M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 158 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement, la gendarmerie nationale voit sa trajectoire budgétaire maintenue, même si le ralentissement est marqué par rapport au précédent budget.

Une très grande partie de cette hausse est absorbée par l’investissement immobilier, dont la relance se confirme avec 104 millions d’euros supplémentaires. Ainsi, 278 millions d’euros seront engagés en crédits de paiement, et plus de 350 millions le seront en autorisations d’engagement. C’est évidemment une très bonne nouvelle, après les alertes émises par le Sénat, et notamment par notre collègue Bruno Belin dans son rapport d’information de 2024, mais la question du rattrapage de ces nombreuses années de sous-investissement n’est pas résolue : rappelons que l’on estime les besoins annuels à 400 millions d’euros.

Autre bonne nouvelle, la possible mise en place d’une nouvelle forme de montage financier pour les constructions de caserne : la location avec option d’achat. Dans ce système, une fois que les coûts de construction sont amortis par le bailleur, la caserne revient en propriété à la gendarmerie.

Une telle formule aurait l’avantage d’enrayer l’inflation du locatif, une pelote qui grossit d’année en année pour atteindre 628 millions d’euros dans le cadre de ce projet de loi de finances. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire à quelle échéance ces travaux aboutiront ? Peut-on espérer un décret dans le courant de l’année 2026 ?

Malheureusement, l’augmentation des crédits affectés à l’investissement immobilier se paie sur les autres postes. À commencer par les moyens mobiles : seuls 600 véhicules légers seront acquis en 2026, soit l’équivalent de 16 % des besoins actuels, qui sont estimés à 3 750 véhicules par an pour éviter un vieillissement du parc automobile. C’est évidemment tout à fait insuffisant.

Concernant les moyens aériens, le constat est analogue : le parc est vieillissant, avec des performances qui baissent et des coûts de maintenance qui augmentent. Les vingt-six hélicoptères de type Écureuil devront être retirés du service entre 2028 et 2030, les EC135 en 2035, alors que seuls seize nouveaux hélicoptères sont attendus dans les prochains mois.

Il est par conséquent impératif d’activer, avant février 2027, la clause ayant pour objet la livraison de vingt-deux hélicoptères H145 complémentaires, prévue par un contrat passé à la fin de 2023 avec Airbus Helicopters. À défaut, les conditions du contrat seront obsolètes et des sections aériennes devront être fermées.

Monsieur le ministre, cela représente une dépense de 355 millions d’euros. Allez-vous engager cette somme avant la date prévue ?

Je terminerai en disant un mot des fusils d’assaut Famas, dont le remplacement est urgent : l’armée cessera d’assurer leur maintenance à compter de 2026. À quelle échéance leur remplacement, dont le coût est estimé à 110 millions d’euros, est-il envisagé ?

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a, sur notre recommandation, émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale », malgré, vous l’aurez compris, de fortes inquiétudes quant au mur d’investissement qui se profile à court terme et malgré les trois interrogations dont je viens de vous faire part. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jérôme Darras, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue corapporteur spécial et moi-même avons choisi, cette année, de consacrer le volet thématique de notre rapport aux outre-mer.

La gendarmerie nationale est notre première et parfois seule force de souveraineté dans les territoires ultramarins, où elle couvre 70 % de la population et 99 % de la superficie. Elle y assume donc un rôle de premier plan, notamment de cheffe de file dans certaines structures interservices comme les antennes de l’Office anti-stupéfiants (Ofast). Elle y a entamé une coopération très poussée avec les forces armées, notamment en Guyane où un état-major commun a été formé dans le cadre de l’opération Harpie contre l’orpaillage illégal. Elle est enfin engagée dans la coopération internationale de proximité avec les pays voisins.

Les outre-mer ont des particularités géographiques très marquées ; ils se caractérisent par une délinquance liée à leur exposition aux flux croissants des trafics internationaux et une récurrence des crises, qu’elles soient sociales, économiques, politiques ou climatiques.

Ces événements ont une influence sur le modèle d’emploi de la gendarmerie, qui a pu se livrer, en Nouvelle-Calédonie notamment, à des engagements d’un niveau quasi militaire. Ils expliquent aussi le poids particulièrement significatif des outre-mer dans son action et son organisation.

Actuellement, environ 4 300 gendarmes sont déployés dans ces territoires, auxquels il faut ajouter, en temps normal, vingt-deux escadrons de gendarmerie mobile qui assurent, outre les renforts en cas de troubles à l’ordre public, des missions de gendarmerie départementale.

Ce système de renfort modulable – jusqu’à trente-deux escadrons se sont déployés au plus fort des troubles en Nouvelle-Calédonie – s’est révélé pertinent pour répondre aux crises, mais il a atteint ses limites. Il n’est pas exagéré de dire que la gendarmerie mobile est épuisée, ce que reflète le stock très important de congés non pris par les gendarmes.

Ces crises ont un effet d’éviction très important sur les dépenses du programme : le cyclone Chido à Mayotte, ce sont 66 millions d’euros supplémentaires ; les événements en Nouvelle-Calédonie, ce sont 127 millions d’euros en crédits de paiement pour la seule année 2025.

Quant aux moyens matériels, ils sont insuffisants – comme l’a bien expliqué mon collègue Philippe Paul –, mais davantage encore qu’en métropole. Les besoins immobiliers sont estimés par le commandement de la gendarmerie d’outre-mer à pas moins de 900 millions d’euros. Plusieurs sections aériennes ne disposent que d’un seul hélicoptère ; or ces appareils sont de plus en plus fréquemment immobilisés pour maintenance, alors qu’ils sont particulièrement indispensables dans l’environnement ultramarin.

En conclusion, la gendarmerie de l’outre-mer fait face, mais de manière exacerbée, aux mêmes défis qu’en métropole et se trouve souvent en première ligne, au regard des menaces sécuritaires auxquelles la France est confrontée. Il est donc indispensable de donner à la gendarmerie, là-bas comme ailleurs, les moyens suffisants pour remplir ses missions. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE. – MM. Marc Laménie et Georges Naturel applaudissent également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Olivia Richard et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le périmètre de la mission « Sécurités » inclut la sécurité intérieure, la lutte contre la délinquance, la protection des populations et les capacités de gestion de crise, qui sont autant de politiques essentielles pour notre pays dans un seul budget !

Ces actions fondamentales pour la société sont au cœur des prérogatives de l’État régalien. Notre main ne doit donc pas trembler au moment de leur allouer des moyens ambitieux.

Certes, les crédits de la mission sont en augmentation, mais il convient d’entrer dans le détail.

Les hausses de crédits consacrés au programme 176 « Police nationale » et au programme 152 « Gendarmerie nationale » se concentre sur le schéma d’emploi, en donnant la priorité aux filières investigation et police judiciaire, fortement mobilisées dans la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée.

Toutefois, l’objectif qui figure dans la Lopmi de rééquilibrer les dépenses au profit de l’investissement et du fonctionnement n’est pas toujours atteint.

Or on ne peut pas augmenter les dépenses de personnel sans renforcer nos efforts dans les domaines de l’immobilier, de l’automobile, de la formation et de l’équipement numérique.

Une fois de plus, la police nationale est largement privilégiée par rapport à la gendarmerie en termes de créations de poste. Nous avions pourtant alerté sur les conséquences de l’essor du narcotrafic dans nos territoires ruraux. Car, je vous le rappelle, le combat contre le trafic de drogue ne se gagnera pas seulement dans les grandes villes !

Par ailleurs, le manque de moyens octroyés par l’État dans les zones rurales a un impact sur les finances locales. Les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) déployés par les communes pour compenser le désengagement de l’État sont une charge supplémentaire pour celles-ci.

Enfin, je constate qu’une fois encore la question de la formation des policiers et des gendarmes n’est pas prise à bras-le-corps. Le Sénat a déjà alerté sur la faiblesse chronique de la formation initiale : aucune solution pérenne n’a été proposée à ce jour.

J’en viens maintenant à la sécurité civile, et en particulier à nos sapeurs-pompiers.

À cet égard, je souhaite saluer l’adoption en première partie de l’amendement de mon collègue Philippe Grosvalet et du groupe RDSE visant à revaloriser la taxe spéciale sur les conventions d’assurances (TSCA), qui est allouée aux départements pour financer les Sdis.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, je vous invite à la plus grande vigilance quant au maintien de cet amendement dans le texte final du projet de loi de finances. Toutefois, si cette disposition était attendue depuis longtemps, personne ne peut croire qu’elle suffira à répondre à la question du manque d’engagement en faveur de nos pompiers et du manque de reconnaissance à leur égard.

Chaque année, nous perdons des effectifs. Quand en prendra-t-on conscience ? Faut-il demander un énième rapport qui traînera encore sur nos étagères ?

Le programme 161 « Sécurité civile » fait certes l’objet d’une hausse de crédits, mais elle est principalement liée à la commande de deux nouveaux avions bombardiers d’eau. Or il est également nécessaire d’investir dans le matériel quotidien de nos casernes.

Au-delà de cet effort immédiat, le Beauvau de la sécurité civile a mis en évidence la nécessité de trouver un nouveau modèle de financement. Il convient de rappeler que le financement des Sdis, en particulier les coûts de fonctionnement, est supporté par les seuls départements, communes et intercommunalités.

La mutation et l’intensification des risques climatiques nous obligent à adapter notre modèle français de sécurité civile. Puissions-nous le faire de façon concertée et non dans l’urgence !

Un an après le Beauvau de la sécurité civile, nous attendons toujours le projet de loi sur la sécurité civile. Mes chers collègues, sortons des constats et agissons !

Notre groupe ne saurait en l’état apporter un soutien plein et entier aux crédits de cette mission. En effet, leur manque d’ambition est en décalage avec l’importance pour nos concitoyens des actions menées par nos forces de l’ordre et de la sécurité civile.

J’en profite pour saluer toutes ces femmes et tous ces hommes pour leur engagement quotidien, qu’ils soient professionnels ou volontaires, car nous leur devons beaucoup.

Nous appelons à un sursaut : nos débats doivent déboucher sur une réelle revalorisation de ces crédits.

Toutefois, quand bien même ce ne serait pas le cas, le RDSE ne voterait pas contre les crédits de cette mission, compte tenu de la nécessité de les adopter.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur trois des quatre programmes composant la mission « Sécurités » : le programme 176 « Police nationale », le programme 152 « Gendarmerie nationale », et le programme 207 « Sécurité et éducation routières ». Je laisse à mon collègue Olivier Bitz le soin d’évoquer le programme 161 « Sécurité civile ».

Avant d’entrer dans le détail de ces crédits, je souhaite rendre hommage au travail des policiers et des gendarmes, qui veillent en permanence sur la sécurité de nos concitoyens. Leur professionnalisme, leur engagement et leur sens du devoir sont exemplaires, dans un contexte marqué par une violence toujours accrue, à l’image du fléau du narcotrafic.

J’ai également une pensée particulière pour tous les policiers et gendarmes qui ont été blessés ou agressés dans l’exercice de leur mission.

J’en viens maintenant aux moyens que nous devons donner à celles et ceux qui assurent notre sécurité et notre protection.

Comme l’ont relevé les orateurs précédents, les crédits alloués aux forces de l’ordre font l’objet d’une augmentation globale de 2,6 milliards d’euros, ce qui mérite d’être souligné en cette période de fortes contraintes budgétaires.

Nous devons cette mansuétude à la Lopmi du 24 janvier 2023, qui a garanti le maintien du budget du ministère de l’intérieur.

Ainsi, pour 2026, le programme 176 est en hausse de 515 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 427 millions d’euros en crédits de paiement.

En revanche, le programme 152 enregistrera une baisse de 168 millions d’euros en autorisations d’engagement et une augmentation limitée à 200 millions d’euros en crédits de paiement.

Depuis 2009, année du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur, une disparité budgétaire subsiste. Pour reprendre la remarque du rapporteur pour avis de la commission des lois, notre collègue Henri Leroy, dont je tiens à saluer le travail, il est étonnant que les augmentations annuelles de crédits ne soient pas réparties de manière équitable.

Même si les deux corps rencontrent des difficultés comparables en matière d’équipement et de conditions de travail, la gendarmerie en ressent souvent les effets de manière plus aiguë.

Sur le plan matériel, ces difficultés portent notamment sur le renouvellement du parc de véhicules terrestres et d’hélicoptères, ainsi que sur l’entretien du patrimoine immobilier.

Mais c’est surtout sur le plan humain que les inquiétudes sont les plus vives.

Lors de son audition, le directeur général de la gendarmerie nationale nous a alertés sur la dégradation du moral des troupes, ainsi que sur des problèmes de recrutement. En effet, s’il est prévu de créer 400 ETP en 2026 pour former 58 nouvelles brigades dans le cadre du plan 239 brigades, cela ne suffira pas à résorber le retard que nous avons pris en ne créant aucun poste en 2025. L’objectif final de 3 450 ETP à l’horizon 2027 ne sera donc pas atteint.

Un autre sujet d’inquiétude pour les gendarmes, qui me tient particulièrement à cœur, est celui de la réserve opérationnelle. L’objectif ambitieux de 50 000 réservistes d’ici à 2027 peut être atteint, puisque le seuil de 37 000 vient d’être franchi. Toutefois, faute de crédits suffisants pour les rémunérer, il arrive encore trop souvent que ces réservistes ne puissent pas être déployés en mission.

Pour terminer sur ces deux programmes, je tiens à rappeler l’importance croissante du rôle des collectivités locales en matière de sécurité du quotidien. En quelques années, la police municipale est devenue un acteur essentiel, et nous examinerons au début du mois de février un projet de loi qui renforcera encore son rôle.

Enfin, les crédits du programme 207 « Sécurité et éducation routières » restant stables, les campagnes publiques de sensibilisation pourront se poursuivre, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle locale. Des faits divers récents montrent hélas ! combien il est nécessaire de maintenir cet effort. Je fais confiance pour cela à la nouvelle déléguée interministérielle à la sécurité routière, qui a été récemment nommée.

Face aux multiples tentatives de déstabilisation de nos forces de l’ordre, visant à rompre le lien entre celles-ci et les Français – nous en avons encore eu un exemple samedi soir à Lyon lors de la Fête des Lumières –, je tiens à rappeler que les agents obéissent, lorsqu’ils sont en intervention, à des règles strictes, sous le contrôle de leur hiérarchie et des instances d’inspection et de contrôle.

M. le président. Il faut conclure, chère collègue !

Mme Isabelle Florennes. Le Conseil constitutionnel n’a-t-il pas rappelé à plusieurs reprises que remettre en cause le maintien de l’ordre public, c’est remettre en cause l’une des conditions nécessaires à l’exercice des libertés publiques ?

Le groupe Union Centriste votera bien sûr ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le nombre de rapporteurs spéciaux et pour avis montre l’importance de cette mission « Sécurités », au pluriel.

Dix ans après les attentats du Bataclan, alors que notre pays s’est récemment recueilli en hommage aux victimes, chacun mesure à quel point la menace djihadiste reste présente, diffuse, mais réelle. Le terrorisme islamique n’a pas disparu ; il se transforme et renaît parfois là où on ne l’attend pas.

Dans ce contexte, les forces de sécurité intérieure sont notre première ligne de protection. Elles le sont face au terrorisme, mais aussi face à une autre menace qui s’étend silencieusement et ravage nos territoires : le narcotrafic. L’assassinat récent du frère d’Amine Kessaci nous l’a rappelé avec une brutalité glaçante. Ce fléau touche désormais non seulement des villes moyennes, mais aussi la ruralité.

C’est en ayant à l’esprit ces multiples défis que nous examinons les crédits de la mission « Sécurités » pour 2026. Notre groupe Les Indépendants salue l’engagement de ces femmes et de ces hommes qui risquent leur vie pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Comme l’ont rappelé les précédents orateurs, nos policiers, nos gendarmes – qui ont un statut de militaire – et nos sapeurs-pompiers méritent infiniment de respect et de reconnaissance.

En ce qui concerne la sécurité des personnes et des biens, j’associe bien sûr les hommages nationaux rendus chaque année en respect pour les gendarmes, pour la police nationale et aussi pour les sapeurs-pompiers.

Je me félicite que le budget global de la mission progresse : il atteint près de 25 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui correspond à une hausse de 2,6 %. Le groupe Les Indépendants salue cet effort, qui confirme la priorité qui est donnée au régalien.

Les finances publiques sont dégradées. Nous devons collectivement en tenir compte, mais nous savons aussi qu’il existe des missions dont la République ne peut s’exonérer. La protection des Français en fait partie.

Pour autant, si ce budget est préservé, sa répartition laisse apparaître des fragilités.

Tout d’abord, les dépenses de personnel dépassent encore 80 % du budget tant de la police que de la gendarmerie. Il s’agit d’un effort considérable. Il est indispensable de donner aux forces des moyens humains, mais cet effort est consenti au prix d’une diminution des crédits disponibles pour l’investissement.

Nos forces de l’ordre ont certes besoin d’effectifs, mais elles ont aussi besoin de véhicules, de bâtiments et de matériel moderne. Or, dans certains domaines, les retards s’accumulent dangereusement.

Je pense en particulier à la situation préoccupante de la gendarmerie. La flotte d’hélicoptères vieillit : vingt-six appareils ont près de 40 ans. Certains ont déjà dû être retirés du service, et les près de 355 millions d’euros indispensables pour les remplacer ne sont pas financés dans ce budget.

Mes chers collègues, comment imaginer que nos gendarmes, en Guyane, en Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte, puissent remplir leur mission face au trafic de stupéfiants, aux violences et aux crises locales sans moyens aériens fiables ?

Nous sommes également préoccupés par le renouvellement des véhicules terrestres. Pour la police nationale, l’achat prévu de 2 900 véhicules en 2026 compensera à peine deux années d’acquisitions insuffisantes.

Concernant la gendarmerie, les enveloppes consacrées aux véhicules ont été revues à la baisse, ce qui ne permettra d’acheter que quelques centaines de véhicules, ce qui est très loin du seuil annuel nécessaire à la simple stabilisation du parc. Cette situation met en péril la capacité opérationnelle des unités sur le terrain.

S’agissant des effectifs, le respect de la trajectoire de la Lopmi constitue un point positif. Néanmoins, l’année blanche de 2025 a créé un retard qui ne sera pas comblé à ce rythme, en particulier pour la gendarmerie. J’en profite pour rendre hommage aux gendarmes des Ardennes, ainsi qu’à l’ensemble des réservistes, des cadets de la gendarmerie et des jeunes sapeurs-pompiers.

La filière investigation souffre d’un manque d’effectifs. Les 700 postes supplémentaires annoncés ne permettront qu’un rattrapage partiel, alors même que les stocks de procédures augmentent et que la criminalité organisée se structure plus vite que notre réponse judiciaire. Sans un investissement durable dans la police judiciaire, nous courons le risque de constater les infractions sans être en mesure d’en appréhender les auteurs.

Notre groupe le redit ici, les nécessaires baisses des dépenses publiques doivent intervenir partout ailleurs que dans le régalien, car il s’agit du cœur de l’action de l’État, sous l’autorité de M. le ministre et des représentants de l’État en métropole et en outre-mer.

À présent, l’objectif de créations de poste à l’horizon 2027 prévu par la Lopmi apparaît compromis. Nos concitoyens voient leurs centres-villes changer. Depuis 2010, les atteintes aux personnes ont augmenté de plus de 45 % et les réseaux de stupéfiants se professionnalisent. Ils demandent légitimement la présence de policiers et de gendarmes.

Les violences du quotidien, les violences intrafamiliales, les tensions qui peuvent dégénérer, comme en Nouvelle-Calédonie l’an passé, montrent que la préservation de l’ordre public nécessite un travail constant.

Notre groupe considère qu’il n’y a pas de liberté sans sécurité et votera les crédits de cette mission indispensable à notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDSE ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nadine Bellurot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à apporter tout mon soutien aux forces de l’ordre et à condamner les slogans anti-police qui ont été scandés à Lyon. La police est là pour nous protéger, et non pas pour tuer !

M. Olivier Paccaud. Très bien !

Mme Nadine Bellurot. Nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Sécurités » et je veux saluer le travail de nos rapporteurs.

Malgré le contexte budgétaire considérablement dégradé, il demeurait crucial de préserver nos forces de sécurité intérieure des restrictions.

Le budget de la mission respecte pour l’essentiel la trajectoire de la Lopmi, même si nous pouvons tous regretter que l’augmentation soit moindre que par le passé.

De même, nous sommes en droit de nous interroger sur les différences de dynamique observées chaque année entre les crédits de la police et ceux de la gendarmerie.

La préservation de nos forces de l’ordre est une absolue nécessité dans le contexte actuel. Je rappelle tout de même que, sur 100 euros de dépenses publiques, seuls 2,20 euros sont consacrés aux forces de l’ordre. Pourtant, les Français attendent des réponses fermes pour enrayer le narcotrafic, les incivilités du quotidien et l’augmentation de la violence en général, qui est le fait d’individus de plus en plus jeunes et de plus en plus violents.

Les atteintes aux personnes ont progressé de plus de 45 % depuis 2010, tandis que le total des crimes et délits enregistrés a augmenté de 5,2 %. La criminalité organisée se professionnalise et ses réseaux se complexifient. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.) Le terrorisme est toujours une menace.

Les propositions de loi récemment adoptées sur le narcotrafic et sur la lutte contre le blanchiment d’argent dotent les forces de sécurité d’outils juridiques nécessaires, mais il nous faut dégager des moyens importants pour garantir leur pleine efficacité.

L’exécution 2025 a été particulièrement tendue. Par exemple, la gendarmerie nationale s’est vu forcer d’interrompre le recours aux réservistes faute de financements disponibles. À cet égard, je soutiens l’amendement de Jean-François Husson, que j’ai cosigné, visant à apporter sans délai une réponse opérationnelle au déploiement de 239 brigades sur l’ensemble du territoire, dont deux dans l’Indre.

Nous devrons toutefois veiller à ce que les engagements qui ont été pris en matière d’investissement soient tenus.

La gendarmerie bénéficiera de 400 créations de poste, mais un rattrapage massif devra intervenir pour tenir l’objectif final fixé dans la Lopmi, à savoir 3 450 postes créés d’ici à 2027.

La police nationale pourra compter sur 1 000 ETP supplémentaires. Là aussi, nous avions pris du retard en 2025, compromettant ainsi la réalisation de nos objectifs en matière de lutte contre l’immigration irrégulière et contre la criminalité organisée. Monsieur le ministre, je connais votre engagement sur ces sujets prioritaires et je souhaite saluer le rattrapage significatif qui est effectué en 2026.

Ces renforts seront les bienvenus, puisque la filière investigation est notoirement en souffrance, comme nous l’avons rappelé, mon ancien collègue Jérôme Durain et moi-même, dans les rapports que nous avons produits sur la police judiciaire dans le cadre de la réforme de la police nationale. Un chiffre suffit pour l’illustrer : 3,5 millions de procédures sont en cours.

La filière investigation peine à attirer les profils, du fait notamment de conditions de travail défavorables, qui lui sont propres. Pour être sûres de ne pas l’intégrer, de jeunes recrues vont jusqu’à rendre des copies blanches à l’examen, car cela impliquerait d’assumer plus d’heures et plus de responsabilités, et de se confronter à une procédure pénale de plus en plus complexe, sans obtenir une reconnaissance suffisante, qui se traduise sur les fiches de paie.

La filière investigation appelle donc à une revalorisation, et à la réouverture d’un concours spécifique à la filière police judiciaire. Nous le savons, il nous faut des enquêteurs de plus en plus spécialisés, notamment en matière économique et financière. Peut-être pourrions-nous créer une direction générale de la police judiciaire, sur le même modèle que la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

Monsieur le ministre, vous avez annoncé un plan investigation pour relancer la filière, à la suite de la remise à Bruno Retailleau du rapport de la direction générale de la police nationale (DGPN). Les besoins pour l’investigation sont chiffrés à 1 000 ETP supplémentaires, pour un coût estimé à 139 millions d’euros. Pouvez-vous nous en dire un peu plus aujourd’hui ?

Je conclurai mon intervention en saluant l’engagement sans faille de nos pompiers professionnels, mais aussi de nos pompiers volontaires – avec un clin d’œil pour ceux de l’Indre.

Je veux rappeler les besoins financiers croissants des Sdis face à la multiplication des risques. Dans mon département, plus de 13 000 interventions ont été recensées en 2025. Et ce chiffre est destiné à croître, le risque de crise étant désormais permanent.

Ce financement est soutenu en très grande partie par les conseils départementaux, mais aussi par les communes. À cet égard, je me félicite que nous ayons adopté il y a quelques jours un amendement tendant à augmenter la taxe spéciale sur les conventions d’assurances au profit des Sdis. Je suis d’autant plus heureuse qu’il ait été adopté que je l’avais moi-même défendu l’année dernière dans cet hémicycle.

Enfin, je veux alerter une nouvelle fois sur la mise en conformité de la France avec la directive européenne sur le temps de travail, qui menace l’activité des sapeurs-pompiers volontaires. Notre modèle de sécurité civile s’appuyant à plus de 80 % sur le volontariat., il convient de le protéger et de le promouvoir, ce qui implique de continuer de s’opposer à cette directive.

Par ailleurs, je répète qu’il revient à l’État de reprendre à sa charge les carences ambulancières. En effet, le coût de cette politique de santé publique est actuellement assumé par les collectivités.

Ces différents appels ayant été lancés, le groupe Les Républicains votera évidemment les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)