Mme Vanina Paoli-Gagin. La baisse de nos dépenses nous permettra de réduire notre déficit, donc notre besoin en emprunts nouveaux. Ainsi, et seulement ainsi, la charge de la dette pourra enfin stopper sa folle croissance.
M. Emmanuel Capus. Eh bien voilà !
Mme Vanina Paoli-Gagin. En 2025, la charge de la dette était le troisième budget du pays. En 2026, elle sera le deuxième poste de dépenses de l'État, après l'éducation et avant même les armées. Et d'ici à deux ans, elle sera certainement le premier.
Au sein de notre groupe, nous avons une position très claire en matière budgétaire : nous souhaitons baisser les impôts, baisser les dépenses et augmenter l'activité.
Le vote de trop nombreux impôts nouveaux lors de l'examen de la première partie nous a empêchés de la voter.
Si nous estimons que nous ne sommes pas allés assez loin dans cet exercice de sobriété budgétaire lors de l'examen de la seconde partie, plusieurs avancées méritent néanmoins d'être notées.
Je tiens ainsi à saluer l'adoption de notre amendement portant à trois le nombre de jours de carence dans la fonction publique d'État, hors armées. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mmes Cécile Cukierman et Silvana Silvani s'exclament.) Un tel alignement entre les régimes du public et du privé était nécessaire.
Par ailleurs, le renforcement des moyens de nos armées et le maintien des crédits des ministères régaliens, notamment ceux du ministère des affaires étrangères, sont salutaires et même indispensables dans le contexte troublé que nous connaissons.
Pour ces raisons, les sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront le projet de loi de finances pour 2026.
À titre personnel, ma conclusion est que l'examen du budget n'est pas un exercice adapté pour réaliser des économies, baisser les dépenses et préparer l'avenir. Bien souvent, il se concentre à l'extrême sur la fiscalité et sert simplement à moduler les impôts.
C'est exactement pour cela, mes chers collègues, que je vous ai proposé de réfléchir à l'instauration d'une loi de finances pluriannuelle. Pour traduire dans le projet de loi de finances des économies en décembre, il faut réformer l'État tout le reste de l'année, entre janvier et septembre.
Mes chers collègues, madame, monsieur les ministres, voici donc quelques pistes à explorer collectivement dans les mois à venir, pour que le prochain budget soit peut-être moins dépensier : réformer la commande publique pour de vrai ; réformer les fonctions publiques pour de vrai ; intégrer l'intelligence artificielle dans nos services publics et réformer l'immobilier de l'État.
Qu'importent les incertitudes de l'Assemblée nationale, vous avez face à vous des sénatrices et des sénateurs prêts à réformer notre pays au service du plus grand nombre. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Fargeot applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, après le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale mardi dernier, une éditorialiste a résumé en un titre les maux de notre pays : « La Sécu, cet octogénaire qui dévore ses petits-enfants ».
Pour ma part, jeudi 25 novembre dernier, j'avais résumé ainsi la situation à cette même tribune : « La France est un vieux pays qui ne sait plus parler à sa jeunesse. »
Comment la sécurité sociale, pilier du modèle de la République sociale française, a-t-elle pu devenir un objet à ce point dévoyé ?
La réalité est sous nos yeux, objectivée par les travaux récents de l'Insee et de l'OCDE. L'âge moyen de départ à la retraite dans les pays de l'OCDE s'établit aujourd'hui à 64,7 ans et passera bientôt à 66,4 ans. En France, les plus âgés sont ceux qui épargnent le plus, quel que soit leur niveau de revenu. Le taux d'épargne des plus de 70 ans atteint même 25 % de leur revenu brut disponible.
Toutefois, cet équilibre est fragile : la France est l'un des pays où les plus de 65 ans sont les plus tributaires des transferts publics.
Le bon sens aurait voulu que l'on poursuive la réforme de 2023 en prévoyant une refonte systémique au lieu de la suspendre. Quel gage allons-nous désormais donner à la Commission européenne pour justifier notre capacité à ramener le déficit public sous le seuil de 3 % du PIB en sept ans et non en quatre ?
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 aurait dû entamer un indispensable rééquilibrage entre les générations, plutôt que de sacrifier la jeunesse au bénéfice des aînés.
Et pourtant, si les dépenses sociales sont préservées dans ce texte, ce qui creuse le déficit de la sécurité sociale, ce n'est pas le cas des dépenses d'investissement, comme l'éducation, la recherche ou la transition écologique.
Un Français consacre aujourd'hui l'équivalent d'une semaine et demie de travail au paiement des intérêts de la dette. En l'absence d'ajustement, cela pourrait être le double dans quinze ans.
Pour les jeunes générations, la charge de la dette, et donc l'impôt, ne sera plus synonyme de financement de l'avenir, de projets d'infrastructures pour aménager le territoire ni de soutien aux technologies de rupture pour rester compétitifs ; elle sera le coût de l'héritage du passé.
Le couple projet de loi de finances – projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous proposent les députés n'est pas neutre. Ce budget traduit un arbitrage qui ne dit pas son nom : il satisfait le présent et sacrifie l'avenir.
Un tel modèle n'est pas celui du groupe Les Républicains, comme en attestent plusieurs des amendements que nous avons déposés.
Nous avons ainsi rejeté le report de la réforme des retraites. Nous sommes revenus sur certains abattements. Nous avons n'indexé que les pensions les plus faibles. Nous n'avons pas modifié le barème de l'impôt, sauf pour les plus modestes. Ce sont des choix responsables.
Face à ceux qui estiment, sur la gauche de cet hémicycle, que la situation n'est pas grave parce que nous laisserions à nos enfants un patrimoine plus important que la dette,…
Mme Cécile Cukierman. Personne ne dit cela !
Mme Christine Lavarde. … face à ceux qui pensent que la fiscalité nous offrira une échappatoire, nous avons essayé, au sein du groupe Les Républicains, tout au long de ces trois semaines, de montrer qu'un autre modèle était possible, en réformant l'État.
Mme Cécile Cukierman. Ce n'est pas notre modèle !
Mme Christine Lavarde. Réduction de l'emploi public non régalien, regroupement des structures publiques, rationalisation de la politique des chèques ou des guichets : nous n'avons pas toujours trouvé une majorité pour nous suivre dans cette voie ; c'est regrettable.
Ne pensons pas que la solution face à notre incapacité à réformer et à adapter l'intervention publique sera une hausse infinie des recettes : les entreprises ou les ultra-riches ne pourront pas financer notre incurie collective, notamment parce que notre croissance est fragile, ainsi que le rappelait en début de semaine un groupe de réflexion pourtant orienté à gauche.
Là encore, la réalité est sous nos yeux, objective. Vendredi dernier, un quotidien titrait en une : « Chefs d'entreprise, la tentation de l'exil ».
Mardi dernier, le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti) publiait son 18e baromètre du financement des ETI. Les résultats n'incitent guère à l'optimisme. L'impôt finance le présent ; seule la croissance finance l'avenir.
Dans quelques heures, au motif de ne pas contribuer à l'instabilité, on nous invitera non pas au compromis, mais à la compromission. Le groupe Les Républicains a toujours abordé les débats budgétaires avec responsabilité, conscient des difficultés que l'actualité fait peser sur nos entreprises : trésorerie qui se dégrade, faiblesse de la demande, tension sur le financement. La responsabilité, oui, mais à quel prix et pourquoi ?
L'instabilité ne disparaîtra pas avec le vote du projet de loi de finances. Le coût de l'instabilité, ou plutôt de l'incertitude, dépasse largement celui d'une éventuelle dissolution. L'incertitude, c'est aussi l'incapacité des acteurs privés à anticiper les niveaux de demande, les coûts de production, la fiscalité à venir ou encore les taux directeurs.
Dans un tel contexte, qui peut sérieusement dire que la feuille de route qui se dessine est suffisamment cohérente et claire pour les années à venir ? (Mme Silvana Silvani s'exclame.)
L'incertitude, c'est encore l'absence de cap du Gouvernement. Doit-on comprendre, comme le suggérait M. le rapporteur général tout à l'heure, que l'objectif de révision du déficit à 5 % est d'ores et déjà abandonné, alors que nous nous étions engagés en avril dernier auprès de la Commission européenne à le réduire à 4,6 % ?
C'est animé par la conviction que seule la croissance économique permettra d'offrir un avenir à notre jeunesse (Mme Silvana Silvani s'exclame.) et de préparer les transitions que le groupe Les Républicains a contribué au débat budgétaire.
Plus que jamais, nous avons conscience qu'il est impératif de sortir notre pays du cercle vicieux qui fait que l'on compense la faible croissance par une hausse de la fiscalité afin de continuer à financer notre modèle social sans le réformer. Dans un esprit de responsabilité, nous voterons donc le projet de loi de finances pour 2026.
C'est dans ce même esprit que nous participerons aux travaux de la commission mixte paritaire, tout en ayant en tête que chaque impôt sans réforme est une dette morale que l'on transmet aux jeunes générations.
Nous ne pourrons pas apporter nos voix à une CMP qui viendrait trop fortement mettre à contribution les collectivités locales. Celles-ci ne sont pas responsables de notre endettement chronique ; elles soutiennent l'économie par leurs investissements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Cécile Cukierman s'exclame.)
Nous ne pourrons pas non plus apporter nos voix à une CMP qui viendrait augmenter la pression fiscale et qui n'engagerait pas les réformes nécessaires de l'action publique promises depuis 2017, celles qui sont les seules à même de freiner la progression relative des dépenses publiques.
« La marée monte chez les patrons. » Elle monte aussi chez les agriculteurs, dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), chez toutes les forces vives de la Nation, qui, pour reprendre les mots du rapporteur général, n'en peuvent plus. Elles n'en peuvent plus d'une politique du « au jour le jour », sans courage ni vision.
Le projet de budget qui nous a été présenté initialement n'était ni responsable ni digne de confiance. Être responsable, madame, monsieur les ministres, c'est refuser l'impôt. Réformer plutôt que taxer, voilà ce que signifie gouverner. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Patriat. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, « La politique est l'art de rendre possible le nécessaire. »
M. Rachid Temal. Il y a du boulot !
M. François Patriat. Cette maxime du cardinal de Richelieu résonne aujourd'hui avec une force particulière.
Nous voici en effet réunis pour accomplir une mission, certes difficile, mais possible, et surtout essentielle : doter notre pays d'un budget.
Permettez-moi d'abord de remercier chaleureusement les services et le personnel du Sénat, ainsi que nos conseillers et nos collaborateurs, qui ont travaillé sans relâche depuis de longues semaines. Le nombre d'heures de travail qui ont été consacrées au projet de loi de finances pour 2026 est important.
Cette mobilisation exemplaire a permis des débats de très bonne qualité, dans un respect mutuel et avec une dignité qui honore notre institution. Contrairement au spectacle auquel nous assistons trop souvent dans d'autres assemblées, le Sénat a montré une belle image de politique républicaine.
Je tiens aussi à saluer les ministres qui se sont succédé à la tribune, particulièrement M. le ministre de l'économie, ainsi que Mme la ministre de l'action et des comptes publics, qui, comme à son habitude, a démontré à la fois son compétence et sa solidité, unanimement reconnues sur toutes les travées.
Je remercie également M. le rapporteur général, qui a fait valoir ses exigences avec constance. (M. le rapporteur général sourit.)
Après vingt jours de débat, ce budget porte indéniablement, pour partie, la marque de notre groupe. (M. Rachid Temal manifeste son ironie.)
Nous avons obtenu des victoires significatives, pour la protection du pouvoir d'achat, pour la défense des territoires ultramarins et des collectivités territoriales, ou encore pour soutenir nos entreprises et l'innovation.
Face à un projet initial qui aurait fragilisé considérablement nos outre-mer, nous avons permis la suppression pure et simple de l'article 7. La réforme envisagée aurait porté un coup fatal à l'économie de nos territoires ultramarins, déjà fragilisés par leur insularité et leur éloignement.
Dans la lignée de notre dernière niche parlementaire, nous avons préservé les micro-entrepreneurs en supprimant la réforme de la franchise de TVA qui était proposée, alors que ce dispositif protège des centaines de milliers de petits entrepreneurs français.
Nous avons obtenu des avancées concrètes pour éviter que des mesures ne viennent rogner le revenu disponible des Français, comme l'indexation de la première tranche de l'impôt sur le revenu ou encore la suppression de la hausse sur la fiscalité des biocarburants.
Enfin, grâce à l'action coordonnée du Sénat, nous avons collectivement préservé nos collectivités territoriales, qui étaient grandement sollicitées. L'effort demandé aux collectivités a ainsi été ramené à 2 milliards d'euros, soit une baisse significative par rapport aux premières propositions gouvernementales.
Une telle modification témoigne de notre compréhension des réalités territoriales et de la nécessité de préserver la capacité d'investissement de nos communes, de nos départements et de nos régions.
Soyons lucides toutefois, le budget que nous nous apprêtons à voter est loin d'être idéal. Dans quelques jours, il nous faudra pourtant converger vers un texte qui ne conviendra parfaitement à personne, mais que chacun pourra voter dans l'intérêt supérieur du pays.
Mes chers collègues, l'enjeu est non pas le vote d'aujourd'hui, mais l'accord qu'il faudra trouver demain, en sachant que ce dernier ne saurait en aucun cas être obtenu à n'importe quel prix.
Les grands débats de société seront tranchés en 2027. Cessons d'adopter des postures politiques stériles et d'afficher de grandes lignes rouges prétendument indépassables. La campagne électorale viendra et les Français choisiront. Pour l'heure, ils nous ont confié la responsabilité cardinale d'assurer la continuité de l'État et d'identifier le plus petit dénominateur commun pour garantir cette stabilité. Tous les groupes doivent consentir à faire un pas vers l'autre pour tracer un chemin partagé.
Contrairement à ce que j'ai pu entendre, l'histoire de France nous enseigne que nos plus belles réussites sont nées de compromis. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, gaullistes, socialistes et chrétiens-démocrates ont su s'unir pour refonder nos institutions démocratiques.
Mme Cécile Cukierman. Et les communistes ?
M. François Patriat. En 1958, la Constitution de la Ve République a rassemblé des sensibilités diverses autour de projets institutionnels durables.
Plus récemment, les grandes lois sur la décentralisation ont réuni la droite et la gauche pour moderniser la République.
M. Rachid Temal. Surtout la gauche !
M. François Patriat. Nous avons su nous élever ensemble pour faire aboutir ces grands projets historiques. Comment pourrions-nous ne pas parvenir à un budget pour 2026 ?
J'en appelle donc à la clairvoyance, au sérieux et au sens des responsabilités de chacun. Les Français nous observent et espèrent un accord. Ils en ont assez de la séquence interminable et anxiogène qu'ils subissent depuis des mois, dans un climat de catastrophisme politique permanent.
Le compromis, c'est maintenant. Rien ne changera fondamentalement dans nos propositions respectives en janvier ou en février. Ne demandons pas la lune.
Mme Cécile Cukierman. C'est pathétique !
M. François Patriat. Montrons une belle image de la politique française ; démontrons que nous savons nous élever au-dessus de nos divergences partisanes quand l'intérêt du pays l'exige.
C'est animé de cet esprit que le groupe RDPI votera le projet de loi de finances pour 2026, non par conviction absolue, mais par responsabilité républicaine et par sens de l'État.
En conclusion, je citerai cette formule bien connue de Pierre Mendès France, « Gouverner, c'est choisir. » Gouverner, c'est aussi rassembler.
Choisissons le courage plutôt que la facilité, choisissons de rassembler plutôt que de diviser, choisissons l'intérêt général plutôt que les calculs partisans. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Laure Darcos et M. Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de finances pour 2026 laisse au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain un goût amer.
Alors que la majorité sénatoriale n'a eu de cesse d'appeler à la responsabilité et au compromis, c'est de son dogmatisme qu'elle nous a le plus gratifiés au cours des trois dernières semaines.
Que de propos démagogiques auront été formulés dans cet hémicycle, du refus poussé jusqu'à l'absurde de mettre à contribution les plus fortunés et les grandes entreprises, en passant par les poncifs sur les jours de carence et la chasse incessante aux fonctionnaires ! Vous avez même fini par équilibrer votre copie en supprimant des crédits qui finalement ne seront pas annulés, le tout pour aboutir à un déficit affiché de 5,3 %, en hausse de 5 milliards d'euros par rapport au texte initial du Gouvernement. En bref, tout y est passé.
Revenons tout d'abord sur le volet recettes, qui a été un véritable festival. On pourrait presque en rire, si cela n'avait pas d'incidence sur notre déficit. Si nous votions ce texte, le solde budgétaire se dégraderait en effet de 7,7 milliards d'euros et le déficit serait creusé à 5,1 % du PIB, contre 4,7 % dans le texte initial du Gouvernement.
Un sénateur du groupe Les Républicains. C'est à cause d'Olivier Faure !
M. Thierry Cozic. Rappelons, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, que cette dégradation s'explique principalement par votre dogmatisme en matière fiscale.
Ainsi, vous n'avez rien trouvé de mieux à faire que de supprimer la surtaxe sur les grandes entreprises pour 4 milliards d'euros,…
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Thierry Cozic. … tout en vidant de sa rachitique substance la taxe sur les holdings, privant ainsi le budget de l'État de 900 millions d'euros.
Vous avez aussi réduit le rendement de l'impôt sur la fortune immobilière de 600 millions d'euros. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Après de tels exploits, ne venez plus nous parler de sérieux budgétaire ! Vous creusez le trou du déficit à la pelleteuse (Applaudissements sur les travées du groupe SER.), au moment même où notre pays affiche la dette la plus importante de son histoire, dans une période semblable à bien des égards à celle qui a précédé la Révolution et les deux guerres mondiales.
M. Loïc Hervé. Ce n'est pas en revenant sur la réforme des retraites que cela ira mieux !
M. Thierry Cozic. Ce budget n'est pas satisfaisant, bien davantage par ce qu'on n'y trouve pas que par ce qu'on y trouve. Nous l'avons tous compris, certains débats étant interdits, nous n'aurons pas pu les avoir.
Celui sur l'héritage en fait partie. Une fois de plus, cette chambre a fait preuve sur ce sujet d'un dogmatisme quasi unanime. Alors que, ce mois-ci, la Cour des comptes enjoignait dans un rapport aux pouvoirs publics de prendre des mesures fortes pour mieux encadrer l'héritage, aucun de nos amendements sur ce sujet n'a trouvé grâce à vos yeux.
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. Thierry Cozic. Pourtant le temps presse, tant socialement qu'économiquement. L'héritage n'aura pas été le seul sujet volontairement escamoté dans ce débat.
Au-delà de l'urgence budgétaire, ce projet de loi de finances ne permet nullement de faire face à l'urgence climatique. Pourtant, le dérèglement climatique est là ; il chamboule et prend des vies. C'est une conséquence directe du capitalisme fossile et financier dans lequel se trouve coincé notre pays.
Mme Sophie Primas. Et ça, ce n'est pas du dogmatisme ?
M. Thierry Cozic. Cette année encore, on procède à des coupes dans le fonds Barnier et on ampute les fonds destinés à la rénovation thermique. Nous sommes bien loin des 37 milliards d'euros d'investissements publics qu'il faudrait consentir tous les ans pour être à la hauteur et protéger les Français. Et pourtant, le fonds vert se voit privé de toute perspective.
Nos collectivités territoriales et nos élus locaux auront également pu constater que vous tenez un double discours. (Mme Silvana Silvani acquiesce.) Après un congrès des maires lors duquel vous n'avez eu de cesse de vous ériger en défenseurs de nos territoires et de la décentralisation, vous avez défendu des positions à l'exact opposé durant l'examen du projet de loi de finances.
Dotations non indexées, ponction dans les variables d'ajustement, maintien du Dilico et j'en passe : non, la droite sénatoriale ne protège pas les collectivités ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Protestations et huées sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP.)
Certes, il y a bien eu quelques avancées, parmi lesquelles la suppression de la fusion des dotations territoriales et l'abondement du fonds de sauvegarde des départements. En l'espèce, le groupe socialiste a joué un rôle central, clair et fidèle à ses engagements. (Mme Lauriane Josende s'exclame.)
Toutefois, ces avancées ponctuelles ne sauraient masquer l'essentiel : vous continuez d'accompagner un projet centralisateur et vous sacrifiez une fois encore les collectivités territoriales sur l'autel de choix idéologiques. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sophie Primas. Mais bien sûr...
M. Thierry Cozic. Il y a quelques années, lors d'un débat budgétaire, le président de la commission des finances, Claude Raynal, évoquait un « gouvernement Shadok », qui creusait et creusait encore, sans qu'il ne se passe jamais rien. Je crains d'avoir à faire aujourd'hui le même constat : la majorité sénatoriale remplit très bien son rôle de Shadok.
Ce budget ne permettra de résoudre aucun problème ; bien au contraire, il risque d'en créer. Et comme je sais que cette assemblée aime comparer notre pays à l'Allemagne, permettez-moi d'y aller de ma comparaison.
De part et d'autre du Rhin, nos pays traversent des crises politiques analogues, qui trouvent leur origine dans la question budgétaire.
L'insistance avec laquelle le ministre libéral des finances, Christian Lindner, plaide pour des baisses d'impôts pour les hauts revenus et pour une suspension des objectifs climatiques a paralysé l'exécutif. L'arrivée de Friedrich Merz à la chancellerie n'aura apporté aucun répit.
Les investissements, pourtant aussi urgents qu'en France, dans les services publics, dans les systèmes de santé et de retraite et dans la transition écologique demeurent entravés par l'orthodoxie budgétaire. L'État allemand fait rouler sa dette tel un hamster qui tourne dans sa cage, sans aucun horizon.
L'ironie est frappante : tandis qu'à Berlin le désaccord sur la manière d'augmenter la dette publique a provoqué la chute du Gouvernement, à Paris, les gouvernements successifs s'effondrent en essayant de la réduire. C'est en raison d'un budget qu'il pensait non « votable » à l'automne dernier que le président Macron a dissous l'Assemblée nationale.
Cette situation en miroir de part et d'autre du Rhin n'est cependant pas le fruit du hasard. La panique budgétaire qui saisit aujourd'hui notre pays comme elle saisit l'Allemagne tient avant tout à un réflexe idéologique.
Nous ne sommes pas dupes : les gouvernements centristes, qu'ils soient dirigés par M. Macron ou M. Merz, continuent d'utiliser la crise des finances publiques pour masquer leur incapacité à élaborer un programme social et écologique réaliste et durable. C'est précisément derrière cet impensé que la majorité sénatoriale s'est cachée durant nos débats.
En conclusion, ce budget ne résout strictement rien. Pis, mes chers collègues : en supprimant ou en diminuant les rares dispositions qui ne faisaient pas porter l'effort de manière trop disproportionnée sur les dépenses, vous avez réduit substantiellement les chances de notre formation politique de trouver un compromis acceptable en commission mixte paritaire. (M. Michaël Weber applaudit.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Thierry Cozic. Faute de compromis, vous risquez d'entraîner notre pays dans une impasse institutionnelle dont vous porterez l'entière responsabilité. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera naturellement contre ce budget ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le 27 novembre dernier, le Sénat entamait la discussion du projet de budget pour 2026. Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky proposait alors de rejeter ce texte et de tout reprendre à zéro.
Nous considérions en effet que tout était mis en œuvre pour imposer un budget d'inégalité, minoritaire dans la population et disqualifié pour rassembler les Français.
Une version gouvernementale nous était soumise. Elle n'était en réalité qu'une succession de reprises : reprise du projet Barnier censuré, reprise du projet Bayrou rejeté à la suite d'un vote de confiance et, enfin, reprise du projet du gouvernement Lecornu I, qui n'aura même pas tenu vingt-quatre heures.
Demain, peut-être aurons-nous droit à une loi spéciale, dernier moyen d'imposer un projet de loi de finances qui resterait, malgré quelques concessions destinées à éviter une nouvelle censure, le budget de ceux qui ont perdu toutes les élections récentes.
Finalement, le Gouvernement a une nouvelle fois été désavoué par l'Assemblée nationale : lors d'un vote sans précédent, une seule voix s'est exprimée en faveur du volet relatif aux recettes du projet de loi de finances.
Ni la droite sénatoriale ni le Gouvernement ne se sont interrogés sur le fait que le projet de budget proposé n'était soutenu que par 8 % des Français. On nous a répondu qu'il fallait continuer, comme si de rien n'était...
Le compromis n'a pas eu lieu et n'aura pas lieu. Ou alors il sera bicéphale, entre la droite sénatoriale et le Gouvernement.
Le texte sera sans doute modifié lors de la réunion de la commission mixte paritaire ce vendredi, à l'issue d'une discussion non filmée et à huis clos. On y décidera de la vie de nos concitoyens en conclave, ce « on » excluant les communistes et les écologistes, qui ne participent pas à la réunion de la CMP alors qu'ils disposent pourtant d'un groupe dans chaque chambre. (M. Loïc Hervé s'exclame.)
Aussi, après trois semaines de discussion au Sénat, la perspective d'un débat faussé et d'un budget imposé à la population du pays ne s'est pas éloignée. Voilà une semaine, le président Larcher évoquait un possible recours à l'article 49.3.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Pascal Savoldelli. Il y a quelques heures, Élisabeth Borne lui emboîtait le pas. C'est tout à fait légal, mais c'est tout autant illégitime.
En clair, les craintes qui nous conduisaient à vous proposer de rejeter le budget se sont révélées fondées. Aucun de nos arguments n'a été démenti par les faits. Et tout cela pourquoi ?
Le budget initial reposait sur un équilibre déjà discutable et orienté : l'effort portait pour un tiers sur les recettes et pour deux tiers sur les dépenses.
À l'issue de nos débats, un enseignement politique apparaît au grand jour : la droite sénatoriale n'a pas d'autre budget à proposer que celui du Gouvernement, qu'elle a tout simplement durci, renforcé, pour ne pas dire radicalisé – j'utilise ce terme à dessein – dans le sens de la défense des ultrariches. (Très bien ! sur des travées du groupe CRCE-K.)
Elle prétend se distinguer du Gouvernement, mais elle approuve l'essentiel de ses orientations : la protection des possédants et le rationnement pour le reste du pays. Elle s'est inspirée de ce que le projet de budget du Gouvernement contenait de pire. Le pire, mes chers collègues, j'y insiste !
Le pire, c'est tout d'abord ce qu'elle a fait dans le volet recettes du projet de loi de finances.
La droite sénatoriale a ainsi exonéré les plus riches de 13 milliards d'euros d'impôts, dégradant le solde des recettes de près de 8 milliards d'euros. Elle a accordé plus de 6 milliards d'euros d'allègements ciblés aux grandes entreprises, aux holdings patrimoniales et aux hauts patrimoines.
Ces mesures interviennent alors que 211 milliards d'euros d'aides publiques aux entreprises échappent à tout contrôle. La majorité sénatoriale est même allée jusqu'à refuser un simple document d'information parlementaire sur le sujet ! Certains sont donc contents : ils pourront vivre mieux, car ils pourront vivre cachés !
La droite refuse de soumettre le capital à une juste contribution. La rente est protégée, les grandes entreprises biberonnées et les magnats de l'immobilier sont consacrés par ce que l'on peut désormais appeler la République des actionnaires.
Le pire, ensuite, c'est ce que la droite a fait dans le volet relatif aux dépenses.
La conséquence des choix de la majorité sénatoriale en matière de recettes est que l'intégralité de l'ajustement repose désormais sur les services publics. Concrètement, ces derniers subiront des coupes dont le montant devrait se situer entre 28 milliards et 30 milliards d'euros, alors que le Gouvernement n'annonçait qu'une réduction des crédits de 23 milliards d'euros, ce qui était déjà beaucoup. Voilà qui est inédit et d'une grande brutalité !
Symbole de cette brutalité, la droite a supprimé, en quelques secondes seulement, 1 milliard d'euros qui étaient destinés au plan France 2030 – tant pis pour notre industrie ! Et que dire de la suppression de 4 000 postes d'enseignants ?
Le pire, enfin, ce sont les méthodes employées : secondes délibérations à répétition, amendements adoptés puis supprimés, rabotages de dernière minute par le biais d'amendements déposés à la hâte. Ainsi un sous-amendement visant à supprimer 1,9 milliard d'euros de crédits évaluatifs a-t-il été déposé à minuit vingt-quatre, porté à la connaissance des sénateurs à minuit vingt-huit, puis examiné à minuit trente, sans que la commission des finances ait pu se réunir au préalable !
Vous dégradez le solde budgétaire de 7 milliards d'euros, chers collègues, et non pas de 5,1 milliards d'euros ! Permettez-moi de le dire avec beaucoup de respect, c'est du tripatouillage. Ce n'est pas, loin de là, une marque de sérieux budgétaire.
Le projet de loi de finances tel qu'il résulte des travaux du Sénat est violent, imposé au peuple. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il est violent, car on demande des efforts à ceux qui en font déjà tant ! (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit. – M. Emmanuel Capus proteste.)
Mais dans quel monde vivez-vous, mes chers collègues ?
Notre monde, celui du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, c'est celui dans lequel 360 plans de licenciements et 45 000 suppressions d'emplois sont recensés dans l'industrie française. (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K.)
Notre monde, c'est celui dans lequel les prix des produits alimentaires sont 38 % plus élevés en outre-mer que dans l'Hexagone.
Notre monde, c'est celui dans lequel le montant des factures d'électricité a quasiment doublé en dix ans, et où, chaque jour, des centaines de milliers de Français sautent des repas, non par choix ou parce qu'ils suivent un régime, mais par contrainte !
Voilà le pays tel qu'il est ! Voilà le cadre dans lequel le budget devrait être élaboré, évalué, jugé. Au regard de cette réalité, le groupe CRCE-K a déposé plus de 500 amendements visant à trouver 70 milliards d'euros de recettes.
Nous voulons cibler la richesse là où elle se trouve, c'est-à-dire dans les rentes et les abus, afin de réinvestir dans la relance économique, la solidarité, l'école, la culture, les transitions, les collectivités territoriales, les coopérations, les sécurités collectives – intérieures et extérieures –, en misant sur la paix sociale et la diplomatie et non sur la mise en concurrence déloyale ou sur la brutalité.
Nous avons travaillé et proposé des mesures chiffrées. Nous avons défendu un budget alternatif, au service de l'État, des citoyens et des services publics.
Madame, monsieur les ministres, le mouvement social, syndical, paysan, le monde du travail dans toute sa diversité, vous le disent sans relâche : ce que vous faites n'a aucune légitimité dans le pays. À chaque fois que les citoyens se sont exprimés, ils ont majoritairement rejeté ces politiques. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
L'année 2026 sera peut-être celle de résistances nouvelles, populaires, larges et unitaires. Et alors, je vous le dis avec espoir, tout redeviendra possible. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. Mes chers collègues, le Sénat va maintenant procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2026, modifié.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Conformément à l'article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.