M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Action extérieure de l'État », qui regroupe des crédits affectés en partie au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a vocation à financer les actions par lesquelles la France fait entendre sa voix au plan international.

La France, chacun le sait, est un vieux pays, d'un vieux continent, comme l'avait déclaré un ancien ministre des affaires étrangères aux intérêts aujourd'hui dévoyés. La voix et la place de notre pays ont toujours compté : son histoire et ses affects traversant les continents et les cultures, il se doit d'assurer sa présence singulière sur l'échiquier mondial.

Les crédits de la présente mission financent notamment les administrations chargées des questions européennes, si centrales et, surtout, si invasives dans la conduite de nos politiques nationales et internationales.

Participant modestement à l'effort de redressement des comptes publics, cette mission voit ses crédits simplement stabilisés. Pour notre part, nous estimons qu'avant d'envisager de réduire les prestations ou de ponctionner davantage les revenus de nos compatriotes, il conviendrait que les administrations et la technostructure soient en première ligne de l'effort de réduction de la dépense publique.

Nous défendrons donc deux amendements visant, pour le premier, à rationaliser certains crédits et, pour le second, à supprimer une aide publique que nous jugeons indue, afin de contribuer plus sérieusement au rétablissement budgétaire.

L'examen des présents crédits ne saurait toutefois se réduire à une simple opération comptable. Après deux quinquennats, il faut oser interroger la pertinence de la politique internationale conduite par la France. Or force est de constater que, presque partout, notre influence recule.

En Afrique, notre zone d'influence traditionnelle est désormais réduite à néant. Depuis le départ de nos courageux soldats, la situation de l'Ouest du continent s'est considérablement dégradée, en raison notamment du déploiement d'influences étrangères, en particulier russe, que nous dénonçons.

En Amérique, la doctrine Trump a réaffirmé un isolationnisme ferme. La voix de la France, qui était déjà modeste, y est devenue marginale.

En Asie, où nous pouvons compter sur quelques alliés, comme l'Inde, la Chine, conquérante et innovante, s'affirme comme un concurrent géostratégique majeur. Nous ne pouvons que déplorer qu'en dépit de nos alertes constantes depuis des décennies, l'ouverture généralisée des frontières au commerce et une politique industrielle et économique de courte vue nous aient placés dans la main d'un régime aux intentions pas toujours bienveillantes envers la France et le vieux continent.

Dans l'Union européenne, enfin, toutes les rodomontades présidentielles n'ont absolument rien changé. L'autonomie stratégique rime avec vassalisation américaine. Pis encore, alors que les socio-démocrates danois qui président le Conseil européen souhaitent convaincre les États membres d'adopter une politique migratoire plus restrictive, afin de limiter l'arrivée massive d'illégaux sur notre continent, nous apprenons dans la presse que deux pays seulement s'y opposent : l'Espagne socialo-communiste et la France macroniste, et ce dans la plus grande opacité, dans le plus grand déni des aspirations démocratiques de notre peuple et à rebours des déclarations du Gouvernement. Je souhaite que vous rendiez compte au Parlement de ce positionnement, monsieur le ministre.

Pour terminer, à l'heure des empires, des conflits et du retour de l'histoire, l'heure n'est plus de multilatéralisme béat : elle est au retour des rapports entre nations souveraines et autonomes, seules aptes à garantir la stabilité dans un monde redevenu dangereux.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », cela revient, me semble-t-il, à répondre à deux questions fondamentales : l'influence de la France est-elle préservée ? Nos compatriotes sont-ils suffisamment soutenus et protégés ? Influence et protection font en effet tout le sens des missions du Quai d'Orsay.

Après l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », en baisse de 16 %, on est tenté de penser : ouf ! l'action extérieure de la France est préservée.

Dans un sens, c'est exact : les crédits cette mission sont en très légère baisse par rapport à l'année dernière, ce qui, dans le contexte budgétaire actuel, n'est pas peu de chose, et je sais que nous vous le devons, monsieur le ministre.

Ces crédits sont toutefois en nette diminution par rapport à 2024, puisqu'ils auront baissé de 4 % en deux ans. Or dans une période aussi troublée sur le plan international que celle que nous connaissons, une telle baisse interroge.

L'influence de la France est-elle toujours une priorité pour notre pays ? Notre faculté à nous intéresser au monde qui nous entoure est-elle toujours bien là ? Ne sommes-nous pas en train de nous renfermer sur nous-mêmes ?

D'un examen plus minutieux, il ressort que le seul programme réellement préservé est le programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », dont les crédits sont en hausse de près de 2 %. Les crédits des deux autres programmes reculent en revanche, de 1 % pour le programme 151, « Français à l'étranger et affaires consulaires » et de 7 % pour le programme 185, « Diplomatie culturelle et d'influence ».

C'est un problème : le Gouvernement choisit de faire peser l'essentiel de la contrainte budgétaire sur l'éducation et la culture, c'est-à-dire sur l'avenir et l'ouverture d'esprit. Pour le groupe du RDSE, il s'agit d'une erreur stratégique.

Permettre à moins d'étudiants de venir faire leurs études supérieures en France, alors qu'ils y deviendront francophiles à vie, ne contribuera pas à renforcer notre rayonnement. Diminuer, une fois encore, le budget de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui coordonne nos lycées français dans le monde, revient à obérer lourdement notre influence future.

Monsieur le ministre, vous êtes de ceux qui sont les mieux à même de mesurer ce que la France représente dans le monde. Cette influence ne vient pas de nulle part : elle a été construite, pensée. Elle se fonde sur les politiques publiques que nous avons déployées et sur les instruments que nous avons construits. Le réseau des établissements scolaires d'enseignement français à l'étranger est l'un de ces instruments.

L'AEFE a deux missions : l'éducation des enfants français établis hors de France et la diplomatie d'influence à laquelle concourt l'accueil d'élèves étrangers. Fort de 600 établissements, notre réseau scolarise 400 000 élèves.

La communauté des anciens élèves des lycées français compte pour sa part plus de 800 000 membres, dont un ancien Premier ministre du Québec, un autre d'Égypte, plusieurs ministres en Espagne, au Chili, au Mexique, des conseillers du roi du Maroc, mais aussi cinq lauréats du prix Goncourt, plusieurs patrons d'entreprises du CAC 40 et des dizaines d'acteurs et d'artistes.

On ne peut pas se féliciter collectivement, le dimanche soir sur France 2, de la francophilie de Jodie Foster, sans prendre en considération les années qu'elle a passées au lycée français de Los Angeles. Et sans le lycée français de Rabat, Leïla Slimani ne serait peut-être pas la même écrivaine.

Peut-on sincèrement estimer qu'il est trop cher d'allouer 400 millions d'euros par an à un tel instrument d'influence et de rayonnement ?

Les lycées français à l'étranger sont l'un de ces instruments dont on peut être fiers et qui, dans le monde entier, font dire que la France est tout de même un grand pays.

Et pourtant, qu'a-t-on fait de l'AEFE ? Depuis des années, l'État s'est désengagé financièrement. Le budget alloué à l'Agence devrait en effet baisser de 63 millions d'euros en deux ans, dont 25 millions d'euros seulement pour 2026.

Or l'AEFE a atteint un point critique : entre le poids exponentiel des pensions civiles, les coupes budgétaires annoncées, les coupes surprises et les coûts liés aux différentes réformes à appliquer, l'Agence ne s'en sort plus.

Pour sortir la tête de l'eau, la seule solution, qui est aussi la plus simple, a toujours consisté à faire peser la contrainte financière sur les parents d'élèves. Mais l'augmentation des frais de scolarité a atteint ses limites.

La preuve en est que les Français de l'étranger demandent désormais moins de bourses scolaires, ce qui conduit à une diminution du budget qui leur est alloué. Le reste à charge est en effet devenu trop élevé pour les familles les plus fragiles, tandis que le barème des bourses, dont nous demandons la révision depuis des années, ainsi que le seuil de patrimoine excluent les classes moyennes. Les familles françaises en sont ainsi réduites à arbitrer lequel de leurs enfants ira au lycée français.

Est-ce une bonne manière de soutenir nos compatriotes ? Je ne le crois pas…

L'AEFE doit aujourd'hui rendre des comptes à la direction générale de la mondialisation (DGM) et engager une réforme en profondeur, dont on regrette qu'elle doive être conduite dans l'urgence, alors que la fragilité de l'AEFE est connue depuis longtemps.

Si cette démarche est salutaire et que le modèle doit être repensé, permettez-moi de vous livrer ma conviction profonde, monsieur le ministre : le réseau des lycées français dans le monde tel qu'on le connaît ne survivra pas sans un réengagement de l'État.

On peut naturellement lui demander de se réorganiser et de faire des économies, mais sur le fondement d'une trajectoire budgétaire crédible qui, aujourd'hui, fait défaut.

L'excellent niveau des lycées français dépend d'une ressource fondamentale : les professeurs issus de l'éducation nationale. Or nous nous acheminons vers un modèle au sein duquel la part des enseignants détachés diminuera considérablement, ce qui aura des conséquences pédagogiques.

Si elles peuvent paraître négligeables, les coupes budgétaires de court terme s'accumulent et emportent des conséquences de long terme.

Il en va de même de toutes les contributions internationales, obligatoires ou volontaires, que nous ne versons plus, ou moins : dans les années qui viennent, la place de la France dans les organisations internationales et le nombre de postes à responsabilité confiés à nos ressortissants iront en diminuant. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.

Afin de signifier son refus de toute nouvelle amputation de notre influence en général et du budget de l'AEFE en particulier, le RDSE s'abstiendra de voter les crédits de la présente mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer votre engagement, monsieur le ministre.

Depuis plus d'un an, vous avez pris des initiatives structurantes, indispensables à la souveraineté diplomatique de la France : le compte de riposte French Response contre les campagnes de désinformation, un plan sans précédent de lutte contre les réseaux de narcotrafiquants, ainsi que des assises consacrées à la diplomatie parlementaire, d'une part, et à la coopération décentralisée, d'autre part.

Ce faisant, vous dessinez les contours d'une diplomatie moderne, offensive, lucide, alignée sur les réalités géopolitiques contemporaines.

Il y a deux ans, nous célébrions, ici même, au Sénat, le réarmement diplomatique voulu par le Président de la République.

Or aujourd'hui, avec 3,45 milliards d'euros en autorisations d'engagement supplémentaires, les crédits de la présente mission augmentent de manière purement symbolique, à hauteur de 0,01 %.

Soyons clairs : c'est trop faible pour un pays qui prétend incarner une puissance d'équilibre.

Pourtant, moins de trois ans après le lancement de l'agenda de transformation du Quai d'Orsay, 85 % des recommandations ont été mises en œuvre. Cet effort méthodique, rigoureux, commence à produire des résultats visibles. Il ne mérite certainement pas d'être fragilisé et doit, au contraire, être consolidé.

La diplomatie est à la défense ce que la justice est à l'intérieur : un complément indispensable. Comment justifier qu'une augmentation massive des budgets militaires s'accompagne d'une compression des crédits alloués à l'action extérieure, alors même que la guerre est revenue au cœur du continent européen, que les ingérences s'accumulent et que les crises climatiques, sécuritaires ou énergétiques affectent déjà nos concitoyens ?

Pour cette raison, le groupe Union Centriste refuserait toute coupe supplémentaire dans les crédits cette mission.

Dans un contexte où la manipulation de l'information se professionnalise, où les ingérences étrangères deviennent systémiques, l'audiovisuel extérieur mérite plus que jamais notre soutien. Notre diplomatie ne peut se contenter d'être institutionnelle : elle doit également être stratégique, numérique, proactive.

Je tiens donc à saluer l'effort consenti en matière de communication stratégique. Les crédits alloués à la DPC atteindront près de 16 millions d'euros, ce qui permettra notamment de déployer dans nos postes des outils modernes de veille et de réponse informationnelle.

Dans ce combat, France Médias Monde et TV5 Monde jouent un rôle essentiel : promotion de la langue française, pluralisme culturel, lutte contre la désinformation. Si on les compare à ceux de leurs équivalents internationaux, leurs financements demeurent pourtant insuffisants. Il est temps de traiter cet outil non plus comme un poste variable, mais comme un véritable pilier d'influence.

Je tiens également à saluer la décision d'organiser au Kenya le Sommet Afrique-France qui se tiendra en 2026. Le choix d'un pays anglophone constitue un signal politique fort, celui d'une stratégie africaine réorientée vers le partenariat, l'ouverture et la coopération économique.

Je reviens d'ailleurs de Nairobi, où, pour la sixième fois cette année, j'ai participé à une réunion régionale des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) J'ai pu y mesurer toute l'importance de ce sommet.

Les CECF, tout comme les représentants des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, constituent une formidable source d'inspiration pour notre action au Parlement et en faveur de la diplomatie économique. Je leur adresse toute ma gratitude pour ce qu'ils font chaque jour pour la France et pour nos partenaires dans leur pays d'accueil.

J'en viens au programme 151, « Français à l'étranger et affaires consulaires ». Avec ma collègue Olivia Richard, si nous sommes évidemment préoccupés par la diminution globale des crédits de ce programme, nous nous réjouissons de la hausse de 11,5 % des crédits consulaires.

M. Olivier Cadic. Il s'agit en effet d'un investissement utile : état civil numérique, vote par internet, dématérialisation du renouvellement des passeports. Ces avancées ne sont pas symboliques ; elles contribuent à améliorer concrètement et durablement la vie de nos compatriotes établis hors de France.

Je tiens aussi à saluer le leadership de Pauline Carmona, directrice des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, ainsi que les agents de la direction et des consulats.

La lutte contre la fraude produit déjà des résultats spectaculaires : le réexamen, dans un seul pays, de 263 dossiers, a permis d'identifier 160 faux boursiers. C'est bien la preuve qu'une politique exigeante s'appuyant sur l'analyse des données bancaires porte ses fruits – ma collègue Nathalie Goulet ne me contredira pas.

Permettez-moi maintenant d'être parfaitement clair : contrairement à ce qui est indiqué, cette année encore, dans le projet annuel de performances, l'Association nationale des écoles françaises à l'étranger (Anefe), que j'ai l'honneur de présider, n'a pas été supprimée. Je remercie la ministre Eléonore Caroit d'avoir rappelé, à l'occasion du cinquantième anniversaire de notre association, qu'avec 230 millions d'euros garantis par l'État pour 35 établissements, elle continue d'assumer une responsabilité financière déterminante.

Afin que personne ne soit écarté, l'Anefe s'est par ailleurs ouverte aux écoles non homologuées. Rien qu'en Tunisie, quelque 7 000 jeunes ont passé le baccalauréat en candidats libres cette année.

Cela me conduit au sujet central, qui est en quelque sorte l'éléphant, ou plutôt le mammouth dans la pièce. En 2008 déjà, élu des Français du Royaume-Uni, je déclarais : « Si l'on transforme le réseau AEFE en cause nationale financée sans limite, nous verrons naître un nouveau mammouth. »

Eh bien, nous y sommes : non seulement le mammouth existe, mais il a grossi. Les crédits alloués à l'AEFE, qui sont passés de 200 millions à 400 millions d'euros, constituent à eux seuls 12 % du budget de la mission « Action extérieure de l'État ».

L'octroi de subventions aux soixante-huit EGD équivaut, de fait, à attribuer des bourses aux élèves qui sont scolarisés au sein de ces établissements, sans condition ni de ressources ni de nationalité.

La rémunération des agents y est par ailleurs entourée d'une opacité incompatible avec l'exigence publique : les dix premières rémunérations de l'AEFE atteignent en moyenne 23 000 euros par mois.

Ce modèle n'est plus soutenable, ni financièrement, ni socialement, ni stratégiquement. Je salue donc la décision du Gouvernement d'engager enfin la nécessaire réforme de l'AEFE et les efforts consentis par les équipes du ministère pour la mettre en œuvre.

Cette réforme devra reposer sur trois principes : un juste coût, transparent et comparable entre établissements ; un juste prix, lisible et accessible pour les familles ; et une cohérence tarifaire internationale. Ce n'est pas une réforme technique : c'est une réforme de survie.

Nous subventionnons un modèle qui scolarise moins d'un enfant français sur cinq à l'étranger. Plus grave encore, les classes moyennes sont progressivement exclues. Nous sommes passés de 131 000 à 121 000 élèves français en dix ans. Quant au nombre de boursiers, il a baissé d'un tiers en trois ans, passant de près de 30 000 à plus de 20 000.

La subvention de l'AEFE s'établit à 391 millions d'euros. Or les deux tiers de cette somme bénéficient à des élèves étrangers, ce qui n'est pas conforme à la mission d'équilibre de l'AEFE. Transférer la moitié de cette enveloppe vers les bourses permettrait d'en tripler l'effet et de réintégrer les classes moyennes françaises dans notre système.

Enfin, comme je l'ai déjà plusieurs fois rappelé, parmi les 80 % d'enfants français non scolarisés dans le réseau, beaucoup ne maîtrisent pas notre langue. Pour la deuxième année consécutive, les crédits du pass éducation langue française sont pourtant suspendus. C'est un non-sens !

Je présenterai donc un amendement visant à mesurer la maîtrise du français par nos enfants, pays par pays. Sans mesure, il n'y aura ni stratégie ni résultat.

Je tiens à saluer le rôle essentiel des alliances françaises et des associations français langue maternelle (Flam) ; grâce à leur action, nous parviendrons peut-être à faire en sorte que tous les enfants français à l'étranger parlent notre langue.

Face aux contraintes budgétaires, nous devons mieux coordonner, mieux cibler et mieux mobiliser nos partenaires européens et internationaux.

En conclusion, permettez-moi de citer les propos que Nadia Chaaya, présidente du groupe Les Indépendants de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), a tenus en octobre dernier devant l'AFE : « Nous vivons à l'étranger, mais nous ne sommes pas étrangers au sort de notre pays. Cette période de crise doit nous pousser à nous demander ce que nous pouvons apporter à la France, plutôt que ce que la France peut nous apporter. »

Nos compatriotes de l'étranger forment un réseau d'influence unique, un atout stratégique trop longtemps sous-exploité. Je tiens à leur rendre hommage, car ils font notre fierté.

Pour toutes les raisons que j'ai indiquées, le groupe Union Centrise votera les crédits de la présente mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur notre continent, les budgets militaires augmentent comme jamais depuis plusieurs décennies. L'Europe n'est plus un havre de paix éloigné et protégé des conflits. La Russie de Poutine continue sa guerre d'agression contre l'Ukraine et, par conséquent, contre l'Europe, et elle poursuit ses tentatives de déstabilisation de nos démocraties.

Il s'agit d'un phénomène mondial : poursuite de la guerre en Ukraine, guerre au Moyen-Orient ou au Soudan, montée des rivalités stratégiques en Indo-Pacifique. Aucune région du monde n'est épargnée par les tensions et les conflits.

L'usage de la force n'est plus un tabou : nous devons être en mesure de nous protéger. C'est pourquoi, avant d'aborder les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », je tiens à saluer, au nom du groupe Les Indépendants – République et Territoires, l'augmentation annoncée du budget des armées. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

« Ne pouvant fortifier la justice on a justifié la force », écrivait Pascal. Il nous revient de nous interroger sur cette citation et de refuser que la loi du plus fort devienne la règle.

Face à l'accumulation des atteintes au droit international, aux campagnes de déstabilisation et de désinformation, la France doit demeurer une puissance capable d'anticiper et d'agir. Et pour cela, notre diplomatie doit disposer de moyens solides et cohérents.

C'est dans cette perspective que nous examinons aujourd'hui les crédits pour 2026 de la présente mission.

Permettez-moi de rappeler quelques faits. Avec 162 ambassades et 90 consulats, la France dispose de l'un des trois réseaux diplomatiques les plus étendus, présent presque partout dans le monde. Puissance d'équilibre ayant vocation à peser sur les affaires du monde, notre pays a clairement défini son ambition.

Pour conserver ce rang et atteindre ses objectifs, la France consacre seulement 3,4 milliards d'euros à sa diplomatie. À titre de comparaison, nous dépensons 3,2 milliards d'euros pour la vie étudiante et 16 milliards d'euros pour l'aide au logement. Après avoir été réduits en 2024 pour l'année 2025, les crédits de cette mission seront gelés en 2026. C'est un vrai sujet.

Si nous voulons que notre pays conserve son influence à travers le monde, nous devons nous en donner les moyens.

Il est exact que les crédits de cette mission bénéficient cette année de la conjugaison de plusieurs facteurs conjoncturels favorables, en particulier la baisse des contributions aux opérations de maintien de la paix et des contributions obligatoires.

Il est tout aussi exact que ces marges de manœuvre ont été intelligemment réinvesties dans des priorités stratégiques, en faveur notamment des dépenses de fonctionnement du ministère.

Il n'en reste pas moins que la France doit consacrer davantage de moyens à sa diplomatie.

J'insisterai sur trois points.

Le premier est le renforcement de notre capacité de riposte informationnelle.

Dans un monde où les régimes autoritaires investissent massivement dans la manipulation et la propagande – nous l'avons constaté au Sahel comme ailleurs – la France ne peut rester passive.

L'augmentation de 10 millions d'euros des crédits alloués à la communication stratégique est donc particulièrement pertinente. Elle répond à une nécessité vitale : défendre notre vision du monde, protéger nos intérêts et préserver la crédibilité de nos institutions. Il faudrait toutefois naturellement faire encore plus.

Le deuxième point a trait à la modernisation de nos outils diplomatiques et consulaires.

Les dépenses numériques et immobilières progressent en 2026. Si des risques de sous-exécution ne peuvent être exclus, cette modernisation est indispensable. Nos agents ont en effet besoin de travailler au sein d'infrastructures résilientes et conformes aux exigences contemporaines, tant en matière de sûreté que de performance énergétique.

J'en viens au troisième et dernier point : la poursuite de l'effort de transformation du réseau consulaire. Notre réseau consulaire joue un rôle crucial en matière de protection de nos compatriotes, d'accompagnement de nos entreprises ou d'accueil des étudiants, chercheurs et autres talents étrangers.

Si les moyens alloués à la modernisation de ce réseau progressent fortement, certains points d'attention demeurent. Le recul des moyens consacrés à la coopération culturelle et universitaire, ainsi que la diminution de la subvention pour l'enseignement français à l'étranger posent en effet des questions structurelles.

Ces établissements figurent parmi les plus puissants leviers de notre rayonnement. Ils forment, partout dans le monde, des générations d'élèves qui seront, demain, des relais d'influence, des partenaires économiques, des acteurs de confiance.

Ces points d'attention doivent nous encourager à accompagner l'évolution du modèle économique de l'AEFE, qui est aujourd'hui en cours de révision. Il est en effet urgent d'accroître l'efficacité de ce réseau.

Dans un monde en recomposition, la France doit rester une puissance d'équilibre, fidèle à son histoire, à ses alliances et à sa vocation universelle. Investir dans l'action extérieure de l'État, c'est investir dans notre sécurité, notre économie, notre influence. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues : 200 000, c'est l'augmentation estimée du nombre des Français de l'étranger entre 2024 et 2025, soit l'équivalent d'une ville comme Rennes qui, en une année, s'ajoute à la charge de notre réseau consulaire.

S'il est difficile de déterminer si cette progression tient à des statistiques mieux établies ou à une hausse réelle de nos communautés, un fait s'impose : partout dans le monde, près de 3 700 000 Français doivent accéder à un service public consulaire fiable et réactif.

Je concentrerai mon propos sur le programme 151, dont les crédits contribuent à organiser concrètement la présence de l'État auprès de nos compatriotes à l'étranger.

J'aborderai d'abord la montée en charge du service consulaire. Plus de 500 000 passeports et cartes d'identité – un nombre en augmentation constante – sont délivrés chaque année par nos services consulaires. Lors des élections législatives de 2024, 350 000 procurations ont été enregistrées. Nos consulats sont par ailleurs la première porte d'entrée d'un flux croissant de démarches d'état civil, et ils ont instruit près de 3 millions de visas en 2024, la demande étant en nette hausse dans la plupart des postes.

Pour assurer cette charge, 1 800 agents sont déployés sur le terrain, un effectif quasi stable depuis plusieurs exercices. Je salue l'engagement de ces agents, dont je souhaite rappeler la singularité des conditions de travail : en situation de service commandé, ces agents ne choisissent pas leur pays d'affectation, alors même que le coût de la vie et les conditions de vie locales peuvent grandement varier.

Il faut donc totalement méconnaître les conditions de travail de ces agents pour proposer, comme certains collègues l'envisageaient, de fiscaliser leur indemnité de résidence à l'étranger (IRE).

Changer les règles relatives à l'IRE sans revoir le statut casserait l'équilibre qui compense ces contraintes, ce qui grèverait l'attractivité du métier et emporterait des refus d'affectation.

Des progrès réels ont été accomplis grâce à la dématérialisation : extension du service France consulaire, prise de rendez-vous en ligne et, dans certains cas, renouvellement de passeport sans comparution. Certaines démarches ne sont toutefois pas encore dématérialisées, notamment la composante « déclaration » du registre d'état civil électronique, qui n'est pas opérationnelle à ce stade. Par ailleurs, les consulats continuent de recevoir les usagers pour chaque naissance, chaque mariage et chaque décès.

La transformation numérique du service public à l'étranger coûte cher. Or moins de 7 % du programme sont consacrés au numérique, ce qui est nettement insuffisant pour absorber la montée en charge. Même modernisé, un consulat ne fonctionne pas uniquement sur logiciel. Aucune interface ne remplace des agents formés aux crises familiales, aux urgences ou aux détresses sociales.

Quant à la protection consulaire, le contexte mondial troublé et les catastrophes naturelles imposent des interventions de la part des agents consulaires, confrontés à des évacuations rapides ou à des mises en sécurité, parfois en quelques heures : cela a été le cas au Proche-Orient, au Sahel, en Ukraine, en Turquie ou au Vanuatu. Nous l'avons constaté récemment, malheureusement, certaines opérations ont manqué de réactivité ou de cohésion, non pas à cause des agents, mais parce que le dispositif est fragilisé par des postes vacants, une rotation rapide ou une marge opérationnelle trop faible. La protection des Français est une mission régalienne ; elle ne peut reposer sur un système affaibli. Les crédits de ce programme progressent bien moins vite que la population qu'il doit servir.

Il est dommage que le vivier des 500 consuls honoraires, implantés dans les zones où la France n'a aucune présence permanente, ne soit pas mis à profit. Leur rôle est essentiel, mais, malheureusement, leurs prérogatives restent limitées. Nous pourrions utilement clarifier le cadre de leur intervention et élargir leurs missions, par exemple, à la remise locale de documents déjà instruits, à la collecte de dossiers simples ou au repérage des vulnérabilités. Tout cela ne coûterait rien.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le service consulaire relève non pas du confort, mais de la continuité de l'État. Or, malheureusement, le budget que nous examinons ne reflète pas cette exigence : il couvre l'existant et non plus les besoins réels.

Je voterai néanmoins ces crédits, parce qu'ils restent indispensables, mais avec la conviction que cet effort devra être réévalué et renforcé. (Mme Sophie Briante Guillemont et M. Jean-Jacques Panunzi applaudissent.)