Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je profite de cette intervention pour exprimer toute ma gratitude aux équipes de Bercy, aux commissaires du Gouvernement et à tous ceux qui, hors de cet hémicycle, s’efforcent de préparer au mieux les débats et de garantir leur sincérité.
Comme vous pouvez le constater, il ne leur a fallu que quelques minutes pour adapter les montants figurant dans les amendements que je m’apprête à présenter, afin que ceux-ci traduisent le résultat de vos votes le plus fidèlement possible. Qu’ils en soient de nouveau remerciés, car je sais qu’ils suivent nos discussions derrière leur écran.
J’adresse par ailleurs des remerciements aux membres de mon cabinet et de ceux des ministres qui se sont succédé au banc pour permettre au Gouvernement de transmettre au Sénat les informations les plus précises possible.
L’article d’équilibre, actualisé par rapport à ce que je vous ai indiqué voilà un peu moins d’une heure, affiche désormais un déficit budgétaire qui s’établit désormais à 132 milliards d’euros.
La dégradation s’élève à présent à 7,7 milliards d’euros par rapport au texte initial. Cela s’explique notamment par le fait que, au travers des votes que vous avez émis dans le cadre de la seconde délibération, vous avez amélioré nos recettes fiscales nettes de 200 millions d’euros, en revenant en particulier sur la taxe sur les petits colis et sur la taxe sur les services numériques.
Un certain nombre de dispositions actées lors de cette même seconde délibération ne sont pas facilement chiffrables. Il s’agit notamment, j’y reviendrai, d’éléments qui relèvent davantage de la technique que du rendement. Ils n’ont donc pas d’impact sur le solde budgétaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en viens au montant qui est sans doute le plus important. Le déficit, au moment où le PLF vous a été transmis, c’est-à-dire une fois que vous aviez achevé l’examen du PLFSS, s’élevait à 4,8 % du PIB. Dans le texte issu de vos travaux, il représente maintenant 5,1 % du PIB, soit une dégradation de 0,3 point.
Cette dégradation est presque intégralement portée par des transferts supplémentaires aux collectivités et, dans une moindre mesure, à certaines agences et à certains opérateurs. Cela entraîne donc davantage de dépenses dans ces sous-secteurs, soit autant d’argent qui, j’imagine, sera dépensé et dégradera donc, en miroir, le solde de l’État. En effet, je le rappelle, l’article liminaire présente uniquement le solde de l’ensemble des administrations publiques centrales.
Afin de vous permettre d’examiner la seconde partie du projet de loi de finances et de débattre aussi bien des dépenses prévues que des économies attendues, je vous invite donc à adopter les amendements nos A-6 rectifié et A-7, qui visent à actualiser respectivement le tableau d’équilibre et l’article liminaire.
Ces dispositions constituent en quelque sorte la photographie, la description fidèle des choix que vous avez réalisés lors de la première partie et qu’il est indispensable de prendre en compte avant d’entamer l’examen de la seconde. Je vous remercie par avance de la confiance que vous voudrez bien accorder au Gouvernement sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Sagesse.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Le budget qui nous avait été soumis par le Gouvernement se fondait sur un tiers d’augmentation des recettes et deux tiers de réduction des dépenses.
La majorité sénatoriale se préparait à transférer 90 % de l’ajustement budgétaire sur les services publics et leurs usagers, pour une économie de 31 milliards d’euros. Nous voyons désormais que c’était un mensonge, non seulement d’un point de vue comptable, mais aussi politique : vous demandez seconde délibération sur seconde délibération, avec l’assurance de ceux qui craignent d’envisager le pire.
Le problème de la seconde délibération, ce n’est pas sa légalité ou sa légitimité technique – on pourrait discuter de l’histoire de cette procédure, qui est d’ailleurs très intéressante –, c’est son sens politique. En effet, vous amputez les moyens de l’État et vous nous placez entièrement sous la tutelle des marchés financiers !
Si nous critiquons la seconde délibération, ce n’est pas parce qu’elle ne plaît pas au groupe communiste. C’est parce que le projet de budget déposé par le Gouvernement n’emportait l’adhésion que de 8 % des Français. À combien tombera ce pourcentage après cette seconde délibération ? (Sourires.)
Le problème de la seconde délibération est donc d’ordre politique : il a trait à la cohésion sociale. Telle est la question qui est posée ! Nous avons débattu, quels que soient nos avis respectifs, d’un budget approuvé par seulement 8 % des Français.
M. Pascal Savoldelli. C’est précisément pour cette raison que les différents groupes ont travaillé pour trouver de nouvelles recettes, sans nécessairement suivre, d’ailleurs, la ligne de partage entre majorité et opposition : le vote sur l’amendement n° A-1, visant à supprimer l’article 3 sexies créé par un amendement de nos collègues centristes, l’a bien montré.
Nous avons essayé de faire évoluer ce texte, afin qu’il soit le budget non plus de seulement 8 % des Français, mais du plus grand nombre de nos concitoyens.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article d’équilibre et de l’état A annexé, modifié.
(L’article 48 et l’état A sont adoptés.)
Article liminaire
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article liminaire dans la rédaction suivante :
Les prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, les prévisions de solde par sous-secteur, la prévision, déclinée par sous-secteur d’administration publique, de l’objectif d’évolution en volume et la prévision en milliards d’euros courants des dépenses d’administrations publiques, les prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations pour l’année 2026, les prévisions pour 2026 de ces mêmes agrégats de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, ainsi que les données d’exécution pour l’année 2024 et les prévisions d’exécution pour l’année 2025 de ces mêmes agrégats, s’établissent comme suit :
(En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire) |
||||
Loi de finances initiale pour 2025 |
LPFP 2023-2027 |
|||
2024 |
2025 |
2026 |
2026 |
|
Ensemble des administrations publiques |
||||
Solde structurel (1) |
-5,8 |
-5,1 |
-4,3 |
-2,9 |
Solde conjoncturel (2) |
0,0 |
-0,2 |
-0,4 |
-0,2 |
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) |
-0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
-5,8 |
-5,4 |
-4,7 |
-2,7 |
Dette au sens de Maastricht |
113,2 |
115,9 |
117,9 |
109,6 |
Taux de prélèvements obligatoires (y compris Union européenne, nets des crédits d’impôts) |
42,8 |
43,6 |
43,9 |
44,4 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt) |
56,6 |
56,8 |
56,4 |
54,4 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
1 652 |
1 696 |
1 725 |
1 705 |
Évolution de la dépense publique hors CI en volume (en %) (1) |
2,1 |
1,7 |
0,3 |
0,5 |
Principales dépenses d’investissement (en milliards d’euros) (2) |
26 |
29 |
35 |
35 |
Administrations publiques centrales |
||||
Solde |
-5,3 |
-4,6 |
-4,5 |
-4,2 |
Dépense publique (hors crédits d’impôts en milliards d’euros) |
651 |
663 |
683 |
678 |
Évolution de la dépense publique en volume (en %) (3) |
-0,8 |
1,0 |
1,8 |
1,5 |
Administrations publiques locales |
||||
Solde |
-0,6 |
-0,5 |
-0,3 |
0,2 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
330 |
337 |
338 |
329 |
Évolution de la dépense publique hors CI en volume ( %) (3) |
3,2 |
1,2 |
-0,7 |
-1,9 |
Administrations de sécurité sociale |
||||
Solde |
0,0 |
-0,3 |
0,1 |
0,9 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
778 |
805 |
814 |
798 |
Évolution de la dépense publique hors CI en volume ( %) (3) |
3,8 |
2,4 |
-0,3 |
0,7 |
Les chiffres en comptabilité nationale relatifs au projet de loi de finances pour 2026 se réfèrent, pour 2024, au compte publié par l’Insee en comptabilité nationale en base 2020, et pour 2025-6, aux prévisions du Gouvernement dans la même base. Les prévisions relatives à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 en comptabilité nationale, antérieures au changement de base des comptes nationaux français, étaient relatives à la base antérieure des comptes nationaux, la base 2014. Le passage des comptes nationaux en base 2020, opéré par l’Insee sous le contrôle d’Eurostat, a significativement affecté les ratios de finances publiques et la comparabilité des exercices. La sortie de l’Établissement de Retraite Additionnelle de la Fonction Publique (ERAFP), structurellement excédentaire, du champ des administrations publiques a conduit à une dégradation du déficit public d’environ 2,6 Md€ en 2023. Par ailleurs, des changements méthodologiques affectant significativement les ratios de finances publiques ont entraîné un niveau nettement plus élevé des dépenses publiques et des recettes hors prélèvements obligatoires sans impact sur le solde. Deux principaux effets expliquent cette augmentation : (i) l’intégration du compte complet de SNCF Réseau (dont seul le solde était retracé précédemment) pour 10 Md€ environ de hausse des recettes hors PO et des dépenses en 2023 et (ii) un nouveau traitement des corrections liées à la recherche et développement pour 4 Md€ environ de hausse des recettes hors PO et des dépenses. Ainsi, s’agissant tout particulièrement de la dépense, les effets du changement de base contribuent largement aux écarts importants sur le montant en milliards d’euros et sur la part dans le PIB de la dépense publique. Le scénario potentiel retenu dans ce projet de loi de finances a évolué depuis la loi de programmation de finances publiques (LPFP) 2023-2027 afin de tirer les conséquences des révisions de la chronique de PIB opérées par l’Insee depuis l’adoption de la LPFP. La croissance du PIB ayant été revue à la hausse sur les années antérieures à 2024, le diagnostic sur la capacité de rebond de l’économie française ont été révisés. Par ailleurs, la croissance potentielle est désormais estimée à 1,20 % par an en 2025 et 2026, contre 1,35 % dans la LPFP. (1) À champ constant. (2) Au sens du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027. (3) À champ constant, hors transferts entre administrations publiques |
||||
L’amendement n° A-7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire) |
||||
Loi de finances initiale pour 2025 |
LPFP 2023-2027 |
|||
2024 |
2025 |
2026 |
2026 |
|
Ensemble des administrations publiques |
||||
Solde structurel (1) |
-5,8 |
-5,1 |
-4,7 |
-2,9 |
Solde conjoncturel (2) |
0,0 |
-0,2 |
-0,4 |
-0,2 |
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) |
-0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
-5,8 |
-5,4 |
-5,1 |
-2,7 |
Dette au sens de Maastricht |
113,2 |
116,0 |
118,3 |
109,6 |
Taux de prélèvements obligatoires (y compris Union européenne, nets des crédits d’impôts) |
42,8 |
43,6 |
43,7 |
44,4 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt) |
56,6 |
56,8 |
56,5 |
54,4 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
1 652 |
1698 |
1729 |
1 705 |
Évolution de la dépense publique hors CI en volume (en %) (1) |
2,1 |
1,8 |
0,5 |
0,5 |
Principales dépenses d’investissement (en milliards d’euros) (2) |
26 |
28 |
35 |
35 |
Administrations publiques centrales |
||||
Solde |
- 5,3 |
-4,6 |
-4,9 |
-4,2 |
Dépense publique (hors crédits d’impôts en milliards d’euros) |
651 |
664 |
681 |
678 |
Évolution de la dépense publique en volume (en %) (3) |
-0,8 |
1,3 |
1,6 |
1,5 |
Administrations publiques locales |
||||
Solde |
- 0,6 |
-0,5 |
-0,3 |
0,2 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
330 |
337 |
341 |
329 |
Évolution de la dépense publique hors CI en volume ( %) (3) |
3,2 |
1,2 |
0,0 |
-1,9 |
Administrations de sécurité sociale |
||||
Solde |
0,0 |
-0,3 |
0,2 |
0,9 |
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
778 |
805 |
815 |
798 |
Évolution de la dépense publique hors CI en volume ( %) (3) |
3,8 |
2,3 |
-0,1 |
0,7 |
Cet amendement est déjà défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement tend à procéder à des ajustements sur des décimales, que je ne conteste pas. En revanche, j’ai été interpelé sur la modification apportée à l’évolution de la dépense des administrations publiques locales en volume, c’est-à-dire hors inflation.
Alors que la dépense publique locale devait diminuer de 0,7 % dans la version initiale de ce projet de budget, le Gouvernement déduit de l’adoption du projet de loi de finances de fin de gestion et du vote imminent de la première partie du projet de loi de finances par le Sénat que cette dépense publique locale sera nulle.
Or, madame la ministre, un écart de 0,7 point, cela me paraît beaucoup. C’est une dépense supplémentaire de l’ordre de 2 milliards à 3 milliards d’euros de plus que par rapport à la copie initiale.
L’amendement du Gouvernement à l’article liminaire part du principe que 1 euro de recette supplémentaire pour les collectivités locales équivaut à 1 euro de dépense locale de plus.
Madame la ministre, permettez-moi de vous dire que je trouve votre raisonnement tout à fait contestable au regard de l’état des finances de certaines collectivités locales. Les départements, en particulier, sont soumis à d’importantes contraintes, liées notamment aux allocations individuelles de solidarité et aux politiques d’accompagnement social.
Néanmoins, j’émets un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce débat est récurrent. Il s’agit, au fond, de savoir comment nous comptabilisons l’utilisation par les collectivités des transferts et recettes octroyés par l’État.
En fonction de leur statut – région, département, intercommunalité, commune –, de leur taille et de leurs finances, les collectivités préfèrent parfois épargner ces recettes pour financer des investissements. Les cycles communaux peuvent aussi entraîner des reports.
Il se trouve que, dans notre pays, il existe, sur ce sujet, un juge de paix : lorsque nous lui soumettons les prévisions du Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) nous invite à considérer que tout euro transféré aux collectivités par l’État est dépensé.
Une telle méthode est cohérente avec la logique selon laquelle les collectivités doivent voter des budgets à l’équilibre : en général, donc, les collectivités prévoient d’associer des dépenses à chaque recette. Je le répète, c’est un débat intéressant. Mais le juge de paix qu’est le Haut Conseil des finances publiques a retenu cette convention pour examiner les textes que nous lui soumettons.
Puisque cette convention prévaut au début de l’examen du projet de loi de finances, elle s’applique également à mi-parcours des débats – c’est-à-dire là où nous sommes parvenus aujourd’hui. Aussi, par souci de cohérence, nous avons utilisé cette méthode pour que je puisse vous présenter des chiffres comparables.
Bien sûr, nous pourrions raffiner nos calculs et présenter au HCFP des données différentes ; s’il en était décidé ainsi, je m’y conformerais évidemment.
Ainsi, cette méthode ne fait pas l’objet d’une polémique entre M. le rapporteur général et le Gouvernement. Elle résulte seulement d’une convention imposée par le Haut Conseil aux finances publiques, qui est, comme vous le savez, une institution indépendante.
2
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Lors du scrutin public n° 78 sur l’amendement n° A-2 tendant à supprimer l’article 11 sexies du projet de loi de finances pour 2026, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires n’ont pu, par ma faute, participer au vote électronique, alors qu’ils entendaient voter contre.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Loi de finances pour 2026
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale.
Nous en sommes parvenus au vote sur l’ensemble de la première partie.
Vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi
Mme la présidente. Avant de passer au vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2025, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.
Je rappelle au Sénat que, conformément à l’article 42 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 et à l’article 47 bis, alinéa 2, de notre règlement, lorsque le Sénat n’adopte pas la première partie du projet de loi de finances, l’ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté.
J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de cinq minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant, quant à lui, de trois minutes.
La parole est à M. Raphaël Daubet, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)
M. Raphaël Daubet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nonobstant l’entorse de la seconde délibération, nous aurions pu dire du Sénat, au terme d’un débat intense, mais respectueux, qu’il honore, comme souvent, la démocratie parlementaire. Je salue d’ailleurs les fonctionnaires de notre institution, qui ont permis que cette première partie du budget s’achève dans les temps.
Je m’exprime au nom d’un groupe profondément attaché au bicamérisme, inquiet de l’instabilité politique et certain qu’une forme de responsabilité particulière pèse sur notre chambre. Peu importe, d’ailleurs, le résultat de cette discussion, la copie sénatoriale n’étant évidemment pas celle que nous appelions de nos vœux.
Au fond, qu’attendions-nous de cette première partie sur les recettes ? À nos yeux, elle devait répondre à quatre enjeux.
Premièrement, la première partie du projet de loi de finances devait contribuer à réduire le déficit public. La majorité sénatoriale a fait un autre choix, en pariant sur la réduction de la dépense publique. Nous pensons que c’est une erreur et que la réorganisation de l’État exige des réformes structurelles profondes, qui ne se feront pas au détour d’un examen budgétaire.
Le Sénat est même allé plus loin en votant 8 milliards d’euros de nouvelles baisses de fiscalité. Or un constat s’impose aujourd’hui : les baisses d’impôts accordées depuis 2017 – au total, 60 milliards d’euros par an – n’ont pas été compensées mécaniquement par la croissance ou par la consommation.
Le déficit public a plongé, et le comble, c’est que le ras-le-bol fiscal est toujours là ! La décision, dans la situation de déficit et d’endettement où nous sommes, d’abandonner d’autres taxes, nous paraît extrêmement périlleuse.
Deuxièmement, il fallait utiliser le levier fiscal pour activer le redressement productif de notre pays. Il est impératif que nous soutenions l’innovation, la recherche et le développement, tant dans le secteur de l’industrie que dans celui de l’agriculture.
Le défi est immense : nous devons encourager la décarbonation, la transition numérique ou encore les nouvelles technologies comme moteur de croissance et facteur de compétitivité.
Notre système de soutien public aux entreprises doit donc évoluer, pour encourager l’innovation de nos très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME), ainsi que nos entreprises de taille intermédiaire (ETI)
Ce texte est-il à la hauteur ? Des signaux positifs doivent être soulignés, comme la prorogation du crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (C3IV), soutenue par notre groupe, ou encore l’appui aux agriculteurs via les coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma).
Nous proposions d’aller plus loin, en orientant le pacte Dutreil vers l’innovation et l’investissement de nos entreprises familiales, ou encore en transformant le crédit d’impôt recherche (CIR).
Notons enfin une victoire symbolique contre la fiscalisation des prix Nobel – cette mesquinerie aurait fait de nous la risée de la communauté internationale des chercheurs.
En ce qui concerne le logement, dont la crise est si profonde, nous regrettons l’occasion manquée de notre collègue Daubresse, dont la proposition résultait non pas d’une idée farfelue, mais bien des conclusions d’un rapport fouillé. Elle consistait en un choc puissant, plutôt qu’une demi-mesure, seul capable de porter l’économie et de résoudre la crise sociale. Or nous nous sommes privés d’une recette de 4 milliards d’euros en supprimant l’article 4…
Troisièmement, nous devions dégager des moyens spécifiques pour notre autonomie stratégique. Mon groupe est attaché à cette notion, qui inclut les domaines militaire, énergétique et diplomatique, y compris le soft power que nous tirons de nos partenariats internationaux.
Les économies sur la dépense publique ne sont pas une réponse à ces enjeux. Ainsi, une augmentation d’un dixième de point de la taxe sur les transactions financières aurait permis de parvenir à une partie de nos objectifs, sans affaiblir l’attractivité de la place de Paris.
Quatrièmement, nous espérions que ce projet de loi de finances réponde à la demande de justice fiscale. Nous voulons non pas stigmatiser les plus riches, mais les empêcher de dévoyer le droit fiscal à des fins d’optimisation patrimoniale.
C’est le sens de la réforme de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), du renforcement de la taxation des holdings patrimoniales, du recentrage du régime d’apport-cession ou encore de la prorogation de la contribution différentielle sur les hauts revenus, contre l’avis de notre rapporteur général. Nous souhaitions aller plus loin, par exemple sur les œuvres d’art ou encore sur la flat taxe.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Raphaël Daubet. Au regard de la nécessité de doter la France d’un budget, le groupe du RDSE ne s’opposera pas à l’adoption de la première partie de ce texte, afin de permettre à notre assemblée de poursuivre le débat. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
M. Michel Canévet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste tient tout d’abord à saluer la manière dont les débats se sont déroulés. En effet, M. le rapporteur général et le Gouvernement, par la voix des trois ministres qui sont intervenus, ont été respectueux des parlementaires tout en essayant d’expliquer leurs propositions avec calme et pédagogie.
Ensuite, ces débats ont été caractérisés par les raisonnements de certains sénateurs, que d’aucuns qualifieraient de postures.
Ainsi, j’ai entendu nombre de mes collègues, du côté gauche de l’hémicycle, opposer le public au privé. Je ne crois pas qu’une telle manière de penser soit pertinente !
M. Pierre Barros. Nous n’avons jamais dit cela !
M. Pascal Savoldelli. On ne voit pas de quoi vous parlez !
M. Michel Canévet. Nous avions déjà assisté à de telles postures à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous en avons eu une nouvelle démonstration lors des récents débats, notamment sur l’enseignement, alors même que les moyens alloués aux établissements publics sont bien supérieurs à ceux qui sont affectés au privé.
Mme Émilienne Poumirol. Encore heureux !
M. Michel Canévet. Toutefois, chers collègues de gauche, vous devriez vous demander pourquoi la Bretagne et les Pays de la Loire, où il existe un véritable réseau d’établissements scolaires pluralistes, affichent les meilleurs résultats de France.
M. Pierre Ouzoulias. Parce qu’ils ne respectent pas les programmes !
M. Michel Canévet. Les mêmes postures ont pu être observées lors de débats sur la gratuité des services.
En réalité, les partisans de la gratuité appellent à augmenter la fiscalité des entreprises ! Est-ce une façon de soutenir le développement économique de notre pays ? Nous ne le pensons pas ! Lorsque l’on instaure la gratuité, il faut l’assumer, sans en faire peser la charge sur les entreprises.
Lors de ce débat a également émergé la concurrence entre le commerce en ligne et le commerce sédentaire. Certes, notre société évolue, et il faut en tenir compte. Mais ceux qui pratiquent le commerce en ligne ne paient pas toujours tous les impôts et les taxes dont ils devraient s’acquitter. Aussi, il est normal que nous fassions évoluer les textes – et c’est ce que nous avons fait.
Toutefois, le débat qui m’a le plus marqué, et qui revient de façon quasi systématique, c’est celui qui oppose les riches et les pauvres. Vraiment, cela dépasse l’entendement ! (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. Pascal Savoldelli. Vous avez raison : il faut interdire ce débat !
M. Michel Canévet. Combien de fois avons-nous entendu dire dans cet hémicycle que les riches ne paieraient pas assez d’impôts ? Peut-on encore tenir ces discours d’un autre temps ? (Mêmes mouvements.)
Mme Émilienne Poumirol. Il y a de plus en plus de pauvres !
M. Pascal Savoldelli. Il y a 12 millions de pauvres en France !
M. Michel Canévet. Nous avons entendu ces propos tout au long de l’examen du projet de loi de finances.
Il est temps de remettre la situation en perspective. En France, la fiscalité est proportionnée aux revenus ! L’impôt sur le revenu est calculé en fonction de ce que chacun gagne, et des ajustements sont prévus. (Mme Audrey Linkenheld et M. Thierry Cozic protestent.)
S’il existe parfois des dispositions d’évitement fiscal, nous avons précisément formulé des propositions – je salue notamment celles de M. le rapporteur général – pour réduire au maximum l’optimisation fiscale,…


