M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Même si, habituellement, je ne suis pas favorable à la multiplication des indicateurs, il pourrait en effet être intéressant d’avoir plus d’informations sur le nombre de décisions de retrait des conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile dans les documents budgétaires, afin d’apprécier l’évolution de l’enveloppe de dépenses de l’ADA.
Sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Je souhaite apporter une précision sur ce point.
En général, les indicateurs servent plutôt à apprécier les objectifs de politique publique. Or ces décisions de retrait des conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile relèvent de l’application pure et dure du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). Dans la mesure où il ne s’agit pas d’un objectif de politique publique, nous ne sommes pas dans le cadre de l’appréciation de sa mise en œuvre.
En outre, cela représenterait un travail supplémentaire considérable pour les agents de l’administration.
À mon sens, stricto sensu, les critères qui justifieraient des indicateurs de performance sur ces sujets ne sont pas remplis. Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, vous suggérez que ces éléments pourraient éclairer la représentation nationale.
Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer un article additionnel, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Après l’article 71
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-18 est présenté par Mme Ciuntu, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-1414 est présenté par MM. Margueritte et Bitz, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 71
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Devant la Cour nationale du droit d’asile, cette somme ne peut être supérieure à la part contributive de l’État. »
La parole est à Mme le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-18.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Mon intention n’est pas de porter atteinte à la rémunération des avocats, mais je constate que l’aide juridictionnelle et les frais irrépétibles versés par l’Ofpra sont devenus un vrai sujet financier, alors qu’ils n’étaient pas systématiquement demandés auparavant. En effet, ces frais irrépétibles ont doublé depuis 2021, passant de 4 millions à 8 millions d’euros. Ils représentent désormais le quatrième poste de dépenses de l’Ofpra et génèrent un déficit structurel qui n’est que partiellement compensé par une revalorisation de la subvention pour charge de service public.
En effet, les avocats des demandeurs d’asile tendent à préférer les frais irrépétibles, qui sont deux fois plus rémunérateurs que l’aide juridictionnelle. L’an passé, un seul et même avocat a touché 250 000 euros de frais irrépétibles de la part de l’Ofpra.
En réduisant par cet amendement les dépenses liées aux frais irrépétibles, nous créons, certes, une spécificité procédurale devant la CNDA ; mais le contentieux de l’asile est déjà particulier, dès lors que l’aide juridictionnelle est de droit devant cette juridiction.
L’adoption de cet amendement aura pour effet de générer 4 millions d’euros d’économies par an pour le budget de l’État.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-1414.
M. David Margueritte, rapporteur pour avis. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. En application de l’article 75 de la loi du 18 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’Ofpra est régulièrement condamné par la CNDA au versement de sommes correspondant aux frais exposés et non compris dans les dépens, dits « frais irrépétibles ». Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer cette somme.
En application de l’article 37 de cette même loi de 1991, les frais irrépétibles viennent remplacer l’indemnité versée au titre de l’aide juridictionnelle, à laquelle les avocats renoncent lorsque l’Ofpra est condamné. L’Ofpra assume ainsi le montant des honoraires d’avocat via cette condamnation aux frais irrépétibles, qui est de surcroît avantageuse d’un point de vue pécuniaire pour l’avocat, incité à solliciter ces frais. Estimés à 139 780 euros en 2016, ces frais pèsent désormais plus de 8 millions d’euros dans le budget de l’Ofpra.
Un régime dérogatoire en matière d’asile se justifie par la situation spécifique de l’Ofpra, dont la grande majorité des décisions de rejet, soit 83 % d’entre elles, font l’objet d’un recours, et par celle des requérants devant la CNDA, qui bénéficient de plein droit de l’aide juridictionnelle.
L’avis du Gouvernement est favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. L’objet de ces deux amendements identiques est plus important que le laissent entendre ses termes, assez peu compréhensibles pour des non-praticiens. En effet, il consiste, de manière totalement inédite dans notre droit, à plafonner les honoraires que les avocats peuvent demander au titre des procédures qu’ils engagent, à charge pour eux d’en convaincre le juge, ce qui n’a rien d’aisé, je peux vous l’assurer.
Ces honoraires couvrent notamment les frais de déplacement, alors que, depuis un an, la CNDA est déconcentrée sur cinq sites, répartis dans toute la France ; mais ils ont vocation à être plafonnés au montant de l’aide juridictionnelle.
Aujourd’hui, l’aide juridictionnelle pour ce type de recours est d’environ 600 euros, TVA incluse. J’indique qu’un cabinet a en général entre 40 % et 50 %, voire 60 %, de charges.
L’Assemblée nationale avait, l’année dernière, décidé de rehausser le plafond par un amendement conjoint Gosselin-Moutchou, en indiquant qu’il fallait que cette augmentation ne dépasse pas 150 % pour que le montant ne soit pas trop élevé. C’est, me semble-t-il, la sagesse même.
Pour conclure, d’une part, la CNDA a un taux de réformation important, de 20 % ; d’autre part, cet amendement n’est pas constitutionnel, car c’est un cavalier budgétaire.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je souscris à ce que vient d’expliquer Mme de La Gontrie, et j’ajouterai deux éléments.
Tout d’abord, sept chambres territorialisées de la CNDA ont récemment ouvert. Tout comme pour les CRA, j’ai aussi fait le tour des CNDA territorialisées : en discutant avec les magistrats et les présidents de ces juridictions, j’ai constaté qu’ils rencontraient deux problèmes principaux, notamment l’impossibilité de trouver localement des avocats qui puissent prendre en charge les affaires audiencées. Pour l’instant, ils peinent à constituer un réseau dans certains endroits. Or la mesure que vous proposez est un frein qui empêchera le bon développement de la territorialisation de la CNDA, qui est une mesure que le Gouvernement a lancée et que nous avons votée.
Ensuite, rien n’empêche de plafonner les honoraires d’avocat, mais alors, il faut le dire clairement. Et pourquoi ne pas plafonner aussi les dividendes des grands actionnaires ou les bénéfices des sociétés agroalimentaires ? Vous êtes pour la libre entreprise, me semble-t-il…
M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour explication de vote.
Mme Sophie Briante Guillemont. Les auteurs de ces deux amendements partent du constat que les frais irrépétibles pèsent de plus en plus dans le budget de l’Ofpra, et c’est vrai. Nous savons pourquoi : la CNDA condamne en effet de plus en plus fréquemment l’Ofpra au paiement de ces frais, ce qui relève de la libre appréciation du juge et de la Cour. (M. le rapporteur pour avis le conteste.). C’est ce qu’indique le rapport de la Cour des comptes sur le sujet.
En réalité, nous créerions une exception à une règle générale qui s’applique à tous les avocats, uniquement pour les avocats spécialisés en droit d’asile, et ce, pour des raisons purement budgétaires. Un tel motif ne nous semble pas valable pour orienter les politiques publiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-18 et II-1414.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 71.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Sécurités
Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, mes chers collègues, avant d’entamer l’examen des crédits de la mission « Sécurités », monsieur le ministre, j’aurai un mot particulier pour les forces de l’ordre que vous représentez,…
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Bruno Belin, rapporteur spécial. … notamment après ce qui s’est passé à Lyon samedi soir, des événements que je qualifierai d’inadmissibles. En ces moments difficiles, je voudrais donc exprimer, du haut de cette tribune, tout notre soutien à l’ensemble de nos forces de sécurité intérieure et leur adresser un message de solidarité après la diffusion de ce message fort malvenu dont ils ont été victimes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDPI et SER.)
Mes chers collègues, c’est un honneur pour moi d’ouvrir ce débat ce matin.
Les crédits de la mission « Sécurités » sont en hausse : ils tiennent compte des enjeux très forts auxquels sont confrontées la police nationale et la gendarmerie nationale. Ces crédits sont même largement supérieurs à ce que nous avions envisagé au moment de l’examen de la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi).
Le budget de la seule police nationale s’élève à près de 14 milliards d’euros. Il permet de financer la création d’un millier de postes, avec un effort plus marqué en matière d’investigation et aux frontières. Il faut dire, monsieur le ministre – et vous le savez mieux que quiconque –, que l’activité n’a pas faibli en 2025 : nos forces de sécurité ont été fortement mobilisées aux frontières, ainsi que pour lutter contre le narcotrafic et la criminalité organisée.
Ces moyens nouveaux pour la police nationale sont évidemment indispensables et bienvenus ; la hausse se concentrera essentiellement sur le renouvellement du parc automobile, l’immobilier et la transformation numérique.
Concernant la gendarmerie nationale, le montant des crédits prévus dépasse les 11 milliards d’euros. Ce budget permet de financer 400 créations de poste et de poursuivre l’effort engagé depuis déjà quelques mois dans le domaine immobilier. Nous en reparlerons probablement, puisqu’un amendement du rapporteur général vise à augmenter ces crédits…
Je formulerai quelques remarques s’agissant de la gendarmerie nationale – vous connaissez mon attachement à ce corps de militaires.
D’abord, les besoins dans le domaine immobilier étaient manifestes : cela fait plusieurs années que l’on note des retards dans l’avancée des programmes. C’est ce que j’ai appelé dans l’un de mes rapports la « dette grise », laquelle atteint plusieurs milliards d’euros. Ce plan pour l’immobilier, que la commission des finances a défini et décidé, était une priorité, même s’il a pu entraîner une compression des dépenses en faveur d’autres secteurs.
Le déploiement de 58 nouvelles brigades de gendarmerie en 2026 absorbera inévitablement une partie des moyens immobiliers et humains : la création de 400 équivalents temps plein (ETP) dans la gendarmerie servira essentiellement à « armer » ces nouvelles brigades, qui, bien qu’elles soient indispensables aux territoires, auraient dû ouvrir en 2025 – on observe un léger décalage dans le temps dans la mise en œuvre de ce plan.
Mes chers collègues, je vous rappelle, car je sais combien vous êtes attachés à la gendarmerie nationale, qu’en milieu rural cette dernière est la plus présente des forces de sécurité intérieure – c’est le cas sur plus de 80 % de notre territoire.
J’ai toutefois plusieurs points d’alerte.
Premier point d’alerte : si l’on peut saluer l’effort consenti dans le domaine immobilier, il faut rester attentif à la question des véhicules. Aujourd’hui, nous ne sommes en mesure d’acquérir que 600 à 700 véhicules supplémentaires pour l’ensemble du territoire, ce qui est très insuffisant, puisqu’il faudrait s’en procurer près de 3 000 pour couvrir les besoins d’une année ordinaire. Les années passées, nous renouvelions ce parc automobile à hauteur de 1 700 à 1 900 véhicules, un chiffre qui n’a fait que baisser.
Deuxième point d’alerte : la question des hélicoptères. La surveillance du territoire est l’une des principales missions de nos forces de sécurité. L’an dernier, un certain nombre d’hélicoptères ont été achetés, mais ceux-ci ont été exclusivement affectés à des missions de sécurité civile. Il est désormais indispensable de renouveler notre flotte : il est notamment temps de remplacer les hélicoptères Écureuil acquis il y a une cinquantaine ou une soixantaine d’années.
Troisième point d’alerte : les réserves. La réserve de la gendarmerie nationale dispose de moyens humains – comme, d’ailleurs, la police nationale. Aujourd’hui, les 40 000 à 50 000 volontaires sont là, mais il faut prévoir les moyens suffisants pour les armer, les équiper, les former et les accompagner. Monsieur le ministre, c’est l’un des aspects de ce budget sur lequel nous nous concentrerons ce matin.
Quatrième point d’alerte : les Famas, les fameux fusils d’assaut de la manufacture d’armes de Saint-Étienne,…
M. Pierre Jean Rochette. Bravo !
M. Bruno Belin, rapporteur spécial. … qui sont désormais complètement obsolètes et doivent donc être remplacés.
Cinquième et dernier point d’alerte : la lecture automatisée de plaques d’immatriculation (Lapi), qui fera du reste l’objet d’un débat, ici même, au Sénat, le 17 décembre prochain. En la matière, nous accusons un retard important par rapport à certains autres pays européens. Il s’agit pourtant d’un système indispensable, qui permet d’assurer la complète traçabilité des véhicules – et, j’y insiste, des seuls véhicules. Il conviendra d’accroître son financement pour rattraper notre retard et répondre à une demande nouvelle.
Je conclurai en disant quelques mots du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », couramment appelé « CAS Radars ».
En matière de sécurité routière, nous ne parvenons malheureusement pas à faire baisser le nombre de décès sur la route en deçà de cette barre dramatique des 3 000 morts. Nous ne sommes parvenus à passer sous cette barre qu’une seule fois ces dernières années : c’était en 2020, c’est-à-dire l’année du confinement lié à la crise de la covid-19.
Pour faire mieux, il faut davantage de prévention : je pense à une formation qui devrait être dispensée dès le collège. Il faudra trouver les moyens, en lien avec l’éducation nationale et les conseils départementaux, d’anticiper au mieux ces actions de prévention, seul moyen de parvenir à réduire la mortalité routière. De grandes mesures sont nécessaires : dois-je vous rappeler que le dernier grand plan sur la sécurité routière avait été initié par le président Chirac il y a une vingtaine d’années ? Il est temps de relancer un grand programme de sécurité routière.
Quoi qu’il en soit, les crédits du « CAS Radars » sont en légère progression. Je précise qu’un tiers seulement de cette enveloppe budgétaire revient aux collectivités territoriales, ce qui est dommage, monsieur le ministre, parce que ce sont elles qui financent le plus souvent, et plus généralement, les aménagements en matière de sécurité routière.
La commission des finances vous propose d’adopter l’ensemble des crédits de la mission « Sécurités », car ils permettent de répondre à une véritable attente et aux réels besoins de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer les sapeurs-pompiers, les personnels navigants, les formations militaires, les démineurs et les associations agréées de la sécurité civile.
Au-delà des questions budgétaires dont nous discutons aujourd’hui, notre modèle de sécurité civile repose avant tout sur la qualité des femmes et des hommes qui l’animent et l’incarnent au quotidien. C’est d’abord à leur courage, à leur sens de l’engagement et à leur disponibilité de chaque instant que l’on doit la force et la résilience d’un modèle français de la sécurité civile, de nouveau mis à l’épreuve en 2025. En effet, la violence du cyclone Chido qui a dévasté Mayotte ainsi que les mégafeux qui ont ravagé le sud de la France rappellent un impératif : la nécessité pour la sécurité civile de disposer de moyens humains et matériels adaptés pour faire face aux crises.
Pour ce faire, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une dotation de 995 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 860 millions d’euros en crédits de paiement (CP) en faveur du programme « Sécurité civile », ce qui représente une augmentation de 16 % en AE et de 6 % en CP par rapport à 2025.
Cependant, il faut appréhender ce budget de la sécurité civile dans une perspective pluriannuelle.
Sur la période 2023-2026, le montant des CP s’est stabilisé à environ 850 millions d’euros en moyenne, soit un niveau 40 % supérieur à celui qui avait été observé entre 2019 et 2022.
Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, cette augmentation pourrait surprendre ; elle est pourtant logique, et ce au moins pour deux raisons.
Tout d’abord, cette hausse des crédits doit être considérée comme nécessaire si l’on veut sauvegarder et mettre à niveau les moyens capacitaires, humains et matériels, de la sécurité civile afin de tenir compte de l’extension temporelle et géographique des risques climatiques.
J’en veux pour preuve les travaux du Sénat sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, ou encore sur les inondations survenues en 2023 et en 2024. Ces travaux ont mis en exergue le coût colossal que peut induire le manque de moyens de prévention et d’intervention face à l’intensification des aléas climatiques.
Ensuite, le budget du programme 161 « Sécurité civile » doit être examiné de façon transversale. Les moyens que l’on accorde à la sécurité civile sont en réalité mis au service d’un ensemble de politiques publiques.
Ainsi, le financement par la sécurité civile du matériel indispensable à la sécurisation de la Coupe du monde de rugby ou des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 a contribué à matérialiser une part des ambitions publiques en matière sportive.
Autre exemple, notre politique de cohésion et de solidarité nationale vis-à-vis des territoires ultramarins s’est traduite par la mobilisation exceptionnelle de la sécurité civile en Nouvelle-Calédonie puis à Mayotte, pour un coût dépassant les 130 millions d’euros en 2025.
Le budget de la mission « Sécurités » permet une mise à niveau de nos moyens capacitaires.
Je commencerai par évoquer la question du renouvellement de la flotte aérienne.
En 2025, la France a connu plus de 10 000 départs de feu, dont le mégafeu de l’Aude. En juillet, le sous-dimensionnement de la flotte d’avions bombardiers d’eau disponibles nous a malheureusement conduits à arbitrer entre des demandes simultanées d’opérations dans l’Aude et les Bouches-du-Rhône. Le risque de rupture capacitaire est donc avéré.
Dans ce contexte, j’insisterai sur trois points.
Premièrement, le renouvellement de la flotte d’hélicoptères se poursuit au rythme prévu.
Deuxièmement, le projet de loi de finances pour 2026 consacre la pérennisation des crédits alloués à la location d’aéronefs, à hauteur de 30 millions d’euros.
Troisièmement, l’intensité exceptionnelle de la saison des feux cet été a précipité la décision de commander deux nouveaux canadairs qui seraient livrés d’ici à 2033 – le présent projet de loi de finances prévoit 200 millions d’euros en AE pour financer leur achat.
Cependant, les moyens de la sécurité civile ne se résument pas aux aéronefs. J’en viens donc à un deuxième sujet, celui des pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) par l’acquisition de matériels cofinancés par l’État.
À la suite des incendies de 2022, une enveloppe de 150 millions d’euros en AE a été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2023, et ce pour mieux faire face aux feux de forêt. Je constate que la promesse est tenue. Le projet de loi de finances pour 2026 consacre ainsi 22 millions d’euros en CP à ces pactes capacitaires, tandis que 120 millions d’euros ont déjà été consommés depuis 2023. En juillet 2025, plus de 300 engins de lutte contre les feux de forêt avaient déjà été livrés dans les services d’incendie et de secours (SIS).
La récurrence des inondations constitue un second défi capacitaire. L’idée de pactes capacitaires pour les inondations a émergé, mais la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a privilégié l’investissement dans des moyens nationaux mobilisables dans les différents territoires, en fonction des besoins.
L’efficacité des interventions des acteurs de la sécurité civile repose en outre sur un ensemble de systèmes d’information. À l’occasion du congrès national des sapeurs-pompiers, que j’ai accueilli au Mans, l’Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) a pu procéder à une démonstration de l’outil NexSIS, projet de mutualisation des systèmes d’information des SIS, dont la valeur ajoutée opérationnelle est unanimement reconnue – sans compter que cette plateforme sera incontestablement une source d’économies.
Toutefois, alors que les SIS témoignent d’un enthousiasme certain, j’attire l’attention sur les sous-effectifs de l’agence, une situation qui menace l’avancement du projet, comme le confirme la Cour des comptes dans le rapport qu’elle a publié le 5 décembre.
Enfin, le Beauvau de la sécurité civile a conclu ses travaux au début du mois de septembre en présentant un rapport de synthèse qui compile des propositions de réformes aujourd’hui sujettes à des arbitrages interministériels. Le projet de loi de refondation de la sécurité civile continue donc de se faire attendre, alors que chacun reconnaît que le modèle de financement des SIS est à bout de souffle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, en remplacement de M. Henri Leroy, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)
Mme Muriel Jourda, en remplacement de M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens ce matin en remplacement de notre collègue rapporteur pour avis Henri Leroy, qui ne peut être présent.
Je ne ferai pas durer le suspense plus longtemps, car le temps nous est compté : la commission des lois a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Sécurités ».
Nous formulerons néanmoins deux réserves, que nous avons déjà émises il y a quelques instants et que vous partagez peut-être vous-même, monsieur le ministre…
En premier lieu, nous déplorons le déséquilibre de traitement entre les deux composantes des forces de sécurité intérieure : la police nationale semble en effet extrêmement favorisée par rapport à la gendarmerie nationale. Ce déséquilibre ne se corrige pas ; il s’accentue. Ainsi, 1 000 créations de poste en ETP sont prévues dans la police, contre 400 seulement dans la gendarmerie, ce qui risque d’obérer le déploiement dans les temps du plan de création des 239 nouvelles brigades.
En second lieu, on observe un autre déséquilibre, qui aurait pourtant dû être corrigé par la Lopmi, entre les dépenses de personnel et les dépenses d’investissement. Le rapporteur spécial de la commission des finances, Bruno Belin, s’en est ouvert : il y a des inquiétudes sur les moyens mobiles, ainsi que sur le parc des hélicoptères de la gendarmerie nationale, qui, en l’état, ne pourra pas être remplacé ni même amélioré, alors que cela s’impose.
Sous réserve de ces observations, la commission des lois a estimé que, de manière générale, la trajectoire de la Lopmi était respectée et c’est pourquoi, je le redis, elle a émis un avis favorable sur l’adoption de ces crédits, qui valent encouragement à poursuivre dans cette voie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme 161 relatifs aux moyens nationaux de la sécurité civile, qui connaissent une hausse significative de 16 % en autorisations d’engagement et de 6 % en crédits de paiement.
Ces montants sont à la hauteur de l’urgence en matière de modernisation et de renforcement des capacités opérationnelles de la sécurité civile.
Cette année encore, l’intensité de la saison des feux a en effet illustré la nécessité d’adapter nos moyens de lutte contre les incendies aux défis qu’engendre le changement climatique. En juillet notamment, la concomitance de plusieurs incendies a contraint les forces aériennes et terrestres à opérer de véritables arbitrages stratégiques, attestant, une fois de plus, la réalité de la menace de rupture capacitaire.
En réponse, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit l’acquisition de deux nouveaux avions bombardiers d’eau, ce dont nous pouvons nous réjouir.
Si les engagements du Président de la République en faveur du renouvellement de la flotte et son extension à seize appareils ne se sont pas encore concrétisés, cette nouvelle commande aura un effet concret sur notre capacité opérationnelle face aux crises.
Ce rajeunissement de notre flotte ne doit néanmoins pas nous faire oublier que des enjeux se posent en matière tant de souveraineté que d’approvisionnement. La longueur des délais et l’incertitude quant à la date effective de réception des avions sont ainsi imputables à la dépendance de la France et de ses voisins européens vis-à-vis d’une seule firme extraeuropéenne. Nous ne pouvons que souhaiter que se poursuive le travail engagé par le ministère et la Commission européenne pour identifier et faire émerger de nouveaux acteurs industriels sur notre territoire.
L’augmentation des crédits est également un signal positif pour la poursuite des chantiers structurants de modernisation de la sécurité civile. Je pense notamment au programme de renouvellement des hélicoptères, prévu par la Lopmi, qui porte déjà ses fruits, puisque le taux de disponibilité des appareils est en hausse depuis deux ans.
Le soutien de l’État à l’investissement des Sdis est également préservé, avec une enveloppe de 22 millions d’euros. Si ce montant est plus faible que les années précédentes, il demeure conforme aux engagements initiaux et ne remet pas en cause les cibles d’acquisition des matériels.
Le budget de la sécurité civile pour 2026 présente donc des garanties rassurantes face à la multiplication et à l’intensification des crises.
Toutefois, il n’élude pas les enjeux de gouvernance et de stratégie de long terme qui se présentent à notre modèle de sécurité civile. Alors que le Beauvau de la sécurité civile a présenté ses conclusions il y a maintenant trois mois, tous les acteurs de la chaîne opérationnelle demeurent ainsi dans l’attente d’une véritable réforme qui permettrait de retrouver pérennité et stabilité, et de redonner du sens à leur engagement. J’espère que le M. le ministre pourra nous éclairer à ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)


