Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l'aune de l'annonce par le Premier ministre d'un nouvel acte de décentralisation, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et ceux du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » sont examinés avec une attention toute particulière. Les enjeux auxquels ils touchent sont en effet au cœur du travail quotidien de nos élus locaux.
Aux termes du projet de loi de finances, les transferts de l'État aux collectivités territoriales représenteraient 108 milliards d'euros en crédits de paiement pour l'année 2026. Ce montant avoisine 155 milliards d'euros si l'on y intègre les fractions compensatrices de TVA accordées en contrepartie des réformes fiscales.
La dilution de la DETR comme la reconduction du Dilico sont autant de sujets cruciaux pour nos territoires, et leurs implications sont très concrètes.
C'est donc avec une attention toute particulière que nous examinons, chaque année, ces dispositifs aux conséquences majeures.
Leurs effets se feront sentir dans nos territoires d'outre-mer, tout d'abord, puisque le projet de loi de finances prévoit de les faire bénéficier de la DSEC, dont les moyens augmenteraient. Pour rappel, ce dispositif permet de protéger les collectivités locales des risques climatiques et géologiques.
L'extension de la DSEC aux territoires ultramarins répond aux limites du fonds de secours pour les outre-mer, qui souffrait d'insuffisances, eu égard à ses modalités d'indemnisation et à ses délais d'intervention.
Il est inacceptable que nos compatriotes ultramarins ne bénéficient pas des mêmes protections que leurs concitoyens de l'Hexagone. C'est pour cette raison que le groupe Les Indépendants accueille favorablement une telle évolution.
Ensuite, cette année, les finances des collectivités locales feraient l'objet d'une véritable révolution. En effet, l'article 74 du projet de loi de finances crée un fonds d'investissement pour les territoires. Celui-ci est issu de la fusion de trois dotations d'investissement qui rythment le quotidien de nos élus locaux : il s'agit de la dotation de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements, de la dotation politique à la ville et de la dotation d'équipement des territoires ruraux.
L'intégration de la DETR au sein du FIT suscite d'ailleurs d'importantes questions, voire de douloureuses incompréhensions. Et pour cause ! Au fil des années, cette dotation a largement fait ses preuves. Or sa dilution au sein du fonds d'investissement pour les territoires se fera au détriment des collectivités rurales.
C'est pour cette raison que nous soutenons l'amendement des rapporteurs spéciaux visant à supprimer l'article 74. La création d'un fonds unique est une perspective louable à terme. Mais, en l'état actuel, ses contours et ses implications nous semblent comporter trop d'incertitudes, alors que nos élus locaux ont besoin de clarté et de confiance. En outre, si nous sommes pleinement favorables à une réduction des dépenses, nous ne soutenons pas les hausses de contributions lorsque leurs retombées nous paraissent inefficaces.
C'est pourtant bien le cas du Dilico 2 dans la version initiale du projet de loi de finances. Le montant prélevé passe de 1 milliard en 2025 à 2 milliards d'euros en 2026. En outre, la charge pèse essentiellement sur les communes – à hauteur de 720 millions d'euros –, alors que la contribution du bloc communal prévue dans le Dilico 1 s'élevait à 500 millions d'euros, répartis à parts égales entre les communes et les EPCI.
Par ailleurs, le Gouvernement prévoit d'importantes modifications sur les modalités de reversement du Dilico, qui tranchent avec l'esprit initial du dispositif, pourtant instauré par le Sénat. Ainsi, seulement 80 % des sommes prélevées au titre du Dilico 2 reviendraient aux collectivités contributrices, contre 90 % dans la première version.
De plus, le reversement s'étalerait sur une période de cinq ans au lieu de trois, et le risque de non-reversement apparaît substantiel, tant les conditions pour en bénéficier sont désormais restreintes.
Le groupe Les Indépendants partage l'analyse des rapporteurs spéciaux et pour avis sur ce sujet.
Pour ma part, je soutiendrai l'amendement présenté par M. Sautarel sur le Dilico 2. Il vise à abaisser le montant des contributions de 2 milliards à 890 millions d'euros et à préciser que les reversements se feront sur trois ans. En outre, il tend à revenir sur la répartition du montant total entre les collectivités : les communes seraient exonérées, tandis que la charge imputée aux intercommunalités et aux départements serait divisée par deux.
La ligne du groupe Les Indépendants est très claire : la baisse des dépenses est notre priorité. Néanmoins, pour obtenir des résultats satisfaisants, il est essentiel de prendre en compte les réalités du terrain. En effet, pour reprendre les mots du général de Gaulle, « on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités ».
Les collectivités locales sont au cœur de notre pacte républicain. Ce sont elles qui font vivre la République sur l'ensemble de notre territoire. Les maires, notamment, sont reconnus pour leur saine gestion des finances. Soyons donc à leurs côtés et surtout, faisons-leur confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'autonomie financière des collectivités territoriales, consacrée par la Constitution, est la pierre angulaire de la décentralisation.
Encore faut-il que celles-ci disposent réellement des moyens d'assumer le principe de libre administration. Les crédits de la mission que nous examinons aujourd'hui irriguent l'action publique locale – celle qui se voit et qui se vit.
Pourtant, la réalité est autre. Notre modèle fiscal local n'a pas cessé d'être grignoté. Aux baisses des dotations s'ajoutent des ponctions nouvelles et des dépenses toujours plus contraintes : c'est l'effet ciseaux.
Si la nécessaire résorption de la dette française impose à tous des efforts, y compris aux collectivités territoriales, nous ne pouvons leur demander plus qu'elles ne peuvent le supporter, au risque de freiner l'investissement local. En effet, les collectivités ne sont pas responsables de la dérive de nos finances publiques. Elles ne contribuent qu'à hauteur de 7 % de la dette, tout en assurant près de 60 % de l'investissement public.
En parallèle, les dépenses des collectivités flambent. C'est particulièrement le cas des départements, qui financent la solidarité nationale, par exemple au travers de la protection de l'enfance. Ainsi, les placements judiciaires d'enfants, la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA), l'accompagnement des enfants placés en situation de handicap et le prix des traitements onéreux s'imposent aux départements sans qu'ils disposent de marges de manœuvre.
En 2026, près d'une soixantaine de départements seront dans une situation critique en 2026, alors qu'ils n'étaient que quatorze en 2024.
Redresser les comptes publics en fragilisant la solidarité nationale, notamment vis-à-vis des enfants, est un mauvais calcul. Seule la prévention nous permettra de faire des économies à long terme et de préparer la société de demain.
Aussi, l'amendement de la commission qui tend à rehausser à hauteur de 600 millions d'euros le fonds de sauvegarde pour les départements est le bienvenu.
Par ailleurs, nous partageons l'objectif de responsabilité du Dilico, initialement instauré par le Sénat. Cependant, de notre point de vue, son calibrage actuel cible trop fortement le bloc communal et les départements, sans aucune garantie de restitution pour les collectivités, contrairement à la promesse de l'État.
Nous soutiendrons donc les amendements de notre rapporteur Stéphane Sautarel visant à recalibrer ce dispositif. En effet, le rôle du bloc communal est essentiel pour mutualiser les compétences, maintenir l'ingénierie locale et accompagner les petites communes.
Fragiliser les intercommunalités revient à ébranler tout le tissu économique local, la solidarité intercommunale et les projets structurants. C'est finalement s'attaquer aux liens de proximité, alors même que les élus locaux construisent les écoles, les maisons de santé ou encore les réseaux d'eau.
Certes, la situation financière du pays exige des efforts et les collectivités territoriales doivent y prendre leur part, alors même qu'un nouveau chantier de décentralisation doit s'ouvrir au printemps prochain.
Toutefois, décentraliser, ce n'est pas déléguer des compétences sans affecter de ressources ; ce n'est pas transférer des charges sans octroyer de marge de manœuvre ; ce n'est pas ajouter des normes sans donner davantage de libertés.
Madame la ministre, nous nous félicitons du « méga-décret » de simplification tant attendu, dont vous avez annoncé hier la publication à venir.
Décentraliser, c'est accompagner, faire confiance, clarifier et stabiliser ; c'est donner aux collectivités locales la capacité d'agir et de trouver des solutions.
Madame la ministre, notre responsabilité est double : il nous faut défendre l'équilibre des finances publiques, certes, mais aussi l'action publique locale. Sans collectivités fortes, nous ne saurons renouer la confiance avec nos concitoyens ni soutenir l'engagement des élus locaux.
Notre groupe votera les crédits de cette mission, modifiés et améliorés par les amendements de notre rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La discussion générale sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales » reprendra à l'issue de la séance de questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
J'excuse l'absence de M. le Premier ministre, qui est à l'Assemblée nationale pour la déclaration du Gouvernement sur la stratégie de défense nationale.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, mais aussi les membres du Gouvernement, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
120 ans de la loi de 1905
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Guylène Pantel et Dominique Vérien, MM. Michel Masset et Louis Vogel applaudissent également.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, hier, nous avons commémoré les 120 ans de la loi de séparation des Églises et de l'État, texte fondateur du principe de laïcité à la française. Pilier de notre République, la laïcité garantit à chacun la liberté de conscience, le libre exercice des cultes dans le respect de l'ordre public ainsi que la neutralité de l'État.
Ce principe est aujourd'hui fragilisé non seulement par des obscurantismes violents, bien sûr, mais aussi par des instrumentalisations politiques, qui détournent la laïcité de sa vocation universaliste pour en faire un outil de stigmatisation.
Dans ce contexte, l'école publique, à laquelle nous ne pouvons penser sans rendre hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard, victimes de l'obscurantisme, ainsi qu'à tous les enseignants, qui réalisent un travail inestimable, reste le premier rempart contre les replis identitaires.
Face aux tensions autour des signes religieux, du rôle de l'école, de l'expression des croyances dans l'espace public ou des pressions que subissent les agents de l'État, comment le Gouvernement entend-il renforcer une pédagogie républicaine de la laïcité, fidèle à l'esprit de 1905, protéger les enseignants et les agents publics, et accueillir toutes les initiatives qui chercheraient à clarifier et à consolider ce principe fondamental ?
La laïcité ne constitue pas un héritage figé ; c'est un équilibre vivant, mais, nous le voyons tous les jours, fragile. En somme, monsieur le ministre, comment comptez-vous le préserver tout en répondant aux défis d'une société plurielle ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – MM. Jean-Luc Brault et Louis Vogel ainsi que Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez évidemment raison de souligner l'importance du principe de laïcité dans notre République. Issue de la loi de 1905, dite de séparation des Églises et de l'État, la laïcité garantit la liberté de conscience, la liberté de culte et le libre exercice de celui-ci en toute sécurité.
Vous avez raison aussi de souligner que, malheureusement, même s'il s'agit d'un principe intangible de notre République, celui-ci est souvent attaqué. Il est régulièrement instrumentalisé, vous l'avez dit, et présenté comme un outil dirigé contre une religion. Il est parfois relativisé. D'aucuns souhaiteraient obtenir quelques accommodements dans le cadre du service public pour rendre son organisation compatible avec l'exercice des cultes. Ce n'est pas possible, car un principe sous-tend la laïcité : la neutralité.
Que faisons-nous pour protéger la laïcité ? Telle est bien la question qui se pose.
Monsieur le sénateur, nous protégeons ce principe par des mesures législatives.
C'est ce qui a été fait en 2004, avec la loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.
C'est aussi ce qui a été fait en 2021, avec la loi confortant le respect des principes de la République. Ce texte a notamment créé le « déféré laïcité », lequel permet aux préfets de contester un acte d'une collectivité locale. Il a en outre instauré le délit « de séparatisme », en vue de poursuivre les personnes faisant pression sur des agents du service public pour obtenir un accommodement ou un aménagement du principe de laïcité. Dans ce cadre, nous avons établi 820 constats de délit depuis 2021.
Vous avez raison, il faut sans doute faire encore plus. C'est pourquoi, hier, répondant à une question du député socialiste Jérôme Guedj, j'ai annoncé à l'Assemblée nationale la réunion, au cours de l'année 2026, du comité interministériel de la laïcité et la désignation d'une mission parlementaire pour aborder cette thématique dans sa globalité.
Soyez certain, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est profondément attaché à la défense de la laïcité, et tout particulièrement le ministre de l'intérieur, qui est le garant de la correcte application de la loi de 1905. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE.)
situation de l'électricité en france
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Vincent Louault. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'énergie.
Hier, monsieur le ministre, Réseau de transport d'électricité (RTE) présentait son rapport prévisionnel 2025-2035, révélant au passage une trajectoire de consommation qui stagne.
Aujourd'hui, ma question est simple. Le nucléaire est l'un de nos fleurons industriels français. Pouvez-vous nous expliquer en quoi votre trajectoire, notamment la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), ne va pas asphyxier toute la filière ?
Demain, j'attendrai avec impatience le rapport des conclusions d'EDF sur la modulation du nucléaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC. – MM. Aymeric Durox et Fabien Gay applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. Monsieur le sénateur Louault, RTE a en effet publié une actualisation de ses prévisions de demande pour les années à venir. Celles-ci montrent ainsi que, à ce stade, l'électrification est en retrait par rapport à nos espérances et à nos attentes. Ce mouvement se généralise d'ailleurs à l'échelle mondiale. Si la tendance à l'électrification existe, elle reste insuffisante pour aller vers la décarbonation.
Au demeurant, réjouissons-nous collectivement que l'électricité produite en France soit aujourd'hui assez largement disponible, car c'est ce qui nous permet d'avoir une des électricités les moins chères d'Europe. Les ménages comme les industries paient 40 % de moins qu'en Allemagne. S'il convient de soutenir ces dynamiques, sachons nous en féliciter.
Vous me demandez si nous souhaitons asphyxier quelque filière que ce soit. Bien au contraire, nous entendons donner de l'air, de la perspective et une vision à toutes les filières qui permettront de développer l'industrie et l'énergie en France, pour offrir une énergie décarbonée, abondante et bon marché.
Pour ce faire, nous continuons de marcher sur nos deux jambes.
La première, c'est le nucléaire. Depuis le discours qu'a tenu à Belfort le Président de la République, nous entendons engager la filière dans des investissements d'importance, avec le lancement, pour commencer, de six réacteurs pressurisés européens de deuxième génération (EPR2), à Penly, au Bugey et à Gravelines, suivis sans doute, dans la foulée, de huit réacteurs supplémentaires. Cela soulève des enjeux de financement – précisons qu'au moins la moitié sera financée par un grand prêt public – et de recrutement.
La seconde, ce sont les énergies renouvelables (EnR). Nous en avons besoin, tant il est vrai qu'elles se révèlent plus flexibles et disponibles à court terme, bien que posant des défis d'équilibre du réseau qu'il nous faut intégrer.
En somme, nous avons une vision stratégique globale, que nous aurons l'occasion de présenter, le Premier ministre m'ayant chargé de lui faire des propositions sur la programmation pluriannuelle de l'énergie.
Mme Sophie Primas. Il y a un texte !
M. Roland Lescure, ministre. Il l'a annoncé, les décisions seront prises avant Noël ; vous aurez donc de nos nouvelles très prochainement. (M. François Patriat et Mme Patricia Schillinger applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour la réplique.
M. Vincent Louault. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses et de l'attention que vous me portez au quotidien, vous et votre cabinet.
Pour la bonne compréhension de tous, je précise que, lorsque l'Allemagne investit et produit davantage d'EnR, elle consomme moins de charbon et moins de gaz : non seulement la méthode fonctionne, mais c'est utile. Si la France s'entête à faire comme l'Allemagne, ce n'est pas une centrale à charbon que l'on fermera, mais c'est bien une centrale nucléaire : non seulement la méthode ne fonctionne pas du tout, mais c'est parfaitement inutile.
Je vous demande, non pas, bien sûr, de réviser l'ambition finale de décarbonation, vous l'avez très bien expliqué, mais de bien mesurer la dose et la rapidité auxquelles il convient d'augmenter nos capacités de production intermittente.
Si vous ne le faites pas, cela aura deux conséquences.
La première conséquence est l'explosion des coûts de réseau et, partant, des factures d'électricité des Français et de leurs impôts. En effet, les contributions aux charges de service public de l'électricité, évoquées lors de l'examen du budget et qui s'élèvent à 13 milliards d'euros, continueront d'augmenter. À titre de comparaison, mes chers collègues, 13 milliards d'euros, c'est deux fois la politique agricole commune ; les agriculteurs apprécieront… C'est aussi l'équivalent d'un porte-avions, qui coûte 10 milliards d'euros, tous les ans.
M. Guy Benarroche. Ou d'un EPR 2 !
M. Vincent Louault. La seconde conséquence, et c'est là que je crains l'asphyxie de la filière, tient au fait que l'ajout continu d'intermittence, qui, finalement, ne servira à rien, provoquera la nécessaire modulation de notre parc nucléaire. Cette modulation, qui s'établissait autour de 15 térawattheures depuis vingt ans, atteint déjà 30 térawattheures aujourd'hui. Imaginez si vous ajoutez 30, 40 ou 50 térawattheures d'intermittence : il faudra purement et simplement arrêter les centrales une partie de l'année. Nous finirons par asphyxier EDF, qui, au passage, ne pourra plus financer ses investissements.
Ma crainte aujourd'hui…
M. le président. Il faut conclure !
M. Vincent Louault. … n'est pas l'asphyxie de toute la filière du nucléaire ; c'est sa destruction programmée. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Aymeric Durox applaudit également.)
120e anniversaire de la loi sur la laïcité
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Nathalie Delattre. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
En tant que présidente du Parti radical et sénatrice du groupe RDSE, je ne pouvais laisser passer cette date du 10 décembre sans évoquer celle d'hier, qui a marqué le 120e anniversaire de la loi du 9 décembre 1905, qui a fait entrer la laïcité en droit et en République.
Cet hymne à la liberté repose sur deux piliers : la séparation des Églises et de l'État, et la liberté de conscience. Comme le disait le radical Buisson, « la laïcité n'est pas une opinion, mais la liberté d'en avoir une ». Ces propos furent complétés par Jaurès, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le président, lors du colloque organisé hier soir au Sénat ; Jaurès déclarait : « La loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne veut pas faire la loi. »
Pourtant, la laïcité court aujourd'hui un grand danger. Elle est menacée dans les lieux de vie les plus sensibles de notre quotidien – l'école, les associations, notamment sportives, l'entreprise ou l'hôpital – par la montée des identitarismes, par les tensions entre liberté individuelle et revendications communautaires, ainsi que par la visibilité des radicalités religieuses.
Ce phénomène survient dans une période de fragilisation du lien civique, en particulier chez les plus jeunes. Pour beaucoup, la loi de 1905 apparaît comme une loi liberticide, par l'effet de méthodes de désinformation tous azimuts.
Quelles actions comptez-vous mener, monsieur le ministre, pour que l'ordre républicain laïque continue de vivre pleinement ?
Pour notre part, nous, radicaux, agissons au quotidien. Moi-même, je déposerai dès que possible ma proposition de loi visant à inscrire le mot « laïcité » sur les frontons de nos mairies.
En attendant, un autre geste symbolique pourrait se concrétiser : la modification du Grand Sceau de la République. Aujourd'hui, il proclame une République démocratique, une et indivisible. Il est cependant incomplet, puisque, en 1958, notre Constitution a affirmé clairement : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Le Grand Sceau accuse donc soixante-dix ans de retard.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nathalie Delattre. Ce 120e anniversaire est le moment idéal pour aligner nos symboles sur nos principes et pour adosser nos principes à une communication moderne,…
M. le président. Concluez !
Mme Nathalie Delattre. … mais surtout massive sur les réseaux sociaux. À l'heure de l'intelligence artificielle, nous pouvons le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. François Patriat et Xavier Iacovelli applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, le Parti républicain, radical et radical-socialiste, dit Parti radical, que vous présidez, a, comme bien d'autres, contribué à fonder la laïcité dans notre pays. Dans le prolongement de ma réponse précédente, je veux souligner combien nous avons à l'esprit la nécessité absolue de protéger la laïcité. Des lois ont été adoptées en 2004 et en 2021 ; nous les appliquons et veillons à leur strict respect, notamment en matière de neutralité dans les services publics.
Pour ce faire, nous disposons d'un certain nombre d'outils : le délit de séparatisme, le déféré laïcité, que j'ai mentionnés, ainsi que toutes les actions menées depuis lors dans les services publics pour développer la formation en ce domaine. Tous les agents publics sont désormais formés ; des référents laïcité ont été mis en place pour nous alerter systématiquement et répondre très fermement à toutes les entorses faites à la neutralité des services publics. Il s'agit d'un point extrêmement important, sur lequel nous sommes très vigilants.
Cela n'est sans doute pas suffisant, comme je le disais à l'instant et hier également à l'Assemblée nationale. Le comité interministériel de la laïcité se réunira en 2026 et une mission parlementaire sera mise en place pour expertiser la mise en œuvre du principe de laïcité aujourd'hui en France et pour évaluer la nécessité ou non de faire évoluer des dispositions législatives. Sur ce point, évidemment, nous ne nous interdisons rien.
Vous avez raison de souligner les attaques que subit la laïcité. Il faut savoir nommer les choses : nous faisons face à un islamisme politique qui, souvent, n'hésite pas à revendiquer la supériorité de la loi religieuse sur les lois de la République. Il en découle des demandes d'exemption, voire d'aménagement des règles des services publics. Tout cela n'est pas acceptable. S'il faut passer par des dispositions législatives pour protéger la laïcité, le Gouvernement le fera.
Telles sont les réponses, madame la sénatrice, que je tenais à vous apporter sur ce sujet éminemment important. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – M. Stéphane Demilly applaudit également.)
situation à mayotte
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Saïd Omar Oili. Ma question s'adresse à Mme la ministre des outre-mer.
Madame la ministre, un an après le cyclone Chido, qui a dévasté notre archipel, vous allez, dans les prochains jours, vous rendre à Mayotte. Vous y entendrez les élus et la population, de manière unanime, se plaindre des « engagements de papier » du Gouvernement.
Toutefois, je souhaite vous alerter sur le risque naturel qui pèse sur notre territoire ultramarin. À la suite du cyclone Chido, je m'étais exprimé sur les failles constatées dans la gestion de la crise, liées à la gouvernance de celle-ci, à la mise à l'écart des élus et à l'incapacité de déterminer le nombre de victimes.
Le retour d'expérience, dit « retex », constitue une méthode d'évaluation des politiques publiques. Dans la mesure où nos territoires ultramarins seront fortement affectés à l'avenir par des crises majeures, le retex du Gouvernement sur le cyclone Chido est essentiel pour en tirer les enseignements.
Afin de protéger la population contre de tels événements, il importe de sensibiliser les habitants de nos territoires aux risques encourus. J'ai pu constater que, en Guadeloupe, voilà quelques jours, un exercice d'évacuation a été mené après une éruption de la Soufrière. À La Réunion, 450 personnes ont assisté à une rencontre organisée pour préparer la saison cyclonique 2025-2026. Mais rien n'a été prévu à Mayotte : voilà qui est paradoxal, surtout après Chido.
Ma question est simple, madame la ministre : le Gouvernement a-t-il élaboré un retex sur Chido ? Pourquoi la population de Mayotte n'a-t-elle pas fait l'objet d'une sensibilisation à la veille de la saison cyclonique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Cathy Apourceau-Poly et Solanges Nadille, MM. Guy Benarroche et Marc Laménie applaudissent également.)

