression pure et simple dudit article.

Cette réforme aurait porté un coup fatal à l’économie de nos territoires ultramarins, déjà fragilisés par leur insularité et leur éloignement. Nos territoires d’outre-mer ne sauraient être les variables d’ajustement de l’équilibre budgétaire national. Cette victoire majeure témoigne de notre attachement indéfectible à la cohésion républicaine et à l’égalité territoriale.

Notre deuxième priorité concernait le soutien aux entreprises et à l’innovation.

Nous avons préservé nos microentrepreneurs en supprimant la réforme proposée des franchises en base de TVA, une mesure qui protège des centaines de milliers d’entrepreneurs français. Nous avons également prolongé les dispositifs essentiels : le crédit d’impôt pour l’industrie verte (C3IV), ou encore, jusqu’en 2028, l’exonération de certains impôts locaux pour les jeunes entreprises innovantes. Ces mesures concrètes donnent de l’oxygène à notre tissu économique et permettent de soutenir l’innovation française.

Troisième priorité : la défense du pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Nous avons obtenu des avancées concrètes pour éviter que des mesures ne viennent rogner le revenu disponible des Français : l’indexation de la première tranche de l’impôt sur le revenu ; l’exonération fiscale des pourboires, pour 2026, qui permettra de soutenir directement les travailleurs des secteurs de la restauration et des services ; la suppression de la hausse de la fiscalité sur les biocarburants, qui vise à protéger les agriculteurs et les automobilistes.

Quatrième priorité, et non des moindres : nous avons cherché à préserver nos collectivités territoriales, qui étaient excessivement sollicitées dans le projet initial du Gouvernement.

Grâce à l’action coordonnée du Sénat, l’effort demandé aux collectivités territoriales a été ramené à 2 milliards d’euros, soit une baisse significative par rapport aux premières propositions gouvernementales. Cette réduction témoigne de notre compréhension des réalités territoriales et de la nécessité de préserver la capacité d’investissement de nos communes, intercommunalités, départements et régions.

Mes chers collègues, après l’examen en un temps record de près de 2 500 amendements, cette première partie du budget a trouvé un équilibre, certes imparfait, mais qui porte désormais l’empreinte de nos priorités.

Nous savons que cet équilibre devra évoluer lors de la future commission mixte paritaire. Des compromis devront être construits avec nos collègues députés, car notre responsabilité collective transcende nos appartenances politiques : il s’agit de donner un budget à la Nation avant le 31 décembre.

Le groupe RDPI sera pleinement au rendez-vous, fort des avancées obtenues au Sénat et conscient des enjeux qui nous attendent. Vous l’aurez compris, nous voterons, en responsabilité, pour cette première partie du PLF. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Thierry Cozic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « une maison qui me semble apaisée, républicaine et rationnelle » : c’est en ces termes élogieux que le président du Medef, Patrick Martin, a qualifié le Sénat, lors d’une table ronde organisée par la délégation sénatoriale aux entreprises.

Après avoir siégé une semaine en face de vous, mes chers collègues, je dois dire que le président du Medef en a eu pour son argent ! (Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.) Il n’est bien sûr pas le seul : les plus aisés de notre pays ont, eux aussi, été plus qu’épargnés.

À n’en pas douter, à l’issue de l’examen de la première partie du projet de budget pour 2026, lors duquel a été adoptée une diminution des recettes fiscales de 8 milliards d’euros, les grandes entreprises et les plus riches gagnent au grattage et au tirage : CDHR (Contribution différentielle sur les hauts revenus) : moins 100 millions d’euros ; taxe sur les holdings : moins 800 millions d’euros ; IFI, moins 600 millions d’euros ; suppression de la surtaxe de l’IS : 4 milliards d’euros !

Et quand une nouvelle recette, relative au rachat d’actions est votée par la Haute Assemblée, une seconde délibération l’annule…

M. Christian Redon-Sarrazy. C’est honteux !

M. Thierry Cozic. C’est Noël avant l’heure, et la hotte du patronat et des puissants est bien remplie ! D’ailleurs, je me demande bien pourquoi nous avons étudié la partie recettes car, durant nos débats, la majorité sénatoriale avait seulement trois mots à la bouche : « baisse des dépenses ». L’an prochain, commençons directement par les dépenses ; ainsi, nous gagnerons du temps et cela évitera les séances de nuit…

Revenons tout de même au texte. En 2003, les très hauts revenus gagnaient 95 fois plus que les ménages les plus modestes ; en 2022, c’était 167 fois plus. Face à de tels chiffres, on pourrait penser qu’une taxation plus juste, à hauteur des facultés contributives de ces foyers, eût été privilégiée. Mais, une fois de plus, nous nous sommes heurtés au dogme du « pas un seul impôt supplémentaire ».

Pour ce qui concerne la taxe sur les holdings, je tiens à exprimer notre profond désaccord sur les amendements de la majorité sénatoriale, qui ont littéralement éviscéré son assiette.

Le rendement espéré était de 1 milliard d’euros ; s’il dépasse désormais les 100 millions, ce sera un exploit. Je l’ai dit : avec le Gouvernement, nous avions une « taxe passoire » ; avec la version sénatoriale, cela devient une « taxe trou noir ». Il n’y a strictement plus rien !

Les mêmes qui n’ont eu de cesse de nous faire la leçon sur le sérieux budgétaire sont ceux-là mêmes qui organisent l’attrition des comptes publics en supprimant toute nouvelle recette possible.

Dois-je vous rappeler, monsieur le rapporteur général, que c’est à cause d’une suppression chronique de recettes par Emmanuel Macron que vous aviez effectué, l’an dernier, un contrôle sur place et sur pièces qui vous a permis de découvrir l’ampleur du maquillage des comptes publics ? Et je ne reviens pas sur la suppression de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés, qui, en plus d’être un non-sens budgétaire, constitue une hérésie économique !

Tout n’est pas à jeter pour autant. Il y a eu de timides ouvertures sur certains sujets importants. Je pense notamment au pacte Dutreil : l’allongement de quatre à six ans de la durée de l’engagement individuel de conservation des titres et parts de société pour bénéficier de l’exonération de 75 % de leur valeur dans le cadre de ce pacte est une disposition notable. Or 70 % des 5,5 milliards d’euros que représente cet avantage fiscal sont captés par 1 % des héritiers ; il est donc regrettable que nos amendements visant à plafonner le dispositif aient été balayés…

Enfin, l’opération « poche droite, poche gauche » autour de la diminution des factures des ménages chauffés à l’électricité, compensée par l’augmentation de celles des ménages chauffés au gaz, n’est pas acceptable.

Quant aux collectivités territoriales, là encore, le message est clair : on leur demande toujours plus, avec toujours moins.

La majorité sénatoriale revendique sa proximité avec les territoires. Mais, au fil des votes, c’est surtout sa mise à distance qui s’est organisée méthodiquement : aucune indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation pour 2026 ; rejet du rétablissement du fonds vert ; refus de toucher aux variables d’ajustement… On l’aura bien compris : non, vous n’êtes pas les défenseurs des collectivités que vous prétendez être !

Il y a bien eu, certes, quelques ouvertures ; je pense notamment à la prolongation de l’expérimentation du revenu de solidarité active (RSA) jusqu’en 2031 dans trois départements, ou au maintien de la TVA affectée aux régions. Mais un peu de lumière dans l’obscurité ne suffit pas à éclairer toute la maison. Et de la lumière, nous en aurions bien besoin dans la période actuelle !

Cette première partie laisse donc un goût amer sur les travées socialistes. Alors que nous n’avons de cesse d’appeler au compromis et de faire des pas pour doter notre pays d’un budget, l’intransigeance de la majorité sénatoriale a de quoi décontenancer et nous interroge quant aux motivations réelles d’un tel durcissement.

Mes chers collègues, il n’est jamais trop tard pour se ressaisir ! La rancœur n’est jamais bonne conseillère. J’appelle donc de mes vœux une partie dépenses plus raisonnable.

Vous l’aurez compris, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre la première partie du projet de loi de finances pour 2026. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Pierre Barros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la dissolution de 2024, les gouvernements Barnier, Bayrou ou encore Lecornu nous demandent de faire preuve de responsabilité.

C’est ainsi que l’on nous explique que chacun devra participer à l’effort nécessaire pour redresser la France, et que cet effort, collectif et temporaire, devra concerner toutes les catégories de Français… Mais la réalité est tout autre ! Ceux-là mêmes qui nous intiment l’ordre de faire preuve de responsabilité et nous disent que nous n’avons pas compris la gravité de la situation se sont assis ces derniers jours, dans cet hémicycle, sur leurs propres principes.

Je m’explique. Alors que 12 milliards d’euros de recettes supplémentaires étaient prévus dans le projet de loi de finances pour 2026, quelque 13 milliards d’euros de recettes se sont miraculeusement envolés. Et pas n’importe lesquelles : 5,5 milliards d’euros concernent uniquement les entreprises, les multipropriétaires et les très hauts patrimoines logés dans les holdings. On comprend, ainsi, que ces grands patrons et ces grandes fortunes n’appartiennent pas à ce que l’on appelle « toutes les catégories de Français ».

La majorité sénatoriale nous rappelle, encore une fois, que le monde est bien fracturé : il y a ceux qui possèdent et ceux qui sont condamnés à payer. Je vais en donner quelques exemples aux Français.

Vous avez sanctuarisé les cadeaux fiscaux aux entreprises en supprimant l’article 4 et la surtaxe de l’impôt sur les sociétés. Vous leur avez ainsi offert 4 milliards d’euros sans contrepartie, sans conditionnalité et sans même une justification économique solide.

Vous avez sanctuarisé les cadeaux fiscaux faits aux multipropriétaires via la transformation de l’IFI en impôt sur la fortune improductive. C’est encore un cadeau, à hauteur de 600 millions d’euros.

Et que dire de votre taxe sur les holdings, sinon qu’elle a été complètement vidée de sa substance ? Au lieu d’un impôt juste, efficace et moderne, vous proposez un compte d’apothicaire inefficace et impraticable. Résultat, 900 millions d’euros supplémentaires ont été rendus aux patrimoines les plus indécents.

Vous tournez le dos à cette ressource financière, comme vous avez tourné le dos aux 211 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises, soigneusement laissées hors du champ du débat budgétaire. Et c’est ce que vous appelez faire preuve de responsabilité !

À l’inverse, le groupe CRCE-K a présenté plus de 250 propositions visant à renforcer les recettes publiques, à hauteur de 70 milliards d’euros.

Parmi celles-ci : la taxe Zucman ; la réforme de l’héritage ; la remise en cause du pacte Dutreil et l’encadrement des aides publiques ; les taxes sur les superprofits et les superdividendes ; le rétablissement de l’exit tax et de l’ISF ; la taxe sur les rachats d’actions ; la taxe sur les transactions financières ; la taxe sur les plus-values latentes ; la taxe sur les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et les multinationales ; et jusqu’à nos propositions tendant à lutter contre la marchandisation des conflits et les profiteurs de crises.

Néanmoins, vous avez refusé de toucher au capital. Alors, qui va donc payer ces 8 milliards d’euros de manque à gagner ? Les classes populaires ? Le service public ? Car ce cadeau fait aux entreprises représente, en contrepartie, de 33 milliards à 35 milliards d’euros de coupes budgétaires dans les dépenses publiques à venir.

Vous vous apprêtez donc à supprimer, dès cet après-midi, des dizaines de milliards d’euros fléchés vers l’école, l’environnement, la culture, la solidarité et l’ensemble des missions de service public, hors budget militaire, alors que vous avez déjà visé, ces derniers jours, les plus fragilisés. En effet, vous vous êtes attaqués aux malades en maintenant la fiscalisation des indemnités journalières (IJ) pour les affections de longue durée (ALD).

Vous avez alourdi la charge pesant sur les classes moyennes en désindexant le barème de l’impôt sur le revenu pour les deuxième et troisième tranches.

Et vous avez poursuivi l’étranglement du service public en refusant de compenser à l’euro près les suppressions d’impôts locaux, en acceptant la logique d’une offensive contre les communes industrielles, en ne voulant pas compenser les évolutions de cotisations de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), en diminuant la DGF en valeur et en ne rétablissant pas la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

C’est un choix politique. Il vous appartient. Mais alors, assumez-le. Cessez de nous parler de responsabilité et, surtout, de culpabiliser les Français !

Nous voterons évidemment contre cette première partie du projet de loi de finances pour 2026. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)