Troisième point d'alerte : les réserves. La réserve de la gendarmerie nationale dispose de moyens humains – comme, d'ailleurs, la police nationale. Aujourd'hui, les 40 000 à 50 000 volontaires sont là, mais il faut prévoir les moyens suffisants pour les armer, les équiper, les former et les accompagner. Monsieur le ministre, c'est l'un des aspects de ce budget sur lequel nous nous concentrerons ce matin.
Le quatrième point d'attention concerne les Famas, les fameux fusils d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Étienne,…
M. Pierre Jean Rochette. Bravo !
M. Bruno Belin, rapporteur spécial. … qui sont désormais complètement obsolètes et doivent donc être remplacés.
Cinquième et dernier point de vigilance : la lecture automatisée de plaques d'immatriculation (Lapi), qui fera du reste l'objet d'un débat, ici même, au Sénat, le 17 décembre prochain. En la matière, nous accusons un retard important par rapport à certains autres pays européens. Il s'agit pourtant d'un système indispensable, qui permet d'assurer la complète traçabilité des véhicules – et, j'y insiste, des seuls véhicules. Il conviendra d'accroître son financement pour rattraper notre retard et répondre à une demande nouvelle.
Je conclurai en disant quelques mots du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », couramment appelé « CAS Radars ».
En matière de sécurité routière, nous ne parvenons malheureusement pas à faire baisser le nombre de décès sur la route en deçà de cette barre dramatique des 3 000 morts. Nous ne sommes parvenus à passer sous cette barre qu'une seule fois ces dernières années : c'était en 2020, c'est-à-dire l'année du confinement lié à la crise de la covid-19.
Pour faire mieux, il faut davantage de prévention : je pense à une formation qui devrait être dispensée dès le collège. Il faudra trouver les moyens, en lien avec l'éducation nationale et les conseils départementaux, d'anticiper au mieux ces actions de prévention, seul moyen de parvenir à réduire la mortalité routière. De grandes mesures sont nécessaires : dois-je vous rappeler que le dernier grand plan sur la sécurité routière avait été initié par le président Chirac il y a une vingtaine d'années ? Il est temps de relancer un grand programme de sécurité routière.
Quoi qu'il en soit, les crédits du « CAS Radars » sont en légère progression. Je précise qu'un tiers seulement de cette enveloppe budgétaire revient aux collectivités territoriales, ce qui est dommage, monsieur le ministre, parce que ce sont elles qui financent le plus souvent, et plus généralement, les aménagements en matière de sécurité routière.
La commission des finances vous propose d'adopter l'ensemble des crédits de la mission « Sécurités », car ils permettent de répondre à une véritable attente et aux réels besoins de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer les sapeurs-pompiers, les personnels navigants, les formations militaires, les démineurs et les associations agréées de la sécurité civile.
Au-delà des questions budgétaires dont nous discutons aujourd'hui, notre modèle de sécurité civile repose avant tout sur la qualité des femmes et des hommes qui l'animent et l'incarnent au quotidien. C'est d'abord à leur courage, à leur sens de l'engagement et à leur disponibilité de chaque instant que l'on doit la force et la résilience d'un modèle français de la sécurité civile, de nouveau mis à l'épreuve en 2025. En effet, la violence du cyclone Chido qui a dévasté Mayotte ainsi que les mégafeux qui ont ravagé le sud de la France rappellent un impératif : la nécessité pour la sécurité civile de disposer de moyens humains et matériels adaptés pour faire face aux crises.
Pour ce faire, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une dotation de 995 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 860 millions d'euros en crédits de paiement (CP) en faveur du programme « Sécurité civile », ce qui représente une augmentation de 16 % en AE et de 6 % en CP par rapport à 2025.
Cependant, il faut appréhender ce budget de la sécurité civile dans une perspective pluriannuelle.
Sur la période 2023-2026, le montant des CP s'est stabilisé à environ 850 millions d'euros en moyenne, soit un niveau 40 % supérieur à celui qui avait été observé entre 2019 et 2022.
Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, cette augmentation pourrait surprendre ; elle est pourtant logique, et ce au moins pour deux raisons.
Tout d'abord, cette hausse des crédits doit être considérée comme nécessaire si l'on veut sauvegarder et mettre à niveau les moyens capacitaires, humains et matériels, de la sécurité civile afin de tenir compte de l'extension temporelle et géographique des risques climatiques.
J'en veux pour preuve les travaux du Sénat sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, ou encore sur les inondations survenues en 2023 et en 2024. Ces travaux ont mis en exergue le coût colossal que peut induire le manque de moyens de prévention et d'intervention face à l'intensification des aléas climatiques.
Ensuite, le budget du programme 161 « Sécurité civile » doit être examiné de façon transversale. Les moyens que l'on accorde à la sécurité civile sont en réalité mis au service d'un ensemble de politiques publiques.
Ainsi, le financement par la sécurité civile du matériel indispensable à la sécurisation de la Coupe du monde de rugby ou des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 a contribué à matérialiser une part des ambitions publiques en matière sportive.
Autre exemple, notre politique de cohésion et de solidarité nationale vis-à-vis des territoires ultramarins s'est traduite par la mobilisation exceptionnelle de la sécurité civile en Nouvelle-Calédonie puis à Mayotte, pour un coût dépassant les 130 millions d'euros en 2025.
Le budget de la mission « Sécurités » permet une mise à niveau de nos moyens capacitaires.
Je commencerai par évoquer la question du renouvellement de la flotte aérienne.
En 2025, la France a connu plus de 10 000 départs de feu, dont le mégafeu de l'Aude. En juillet, le sous-dimensionnement de la flotte d'avions bombardiers d'eau disponibles nous a malheureusement conduits à arbitrer entre des demandes simultanées d'opérations dans l'Aude et les Bouches-du-Rhône. Le risque de rupture capacitaire est donc avéré.
Dans ce contexte, j'insisterai sur trois points.
Premièrement, le renouvellement de la flotte d'hélicoptères se poursuit au rythme prévu.
Deuxièmement, le projet de loi de finances pour 2026 consacre la pérennisation des crédits alloués à la location d'aéronefs, à hauteur de 30 millions d'euros.
Troisièmement, l'intensité exceptionnelle de la saison des feux cet été a précipité la décision de commander deux nouveaux canadairs qui seraient livrés d'ici à 2033 – le présent projet de loi de finances prévoit 200 millions d'euros en AE pour financer leur achat.
Cependant, les moyens de la sécurité civile ne se résument pas aux aéronefs. J'en viens donc à un deuxième sujet, celui des pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) par l'acquisition de matériels cofinancés par l'État.
À la suite des incendies de 2022, une enveloppe de 150 millions d'euros en AE a été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2023, et ce pour mieux faire face aux feux de forêt. Je constate que la promesse est tenue. Le projet de loi de finances pour 2026 consacre ainsi 22 millions d'euros en CP à ces pactes capacitaires, tandis que 120 millions d'euros ont déjà été consommés depuis 2023. En juillet 2025, plus de 300 engins de lutte contre les feux de forêt avaient déjà été livrés dans les services d'incendie et de secours (SIS).
La récurrence des inondations constitue un second défi capacitaire. L'idée de pactes capacitaires pour les inondations a émergé, mais la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a privilégié l'investissement dans des moyens nationaux mobilisables dans les différents territoires, en fonction des besoins.
L'efficacité des interventions des acteurs de la sécurité civile repose en outre sur un ensemble de systèmes d'information. À l'occasion du congrès national des sapeurs-pompiers, que j'ai accueilli au Mans, l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) a pu procéder à une démonstration de l'outil NexSIS, projet de mutualisation des systèmes d'information des SIS, dont la valeur ajoutée opérationnelle est unanimement reconnue – sans compter que cette plateforme sera incontestablement une source d'économies.
Toutefois, alors que les SIS témoignent d'un enthousiasme certain, j'attire l'attention sur les sous-effectifs de l'agence, une situation qui menace l'avancement du projet, comme le confirme la Cour des comptes dans le rapport qu'elle a publié le 5 décembre.
Enfin, le Beauvau de la sécurité civile a conclu ses travaux au début du mois de septembre en présentant un rapport de synthèse qui compile des propositions de réformes aujourd'hui sujettes à des arbitrages interministériels. Le projet de loi de refondation de la sécurité civile continue donc de se faire attendre, alors que chacun reconnaît que le modèle de financement des SIS est à bout de souffle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, en remplacement de M. Henri Leroy, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)
Mme Muriel Jourda, en remplacement de M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviens ce matin en remplacement de notre collègue rapporteur pour avis Henri Leroy, qui ne peut être présent.
Je ne ferai pas durer le suspense plus longtemps, car le temps nous est compté : la commission des lois a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission « Sécurités ».
Nous formulerons néanmoins deux réserves, que nous avons déjà émises il y a quelques instants et que vous partagez peut-être vous-même, monsieur le ministre…
En premier lieu, nous déplorons le déséquilibre de traitement entre les deux composantes des forces de sécurité intérieure : la police nationale semble en effet extrêmement favorisée par rapport à la gendarmerie nationale. Ce déséquilibre ne se corrige pas ; il s'accentue. Ainsi, 1 000 créations de poste en ETP sont prévues dans la police, contre 400 seulement dans la gendarmerie, ce qui risque d'obérer le déploiement dans les temps du plan de création des 239 nouvelles brigades.
En second lieu, on observe un autre déséquilibre, qui aurait pourtant dû être corrigé par la Lopmi, entre les dépenses de personnel et les dépenses d'investissement. Le rapporteur spécial de la commission des finances, Bruno Belin, s'en est ouvert : il y a des inquiétudes sur les moyens mobiles, ainsi que sur le parc des hélicoptères de la gendarmerie nationale, qui, en l'état, ne pourra pas être remplacé ni même amélioré, alors que cela s'impose.
Sous réserve de ces observations, la commission des lois a estimé que, de manière générale, la trajectoire de la Lopmi était respectée et c'est pourquoi, je le redis, elle a émis un avis favorable sur l'adoption de ces crédits, qui valent encouragement à poursuivre dans cette voie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits du programme 161 relatifs aux moyens nationaux de la sécurité civile, qui connaissent une hausse significative de 16 % en autorisations d'engagement et de 6 % en crédits de paiement.
Ces montants sont à la hauteur de l'urgence en matière de modernisation et de renforcement des capacités opérationnelles de la sécurité civile.
Cette année encore, l'intensité de la saison des feux a en effet illustré la nécessité d'adapter nos moyens de lutte contre les incendies aux défis qu'engendre le changement climatique. En juillet notamment, la concomitance de plusieurs incendies a contraint les forces aériennes et terrestres à opérer de véritables arbitrages stratégiques, attestant, une fois de plus, la réalité de la menace de rupture capacitaire.
En réponse, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit l'acquisition de deux nouveaux avions bombardiers d'eau, ce dont nous pouvons nous réjouir.
Si les engagements du Président de la République en faveur du renouvellement de la flotte et son extension à seize appareils ne se sont pas encore concrétisés, cette nouvelle commande aura un effet concret sur notre capacité opérationnelle face aux crises.
Ce rajeunissement de notre flotte ne doit néanmoins pas nous faire oublier que des enjeux se posent en matière tant de souveraineté que d'approvisionnement. La longueur des délais et l'incertitude quant à la date effective de réception des avions sont ainsi imputables à la dépendance de la France et de ses voisins européens vis-à-vis d'une seule firme extraeuropéenne. Nous ne pouvons que souhaiter que se poursuive le travail initié par le ministère et la Commission européenne pour identifier et faire émerger de nouveaux acteurs industriels sur notre territoire.
L'augmentation des crédits est également un signal positif pour la poursuite des chantiers structurants de modernisation de la sécurité civile. Je pense notamment au programme de renouvellement des hélicoptères, prévu par la Lopmi, qui porte déjà ses fruits, puisque le taux de disponibilité des appareils est en hausse depuis deux ans.
Le soutien de l'État à l'investissement des Sdis est également préservé, avec une enveloppe de 22 millions d'euros. Si ce montant est plus faible que les années précédentes, il demeure conforme aux engagements initiaux et ne remet pas en cause les cibles d'acquisition des matériels.
Le budget de la sécurité civile pour 2026 présente donc des garanties rassurantes face à la multiplication et à l'intensification des crises.
Toutefois, il n'élude pas les enjeux de gouvernance et de stratégie de long terme qui se présentent à notre modèle de sécurité civile. Alors que le Beauvau de la sécurité civile a présenté ses conclusions il y a maintenant trois mois, tous les acteurs de la chaîne opérationnelle demeurent ainsi dans l'attente d'une véritable réforme qui permettrait de retrouver pérennité et stabilité, et de redonner du sens à leur engagement. J'espère que le M. le ministre pourra nous éclairer à ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 158 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement, la gendarmerie nationale voit sa trajectoire budgétaire maintenue, même si le ralentissement est marqué par rapport au précédent budget.
Une très grande partie de cette hausse est absorbée par l'investissement immobilier, dont la relance se confirme avec 104 millions d'euros supplémentaires. Ainsi, 278 millions d'euros seront engagés en crédits de paiement, et plus de 350 millions le seront en autorisations d'engagement. C'est évidemment une très bonne nouvelle, après les alertes émises par le Sénat, et notamment par notre collègue Bruno Belin dans son rapport d'information de 2024, mais la question du rattrapage de ces nombreuses années de sous-investissement n'est pas résolue : rappelons que l'on estime les besoins annuels à 400 millions d'euros.
Autre bonne nouvelle, la possible mise en place d'une nouvelle forme de montage financier pour les constructions de caserne : la location avec option d'achat. Dans ce système, une fois que les coûts de construction sont amortis par le bailleur, la caserne revient en propriété à la gendarmerie.
Une telle formule aurait l'avantage d'enrayer l'inflation du locatif, une pelote qui grossit d'année en année pour atteindre 628 millions d'euros dans le cadre de ce projet de loi de finances. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire à quelle échéance ces travaux aboutiront ? Peut-on espérer un décret dans le courant de l'année 2026 ?
Malheureusement, l'augmentation des crédits dédiés à l'investissement immobilier se paie sur les autres postes. À commencer par les moyens mobiles : seuls 600 véhicules légers seront acquis en 2026, soit l'équivalent de 16 % des besoins actuels, qui sont estimés à 3 750 véhicules par an pour éviter un vieillissement du parc automobile. C'est évidemment tout à fait insuffisant.
Concernant les moyens aériens, le constat est analogue : le parc est vieillissant, avec des performances qui baissent et des coûts de maintenance qui augmentent. Les vingt-six hélicoptères de type Écureuil devront être retirés du service entre 2028 et 2030, les EC135 en 2035, alors que seuls seize nouveaux hélicoptères sont attendus dans les prochains mois.
Il est par conséquent impératif d'activer, avant février 2027, la clause ayant pour objet la livraison de vingt-deux hélicoptères H145 complémentaires, prévue par un contrat passé à la fin de 2023 avec Airbus Helicopters. À défaut, les conditions du contrat seront obsolètes et des sections aériennes devront être fermées.
Monsieur le ministre, cela représente une dépense de 355 millions d'euros. Allez-vous engager cette somme avant la date prévue ?
Je terminerai en disant un mot des fusils d'assaut Famas, dont le remplacement est urgent : l'armée cessera d'assurer leur maintenance à compter de 2026. À quelle échéance leur remplacement, dont le coût est estimé à 110 millions d'euros, est-il envisagé ?
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a, sur notre recommandation, émis un avis favorable sur l'adoption des crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale », malgré, vous l'aurez compris, de fortes inquiétudes quant au mur d'investissement qui se profile à court terme et malgré les trois interrogations dont je viens de vous faire part. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jérôme Darras, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue corapporteur spécial et moi-même avons choisi, cette année, de consacrer le volet thématique de notre rapport aux outre-mer.
La gendarmerie nationale est notre première et parfois seule force de souveraineté dans les territoires ultramarins, où elle couvre 70 % de la population et 99 % de la superficie. Elle y assume donc un rôle de premier plan, notamment de cheffe de file dans certaines structures interservices comme les antennes de l'Office anti-stupéfiants (Ofast). Elle y a entamé une coopération très poussée avec les forces armées, notamment en Guyane où un état-major commun a été formé dans le cadre de l'opération Harpie contre l'orpaillage illégal. Elle est enfin engagée dans la coopération internationale de proximité avec les pays voisins.
Les outre-mer ont des particularités géographiques très marquées ; ils se caractérisent par une délinquance liée à leur exposition aux flux croissants des trafics internationaux et une récurrence des crises, qu'elles soient sociales, économiques, politiques ou climatiques.
Ces événements ont une influence sur le modèle d'emploi de la gendarmerie, qui a pu se livrer, en Nouvelle-Calédonie notamment, à des engagements d'un niveau quasi militaire. Ils expliquent aussi le poids particulièrement significatif des outre-mer dans son action et son organisation.
Actuellement, environ 4 300 gendarmes sont déployés dans ces territoires, auxquels il faut ajouter, en temps normal, vingt-deux escadrons de gendarmerie mobile qui assurent, outre les renforts en cas de troubles à l'ordre public, des missions de gendarmerie départementale.
Ce système de renfort modulable – jusqu'à trente-deux escadrons se sont déployés au plus fort des troubles en Nouvelle-Calédonie – s'est révélé pertinent pour répondre aux crises, mais il a atteint ses limites. Il n'est pas exagéré de dire que la gendarmerie mobile est épuisée, ce que reflète le stock très important de congés non pris par les gendarmes.
Ces crises ont un effet d'éviction très important sur les dépenses du programme : le cyclone Chido à Mayotte, ce sont 66 millions d'euros supplémentaires ; les événements en Nouvelle-Calédonie, ce sont 127 millions d'euros en crédits de paiement pour la seule année 2025.
Quant aux moyens matériels, ils sont insuffisants – comme l'a bien expliqué mon collègue Philippe Paul –, mais davantage encore qu'en métropole. Les besoins immobiliers sont estimés par le commandement de la gendarmerie d'outre-mer à pas moins de 900 millions d'euros. Plusieurs sections aériennes ne disposent que d'un seul hélicoptère ; or ces appareils sont de plus en plus fréquemment immobilisés pour maintenance, alors qu'ils sont particulièrement indispensables dans l'environnement ultramarin.
En conclusion, la gendarmerie de l'outre-mer fait face, mais de manière exacerbée, aux mêmes défis qu'en métropole et se trouve souvent en première ligne, au regard des menaces sécuritaires auxquelles la France est confrontée. Il est donc indispensable de donner à la gendarmerie, là-bas comme ailleurs, les moyens suffisants pour remplir ses missions. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE. – MM. Marc Laménie et Georges Naturel applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Olivia Richard et M. Marc Laménie applaudissent également.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le périmètre de la mission « Sécurités » inclut la sécurité intérieure, la lutte contre la délinquance, la protection des populations et les capacités de gestion de crise, qui sont autant de politiques essentielles pour notre pays dans un seul budget !
Ces actions fondamentales pour la société sont au cœur des prérogatives de l'État régalien. Notre main ne doit donc pas trembler au moment de leur allouer des moyens ambitieux.
Certes, les crédits de la mission sont en augmentation, mais il convient d'entrer dans le détail.
Les hausses de crédits consacrés au programme 176 « Police nationale » et au programme 152 « Gendarmerie nationale » se concentre sur le schéma d'emploi, en donnant la priorité aux filières investigation et police judiciaire, fortement mobilisées dans la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée.
Toutefois, l'objectif qui figure dans la Lopmi de rééquilibrer les dépenses au profit de l'investissement et du fonctionnement n'est pas toujours atteint.
Or on ne peut pas augmenter les dépenses de personnel sans renforcer nos efforts dans les domaines de l'immobilier, de l'automobile, de la formation et de l'équipement numérique.
Une fois de plus, la police nationale est largement privilégiée par rapport à la gendarmerie en termes de créations de poste. Nous avions pourtant alerté sur les conséquences de l'essor du narcotrafic dans nos territoires ruraux. Car, je vous le rappelle, le combat contre le trafic de drogue ne se gagnera pas seulement dans les grandes villes !
Par ailleurs, le manque de moyens octroyés par l'État dans les zones rurales a un impact sur les finances locales. Les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) déployés par les communes pour compenser le désengagement de l'État sont une charge supplémentaire pour celles-ci.
Enfin, je constate qu'une fois encore la question de la formation des policiers et des gendarmes n'est pas prise à bras-le-corps. Le Sénat a déjà alerté sur la faiblesse chronique de la formation initiale : aucune solution pérenne n'a été proposée à ce jour.
J'en viens maintenant à la sécurité civile, et en particulier à nos sapeurs-pompiers.
À cet égard, je souhaite saluer l'adoption en première partie de l'amendement de mon collègue Philippe Grosvalet et du groupe RDSE visant à revaloriser la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA), qui est allouée aux départements pour financer les Sdis.
Mes chers collègues, monsieur le ministre, je vous invite à la plus grande vigilance quant au maintien de cet amendement dans le texte final du projet de loi de finances. Toutefois, si cette disposition était attendue depuis longtemps, personne ne peut croire qu'elle suffira à répondre à la question du manque d'engagement en faveur de nos pompiers et du manque de reconnaissance à leur égard.
Chaque année, nous perdons des effectifs. Quand en prendra-t-on conscience ? Faut-il demander un énième rapport qui traînera encore sur nos étagères ?
Le programme 161 « Sécurité civile » fait certes l'objet d'une hausse de crédits, mais elle est principalement liée à la commande de deux nouveaux avions bombardiers d'eau. Or il est également nécessaire d'investir dans le matériel quotidien de nos casernes.
Au-delà de cet effort immédiat, le Beauvau de la sécurité civile a mis en évidence la nécessité de trouver un nouveau modèle de financement. Il convient de rappeler que le financement des Sdis, en particulier les coûts de fonctionnement, est supporté par les seuls départements, communes et intercommunalités.
La mutation et l'intensification des risques climatiques nous obligent à adapter notre modèle français de sécurité civile. Puissions-nous le faire de façon concertée et non dans l'urgence !
Un an après le Beauvau de la sécurité civile, nous attendons toujours le projet de loi sur la sécurité civile. Mes chers collègues, sortons des constats et agissons !
Notre groupe ne saurait en l'état apporter un soutien plein et entier aux crédits de cette mission. En effet, leur manque d'ambition est en décalage avec l'importance pour nos concitoyens des actions menées par nos forces de l'ordre et de la sécurité civile.
J'en profite pour saluer toutes ces femmes et tous ces hommes pour leur engagement quotidien, qu'ils soient professionnels ou volontaires, car nous leur devons beaucoup.
Nous appelons à un sursaut : nos débats doivent déboucher sur une réelle revalorisation de ces crédits.
Toutefois, quand bien même ce ne serait pas le cas, le groupe RDSE ne voterait pas contre les crédits de cette mission, compte tenu de la nécessité de les adopter.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur trois des quatre programmes composant la mission « Sécurités » : le programme 176 « Police nationale », le programme 152 « Gendarmerie nationale », et le programme 207 « Sécurité et éducation routières ». Je laisse à mon collègue Olivier Bitz le soin d'évoquer le programme 161 « Sécurité civile ».
Avant d'entrer dans le détail de ces crédits, je souhaite rendre hommage au travail des policiers et des gendarmes, qui veillent en permanence sur la sécurité de nos concitoyens. Leur professionnalisme, leur engagement et leur sens du devoir sont exemplaires, dans un contexte marqué par une violence toujours accrue, à l'image du fléau du narcotrafic.
J'ai également une pensée particulière pour tous les policiers et gendarmes qui ont été blessés ou agressés dans l'exercice de leur mission.
J'en viens maintenant aux moyens que nous devons donner à celles et ceux qui assurent notre sécurité et notre protection.
Comme l'ont relevé les orateurs précédents, les crédits alloués aux forces de l'ordre font l'objet d'une augmentation globale de 2,6 milliards d'euros, ce qui mérite d'être souligné en cette période de fortes contraintes budgétaires.
Nous devons cette mansuétude à la Lopmi du 24 janvier 2023, qui a garanti le maintien du budget du ministère de l'intérieur.
Ainsi, pour 2026, le programme 176 est en hausse de 515 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 427 millions d'euros en crédits de paiement.
En revanche, le programme 152 enregistrera une baisse de 168 millions d'euros en autorisations d'engagement et une augmentation limitée à 200 millions d'euros en crédits de paiement.
Depuis 2009, année du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, une disparité budgétaire subsiste. Pour reprendre la remarque du rapporteur pour avis de la commission des lois, notre collègue Henri Leroy, dont je tiens à saluer le travail, il est étonnant que les augmentations annuelles de crédits ne soient pas réparties de manière équitable.
Même si les deux corps rencontrent des difficultés comparables en matière d'équipement et de conditions de travail, la gendarmerie en ressent souvent les effets de manière plus aiguë.
Sur le plan matériel, ces difficultés portent notamment sur le renouvellement du parc de véhicules terrestres et d'hélicoptères, ainsi que sur l'entretien du patrimoine immobilier.
Mais c'est surtout sur le plan humain que les inquiétudes sont les plus vives.
Lors de son audition, le directeur général de la gendarmerie nationale nous a alertés sur la dégradation du moral des troupes, ainsi que sur des problèmes de recrutement. En effet, s'il est prévu de créer 400 ETP en 2026 pour former 58 nouvelles brigades dans le cadre du plan 239 brigades, cela ne suffira pas à résorber le retard que nous avons pris en ne créant aucun poste en 2025. L'objectif final de 3 450 ETP à l'horizon 2027 ne sera donc pas atteint.
Un autre sujet d'inquiétude pour les gendarmes, qui me tient particulièrement à cœur, est celui de la réserve opérationnelle. L'objectif ambitieux de 50 000 réservistes d'ici à 2027 peut être atteint, puisque le seuil de 37 000 vient d'être franchi. Toutefois, faute de crédits suffisants pour les rémunérer, il arrive encore trop souvent que ces réservistes ne puissent pas être déployés en mission.
Pour terminer sur ces deux programmes, je tiens à rappeler l'importance croissante du rôle des collectivités locales en matière de sécurité du quotidien. En quelques années, la police municipale est devenue un acteur essentiel, et nous examinerons au début du mois de février un projet de loi qui renforcera encore son rôle.