Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'éducation nationale pour 2026 est relativement stable. Il est désormais le troisième budget de l'État, après celui qui est consacré au remboursement des intérêts de la dette et celui de la défense.
Les crédits pour 2026 se distinguent par la forte variation du nombre d'ETP, qui présente un solde positif de 5 400. Cette situation s'explique par un double mouvement, à commencer par une hausse de 7 900 ETP, conséquence mécanique de l'avancement au niveau bac+3 des concours de l'éducation nationale, suivis de deux années de formation en master sous statut de fonctionnaire.
Ensuite, ce budget supprime 4 000 ETP du fait de la diminution des effectifs d'élèves. On dénombrera 560 000 élèves en moins entre 2024 et 2029 : cette baisse démographique doit être prise en compte.
Aussi, contrairement à l'année dernière, la diminution du nombre d'ETP est raisonnable. À trop attendre, nous risquons une cassure nette au moment du rattrapage, qui devra nécessairement s'opérer.
Toutefois, il ne me semble pas opportun d'aller au-delà du schéma d'emploi proposé par le ministère. Un nombre important de fermetures de classes sera difficile à absorber socialement et risque de remettre en cause les priorités définies par le ministère.
En revanche, il est impératif de préparer collectivement l'école et les territoires à ce choc démographique. Depuis de nombreuses années, on s'accorde sur la nécessité de définir une carte scolaire pluriannuelle. Cette dernière est vouée à ne rester qu'une belle idée tant que le nombre d'ETP sera fixé annuellement.
Il me semble essentiel de définir un schéma pluriannuel d'emploi afin de dessiner une trajectoire connue de tous. Quel que soit le groupe politique auquel nous appartenons, nous pourrions formuler collectivement cette demande après les prochaines échéances nationales.
Sans une telle évolution, l'école ne pourra que subir la déprise démographique, se contenant d'une navigation à vue, année après année.
Je serai très bref sur la réforme de la formation initiale des enseignants, qui reprend plusieurs préconisations de la commission de la culture.
Un certain nombre de questions demeurent à ce titre. Cette réforme nécessite un pilotage politique fort, qu'il s'agisse des professionnels mis à disposition pour former les futurs enseignants ou de l'offre de stages à proximité des lieux d'études et de résidence des jeunes. Il est également essentiel de garantir un maillage territorial suffisamment équilibré des licences professorat des écoles (LPE).
Soyez déterminé et exigeant, monsieur le ministre : il y va de la réussite de cette réforme et de l'attractivité du métier d'enseignant.
La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis un avis favorable sur l'adoption des programmes budgétaires relatifs à l'éducation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette de ne pouvoir saluer la ministre de l'agriculture, car elle est directement concernée par l'examen de cette mission. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour lui transmettre nos recommandations. (M. le ministre opine.)
L'enseignement agricole est en passe de gagner le pari de l'attractivité retrouvée : à la rentrée 2025, la barre des 200 000 jeunes inscrits dans l'enseignement technique agricole a été franchie. Les effectifs ont progressé de 7 % ces cinq dernières années, dans le contexte démographique que l'on sait.
Les crédits du programme 143, « Enseignement technique agricole », s'établissent à 1,46 milliard d'euros, hors CAS « Pensions ». Ce budget est donc stable par rapport à l'année dernière.
La commission de la culture a émis un avis favorable sur l'adoption de ces crédits. Je tiens toutefois à vous alerter sur le caractère extrêmement rigide des dépenses de ce programme, dans la mesure où plus de 95 % d'entre elles sont contraintes.
Aussi, la commission de la culture met en garde contre toute tentation d'effectuer des économies supplémentaires, qui auraient certes un effet à très court terme, mais qui seraient préjudiciables, à moyen terme, à l'attractivité de l'enseignement agricole.
Nous avons particulièrement mal vécu le coup de rabot de 2025 qui s'était matérialisé par la suppression de 45 ETP, alors que les effectifs croissaient et que 4 000 postes étaient préservés pour l'éducation nationale.
Par ailleurs, il conviendra de porter une attention particulière à trois sujets, à commencer par le pacte enseignant. Ce dernier rencontre un succès certain dans l'enseignement agricole, puisque 97 % des crédits ont été consommés l'année dernière. La réduction de 20 millions d'euros de cette ligne budgétaire risque d'entraîner la consommation de l'ensemble des crédits du pacte au premier semestre 2026.
Une décision devra être prise pour la rentrée prochaine : il s'agira soit d'abonder cette enveloppe, soit de mettre fin au pacte enseignant, en prenant le risque, le cas échéant, que certaines missions ne soient plus assurées.
Ensuite, les effectifs accueillis dans les maisons familiales rurales (MFR) sont supérieurs à ceux retenus pour construire ce budget. En résulte une dotation insuffisante, que le ministère aura l'obligation légale d'abonder.
Enfin, un contentieux est en cours avec le Conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap) au sujet de subventions accordées. Il conviendra probablement de prévoir une contribution ; mais j'apprends qu'un amendement vise à allouer 21 millions d'euros supplémentaires pour régler cette question. (M. le ministre et M. le rapporteur spécial le confirment.)
Surtout, nous devons dès à présent porter nos regards vers 2030, date-clef fixée par la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. Nous devons évidemment travailler à atteindre les objectifs d'accroissement des effectifs et à déployer le bachelor agro.
Quelques chiffres permettent de mesurer l'effort qu'il reste à faire : 10 bachelors agro ouvrent sous statut scolaire à la rentrée 2026 avec 5 ETP, mais le ministère souhaite en ouvrir 100 à la rentrée 2027 et 300 à la rentrée 2030.
À partir de 2027, les moyens devront être à la hauteur des ambitions affichées par notre pays pour sa souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations d'agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Organisation des travaux
Mme la présidente. Mes chers collègues, avant de donner la parole aux orateurs des groupes, je vous indique que 88 amendements sont à examiner sur cette mission.
La conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à quatre heures. Compte tenu de l'organisation de la journée, nous pourrions prévoir une heure de discussion supplémentaire pour terminer l'examen de cette mission, aux alentours d'une heure du matin.
Au-delà, conformément à l'organisation de nos travaux, arrêtée par la conférence des présidents, en accord avec la commission des finances, la suite de l'examen de cette mission serait reportée au dimanche 7 décembre prochain.
En outre, la conférence des présidents, réunie le mercredi 3 décembre, a décidé que, lorsque le nombre d'amendements déposés ne paraît pas garantir un examen serein dans les délais impartis, les temps de parole seraient fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute.
Pour ce qui est de la présente mission, même avec les marges que nous avons dégagées, le nombre d'amendements à examiner, rapporté à la durée dont nous disposons aujourd'hui, nous contraint à observer un rythme de discussion de 22 amendements par heure, ce qui est élevé.
Aussi, afin de nous donner toutes les chances de terminer ce soir l'examen de cette mission, les durées d'intervention seront, en application de la décision de la conférence des présidents, fixées à une minute. J'en appelle donc à la concision de chacun.
Enseignement scolaire (suite)
Mme la présidente. Nous poursuivons l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat concernant notre école se concentre habituellement sur les moyens : les uns les trouvent insuffisants, les autres arguent de la décroissance démographique pour demander une adaptation des effectifs.
Disons-le clairement, si les suppressions sont nécessaires face à la décrue démographique et à l'impératif de réduction du déficit budgétaire, le rabot ne constitue pas une politique et ne dispense pas de penser différemment.
Prenons un exemple concret. Dans les Pyrénées-Atlantiques, entre les écoles à classe unique et les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) multisites, 101 professeurs sont seuls dans leur école. Ils ne peuvent donc pas véritablement échanger avec leurs collègues, pour évoquer leurs missions ou leurs pratiques.
Dans ce contexte, toute fermeture de classe et toute suppression de poste est, de fait, vécue comme une fermeture d'école, entraînant son lot de crispations et de défiance.
N'est-il pas temps d'ouvrir une réelle réflexion sur l'offre pédagogique et son organisation en ruralité, d'entrer dans une démarche pluriannuelle et contractuelle avec les élus, pour définir une offre pédagogique adaptée, pensée selon la spécificité de chaque territoire ?
Bien sûr, une telle démarche supposerait de recentrer la réflexion non pas sur les postes en eux-mêmes, mais bien sur l'offre pédagogique et l'organisation de l'école en ruralité, pour ensuite en déduire le nombre de postes nécessaires et les moyens à mobiliser. Surtout, elle implique de constater l'échec de l'ensemble des politiques éducatives déployées au cours des quarante dernières années, marquées du sceau de la verticalité, et d'enfin recentrer notre système scolaire là où tout se fait mais rien ne se décide : au niveau de l'établissement.
La Cour des comptes indiquait, dans un rapport publié en 2021, que « les systèmes scolaires les plus performants sont ceux qui donnent le plus de place à chaque établissement, fédérant à ce niveau la communauté éducative autour d'un projet commun qui encourage les enseignants à être novateurs ».
Dans ce même rapport, qui n'a pas pris une ride, la Cour des comptes précise que « la performance globale du système éducatif français […] reste médiocre malgré l'importance des moyens mobilisés ».
Comment lui donner tort, quand plus de la moitié des élèves entrant en classe de quatrième ne maîtrisent pas les compétences élémentaires requises en français et en mathématiques ; quand, chaque année, plus de 60 000 élèves décrochent du système scolaire ; quand la crise des vocations s'amplifie ; quand 53 % des Français estiment que l'école fonctionne mal ?
Malgré tout, l'attachement à notre école demeure : son redressement est espéré, des réponses sont apportées. Pour la majorité des acteurs, ces réponses sont essentiellement financières. C'est ainsi que, depuis quarante ans, on répète en chœur qu'il faut plus de moyens.
Ne serait-il pas temps de remettre en question la légitimité de cette méthode ? Ne masque-t-elle pas, depuis trop longtemps, l'impuissance à réformer un système trop vertical et trop uniforme, oublieux des particularités ?
Alors qu'en Europe la tendance générale conduit à donner plus d'autonomie aux établissements d'éducation, en France, la verticalité, la centralisation et l'uniformisation épuisent toutes les initiatives et repoussent les meilleures idées.
Ainsi, seules 10 % des décisions éducatives de notre pays sont prises à l'échelon des établissements et 2 % des décisions réelles en autonomie totale. Tout est dit : ce sont bien la liberté et l'autonomie qui font défaut.
Ce constat, monsieur le ministre, vous l'avez dressé vous-même en affirmant vouloir rompre avec une « organisation universelle », pour tous les établissements, décidée depuis le ministère. Vous avez évoqué, au sujet de l'école, un « jardin à l'anglaise » qui devrait succéder au « jardin à la française ».
À l'aune de ce constat, je vous invite à ouvrir une réflexion sur l'autonomie des établissements, la liberté des équipes pédagogiques et la capacité à s'adapter aux réalités dans chaque école ou établissement. Il en est grand temps.
À rebours de toutes les politiques de vos prédécesseurs, une telle inflexion susciterait un grand vent de liberté en faveur de notre système éducatif. Elle responsabiliserait les acteurs, valoriserait l'innovation et adapterait l'offre scolaire aux besoins réels de chaque territoire.
C'est là, j'en suis convaincu, que commence le chemin du redressement de notre école.
Il est difficile, pour autant, de trouver dans votre budget les débuts d'un pilotage différencié et une réponse aux problèmes que vous avez identifiés, si j'en crois du moins vos déclarations à la presse.
Certes, les élus du groupe Les Républicains voteront les crédits de cette mission, mais ils réitèrent leur souhait : que les belles volontés affichées se traduisent rapidement en actes concrets.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Max Brisson. Veillez, monsieur le ministre, à ce qu'elles ne restent pas, comme ce fut le cas pour vos prédécesseurs, de simples effets d'annonce bien vite oubliés. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si je ne suis pas membre de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, je me sens parfaitement à ma place dans cette discussion générale. En effet, avant de devenir élu, j'ai été gestionnaire d'établissements scolaires pendant plus de trente-huit ans.
Le monde de l'éducation m'a profondément marqué et je reste très attaché aux conditions dans lesquelles nos enfants grandissent et apprennent.
À cet égard, je souligne le fait que les crédits de la mission « Enseignement scolaire » sont globalement préservés, à hauteur de 64,5 milliards d'euros. Ils sont même en augmentation de 200 millions d'euros par rapport à l'année dernière.
Cette évolution des crédits s'inscrit dans la continuité d'une hausse progressive engagée depuis 2019, de l'ordre de 3,15 milliards d'euros en six ans.
Ce budget grave dans le marbre des priorités stratégiques essentielles : la maîtrise des savoirs fondamentaux, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales, le combat contre le harcèlement ou encore le soutien à l'école inclusive.
Toutefois, l'attractivité du métier d'enseignant doit demeurer notre boussole. En toute logique, notre groupe s'est opposé aux suppressions de postes proposées par M. le rapporteur spécial en commission des finances. Le PLF supprime déjà 4 000 postes d'enseignants dans les premier et second degrés, ce qui est considérable.
Les impératifs d'économies budgétaires ne doivent pas nous faire perdre de vue l'essentiel : nous ne pouvons pas dégrader les conditions d'apprentissage des générations futures.
Les enquêtes successives révèlent une baisse du niveau scolaire, notamment en lecture et en écriture, résultant de phénomènes multiples, souvent extérieurs à l'école. Face à ce constat, nous pourrions envisager d'autres solutions que de simples suppressions de postes.
Certes, la décrue démographique pourrait théoriquement justifier une réduction des effectifs, mais cette logique ne vaut que lorsque tout va pour le mieux. Or les indicateurs sont au rouge, tant pour les enseignants que pour les élèves. Il convient d'en tenir compte pour ne pas reproduire, voire aggraver, les erreurs du passé.
Le dédoublement des classes, de CP en particulier, a prouvé sa pertinence. La proposition de notre groupe est la suivante : nous ne nous opposons pas aux économies, mais, plutôt que d'appliquer des règles purement comptables, privilégions le dédoublement des classes partout où cela pourrait être utile, pour les enseignants comme pour les enfants.
S'agissant toujours des effectifs, je salue, monsieur le ministre, le recrutement de 1 200 accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) supplémentaires à la rentrée 2026. Depuis 2017, leur nombre a augmenté de plus de 70 %. (M. le ministre le confirme.)
Je note également que la commission des finances souhaite minorer de 20 millions d'euros la subvention pour charges de service public accordée au réseau Canopé.
Présent dans chaque département de l'Hexagone et des outre-mer, ce réseau est un acteur de proximité irremplaçable pour la formation et l'accompagnement des enseignants. Son ancrage territorial, au plus près des établissements, est un atout majeur pour soutenir la transformation pédagogique et l'élévation du niveau des élèves.
Il s'agit également d'un opérateur tourné vers l'international, au cœur de la diffusion du savoir-faire éducatif français et du rayonnement de nos valeurs à l'étranger, en lien avec nos ambassades et les grands organismes multilatéraux.
Une telle concentration de réductions d'emplois fragiliserait gravement la capacité de cet opérateur à exercer ses missions de service public au cœur des territoires.
Ce sujet revêt une importance particulière pour notre groupe, et singulièrement pour notre collègue Samantha Cazebonne. C'est pourquoi nous défendrons un amendement visant à garantir au réseau Canopé les moyens d'assurer ses missions, d'accompagner nos enseignants et de préserver la qualité de notre service public d'éducation.
La santé mentale ayant été déclarée grande cause nationale de l'année 2025, je tiens à souligner la création de 200 postes supplémentaires dans le secteur médico-social, prévue dans le cadre du plan Santé mentale.
Enfin, le budget pour 2026 consacre 25 millions d'euros supplémentaires aux constructions scolaires à Mayotte. Cet engagement, pris dans le cadre du contrat de convergence et de transformation ainsi que de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte, m'offre l'occasion de saluer le travail de mon ancienne collègue Salama Ramia.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, les élus du groupe RDPI détermineront leur vote sur les crédits de cette mission à l'aune de nos débats et des moyens qui seront alloués, demain, aux conditions d'apprentissage des futurs citoyens de notre pays.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Marie-Pierre Monier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son discours aux écoles laïques de Castres, Jean Jaurès déclarait : « La démocratie a le devoir d'éduquer l'enfance. »
À chaque examen du budget de la mission « Enseignement scolaire », nous devons nous poser cette question : sommes-nous collectivement à la hauteur de ce devoir ? Je crains que, cette année encore, la réponse ne soit négative.
Je connais cette petite musique : les moyens actuels seraient largement suffisants et l'amélioration de notre service public d'éducation nécessiterait plutôt de repenser son organisation. Pourtant, les faits sont têtus.
Selon Julien Grenet, chercheur à l'école d'économie de Paris, « la France se situe parmi les pays de l'OCDE qui dépensent le moins pour l'école primaire. La dépense par élève dans le primaire y est inférieure de 11 % à la moyenne de l'OCDE. »
M. Grenet précise que notre pays compte les classes parmi les plus chargées d'Europe. Nous dénombrons 21 élèves par classe en moyenne, soit deux de plus que la moyenne européenne. De surcroît, les salaires de nos enseignants du primaire sont inférieurs de près de 20 % à la moyenne des pays de l'OCDE.
Nous affichons l'un des pires taux d'encadrement de l'Union européenne : alors que la moyenne s'établit à 13,7 élèves par professeur, nous atteignons 18,2. D'après les données d'Eurostat pour 2022, seule la Roumanie fait moins bien.
Le sous-investissement dans notre système éducatif n'est pas une vue de l'esprit, mais une réalité tangible.
Face à ce constat, l'évolution démographique devrait être perçue comme l'occasion d'améliorer les conditions de scolarisation pour tous, à moyens constants. Or ce budget traduit encore une vision comptable et des suppressions de postes. Au total, 4 018 équivalents temps plein travaillé (ETPT) d'enseignants doivent disparaître, dont 1 891 dans le premier degré et 1 365 dans le second.
Se livrant à une surenchère difficilement compréhensible, M. le rapporteur spécial nous a même invités à aller encore plus loin, en commission, en supprimant 8 000 ETP d'enseignants.
Mes chers collègues, il y a seulement quelques mois, nous étions nombreux, sur toutes les travées de cet hémicycle, à dénoncer les fermetures de classes dans nos territoires, notamment ruraux.
Si vous faites le choix, aujourd'hui, de supprimer des postes, vous devrez assumer demain, dans vos départements respectifs et devant les élus locaux, la responsabilité de fermetures de classes douloureuses. Les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) ne font que ce qu'ils peuvent avec les moyens que nous leur donnons, et que nous leur donnerons ce soir.
Le second degré est lourdement mis à contribution, puisque les suppressions de postes programmées vont au-delà de l'évolution démographique. Voici quelques exemples concrets des tensions existantes, faute de professeurs en nombre suffisant.
L'an dernier, dans un collège de l'Ain, le professeur de français d'une classe de troisième de 32 élèves a été absent une bonne partie de l'année. Faute de remplaçant, les cours ont finalement dû être assurés en visioconférence pour ces 32 élèves pendant plusieurs mois.
Plus près de chez moi, un chef d'établissement de la Drôme m'a récemment expliqué être confronté au dépassement du seuil de 30 élèves par classe en sixième. Il m'a également confié avoir l'habitude de se rendre sur France Travail pour pallier les vacances de postes ou chercher des professeurs remplaçants.
Dès lors, comment s'étonner du manque d'attractivité de la profession enseignante et des déficits constatés chaque année à l'issue des concours ? Nous comptons 1 700 postes vacants en 2025, dans un contexte où les salaires réels des enseignants français n'ont progressé que de 1 %, contre 4 % en moyenne dans les pays de l'OCDE.
La commission d'enquête sur les défaillances de prise en charge du handicap, menée à l'Assemblée nationale, souligne que nous ne sommes pas non plus à la hauteur des promesses en matière d'inclusion scolaire. Au total, 14 % des enfants en situation de handicap ne bénéficient pas de l'accompagnement auquel ils ont droit, soit 33 % de plus qu'en 2024. Au regard de ces graves carences, le recrutement de seulement 1 200 AESH supplémentaires, prévu par ce budget, est loin d'être à la hauteur des enjeux.
Je conclurai en évoquant l'enseignement agricole. Les effectifs en hausse, de plus de 7 % sur cinq ans, témoignent du dynamisme et de l'attractivité de cet enseignement, pépite de nos territoires. Je m'en réjouis, mais je constate à regret que nous n'en tirons pas les conséquences.
La loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture a fixé l'objectif d'une augmentation de 30 % des effectifs d'élèves à l'horizon 2030. Nous devons donc nous donner les moyens de nos ambitions.
Le présent budget crée 30 ETP d'enseignants supplémentaires, mais cet effort paraît bien insuffisant au regard des 241 suppressions survenues entre 2019 et 2025. Rétablissons ces postes, comme nous l'avions voté au Sénat en 2020 ; l'enjeu est trop important pour que l'on remette cette décision à plus tard.
Pour toutes ces raisons, et d'autres, que ma collègue Colombe Brossel aura l'occasion d'évoquer, les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se prononceront contre l'adoption des crédits alloués à l'enseignement scolaire.
Il y a urgence à sauver notre école publique et il est temps d'en prendre la mesure. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDPI. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous examinons ce soir le budget de l'éducation nationale, qui se trouve, selon vos propres termes, monsieur le ministre, dans une situation extrêmement inquiétante. Vous en êtes pourtant l'auteur…
Ce projet de loi de finances aggrave ainsi les inquiétudes au lieu d'y répondre.
Concernant les 4 000 postes supprimés, à l'heure où la démographie scolaire baisse, une question simple s'impose : faut-il supprimer des postes ou saisir cette occasion pour réduire les effectifs des classes, améliorer l'inclusion et renforcer l'accompagnement des élèves ? Pour votre part, vous avez tranché : ce PLF ne servira ni les élèves ni leurs enseignants.
Reléguée au neuvième rang protocolaire du Gouvernement, l'éducation nationale ne constitue définitivement plus une priorité dans notre pays.
Pour masquer ce déclassement, le Gouvernement se vante de créer 5 440 postes. Dans les faits, ces créations ne résultent que d'une manœuvre technique liée à la réforme du concours de recrutement en troisième année de licence (L3) ; les postes concernés disparaîtront mécaniquement dans trois ans. En réalité, 4 018 postes d'enseignants seront supprimés, à savoir 2 373 dans le premier degré et 1 645 dans le second.
Les moyens budgétaires stagnent. Les crédits des programmes consacrés aux premier et second degrés, ainsi qu'à l'enseignement privé sous contrat, progressent à peine. Ils ne permettront donc pas de répondre aux besoins croissants des équipes éducatives.
Cette absence d'ambition est d'autant plus grave que la situation se dégrade depuis longtemps. Depuis 2017, près de 9 000 postes ont été supprimés dans le second degré, alors même que les effectifs augmentaient. Les classes sont plus chargées, avec 26 élèves en moyenne au collège et plus de 31 au lycée ; les enseignants doivent faire face à des injonctions multiples avec toujours moins de moyens.
En outre, ce budget opère des choix antisociaux. Je pense au coup de rabot de 2 millions d'euros porté aux fonds sociaux destinés à aider les familles en grande difficulté financière, ou encore à l'amputation de près de 10 millions d'euros infligée au pass Culture scolaire.
Enfin, les opérateurs du ministère sont eux aussi touchés, singulièrement le réseau Canopé, pilier des ressources pédagogiques.
Je souhaite également attirer l'attention sur l'enseignement agricole public. Le PLF 2026 ne crée que 40 ETP, dont 30 sont affectés au nouveau bachelor agro. Autrement dit, rien n'est prévu pour les lycées agricoles traditionnels, lesquels sont pourtant au cœur de la formation des futurs agriculteurs.
Alors que, dans le public, l'État se désengage, le secteur privé agricole bénéficie de financements multiples : dotations de l'État, subventions au titre de l'article 44, fonds européens, aides régionales et départementales, financements des opérateurs de compétences (Opco) et soutien aux frais de scolarité.
Pourtant, la loi Duplomb fixe l'objectif d'une hausse de 30 % des effectifs d'ici à 2030. Comment former plus, mieux et plus vite à moyens constants et avec des équipes exsangues ?
Ce PLF ne répond pas à l'impératif de renouvellement des générations, alors que 45 % des agriculteurs partiront à la retraite dans les dix ans qui viennent.
J'en viens à la situation des AESH, personnels essentiels à l'inclusion et à la scolarisation des 350 000 élèves en situation de handicap.
Alors que le nombre d'enfants concernés augmente de 8 % à 10 % par an, le rythme des créations de postes ralentit dangereusement : 3 000 en 2024, contre seulement 1 200 en 2026. C'est trois fois moins en trois ans, alors même que les besoins explosent.
Par ailleurs, ces agents perçoivent entre 850 et 1 000 euros par mois, en temps partiel imposé. Votre feuille de route budgétaire ne fait que confirmer la précarité de ces personnels essentiels : ils n'y trouveront ni reconnaissance ni revalorisation.
Ce désinvestissement global de l'État est confirmé par les grandes études internationales. Selon l'OCDE, la France dépense moins que la moyenne pour ses élèves du primaire et du collège ; les classes y sont plus chargées et les enseignants bien moins rémunérés. Les compétences fondamentales stagnent ou reculent, car nous exigeons toujours plus malgré des moyens constants, voire décroissants.
Ce budget acte le renoncement à renforcer les équipes pédagogiques, à garantir l'inclusion et à faire de l'école un pilier de la République.
Monsieur le ministre, où est passée l'égalité des chances, principe de l'école de la République ? Qu'avez-vous donc fait de l'école de la réussite ?
Pour toutes ces raisons, les élus du groupe communiste refusent ce budget.
Nous l'amenderons pour défendre une véritable reconquête éducative, passant par des créations de postes, la réduction des effectifs par classe, la titularisation des AESH, l'augmentation des moyens pédagogiques et une revalorisation réelle des métiers de l'école. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)