M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2026 présente pour la mission « Sécurités » un budget en légère hausse qui, pour l'essentiel, suit la trajectoire définie dans le cadre de la Lopmi et est, de manière assez positive, relativement épargné par la politique d'austérité du Gouvernement.
Nous saluons l'augmentation des effectifs, avec la création de 1 000 postes supplémentaires dans la police, dont 70 % d'officiers de police judiciaire, et de 400 postes dans la gendarmerie. Même si ces recrutements ne suffiront pas à compenser la réduction d'effectifs des deux dernières années, ils sont – vous le savez – essentiels pour améliorer le traitement des enquêtes et pour renforcer les luttes contre le narcotrafic, dont l'ampleur et les conséquences croissent tragiquement.
Pour autant, nous regrettons qu'une part importante de ces nouveaux postes soient fléchés vers le contrôle aux frontières, alors que les besoins sont criants pour développer la police de proximité, pour mieux former à la prise en charge des victimes de violences sexistes et sexuelles – nous le savons, ce sont les violences intrafamiliales et sexuelles qui augmentent le plus en France –, pour recouvrer une spécialisation des filières mises à mal par la réforme de la Lopmi, pour lutter contre le narcotrafic ou pour améliorer les conditions de travail du personnel de gendarmerie.
De fait, en plus du besoin d'investissement et d'équipements, il nous faut enfin prendre au sérieux la souffrance au travail qui persiste chez nos forces de l'ordre, avec un taux encore très élevé de suicides tragiques et intolérables. Ces difficultés ont des effets délétères tant pour les agents eux-mêmes – c'est évident – que pour le maintien de l'ordre, réalisé dans des conditions dégradées.
Nous ne cessons de le rappeler depuis des années, le lien entre la population et la police est abîmé, d'un côté comme de l'autre. La politique actuelle, qui est centrée sur le chiffre, épuise les agents et n'a pas toujours de pertinence en termes d'efficacité. Des contrôles discriminatoires, des violences parfois volontaires et à rebours de la mission de police, comme on l'a vu et redécouvert pendant les manifestations de Sainte-Soline ou à Paris avec les brigades de répression de l'action violente motorisées (Brav-M), minent durablement le lien avec la population. Ce lien indispensable, il faut le réparer avec des moyens adéquats.
Concernant la sécurité civile, nous nous félicitons de la hausse des moyens. Elle permettra d'investir dans de nouveaux avions bombardiers d'eau et hélicoptères nécessaires pour prévenir les feux, qui ne cesseront de se multiplier avec le dérèglement climatique.
Vous le comprendrez toutefois, nous rappelons que cet engagement de l'État reste insuffisant pour financer les Sdis, pour soutenir les associations de sécurité civile et pour engager une réflexion sur les questions d'assurabilité face aux risques climatiques. Le domaine de la sécurité civile requiert une stratégie de long terme pour anticiper la dotation en équipements, les formations et, surtout, la prévention des crises.
Le vote du Sénat en faveur de l'augmentation de la TSCA a été un signal positif.
M. Grégory Blanc. Tout à fait !
Mme Mélanie Vogel. Renforcer les moyens est nécessaire. Mais ce renforcement sera vain si nous ne faisons pas assez dès maintenant pour réduire à la source les catastrophes naturelles, les mégafeux, les inondations et pour éviter qu'ils ne se multiplient encore et encore sous le coup du réchauffement climatique.
Et cette logique de prévention doit s'appliquer à tous les domaines : investir dans la lutte contre la pauvreté, l'exclusion et les discriminations pour prévenir les violences et l'alimentation, entre autres, du narcotrafic et de la délinquance ; soutenir la santé mentale et la formation de nos forces de l'ordre pour améliorer la prise en charge des victimes, pour mettre fin aux débordements et pour apaiser les relations ; redéployer les personnels pour retrouver un lien de confiance grâce à des équipes qui connaissent les territoires sur lesquels elles interviennent, leurs enjeux, leur population, et qui peuvent apporter des solutions adaptées, vouées à faire diminuer sur le long terme des insécurités auxquelles la répression seule n'apporte pas de solution durable.
Au regard des efforts budgétaires réalisés, nous ne voterons pas contre ce budget. Mais nous appelons à une prise de conscience collective : les choix globaux décidés actuellement orientent la politique de sécurité vers la réaction plutôt que vers la prévention de long terme.
Pour ces raisons, notre groupe s'abstiendra sur l'adoption de ces crédits, tout en appelant à un débat approfondi sur des priorités structurelles nécessaires à la protection de nos concitoyens et de nos libertés publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
(Mme Sylvie Robert remplace M. Xavier Iacovelli au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une mission absolument centrale pour la vie quotidienne de nos concitoyens : le budget de la sécurité. Nous saluons d'abord la légère hausse des crédits alloués. Les besoins sont immenses ; chacun le sait ici. Mais force est de constater que, sous la majorité actuelle, si les budgets augmentent, l'insécurité aussi !
Les chiffres du ministère de l'intérieur sont sans appel. Depuis 2016, aucun indicateur de délinquance n'a reculé. Nos compatriotes doivent connaître la réalité de la France de 2025. Chaque jour, ce sont trois homicides, douze tentatives et près de 600 cambriolages. Voilà le bilan !
Cette insécurité, qui n'est plus depuis longtemps un simple sentiment, touche désormais tous les territoires. Hier encore, des fusillades ont éclaté en plein cœur de Rennes. Et dans ma ville de Denain, le 23 novembre dernier, une violente rixe a éclaté. Trois jeunes alcoolisés se sont introduits chez un voisin après avoir brisé une fenêtre. La bagarre a dégénéré, des coups de feu ont été tirés, heureusement sans blessé. Les suspects ont été interpellés et deux mis en examen pour violences avec armes et violation de domicile. Remercions encore une fois ici les forces de l'ordre.
Jadis, ces scènes faisaient la une dans les grandes métropoles. Aujourd'hui, elles surviennent dans nos petites communes, dans nos campagnes, dans les territoires ruraux, qui connaissent eux aussi désormais une montée des violences, des atteintes aux biens et des agressions gratuites.
La sécurité, ce n'est pas seulement la police et la gendarmerie, mais celles-ci en constituent le cœur battant. Ce sont aussi les services de secours et les associations agréées de sécurité civile, parfois contraints d'agir avec des moyens insuffisants, financés par nos collectivités. Je pense bien évidemment aux services départementaux d'incendie et de secours, à nos pompiers, à ces femmes et à ces hommes qui interviennent les premiers face au danger. C'est pourquoi nous proposerons dans des amendements l'acquisition de nouveaux canadairs, ainsi que la création d'un fonds d'intervention d'urgence dédié aux services départementaux d'incendie et de secours, activable lors de crises majeures, afin de soulager les départements les plus touchés – certains ont été évoqués ici.
Face aux crises climatiques, désormais récurrentes, nous devons armer davantage notre sécurité civile et respecter d'ailleurs les engagements du Président de la République, qui, une fois encore, ne furent que des mots. Que ce soit sur notre économie, sur notre diplomatie, sur nos frontières ou sur la sécurité, le bilan du macronisme se résume en un seul adjectif : triste !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Olivier Bitz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l'examen des crédits de la mission « Sécurités », j'aborderai plus spécialement ceux qui sont consacrés à la sécurité civile.
J'observe d'abord que la structure budgétaire ne nous permet pas de saisir l'ensemble des moyens publics consacrés à cette politique si importante pour nos concitoyens, puisque nous parlons quasi exclusivement des moyens nationaux ce matin. J'espère que le projet de loi, annoncé pour le début d'année, pour tirer les conclusions du Beauvau de la sécurité civile nous permettra d'appréhender globalement le sujet et de conforter notre modèle, fondé principalement sur le volontariat.
Aujourd'hui, je souhaiterais avant tout me féliciter de la fin de ce qui a été, en 2025, une véritable année blanche, d'un point de vue budgétaire, pour la sécurité civile. Alors même que les risques et les menaces augmentent à la fois dans le temps et dans l'espace, ce gel des investissements en 2025 n'était pas tenable dans le temps.
Ainsi, la reprise de la montée en charge de la quatrième unité de sécurité civile est à saluer, même si la trajectoire, avec la création de trente postes pour cette quatrième unité en 2026, n'est pas tout à fait celle qui avait été initialement envisagée. La création d'une quatrième unité n'a de sens que si l'effectif du régiment est complet ; sinon, on aurait mieux fait de créer des compagnies d'intervention supplémentaires dans les unités existantes de Brignoles ou de Nogent-le-Rotrou, ce qui nous aurait épargné des investissements immobiliers importants.
Autre élément de satisfaction, l'inscription des crédits pour la commande de deux canadairs supplémentaires, ce qui portera à terme notre flotte à seize aéronefs de ce type. C'est surtout la relance de la chaîne de production par De Havilland qu'il faut aujourd'hui souligner, grâce à une approche européenne des besoins.
J'exprimerai néanmoins deux points de vigilance.
D'une part, monsieur le ministre, nous sommes toujours dans l'attente de la définition d'une véritable stratégie pour nos moyens aériens. Des travaux de la Cour des comptes, en 2022, si ma mémoire est bonne, pointaient cette absence de vision stratégique à moyen terme et à long terme. Nous en avons plus que jamais besoin. Aujourd'hui, les moyens aériens, c'est, certes, ce que l'État possède, mais c'est aussi maintenant ce qu'il loue de plus en plus et ce que les Sdis font de leur côté. Il y a donc une multiplication à la fois de moyens et de donneurs d'ordres, en tout cas de commandes d'un point de vue administratif et financier. À mon avis, cela nuit au dispositif général.
D'autre part – c'est pour moi le point de vigilance le plus important –, la Lopmi avait, je le rappelle, envisagé 40 millions d'euros pour aménager la base aérienne de Nîmes, afin d'accueillir les nouveaux aéronefs, de permettre leur entretien dans des conditions correctes et aussi de mettre les appareils à l'abri en toutes circonstances, sachant qu'ils sont en ce moment remisés à l'extérieur.
Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Olivier Bitz. Je conclus en soulignant que les quatre canadairs supplémentaires – les deux qui sont prévus pour l'année prochaine vont s'ajouter aux deux autres – nécessitent des moyens supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur spécial Bruno Belin et M. Marc Laménie applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Do Aeschlimann. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous examinons aujourd'hui la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2026, qu'il me soit permis de saluer l'engagement exceptionnel de nos forces de sécurité, policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers. Au péril de leur vie, ils sécurisent, protègent et sauvent. Ils ont notre entière reconnaissance.
Avec près de 25 milliards d'euros en crédits de paiement, la mission « Sécurités » affiche une hausse de 2,6 % par rapport au budget pour 2025. La police et la gendarmerie nationales voient ainsi leurs moyens augmenter. C'est un signal positif, qui ne doit pas être minoré dans un contexte budgétaire particulièrement contraint. Mais l'effort est-il suffisant face à l'ampleur des défis sécuritaires ? L'essentiel de la hausse est absorbé par la masse salariale, qui représente près de 75 % des crédits.
Sur le papier, la trajectoire de la Lopmi est respectée, avec 1 600 ETP créés, dont 1 000 pour la police et 400 pour la gendarmerie. L'objectif de 7 412 créations de poste d'ici à 2027 apparaît toutefois compromis, monsieur le ministre. Cela réduit d'autant les marges pour des investissements pourtant indispensables : véhicules, armements modernes et en nombre suffisant et, surtout, renouvellement des hélicoptères – cela a été dit.
À cet égard, la situation de la gendarmerie est particulièrement préoccupante. La flotte d'hélicoptères Écureuil, composée de vingt-six appareils âgés de près de 40 ans, devra être renouvelée d'ici à 2030. Nos collègues rapporteurs Bruno Belin et Henri Leroy ont souligné le caractère alarmant de la situation. Il manquerait 355 millions d'euros pour financer cette flotte, exposant certains territoires, notamment ultramarins, à un risque réel de rupture capacitaire.
Plus globalement, les moyens de la police nationale et de la gendarmerie restent insuffisants face aux difficultés que nous constatons chaque jour : commissariats en sous-effectif, brigades rurales sous pression, maillage territorial fragilisé, etc. Nos concitoyens en subissent les conséquences, et, dans cet hémicycle, nous n'avons de cesse de vous alerter sur de telles difficultés.
Ces faiblesses structurelles sont d'autant plus préoccupantes que nos forces de sécurité sont engagées simultanément sur plusieurs fronts prioritaires. Je pense évidemment au terrorisme, qui demeure une menace constante. La menace est protéiforme : radicalisation rampante et en ligne, propagande diffuse, passage à l'acte opportuniste, individus suivis au long cours, etc. Nos services accomplissent un travail admirable et leurs moyens doivent être à la hauteur du risque encouru.
À ces défis s'ajoute la guerre contre le narcotrafic, où nos forces de sécurité sont en première ligne. En 2024, la commission d'enquête sénatoriale a révélé l'ampleur de ce fléau, qui gangrène notre pays et n'épargne plus aucun quartier, aucun bourg et aucun territoire. Récemment, avec l'assassinat du jeune Mehdi Kessaci à Marseille, un nouveau seuil a été franchi dans la brutalité. Tous les moyens – je dis bien « tous les moyens » ! – doivent être engagés pour éradiquer ces fléaux, ces réseaux qui distribuent la mort, sèment le chaos et défient l'autorité de l'État.
Ce combat exige une coordination renforcée entre police, gendarmerie et douanes, avec la montée en puissance de l'Ofast, que le Sénat appelle de ses vœux.
Parallèlement, un autre front, plus silencieux, requiert toute notre attention : les violences faites aux mineurs et la pédocriminalité, notamment en ligne.
L'Office mineurs (Ofmin), qui traque les pédocriminels numériques, ne comptait l'an dernier que dix-huit enquêteurs spécialisés pour plus de 300 000 signalements par an. Les moyens humains et technologiques doivent être renforcés face à l'irruption de l'intelligence artificielle, la nouvelle arme des pédocriminels !
Monsieur le ministre, nous comptons sur vos arbitrages. La protection de nos enfants doit rester une priorité nationale, absolue, et les moyens doivent suivre !
Le programme 207 « Sécurité et éducation routières » constitue un autre champ d'action de la mission dont nous discutons aujourd'hui. Ses crédits demeurent stables en 2026, avec 82 millions d'euros en crédits de paiement. Ils financent principalement les actions de communication, d'éducation et de prévention, ainsi que l'organisation du permis de conduire. Rappelons que les jeunes conducteurs sont surreprésentés parmi les tués et les blessés graves sur la route. Plusieurs drames récents rappellent l'ampleur de ce défi : excès de vitesse, consommation d'alcool, usage de stupéfiants et, désormais, protoxyde d'azote, dont la banalisation alimente les comportements à risque inquiétants.
Ces comportements mobilisent déjà massivement nos forces de l'ordre. Leur gravité appelle un sursaut collectif, mais aussi un renforcement de l'action publique.
Je conclurai en évoquant l'action de nos maires et de nos communes, bien que cela ne relève pas de cette mission. Malgré des budgets contraints, de plus en plus de maires compensent les carences de l'État pour assurer la sécurité dans leur commune. De fait, les dépenses de fonctionnement consacrées aux polices municipales ont progressé en moyenne de 41 % sur le mandat en cours, contre 16 % de croissance pour les dépenses de fonctionnement des autres services publics. C'est un paradoxe, puisque la sécurité est la compétence de l'État.
Les élus locaux font du mieux possible avec très peu de moyens. Ils sont même prêts à aller beaucoup plus loin en déployant des technologies innovantes. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous.
Le groupe Les Républicains votera en faveur des crédits de cette mission, avec toute la vigilance requise. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Madame la présidente, mes chers collègues, je tiens d'abord, monsieur le ministre, à vous exprimer tout mon soutien face à ce qui s'est passé à Lyon lors de la Fête des Lumières, des « lumières » obscurcies par un acte tout à fait inqualifiable. Nous assurons donc la police de la République et nos gendarmes de notre plein soutien.
Le programme 161 « Sécurité civile » affiche une hausse de crédits que nul ne conteste : 882 millions d'euros, +8,6 %. Mais, derrière ces chiffres, une réalité s'impose : nous finançons l'urgence, mais nous continuons peut-être, malheureusement, à ignorer l'avenir.
Ce budget ne répond pas à la poussée historique des risques : 12 300 feux, 30 000 hectares brûlés en 2025, dont l'incendie le plus dévastateur depuis 1949, celui de l'Aude. Mais comment passer sous silence l'autre versant de la crise ? Les inondations sont désormais le premier risque naturel en France.
La simultanéité des crises a mis notre système à la limite de la rupture. Cela a été démontré l'été dernier, où plusieurs fronts majeurs ont dû être arbitrés faute de capacités suffisantes. Et pourtant, dans ce budget, la réponse demeure malheureusement fragmentaire.
Le premier angle mort est l'investissement aérien. Oui, deux nouveaux canadairs sont annoncés, mais ils arriveront au mieux en 2033. Nous avons aujourd'hui une flotte qui vieillit et qui ne parvient plus à atteindre ses propres objectifs de disponibilité. Et nous ne pouvons plus construire une politique aérienne sur des délais industriels qui s'allongent et sur la location saisonnière comme variable d'ajustement.
Le deuxième angle mort, ce sont les Sdis, colonne vertébrale de la sécurité civile. Les départements, qui financent 60 % de leur fonctionnement, sont aujourd'hui étranglés : suppression de la taxe d'habitation, chute des recettes, explosion des dépenses sociales. Notre système est à bout de souffle. Ce n'est pas moi qui le dis ; c'est le Beauvau de la sécurité civile qui pointe un déficit d'anticipation stratégique et de gouvernance. Heureusement, nous avons augmenté la TSCA dans un vote que l'on peut qualifier d'historique dans cette Haute Assemblée. En tout cas, les Sdis ne pourront plus absorber longtemps l'augmentation constante de leurs missions.
Le troisième angle mort concerne le numérique. L'Agence du numérique de la sécurité civile dispose de 3 millions à 4 millions d'euros, quand ses besoins réels sont estimés à dix fois plus. Résultat : externalisations coûteuses, retards, sous-dimensionnement humain, alors même que NexSIS 18-112 est un outil vital pour la coordination opérationnelle.
Enfin, la pression du secours à personne, qui représente 86 % des interventions, est désormais insoutenable. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers demande l'étude d'un vrai modèle contractuel avec les agences régionales de santé (ARS).
Monsieur le ministre, ce budget manque de souffle, de stratégie et de vérité. Nous proposerons des amendements clairs : renforcer les moyens opérationnels, bâtir une stratégie aérienne européenne, garantir un financement pérenne des Sdis et reconnaître le rôle vital de nos sapeurs-pompiers.
Sans cela, ce ne sont pas des crédits que nous risquons de perdre ; c'est la protection des Français. Le sort réservé à ces amendements orientera notre vote définitif. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les rapporteurs spéciaux et pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier l'ensemble des intervenants qui se sont exprimés d'avoir manifesté leur soutien à nos forces de sécurité intérieure à la suite de la projection sauvage lors de la Fête des Lumières à Lyon. Je vous en remercie à titre personnel et en leur nom, à plus forte raison quand, dans le même temps, un député se permettait de confirmer le message des auteurs de cette projection en écrivant dans un tweet : « Oui, la police tue. » Vous le savez, une plainte a été déposée à la suite de cette projection.
Après la mission « Administration générale et territoriale de l'État » et la mission « Immigration, asile et intégration », je termine la présentation du budget du ministère de l'intérieur avec la mission « Sécurités ».
Je le répète, c'est une satisfaction pour moi, car le projet de loi de finances pour 2026 vient traduire de véritables priorités.
Il s'agit d'un projet de budget au service de la sécurité des Français, qui vient renforcer les moyens de lutte contre les différentes formes de menace, en particulier le narcotrafic et le terrorisme.
Sur les 24,5 milliards d'euros composant le budget du ministère de l'intérieur l'an prochain, la mission « Sécurités » représente 17,7 milliards d'euros, soit 72,3 % du budget du ministère de l'intérieur : ses crédits sont en augmentation de 371 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2025, soit 103 millions d'euros au-dessus de la trajectoire prévue par la Lopmi.
Cet écart s'explique par un effort de priorisation. Dans un contexte budgétaire exigeant, le ministère a fait le choix de redéployer ses crédits, en particulier vers la mission « Sécurités ». Ce sont notamment les économies réalisées sur les dépenses d'administration centrale qui nous permettent de compenser le fait que l'annuité 2026 de la Lopmi n'est que partiellement appliquée.
Les crédits alloués à la mission « Sécurités » permettent, tout d'abord, de renforcer le programme « Police nationale », qui augmente de 158,7 millions d'euros par rapport à 2026, afin de financer les priorités structurantes.
Il s'agit de créer 1 000 effectifs supplémentaires pour répondre aux enjeux de la filière investigation, ainsi que pour armer les centres de rétention administrative qui seront livrés l'année prochaine, à savoir ceux de Bordeaux et de Dunkerque.
Ces moyens complémentaires doivent permettre de financer les diverses composantes du plan investigation, et en particulier de renforcer l'équipement des services, avec une attention portée aux moyens numériques.
Ce projet de loi de finances pour 2026 doit également favoriser la poursuite de l'effort en matière de transformation numérique – acquisition de drones, lutte anti-drones, vidéoprotection de la préfecture de police, etc. –, et garantir un équipement adapté pour assurer la sécurité et l'efficacité des personnels.
Enfin, il s'agit de maintenir des crédits immobiliers à un niveau élevé, soit 283 millions d'euros, permettant de couvrir les « coups partis » – hôtel des polices de Nice, hôtel de police d'Annecy, par exemple – et d'accompagner les prochains programmes immobiliers.
Aux côtés de la police nationale, le projet de loi de finances pour 2026 permet un effort significatif au profit de la gendarmerie nationale, dont le budget progresse de 163 millions d'euros. Ces crédits viendront soutenir la création de 400 emplois nécessaires pour la continuité du programme, initié par le Président de la République, visant à créer de nouvelles brigades, dont 59 en 2026.
Les moyens humains seront également augmentés au travers de la hausse des crédits en faveur de la réserve opérationnelle – 100 millions d'euros en 2026 –, ce qui permettra le renforcement de sa présence sur la voie publique.
Il s'agit également de prolonger l'effort en matière immobilière, dont vous connaissez l'importance dans vos territoires, avec une augmentation de 100 millions d'euros des crédits dédiés par rapport à 2025. Le budget immobilier de la gendarmerie s'établira ainsi à 279 millions d'euros en crédits de paiement. À cela s'ajoute le lancement d'une consultation d'entreprises pour la rénovation du site de Satory, dans le cadre d'un partenariat public-privé (PPP) qui est intervenu à la suite de travaux interministériels.
Enfin, le PLF pour 2026 permettra l'acquisition de certains équipements prioritaires, tels que les véhicules de maintien de l'ordre.
La mission « Sécurités » comprend aussi le programme « Sécurité civile », qui augmente de 49,8 millions d'euros en crédits de paiement. Cette hausse doit financer la création de cinquante emplois nouveaux, nécessaires notamment pour poursuivre la montée en puissance du 4e Riisc à Libourne, l'acquisition de deux nouveaux canadairs, ou encore le renouvellement de la flotte d'hélicoptères.
Je conclurai mon propos en évoquant le programme « Sécurité et éducation routières », dont le budget est stable par rapport à 2025. L'objectif prioritaire demeure la diminution du délai de passage du permis de conduire. À cette fin, le projet de loi de finances prévoyait la création de dix emplois d'inspecteur du permis de conduire dans le cadre de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Le Sénat a décidé d'intensifier encore l'effort et adopté un amendement, samedi dernier, portant à vingt le nombre de créations d'emploi d'inspecteur du permis de conduire.
Comme vous pouvez le constater, le projet de loi de finances pour 2026 permet de porter nos ambitions en matière de renforcement de la sécurité de nos concitoyens et d'anticipation de la menace. Pour cette raison, il est important que les crédits de la mission et, plus largement, le projet de loi de finances pour 2026 soient adoptés.
J'ai bien entendu les diverses remarques que vous avez faites, mesdames, messieurs les sénateurs, et noté que de nombreux amendements déposés concernent ces questions ; j'aurai l'occasion d'y répondre point par point.
Permettez-moi de formuler quelques considérations d'ordre général.
Tout d'abord, je tiens à dire que l'impression de distorsion, dont il a été fait part, entre la gendarmerie et la police nationales, est erronée. En effet, dans la trajectoire de la Lopmi, notamment, la gendarmerie est mieux dotée que la police.
Pour 2026, les crédits de la gendarmerie nationale sont au-dessus de la trajectoire Lopmi de 158 millions d'euros, tandis que ceux de la police sont inférieurs de 40 millions d'euros. Cet effet de distorsion est une illusion liée à la présentation du projet de budget pour 2026 : l'effort fait pour la gendarmerie porte pour une grande part sur l'immobilier, et un peu moins sur les moyens mobiles – j'expliciterai ce point en donnant mon avis sur les différents amendements.
La fin de gestion 2025 de la gendarmerie nationale se caractérise par de nombreux achats de véhicule, qui vont lui permettre de rattraper son retard.
Cette impression, que je souhaite relativiser, est aussi due aux créations d'emploi. En effet, davantage d'emplois sont créés pour la police nationale parce qu'il convient de revaloriser la filière investigation et d'armer les CRA. Au passage, monsieur le sénateur Ian Brossat, cela n'a rien à voir avec une quelconque politique répressive : lorsque l'on crée des CRA, il faut les armer ; c'est aussi la raison pour laquelle il est prévu de créer 300 emplois pour la police aux frontières. Quant aux 400 emplois qui seront créés dans la gendarmerie, ils sont destinés à armer les brigades.
Je tenais donc à m'inscrire en faux concernant cette impression de distorsion.
Ensuite, et de manière plus générale, je vous confirme que le Beauvau de la sécurité civile donnera bien lieu à un texte, comme vous êtes nombreux à l'avoir appelé de vos vœux. Une discussion va donc s'engager sur la mise en œuvre de ce Beauvau, au cours duquel les questions de financement ne seront pas éludées.
Enfin, monsieur le sénateur Bitz, je vous confirme que nous avons bien une stratégie ministérielle pour les moyens aériens, notamment concernant la sécurité civile, comme l'avait d'ailleurs demandé la Cour des comptes en 2022.
Le ministère a donc créé en 2023 un comité stratégique des moyens aériens (CSMA) qui doit permettre de définir une stratégie conjointe entre la sécurité civile, la police et la gendarmerie. Nous disposerons en début d'année d'une première restitution de cette vision stratégique relative à nos moyens aériens, à un niveau interdirectionnel et sans doute interministériel. C'est un point important.
J'aurai également l'occasion, lors de l'examen des amendements, de répondre aux inquiétudes relatives aux hélicoptères de la gendarmerie nationale, des moyens qui sont intégrés à la réflexion stratégique ministérielle que je viens d'évoquer.
Concernant les questions qui portent sur les moyens matériels, j'y répondrai amendement par amendement – ceux-ci sont nombreux sur ces sujets – et je donnerai un certain nombre de précisions à cet égard.
Je tenais à apporter ces trois éclairages stratégiques, qui m'ont permis de vous répondre de manière plus globale sur le Beauvau de la sécurité civile, sur l'absence de distorsion entre les moyens de la police nationale et ceux de la gendarmerie nationale, et sur notre stratégie de gestion des moyens aériens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions.)