Sommaire

Présidence de Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Loi de finances pour 2026

Suite de la discussion d'un projet de loi

Économie

Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Investir pour la France de 2030

(À suivre)

Présidence de Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures quarante-cinq.)

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Loi de finances pour 2026

Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale (projet n° 138, rapport n° 139, avis nos 140 à 145).

Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Économie

Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Investir pour la France de 2030

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Économie » (et articles 70 et 71), du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » et de la mission « Investir pour la France de 2030 ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2026 s'inscrit dans la continuité de celui de l'an dernier : la mission « Économie » se voit une nouvelle fois appliquer, au nom du redressement des finances publiques, une logique de rabot qui fragilise des dispositifs pourtant largement éprouvés.

Les crédits de la mission diminuent d'environ 1,3 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 187,7 millions d'euros en crédits de paiement.

Je commence par aborder rapidement les moyens des administrations et des opérateurs.

Les dépenses de personnel de la mission sont certes en légère hausse de 3 %, mais l'effort demandé aux administrations relevant de ce budget porte principalement sur leurs effectifs : leur plafond d'emplois diminue au total de 48 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Quant aux opérateurs, leur nombre d'emplois sous plafond diminue de 59 ETPT.

La plupart des administrations de Bercy concernées par cette mission sont mises à contribution.

Ainsi la direction générale des entreprises (DGE) et la direction générale du Trésor voient-elles toutes deux leurs effectifs diminuer de 10 ETP. Nous nous félicitons toutefois que les emplois du réseau économique à l'étranger soient préservés, conformément à la recommandation que nous avions formulée dans notre rapport de contrôle de juin 2021 sur les services économiques régionaux de la direction générale du Trésor.

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) voit ses effectifs augmenter de 5 ETP. Vous connaissez, monsieur le ministre, l'attachement de notre commission à cette administration de terrain. Nous avions recommandé, dans notre rapport de contrôle de septembre 2022, qu'il soit mis fin à une dynamique de suppression de postes qui avait été trop marquée depuis 2007. Si nos recommandations avaient été entendues dans un premier temps, l'année 2025 avait marqué un retour en arrière regrettable : 3 ETP avaient été supprimés.

Nous nous félicitons donc que les moyens humains de la DGCCRF soient préservés, et même légèrement renforcés, dans ce projet de loi de finances pour 2026. Cette orientation nous semble en effet nécessaire, dans un contexte où la DGCCRF voit son champ d'action s'élargir et se complexifier, avec l'essor du e-commerce. L'actualité récente nous l'a montré, différentes polémiques éclatant autour de l'importation de certains produits par l'intermédiaire de grandes plateformes asiatiques : pour éviter que le commerce en ligne ne devienne une véritable jungle, il est important que nous dotions nos services de contrôle des moyens dont ils ont besoin pour faire respecter certains standards, dans l'intérêt de nos concitoyens !

Certains opérateurs de la mission prennent également leur part dans le redressement de nos finances publiques. Je pense à Atout France et l'Agence nationale des fréquences, qui connaissent globalement une baisse de leurs moyens.

J'en viens aux instruments budgétaires en faveur des entreprises et aux principales évolutions les concernant, en abordant en premier lieu la compensation dite « carbone ».

Cette compensation est octroyée aux sites électro-intensifs exposés au risque de fuite de carbone, afin de compenser les coûts liés au système européen d'échange de quotas d'émissions, c'est-à-dire au marché carbone. Sont notamment concernés les secteurs de la sidérurgie, du papier, ou encore de la chimie. Depuis plusieurs années, la hausse du prix du carbone conduit à une hausse mécanique du coût de la compensation. En 2025, celle-ci atteignait plus de 1 milliard d'euros !

Toutefois, l'année 2026 marque une rupture : les crédits inscrits à ce titre s'élèvent à 782 millions d'euros, soit une baisse de 269 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Cette diminution de la compensation carbone tient à deux facteurs : d'une part, la baisse en 2025 du prix du quota d'émission de gaz à effet de serre, qui constitue le déterminant principal de l'évolution du coût de la compensation carbone ; d'autre part, la suppression par l'article 70 du présent projet de loi de finances du mécanisme d'avance de la compensation carbone, qui contribue à hauteur de 74 millions d'euros à la baisse de l'enveloppe globale. Ce mécanisme d'avance avait été mis en place à compter du 1er janvier 2022 afin de soutenir la trésorerie de ces entreprises dans le contexte de la hausse des prix de l'énergie.

Je passe rapidement sur un sujet qui nous tient à cœur et sur lequel nous avions déjà alerté notre assemblée l'an dernier : le désengagement de l'État du financement des pôles de compétitivité. Comme en 2025, le Gouvernement proposait, dans le cadre de ce projet de budget, de supprimer purement et simplement les 9 millions d'euros de crédits consacrés aux pôles de compétitivité. Ces derniers ont pourtant fait la démonstration de leur intérêt pour le développement du tissu économique local et de l'investissement privé dans la recherche et développement.

C'est pourquoi je me félicite que ces crédits aient été rétablis par le Sénat par l'intermédiaire de la loi de finances de fin de gestion (LFG) pour 2025 : ce texte prévoit, grâce à un amendement adopté par le Sénat sur l'initiative de la commission, une enveloppe de 9 millions d'euros qui a vocation à être reportée sur l'exercice 2026 pour garantir la continuité de cette politique essentielle pour nos territoires.

Quelques mots, enfin, sur le nouveau dispositif d'aide à la décarbonation de l'industrie : après l'ouverture, pour 2025, de 1,6 milliard d'euros de crédits en autorisations d'engagement, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une nouvelle enveloppe de 500 millions d'euros, toujours en autorisations d'engagement. L'objectif de soutien à la décarbonation de notre industrie est largement partagé, mais nous attendons, monsieur le ministre, un retour d'expérience sur la première vague d'appels à projets et sur le montant des crédits effectivement engagés en 2025. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en complément de l'intervention de mon collègue Thierry Cozic, j'aborderai pour ma part deux sujets : tout d'abord, l'état du déploiement de la fibre optique ; ensuite, les subventions de compensation versées au groupe La Poste au titre des missions de service public qu'elle exerce.

Premier sujet : le plan France Très haut débit, qui vise un déploiement complet de la fibre optique à l'horizon de 2025. Il est financé en particulier par le programme 343, dont l'objet est de subventionner les réseaux d'initiative publique, les « RIP », dans les zones où le déploiement de la fibre n'est pas rentable pour les opérateurs. Ces RIP sont mis en œuvre dans le cadre de projets portés et financés par les collectivités territoriales.

Le taux de couverture du territoire par la fibre optique s'élevait en 2024 à près de 90 %, ce qui a conduit la Cour des comptes, dans un rapport présenté à la commission des finances du Sénat au mois d'avril 2025, à présenter ce plan comme un succès. Néanmoins, vous le savez, des disparités subsistent à cet égard entre les territoires, et la nécessité de « raccordements complexes » dans certaines zones, notamment en montagne, sont un facteur majeur de ralentissement du déploiement de la fibre.

Une enveloppe de 16,1 millions d'euros en autorisations d'engagement, très modeste au regard des enjeux, a été inscrite dans le programme 343 en loi de finances initiale pour 2025, afin de financer un dispositif expérimental de soutien aux raccordements complexes dans le domaine privé. Un premier décaissement de 13,5 millions d'euros devrait avoir lieu en 2026, mais il faudra probablement aller beaucoup plus loin.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une enveloppe de 253 millions d'euros pour permettre la poursuite du déploiement des réseaux d'initiative publique. Ce montant a interpellé notre commission, dans la mesure où la Cour des comptes indiquait, dans l'enquête présentée à notre commission, que l'année 2026 serait marquée par un pic de besoins de crédits en faveur des RIP, évalué à 343 millions d'euros.

Nous avons interrogé les services de Bercy sur cette différence de 85 millions d'euros entre les estimations de la Cour et les crédits finalement inscrits. Il nous a été confirmé que l'écart serait comblé par des reports de crédits de l'exercice 2025 vers l'exercice 2026. M. le ministre pourra, je l'espère, nous le confirmer. Il est en effet essentiel que la disponibilité des crédits alloués au financement des RIP soit garantie pour permettre un déploiement uniforme sur l'ensemble du territoire !

Deuxième sujet : les quatre dotations de compensation financées par la mission « Économie » et versées au groupe La Poste au titre des différentes missions de service public qu'il exerce.

Le coût des quatre missions de service public de La Poste serait de 2 milliards d'euros par an, quand l'entreprise n'a reçu en moyenne de l'État, ces dernières années, que 1 milliard d'euros de compensation. Or le présent projet de loi de finances prévoit une nouvelle baisse substantielle des compensations versées par l'État : elles s'élèvent pour 2026 à 802,2 millions d'euros contre 927,5 millions d'euros en 2025.

Monsieur le ministre, cette situation n'est pas tenable : elle limite les capacités d'investissement de La Poste, et pourrait, à terme, se répercuter sur la qualité du service, au détriment de nos concitoyens. Toutefois, la commission des finances a bien conscience que le projet de loi de finances ne constitue pas le vecteur adéquat pour régler la situation de sous-compensation chronique des missions de service public de La Poste : une réflexion de fond devra très vite être engagée par le Gouvernement, en lien avec La Poste, mais aussi avec les collectivités territoriales, afin de remettre à plat le périmètre et le financement de l'ensemble de ces missions et d'en assurer la soutenabilité.

Je m'attarderai plus particulièrement sur la mission d'aménagement du territoire, mission absolument essentielle qui, comme vous le savez, vise à maintenir des points de contact dans l'ensemble du pays. La dotation budgétaire fixée dans le projet de loi de finances pour 2025 était insuffisante pour atteindre les 174 millions d'euros de compensation annuelle prévus à ce titre dans le contrat de présence postale territoriale conclu entre l'État, La Poste et l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF). Le Sénat avait donc adopté à l'unanimité un amendement de majoration des crédits de 15 millions d'euros permettant de porter la compensation au niveau contractuel attendu.

Cette année encore, le compte n'y est pas. Toutefois, et fort heureusement, le Sénat a adopté, dans le cadre du dernier projet de loi de finances de fin de gestion, un amendement visant à majorer de 52 millions d'euros la compensation budgétaire versée par l'État à La Poste au titre de cette mission d'aménagement du territoire. Ces crédits ont vocation à être reportés sur l'année 2026 pour sécuriser un niveau de financement adéquat ; j'aimerais que M. le ministre nous le confirme.

J'y insiste, cette mission de service public est essentielle à nos territoires ; et l'amendement adopté dans le PLFG sur l'initiative de la commission des finances a simplement vocation à maintenir pour 2026 le niveau global de compensation prévu dans le cadre du contrat conclu entre l'État et La Poste.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons débattre ce matin de dépenses qui jouent un rôle majeur dans le soutien à l'innovation et à la décarbonation de notre économie, en examinant les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 ».

Si cette mission porte également les crédits de décaissement des aides du troisième volet du programme d'investissements d'avenir (PIA 3), qui ont été entièrement attribuées, je concentrerai mon propos sur les programmes 424 et 425, « Financement des investissements stratégiques » et « Financement structurel des écosystèmes d'innovation », qui représentent 93 % des crédits de la mission et qui servent à financer les aides du plan France 2030.

Gardons à l'esprit, au seuil de notre débat, que les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 » ne sont pas des crédits budgétaires conventionnels.

En effet, la mission que nous allons examiner dispose d'un cadre extrabudgétaire fixé par la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, qui prévoit une dérogation au principe d'annualité pour les crédits des investissements d'avenir. Ce cadre extrabudgétaire a été prolongé au-delà du PIA 3 et il s'applique aux aides du plan France 2030.

Le principe de ce cadre budgétaire d'exception est d'isoler le « cycle opérationnel » de déploiement des aides. Ce cycle opérationnel, qui repose sur l'identification des bénéficiaires finaux du plan puis sur la contractualisation avec eux, est confié intégralement, et indépendamment des crédits votés annuellement, à quatre opérateurs : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Caisse des dépôts.

L'ouverture des crédits de paiement intervient dans un second temps, dans le cadre d'un « cycle budgétaire » qui a pour support la mission « Investir pour la France de 2030 » et dont la particularité est que la grande majorité des crédits ouverts ont vocation à couvrir des engagements contractés depuis plusieurs années par les opérateurs.

J'en viens aux constats structurants relevés par la commission des finances.

En premier lieu, les données transmises par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) font état de l'attribution, au 30 juin 2025, d'un montant total de 39,5 milliards d'euros d'aides du plan France 2030, soit 74 % de l'enveloppe totale du plan. Sur ces 39,5 milliards d'euros d'aides attribuées, seule une petite partie a déjà fait l'objet d'un décaissement, c'est-à-dire d'un versement effectif au bénéficiaire final. Les aides décaissées représentaient, au 30 juin 2025, un montant de 14,1 milliards d'euros, soit 26 % du total.

Si ces aides ont permis de soutenir un nombre important de porteurs de projet – 5 500 bénéficiaires distincts –, nous notons une disparité entre les rythmes de déploiement respectifs des différents secteurs concernés.

Dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche, le taux d'attribution des aides atteint 77 % et le taux de décaissement 61 %. A contrario, certains secteurs connaissent un démarrage plus lent ; je pense à l'objectif « Grands fonds marins », pour lequel 6 % seulement des aides ont été décaissées après bientôt cinq années de déploiement.

En second lieu, j'en viens aux crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2026 et à leur schéma de financement.

Le montant total des crédits de paiement inscrits sur les programmes 424 et 425 atteint 5,1 milliards d'euros, montant élevé, mais inférieur aux prévisions du SGPI en matière de besoins de décaissement pour l'année 2026.

Par conséquent, le Gouvernement a fait le choix de répliquer en 2026 une méthode qui aurait déjà dû être appliquée cette année, d'après les informations qui nous avaient été transmises à l'automne dernier : la normalisation du niveau de trésorerie des opérateurs du plan France 2030.

En effet, depuis plusieurs années, du fait d'un écart récurrent entre les besoins de décaissement et le calibrage des crédits, les opérateurs ont accumulé un niveau élevé de trésorerie, qui atteignait 5,8 milliards d'euros à la fin de l'exercice 2024. La mobilisation des trésoreries au cours de l'exercice 2025 devrait ramener ce niveau à 2,4 milliards d'euros disponibles à la fin de la présente année, selon les estimations du SGPI.

Le Gouvernement a donc fait le choix, pour l'exercice 2026, de financer les besoins de décaissement à 75 % par l'ouverture de 5,1 milliards d'euros de crédits de paiement sur les programmes 424 et 425 et à 25 % par la mobilisation, à hauteur de 1,7 milliard d'euros, de la trésorerie excédentaire des opérateurs.

La commission a pris bonne note de ce choix du Gouvernement, celui-ci identifiant lui-même, de fait, une marge de manœuvre mobilisable dans la trésorerie des opérateurs.

En tout état de cause, et alors que nous aurons tout à l'heure un débat sur le rythme de déploiement du plan, la commission des finances a réaffirmé son attachement au financement de l'innovation en rendant un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. Laurent Somon, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans revenir sur le niveau actuel de déploiement du plan France 2030, qui est un instrument massif de soutien à l'innovation et à la décarbonation de l'économie, je souhaite pour ma part souligner les risques qu'emporte ce schéma extrabudgétaire du point de vue de la transparence et de la capacité du Parlement à exercer sa mission de contrôle budgétaire.

En premier lieu, nous devons être collectivement conscients du risque de « débudgétisation » auquel est associé le plan France 2030.

Depuis le lancement du premier volet du programme d'investissements d'avenir (PIA 1) par la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, la commission des finances du Sénat a constamment été attentive à ce que les PIA, puis France 2030, ne deviennent pas une voie de contournement de l'autorisation parlementaire.

Pour ne donner qu'une illustration de ce risque, je veux évoquer le décret du 28 novembre 2024, qui a procédé au transfert de 1,1 million d'euros de crédits depuis le programme 424 de la mission « Investir pour la France de 2030 » vers le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État ».

L'objet de ce décret – c'est ainsi que le Gouvernement en justifie la publication – est de consommer des crédits du plan France 2030 pour contribuer au financement du sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle qui s'est tenu à Paris au mois de février 2025.

Sans remettre en cause l'utilité de ce sommet pour le rayonnement de la France, nous sommes en droit de nous demander en quoi ces frais d'organisation, qui sont des dépenses de fonctionnement conventionnelles, ont pu être financés par le biais d'une mission qui doit en théorie être réservée à des investissements d'avenir extérieurs aux politiques « classiques » des différents ministères.

Ce décret de transfert, qui a eu pour effet direct de minorer l'enveloppe du plan France 2030, me semble significatif du comportement que le Gouvernement adopte à l'égard de ladite enveloppe.

De manière orthogonale par rapport à la doctrine d'utilisation des crédits de France 2030, qui prévoit l'étanchéité entre ces crédits et les crédits budgétaires classiques, les lignes de financement du plan sont utilisées comme des compléments budgétaires destinés à combler ailleurs des lacunes.

En deuxième lieu, et dans le droit fil de ma première remarque, j'aimerais insister sur un phénomène anormal, à savoir le défaut de transparence imputable au Gouvernement dans les informations qu'il transmet au Parlement sur le déploiement du plan France 2030.

En dépit de nos demandes répétées, le Parlement n'est jamais informé des réallocations de crédits qui sont décidées entre les différentes verticales du plan France 2030.

Alors que la maquette opérationnelle de répartition des fonds entre les dix-sept objectifs et leviers du plan constitue un élément majeur de suivi sur le plan politique, puisqu'elle retrace les priorités d'investissement établies par le Gouvernement, elle n'est pas transmise au Parlement.

Je relève, à cet égard, qu'une nouvelle maquette de répartition entre les verticales a été arrêtée par le Gouvernement lors d'une réunion qui s'est tenue le 1er avril dernier.

Pourtant, par négligence, peut-être – par oubli, sûrement –, le Gouvernement ne fait pas apparaître cette maquette mise à jour dans le bilan financier trimestriel qu'il a dressé à l'intention du Parlement au début du mois d'octobre 2025.

Pour conclure, j'aimerais commenter le choix fait par le Gouvernement de ralentir le déploiement du plan.

Lors de son lancement, en 2021, la programmation initiale du plan France 2030 prévoyait que l'intégralité des aides serait attribuée avant la fin de l'exercice 2026.

Cet objectif de déploiement rapide a été abandonné par le Gouvernement lorsqu'il a commencé à ralentir, au cours de l'exercice 2024, le rythme de mise en œuvre du plan.

Pour l'exercice 2026, le Gouvernement va au-delà du ralentissement déjà observé en 2024 et en 2025 : le montant programmé d'attribution de nouvelles aides est de 3,5 milliards d'euros, soit un ralentissement de 30 % par rapport au rythme de 2025 et même de 55 % par rapport au rythme de 2024.

En qualité de rapporteurs spéciaux, nous prenons acte de la décision du Gouvernement de proposer un ralentissement du déploiement du plan en 2026.

La commission des finances a adopté, sur l'initiative de son rapporteur général, un amendement visant à ralentir encore davantage, par rapport à ce que propose le Gouvernement, le rythme d'attribution des aides de France 2030.

Sous réserve de l'adoption de cet amendement, ainsi que d'un autre que j'aurai l'occasion de vous présenter, la commission a émis un avis favorable sur les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-François Husson applaudit également.)

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur trois points relatifs aux crédits des télécommunications, des postes et de l'économie numérique.

Tout d'abord, concernant le plan France Très haut débit, la France fait aujourd'hui partie des pays les plus fibrés d'Europe : son taux de couverture devrait atteindre 95 % fin décembre 2025.

Je souhaite insister sur l'invraisemblable situation que connaît Mayotte. À la suite du passage du cyclone Chido, l'opérateur Orange, inquiet de la concurrence de Starlink, a annoncé qu'il ne souhaitait pas reconstruire un réseau cuivre dans les zones sinistrées qu'il couvrait précédemment, en particulier autour de Mamoudzou, et qu'il privilégiait le déploiement d'un réseau optique. Or ces zones devaient être couvertes par le RIP du conseil départemental. Celui-ci se voit en quelque sorte couper l'herbe sous le pied. Conséquence : ce RIP n'est plus viable ; il doit être redéfini pour être mis en place, au mieux, en 2027, soit un retard préjudiciable pour un territoire que l'on sait déjà lourdement handicapé.

Monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend-il gérer cette situation, alors qu'Orange, je le rappelle, est une entreprise dont l'État est le principal actionnaire ?

Concernant La Poste, ensuite, le contrat de présence postale territoriale prévoit un financement de 174 millions d'euros chaque année au titre de la contribution du groupe à l'aménagement du territoire. Or la compensation prévue pour 2026 n'est que de 122 millions d'euros. Vous le savez, mes chers collègues, une telle baisse n'est pas compatible avec le financement des actions décidées par les commissions départementales de présence postale territoriale, qui sont, je le rappelle, le levier par lequel les élus locaux peuvent agir en matière de présence postale.

C'est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement visant à augmenter de 52 millions d'euros la dotation budgétaire versée à La Poste pour l'exercice de sa mission d'aménagement du territoire en 2026. Je sais que des crédits ont été réaffectés en loi de finances de fin de gestion pour 2025, mais ils sont ciblés vers le service universel postal, comme M. le ministre nous le confirmera. Il est donc important d'abonder les crédits destinés au financement de la mission d'aménagement du territoire de La Poste.

Concernant enfin le transport et la distribution de la presse, la réforme entrée en vigueur en 2023 incitait, je le rappelle, à basculer du postage vers le portage.

Cette réforme est un échec : la bascule n'a pas été opérée, et c'est même plutôt le contraire qui s'est produit. Dans la mesure où les tarifs ne couvrent que 31 % des coûts, la distribution de la presse creuse un véritable gouffre financier pour La Poste : le déficit lié à cette mission de service public atteint aujourd'hui plus de 600 millions d'euros, quand la compensation afférente n'est que de 24 millions d'euros pour 2026.

Monsieur le ministre, il est donc urgent de revoir, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2027, ces fameuses modalités de compensation ainsi que les conditions économiques d'exercice de cette mission nécessaire au pluralisme du débat démocratique.

Plus largement, il est important que nous légiférions sans plus tarder sur la mission globale de service public de La Poste : son formidable maillage territorial est un atout qu'il faut mettre à profit pour répondre aux attentes de nos populations, notamment rurales, et nous préparer aux évolutions économiques, sociales et sociétales de demain.

Sous réserve de l'abondement des crédits d'aménagement du territoire de La Poste, la commission des affaires économiques s'est prononcée en faveur de l'adoption des crédits de la mission « Économie ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Patrick Chaize et Gilbert Favreau applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les actions relatives à la consommation, au commerce, à l'artisanat et au tourisme sont moins frappées que d'autres par la baisse des crédits de la mission « Économie » ; mais tout ne va pas bien pour autant.

Je prendrai l'exemple des crédits de la DGCCRF, qui sont même en légère hausse. Ce constat peut rassurer, mais il s'agit d'une évolution en trompe-l'œil : 90 % des 270 millions d'euros de l'action n° 24 « Régulation concurrentielle des marchés, protection économique et sécurité du consommateur » ont vocation à financer des dépenses de personnel.

Or, si cette hausse faciale des crédits semble traduire, à première vue, une forme de priorité donnée à la consommation, il faut la mettre en regard de l'augmentation mécanique des dépenses, sous l'effet du glissement vieillesse technicité et de la création de 5 ETP, mais aussi et surtout des nombreux textes adoptés dans la période récente en vue d'améliorer la protection des consommateurs : j'ai dénombré, ces trois dernières années, près de trente textes législatifs ou réglementaires ayant accru les missions de la DGCCRF !

L'extension des missions qui lui sont confiées relativise fortement le constat d'une légère hausse des crédits : l'évolution des moyens de la DGCCRF est donc, j'y insiste, un trompe-l'œil. Dans un contexte de rigueur budgétaire, il convient par conséquent d'identifier les leviers organisationnels, numériques et juridiques qui pourraient être mobilisés pour renforcer à moyens constants les contrôles de la DGCCRF, notamment ceux qui ont trait à l'information fournie au consommateur.

J'en viens à la fermeture de l'Institut national de la consommation (INC).

Les crédits alloués à cet institut et au mouvement de défense du consommateur sont en hausse de 61 %, mais cette évolution ne s'explique que par la couverture de la dissolution et de la liquidation de l'INC : l'article 71 du projet de loi de finances prévoit en effet que ces opérations doivent s'achever au plus tard le 31 mars 2026.

L'Institut national de la consommation, créé en 1966, va donc, pour ses 60 ans, cesser ses activités, y compris l'édition de son magazine, 60 Millions de consommateurs, et la production de son émission télévisée, ConsoMag.

Si son rôle d'information et d'alerte des consommateurs est incontestable, il traversait depuis plusieurs années une situation financière difficile ; sa dissolution est donc regrettable, mais logique.

Je conclurai en évoquant la réforme du réseau de l'agence Atout France. Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit la mutualisation de son réseau à l'étranger avec celui de Business France. Monsieur le ministre, je vous demande de faire preuve de vigilance quant aux conditions de cette mutualisation : si les deux opérateurs peuvent partager des objectifs communs, il ne faudrait pas que cette réforme ait des effets néfastes sur notre secteur du tourisme.

Ces remarques étant faites, je souligne que la commission des affaires économiques est favorable à l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois de plus, les crédits inscrits en faveur de la « politique industrielle » au sein de la mission « Économie » sont en baisse. Je ne vous cache pas qu'à lire ce projet de budget pour 2026 je m'inquiète pour notre « politique industrielle » – si je mets cette formule entre guillemets, c'est que je crois de moins en moins à l'existence réelle d'une telle politique.

La « politique industrielle » est tout bonnement introuvable, et l'ambition à laquelle elle est censée répondre – la « réindustrialisation » – l'est également.

Un chiffre m'a frappé d'emblée dans ce projet de loi de finances : pour la première fois, nous descendons sous le seuil symbolique du milliard d'euros, l'enveloppe de l'action n° 23 « Industrie et services » du programme 134, qui regroupe une partie des crédits d'intervention pour l'industrie, ne s'élevant qu'à 941 millions d'euros en crédits de paiement. Bien sûr, cette action ne retrace pas la totalité des moyens alloués à la politique industrielle de notre pays, dont la dispersion est grande ; mais il y a là, tout de même, un très mauvais signal, alors que l'industrie française poursuit malheureusement son déclin – nous en avons chaque jour des illustrations.

Dans un tel contexte, je conteste le choix gouvernemental consistant à accélérer la baisse des soutiens à l'industrie dans le projet de loi de finances pour 2026.

L'industrie française doit être aidée différemment et de manière beaucoup plus ambitieuse. Nous avons besoin de grands plans industriels : il y va de notre souveraineté.

À cet égard, je veux redire que la politique industrielle est aujourd'hui illisible d'un point de vue budgétaire, car ses moyens sont éclatés au sein du budget, ce qui nuit à la mission de contrôle du Parlement. C'est par exemple le programme 112 de la mission « Cohésion des territoires » qui finance le dispositif Territoires d'industrie, lequel aurait toute sa place, pourtant, dans la mission « Économie ».

Monsieur le ministre, vous avez conscience de cet éclatement : la direction générale des entreprises a elle-même réclamé une refonte de la maquette budgétaire visant à faire apparaître de manière unifiée et consolidée, pour une meilleure lisibilité, les crédits de la politique industrielle au sein du projet de loi de finances.

Cette réforme, le Gouvernement la repousse ; nous devons soutenir au contraire sa concrétisation rapide, afin que le changement s'opère dès le budget 2027 et que toutes les administrations concernées aient le temps de s'y préparer.

(À suivre)