M. Jacques Fernique. Lors du scrutin public n° 78 sur l'amendement n° A-2 tendant à supprimer l'article 11 sexies du projet de loi de finances pour 2026, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires n'ont pu, par ma faute, participer au vote électronique, alors qu'ils entendaient voter contre.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin concerné.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix,
est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale.
Nous en sommes parvenus au vote sur l'ensemble de la première partie.
Vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi
Mme la présidente. Avant de passer au vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2025, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.
Je rappelle au Sénat que, conformément à l'article 42 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 et à l'article 47 bis, alinéa 2, de notre règlement, lorsque le Sénat n'adopte pas la première partie du projet de loi de finances, l'ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de cinq minutes pour ces explications de vote, à raison d'un orateur par groupe, l'orateur ne figurant sur la liste d'aucun groupe disposant, quant à lui, de trois minutes.
La parole est à M. Raphaël Daubet, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)
M. Raphaël Daubet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nonobstant l'entorse de la seconde délibération, nous aurions pu dire du Sénat, au terme d'un débat intense, mais respectueux, qu'il honore, comme souvent, la démocratie parlementaire. Je salue d'ailleurs les fonctionnaires de notre institution, qui ont permis que cette première partie du budget s'achève dans les temps.
Je m'exprime au nom d'un groupe profondément attaché au bicamérisme, inquiet de l'instabilité politique et certain qu'une forme de responsabilité particulière pèse sur notre chambre. Peu importe, d'ailleurs, le résultat de cette discussion, la copie sénatoriale n'étant évidemment pas celle que nous appelions de nos vœux.
Au fond, qu'attendions-nous de cette première partie sur les recettes ? À nos yeux, elle devait répondre à quatre enjeux.
Premièrement, la première partie du projet de loi de finances devait contribuer à réduire le déficit public. La majorité sénatoriale a fait un autre choix, en pariant sur la réduction de la dépense publique. Nous pensons que c'est une erreur et que la réorganisation de l'État exige des réformes structurelles profondes, qui ne se feront pas au détour d'un examen budgétaire.
Le Sénat est même allé plus loin en votant 8 milliards d'euros de nouvelles baisses de fiscalité. Or un constat s'impose aujourd'hui : les baisses d'impôts accordées depuis 2017 – au total, 60 milliards d'euros par an – n'ont pas été compensées mécaniquement par la croissance ou par la consommation.
Le déficit public a plongé, et le comble, c'est que le ras-le-bol fiscal est toujours là ! La décision, dans la situation de déficit et d'endettement où nous sommes, d'abandonner d'autres taxes, nous paraît extrêmement périlleuse.
Deuxièmement, il fallait utiliser le levier fiscal pour activer le redressement productif de notre pays. Il est impératif que nous soutenions l'innovation, la recherche et le développement, tant dans le secteur de l'industrie que dans celui de l'agriculture.
Le défi est immense : nous devons encourager la décarbonation, la transition numérique ou encore les nouvelles technologies comme moteur de croissance et facteur de compétitivité.
Notre système de soutien public aux entreprises doit donc évoluer, pour encourager l'innovation de nos très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME), ainsi que nos entreprises de taille intermédiaire (ETI)
Ce texte est-il à la hauteur ? Des signaux positifs doivent être soulignés, comme la prorogation du crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV), soutenue par notre groupe, ou encore l'appui aux agriculteurs via les coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma).
Nous proposions d'aller plus loin, en orientant le pacte Dutreil vers l'innovation et l'investissement de nos entreprises familiales, ou encore en transformant le crédit d'impôt recherche (CIR).
Notons enfin une victoire symbolique contre la fiscalisation des prix Nobel – cette mesquinerie aurait fait de nous la risée de la communauté internationale des chercheurs.
En ce qui concerne le logement, dont la crise est si profonde, nous regrettons l'occasion manquée de notre collègue Daubresse, dont la proposition résultait non pas d'une idée farfelue, mais bien des conclusions d'un rapport fouillé. Elle consistait en un choc puissant, plutôt qu'une demi-mesure, seul capable de porter l'économie et de résoudre la crise sociale. Or nous nous sommes privés d'une recette de 4 milliards d'euros en supprimant l'article 4…
Troisièmement, nous devions dégager des moyens spécifiques pour notre autonomie stratégique. Mon groupe est attaché à cette notion, qui inclut les domaines militaire, énergétique et diplomatique, y compris le soft power que nous tirons de nos partenariats internationaux.
Les économies sur la dépense publique ne sont pas une réponse à ces enjeux. Ainsi, une augmentation d'un dixième de point de la taxe sur les transactions financières aurait permis de parvenir à une partie de nos objectifs, sans affaiblir l'attractivité de la place de Paris.
Quatrièmement, nous espérions que ce projet de loi de finances réponde à la demande de justice fiscale. Nous voulons non pas stigmatiser les plus riches, mais les empêcher de dévoyer le droit fiscal à des fins d'optimisation patrimoniale.
C'est le sens de la réforme de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), du renforcement de la taxation des holdings patrimoniales, du recentrage du régime d'apport-cession ou encore de la prorogation de la contribution différentielle sur les hauts revenus, contre l'avis de notre rapporteur général. Nous souhaitions aller plus loin, par exemple sur les œuvres d'art ou encore sur la flat taxe.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Raphaël Daubet. Au regard de la nécessité de doter la France d'un budget, le groupe du RDSE ne s'opposera pas à l'adoption de la première partie de ce texte, afin de permettre à notre assemblée de poursuivre le débat. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
M. Michel Canévet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste tient tout d'abord à saluer la manière dont les débats se sont déroulés. En effet, M. le rapporteur général et le Gouvernement, par la voix des trois ministres qui sont intervenus, ont été respectueux des parlementaires tout en essayant d'expliquer leurs propositions avec calme et pédagogie.
Ensuite, ces débats ont été caractérisés par les raisonnements de certains sénateurs, que d'aucuns qualifieraient de postures.
Ainsi, j'ai entendu nombre de mes collègues, du côté gauche de l'hémicycle, opposer le public au privé. Je ne crois pas qu'une telle manière de penser soit pertinente !
M. Pierre Barros. Nous n'avons jamais dit cela !
M. Pascal Savoldelli. On ne voit pas de quoi vous parlez !
M. Michel Canévet. Nous avions déjà assisté à de telles postures à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous en avons eu une nouvelle démonstration lors des récents débats, notamment sur l'enseignement, alors même que les moyens alloués aux établissements publics sont bien supérieurs à ceux qui sont affectés au privé.
Mme Émilienne Poumirol. Encore heureux !
M. Michel Canévet. Toutefois, chers collègues de gauche, vous devriez vous demander pourquoi la Bretagne et les Pays de la Loire, où il existe un véritable réseau d'établissements scolaires pluralistes, affichent les meilleurs résultats de France.
M. Pierre Ouzoulias. Parce qu'ils ne respectent pas les programmes !
M. Michel Canévet. Les mêmes postures ont pu être observées lors de débats sur la gratuité des services.
En réalité, les partisans de la gratuité appellent à augmenter la fiscalité des entreprises ! Est-ce une façon de soutenir le développement économique de notre pays ? Nous ne le pensons pas ! Lorsque l'on instaure la gratuité, il faut l'assumer, sans en faire peser la charge sur les entreprises.
Lors de ce débat a également émergé la concurrence entre le commerce en ligne et le commerce sédentaire. Certes, notre société évolue, et il faut en tenir compte. Mais ceux qui pratiquent le commerce en ligne ne paient pas toujours tous les impôts et les taxes dont ils devraient s'acquitter. Aussi, il est normal que nous fassions évoluer les textes – et c'est ce que nous avons fait.
Toutefois, le débat qui m'a le plus marqué, et qui revient de façon quasi systématique, c'est celui qui oppose les riches et les pauvres. Vraiment, cela dépasse l'entendement ! (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. Pascal Savoldelli. Vous avez raison : il faut interdire ce débat !
M. Michel Canévet. Combien de fois avons-nous entendu dire dans cet hémicycle que les riches ne paieraient pas assez d'impôts ? Peut-on encore tenir ces discours d'un autre temps ? (Mêmes mouvements.)
Mme Émilienne Poumirol. Il y a de plus en plus de pauvres !
M. Pascal Savoldelli. Il y a 12 millions de pauvres en France !
M. Michel Canévet. Nous avons entendu ces propos tout au long de l'examen du projet de loi de finances.
Il est temps de remettre la situation en perspective. En France, la fiscalité est proportionnée aux revenus ! L'impôt sur le revenu est calculé en fonction de ce que chacun gagne, et des ajustements sont prévus. (Mme Audrey Linkenheld et M. Thierry Cozic protestent.)
S'il existe parfois des dispositions d'évitement fiscal, nous avons précisément formulé des propositions – je salue notamment celles de M. le rapporteur général – pour réduire au maximum l'optimisation fiscale,…
Mme Audrey Linkenheld. Nous aussi !
M. Michel Canévet. … afin que tous les contribuables s'acquittent effectivement de ce qu'ils doivent payer.
L'une des lignes de force du groupe Union Centriste, c'est de considérer que chacun doit payer sa part, mais pas davantage ! En effet, chers collègues, la fiscalité de notre pays ne doit pas être confiscatoire ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.) Sinon, c'est l'esprit d'entreprise que nous risquons d'annihiler.
En outre, l'une des orientations majeures de mon groupe est la confiance que nous accordons aux entrepreneurs pour créer de l'emploi et apporter de la richesse à notre pays, (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.), car ce sont bien les entreprises qui permettent à chacun de s'émanciper et de bien vivre. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Les milliardaires ?
M. Michel Canévet. Vous pouvez dire ce que vous voulez, chers collègues, telle est la réalité !
La situation de notre pays ne s'améliorera que si nous faisons confiance aux entrepreneurs pour assurer, demain, la prospérité de notre pays.
M. Akli Mellouli. Cela fait huit ans que cela ne marche pas !
M. Michel Canévet. Soyez donc bien conscients que tout ce qui tend à réduire les moyens des entreprises et à accroître leurs charges nuit autant à leur prospérité qu'à celle de l'emploi et de notre pays.
Mme Émilienne Poumirol. C'est le Medef qui parle…
M. Michel Canévet. Si nous voulons assurer notre avenir, il nous faut donc évoluer sur le sujet.
Mme Audrey Linkenheld. Mais le ruissellement ne marche pas !
M. Michel Canévet. Nous avons formulé plusieurs propositions en ce sens. Le groupe Union Centriste continuera à promouvoir cette ligne, à laquelle nous sommes attachés.
M. Akli Mellouli. Alors tout va bien ! Surtout, ne changeons rien !
M. Michel Canévet. Reste enfin, monsieur le ministre, la question du logement. Nous l'avons largement évoquée dans nos interventions et nos amendements.
Le Gouvernement doit réfléchir à des solutions pour remédier à la crise de ce secteur, à l'heure où nombre de Français ne parviennent pas à se loger. En outre, cela pourrait rapporter des recettes, via la fiscalité, et créer de l'emploi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Franck Dhersin. Vive les centristes !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la ligne politique du groupe Les Indépendants sur l'examen de ce budget a été présentée avec clarté par mes collègues lors de la discussion générale.
Nous pensons que la situation budgétaire très dégradée de la France vient du trop-plein de dépenses publiques, alimentées par une overdose fiscale et une trop faible quantité de travail en comparaison de nos concurrents européens.
Trop de dépenses, trop d'impôts et pas assez de travail !
La réduction des dépenses sera évoquée à l'occasion de la seconde partie du projet de loi de finances, qui commencera cet après-midi.
En revanche, la question de la quantité de travail aurait dû être réglée dans le PLFSS. Sur ce sujet, le Sénat a proposé des avancées et a rejeté la suspension de la réforme des retraites. C'est une bonne chose, mais nous craignons que la raison ne l'emporte pas dans ce débat.
Vient enfin la question des impôts. C'est l'objet du vote auquel nous nous apprêtons à procéder.
Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) vient de rendre publics les résultats de son baromètre semestriel des prélèvements fiscaux et sociaux en France. Sa lecture nous apprend que 78 % de nos concitoyens pensent que le niveau d'imposition général en France est trop élevé. Nous pourrions décider qu'ils ont tort et gouverner contre eux, mais nous savons ce que de tels choix ont coûté aux pouvoirs en France.
Notre refus de toute augmentation d'impôt n'est pas une position politique de façade. Comme l'immense majorité des Français, nous sommes persuadés que notre pays souffre d'une fiscalité excessive, qui étouffe la consommation des ménages et l'activité économique de nos entreprises, nos artisans et nos indépendants.
M. Emmanuel Capus. C'est vrai !
M. Marc Laménie. Les ménages français, à qui l'on a vendu trop longtemps la fable du salaire différé, préfèrent désormais, à raison, qu'on leur laisse le fruit de leur travail pour vivre.
Nos chefs d'entreprise, nos artisans et indépendants, de leur côté, voient l'activité ralentir et se demandent comment faire pour continuer à se battre dans la compétition mondiale, tout en payant, en France, les impôts les plus lourds de l'Union européenne.
Pourtant, l'exercice que nous avons vécu durant une semaine – de jour comme de nuit ! –, à l'occasion de l'examen la première partie du projet de loi de finances, ne s'est pas déroulé comme nous le souhaitions. Pendant ces cinq jours de débats, d'étonnantes majorités se sont dessinées pour adopter bien trop d'impôts et taxes nouvelles.
Contribution différentielle sur les hauts revenus, impôt sur la fortune improductive, taxe sur les holdings, les rachats d'actions, les réseaux sociaux, le numérique, le gaz, les croisières, les cartes grises, les carburants en Île-de-France… La politique de la taxe n'est pas la bonne solution.
Même si la seconde délibération a écarté une partie de ces taxes, nous ne pourrons pas nous associer au vote sur la première partie du projet de loi de finances.
Il nous reste à examiner la seconde partie de ce texte. Cet exercice doit être un moment de rassemblement autour d'un constat évident : il nous faut baisser les crédits des missions. Seules doivent être préservées les missions régaliennes de l'État et les dépenses qui préparent l'avenir.
Mon groupe proposera des mesures d'économies sur plusieurs de ces missions. J'espère que tous nos collègues s'associeront à nous pour les voter.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Il y a peu de chances !
M. Marc Laménie. Au nom de mon groupe, je remercie l'ensemble des sénateurs, ainsi que le personnel du Sénat, les ministres et leurs collaborateurs du travail de qualité qu'ils ont fourni durant ces débats.
Néanmoins, les sénateurs du groupe Les Indépendants s'abstiendront sur la première partie du PLF. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Thomas Dossus applaudit également.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne tournons pas autour du pot : le projet de loi de finances que vous nous avez présenté est mauvais.
D'une part, il s'inscrit dans la droite ligne des précédents budgets, qui ont laissé filer le déficit. D'autre part, il choisit la facilité, puisqu'il augmente la fiscalité, au lieu de recourir à des économies structurelles.
Le résultat est là : le budget laisse s'envoler le déficit, repoussant son retour sous les 3 % du PIB à la Saint-Glinglin. Cette échéance avait été annoncée par Bruno Le Maire dès 2017, puis 2018 ou 2019 : or nous ne savons toujours pas quand cela se produira !
En attendant, la charge de la dette sera bientôt le premier poste du budget de l'État.
Je rappelle les chiffres, pour que mes collègues les aient bien en tête. Avant la période de la covid, les intérêts de la dette française représentaient à peu près 10 % des recettes fiscales nettes de l'État, soit environ 300 milliards d'euros, contre 32 milliards d'euros juste avant cette période. Or nous allons bientôt payer 100 milliards d'euros d'intérêts d'emprunt annuels.
Aucun pays au monde ne peut se permettre de consacrer le tiers de ses recettes fiscales nettes au seul paiement des intérêts d'emprunt. Or tel est le résultat réel de cette politique, qui nous a conduits à recourir à la dette non pas pour équilibrer les comptes publics, mais simplement pour boucler notre budget !
Qui est responsable ? L'origine de cette situation est l'accumulation des déficits primaires. L'endettement public de notre pays est dû, à hauteur de 85 %, au fait que nous votons à chaque fois des budgets en déficit. Et l'endettement va malheureusement continuer à augmenter l'année prochaine, alors même que les taux d'intérêt sont remontés.
Face à cette situation, le groupe Les Républicains a eu deux objectifs simples : tout d'abord, ne pas recourir de façon excessive à la pression fiscale ; ensuite, préserver les collectivités, notamment leur capacité d'emprunt.
Le premier objectif – ne pas recourir de façon excessive à la pression fiscale –, nous l'assumons. Nous avons ainsi proposé plus de 7 milliards d'euros d'économies d'impôt par rapport à la version initiale du PLF.
Ces économies doivent bénéficier, d'abord, aux entreprises et à l'emploi. Je pense, en particulier, au rejet, sur l'initiative de Jean-François Husson et de notre groupe, de la surtaxe de l'IS, pour un montant de 4 milliards d'euros, à la consolidation du pacte Dutreil, ainsi qu'au rejet de la réforme de la franchise en base de TVA pour les autoentrepreneurs.
Nous avons ensuite souhaité préserver, autant que possible, les finances des ménages les plus modestes, notamment en supprimant le gel du barème de l'impôt sur le revenu en faveur des contribuables les plus modestes.
Nous avons pris d'autres initiatives, notamment en matière de logement locatif. Nous avons souhaité, par ailleurs, baser l'assiette de l'IFI uniquement sur les biens immobiliers,
Notre second objectif était de préserver les collectivités, notamment leur capacité d'investissement. Nous répétons communément dans cette assemblée que les collectivités représentent plus de 70 % de l'investissement public en France. Or, si l'on exclut les dépenses militaires, nous savons, mes chers collègues, que c'est beaucoup plus ! Le Sénat, notamment sa majorité, a donc souhaité ne pas trop porter atteinte à leur capacité d'investir.
C'est la raison pour laquelle nous avons doublé le fonds de sauvegarde des départements, diminué la contribution au titre du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico) et rejeté la réforme relative à l'assiette des dépenses éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
Telles ont été les orientations du Sénat face à la facilité consistant à laisser filer les déficits, qui caractérisait le projet de budget initial.
Je conclurai mon propos en exprimant un regret, comme je le fais d'une année sur l'autre – il est vrai que j'ai vu bien des choses depuis que je siège au sein de la commission des finances... C'est celui, monsieur le ministre, que les gouvernements successifs n'entendent pas le Sénat, ou qu'ils l'entendent trop tardivement. Je prendrai deux exemples.
Le premier concerne le commerce électronique, dit aussi e-commerce. Nous avons eu l'impression que le Gouvernement découvrait le sujet... Mme de Montchalin a proposé de créer une commission ou un groupe de travail pour comprendre pourquoi, dans ce secteur, la TVA n'entrait pas dans les caisses !
Or, en 2013, lorsque je m'étais rendu avec notre ancien collègue Philippe Dallier au bureau de douane, à Roissy, nous avions déjà constaté que l'e-commerce avait explosé, et que la TVA et les droits de douane n'étaient pas recouvrés...
Des propositions consensuelles, approuvées par l'ensemble des groupes du Sénat – j'en prends le président de la commission des finances à témoin – ont été formulées. Ainsi, une initiative a été prise concernant les petits colis, et nous avons proposé d'instaurer la responsabilité solidaire des plateformes. Elles ont toutes été balayées !
De la même façon, nous avions considéré, avec notre collègue Vincent Éblé, que l'IFI était un mauvais impôt, parce qu'il fiscalisait exclusivement l'immobilier, et pas du tout les actifs improductifs. Ce constat, nous l'avions dressé ensemble. Or, là aussi, le Gouvernement a tergiversé et n'a pas écouté le Sénat.
Monsieur le ministre, le seul message que je puis vous adresser en cet instant est le suivant : écoutez le Sénat, et la France se portera mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Fouassin, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de sept jours et sept nuits d'examen intensif de cette première partie du projet de loi de finances pour 2026, je souhaite dresser un premier bilan des avancées significatives obtenues par notre groupe sur ce texte, qui nous permettent aujourd'hui de le voter avec conviction.
Permettez-moi tout d'abord de souligner l'une de nos priorités absolues : la protection de nos territoires ultramarins. Alors que l'article 7 du projet de loi gouvernemental aurait eu pour conséquence de fragiliser considérablement nos outre-mer, nous avons obtenu la suppression pure et simple dudit article.
Cette réforme aurait porté un coup fatal à l'économie de nos territoires ultramarins, déjà fragilisés par leur insularité et leur éloignement. Nos territoires d'outre-mer ne sauraient être les variables d'ajustement de l'équilibre budgétaire national. Cette victoire majeure témoigne de notre attachement indéfectible à la cohésion républicaine et à l'égalité territoriale.
Notre deuxième priorité concernait le soutien aux entreprises et à l'innovation.
Nous avons préservé nos microentrepreneurs en supprimant la réforme proposée des franchises en base de TVA, une mesure qui protège des centaines de milliers d'entrepreneurs français. Nous avons également prolongé les dispositifs essentiels : le crédit d'impôt pour l'industrie verte (C3IV), ou encore, jusqu'en 2028, l'exonération de certains impôts locaux pour les jeunes entreprises innovantes. Ces mesures concrètes donnent de l'oxygène à notre tissu économique et permettent de soutenir l'innovation française.
Troisième priorité : la défense du pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Nous avons obtenu des avancées concrètes pour éviter que des mesures ne viennent rogner le revenu disponible des Français : l'indexation de la première tranche de l'impôt sur le revenu ; l'exonération fiscale des pourboires, pour 2026, qui permettra de soutenir directement les travailleurs des secteurs de la restauration et des services ; la suppression de la hausse de la fiscalité sur les biocarburants, qui vise à protéger les agriculteurs et les automobilistes.
Quatrième priorité, et non des moindres : nous avons cherché à préserver nos collectivités territoriales, qui étaient excessivement sollicitées dans le projet initial du Gouvernement.
Grâce à l'action coordonnée du Sénat, l'effort demandé aux collectivités territoriales a été ramené à 2 milliards d'euros, soit une baisse significative par rapport aux premières propositions gouvernementales. Cette réduction témoigne de notre compréhension des réalités territoriales et de la nécessité de préserver la capacité d'investissement de nos communes, intercommunalités, départements et régions.
Mes chers collègues, après l'examen en un temps record de près de 2 500 amendements, cette première partie du budget a trouvé un équilibre, certes imparfait, mais qui porte désormais l'empreinte de nos priorités.
Nous savons que cet équilibre devra évoluer lors de la future commission mixte paritaire. Des compromis devront être construits avec nos collègues députés, car notre responsabilité collective transcende nos appartenances politiques : il s'agit de donner un budget à la Nation avant le 31 décembre.
Le groupe RDPI sera pleinement au rendez-vous, fort des avancées obtenues au Sénat et conscient des enjeux qui nous attendent. Vous l'aurez compris, nous voterons, en responsabilité, pour cette première partie du PLF. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « une maison qui me semble apaisée, républicaine et rationnelle » : c'est en ces termes élogieux que le président du Medef, Patrick Martin, a qualifié le Sénat, lors d'une table ronde organisée par la délégation sénatoriale aux entreprises.
Après avoir siégé une semaine en face de vous, mes chers collègues, je dois dire que le président du Medef en a eu pour son argent ! (Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.) Il n'est bien sûr pas le seul : les plus aisés de notre pays ont, eux aussi, été plus qu'épargnés.
À n'en pas douter, à l'issue de l'examen de la première partie du projet de budget pour 2026, lors duquel a été adoptée une diminution des recettes fiscales de 8 milliards d'euros, les grandes entreprises et les plus riches gagnent au grattage et au tirage : CDHR (Contribution différentielle sur les hauts revenus) : moins 100 millions d'euros ; taxe sur les holdings : moins 800 millions d'euros ; IFI, moins 600 millions d'euros ; suppression de la surtaxe de l'IS : 4 milliards d'euros !
Et quand une nouvelle recette, relative au rachat d'actions est votée par la Haute Assemblée, une seconde délibération l'annule...
M. Christian Redon-Sarrazy. C'est honteux !
M. Thierry Cozic. C'est Noël avant l'heure, et la hotte du patronat et des puissants est bien remplie ! D'ailleurs, je me demande bien pourquoi nous avons étudié la partie recettes car, durant nos débats, la majorité sénatoriale avait seulement trois mots à la bouche : « baisse des dépenses ». L'an prochain, commençons directement par les dépenses ; ainsi, nous gagnerons du temps et cela évitera les séances de nuit...
Revenons tout de même au texte. En 2003, les très hauts revenus gagnaient 95 fois plus que les ménages les plus modestes ; en 2022, c'était 167 fois plus. Face à de tels chiffres, on pourrait penser qu'une taxation plus juste, à hauteur des facultés contributives de ces foyers, eût été privilégiée. Mais, une fois de plus, nous nous sommes heurtés au dogme du « pas un seul impôt supplémentaire ».
Pour ce qui concerne la taxe sur les holdings, je tiens à exprimer notre profond désaccord sur les amendements de la majorité sénatoriale, qui ont littéralement éviscéré son assiette.