M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la santé mentale des jeunes se dégrade depuis plusieurs années de façon très occupante et persistante. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) l'a à son tour pointé dans un récent avis.
Ainsi, 75 % des troubles psychiques se développent avant 25 ans.
Au collège et au lycée, plus d'un élève sur deux exprime un mal-être récurrent, un lycéen sur quatre déclare avoir eu des pensées suicidaires au cours de l'année.
Chez les jeunes adultes, les épisodes dépressifs, les tentatives de suicide ou les idées suicidaires sont également en hausse.
Ces constats rejoignent les travaux que Jean Sol, Daniel Chasseing et moi-même avons menés et qui ont donné lieu à un rapport d'information intitulé Santé mentale et psychiatrie : pas de « grande cause » sans grands moyens. Je me félicite que la santé mentale soit reconduite comme grande cause nationale pour l'année 2026. Espérons que les grands moyens soient aussi au rendez-vous.
C'est dans ce contexte que nous examinons la proposition de loi d'Alain Milon visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique. Ce texte a été remanié par la rapporteure Chantal Deseyne et la commission des affaires sociales. Comme on dit chez moi, « c'est un peu moins pire que si c'était pire ! » (Sourires.) À la suite de cette réécriture, l'ensemble des centres acteurs de prise en charge de troisième recours sont reconnus dans le code de la santé publique, et pas uniquement la cinquantaine de centres experts de la fondation FondaMental.
Les critiques émises contre les centres experts de Fondamental sont en effet très nombreuses. Je n'en rappellerai que quelques-unes.
La Fédération hospitalière de France pointe par exemple que ces centres n'ont fait l'objet d'aucune évaluation, contrairement à l'usage qui prévaut avant toute généralisation.
Selon la Fédération hospitalière de France, les besoins en niveau 3 dans la gradation des soins concernent davantage les centres ressources que les centres experts. Le temps qui m'est imparti ne me permet malheureusement pas de développer ce point.
Selon l'universitaire Roland Gori, « ce texte permettrait à FondaMental d'étendre son prototype et d'infiltrer son modèle à l'ensemble des pratiques psychiatriques en les protocolisant et en les normalisant sur des standards biotechniques, neurologiques, épidémiologiques et médicamenteux ». Il ajoute que « ces start-up de santé mentale financées par les entreprises du CAC 40 […] reposent sur des informations converties en données numériques, recueillies, stockées, traitées ».
Je relaie donc avec empressement les inquiétudes relatives à l'inscription des centres experts dans le code de la santé publique sans évaluation préalable.
Nous pensons surtout que le renforcement du niveau 3 ne doit pas se faire au détriment des niveaux 1 et 2, car c'est précisément sur eux que la réponse publique doit être renforcée en priorité.
Les solutions privées ne sont que des palliatifs aux défaillances du système public organisées par les réformes successives de la santé ou provoquées par une insuffisance de moyens financiers.
Notre modèle repose sur la psychiatrie de secteur, qui comprend l'accueil inconditionnel de toutes les souffrances et la prise en charge du patient par une équipe de proximité. Ce modèle a malheureusement été écorné, il souffre de manque de moyens, de manque de professionnels de santé, mais, tout comme les professionnels, nous sommes convaincus de son efficacité.
L'urgence est donc à conduire un effort de valorisation des métiers de la psychiatrie, à investir dans nos établissements publics comme celui du Rouvray, dans mon département, dont la vétusté de certains bâtiments est indigne des patients accueillis et agit comme un repoussoir pour les jeunes professionnels.
Pourtant, le centre hospitalier du Rouvray ne manque pas d'atouts. Il dispose par exemple d'un département de recherche.
Comme l'a souligné fort justement le professeur Raphaël Gaillard, auditionné par la commission des affaires sociales sur votre initiative, cher collègue Milon : attention au risque d'un divorce entre les structures universitaires de pointe et les structures de secteur, qui se produirait au détriment des patients.
Face à la crise de la santé mentale, notre système public de prise en charge est insuffisamment soutenu et les professionnels manquent de reconnaissance.
Le développement des centres experts, financés par le mécénat des grands groupes du CAC 40, peut d'ailleurs agir comme une pompe aspirante de professionnels de la santé mentale, qui manquent tant dans le secteur public.
Redonnons ses lettres de noblesse à la psychiatrie publique en manque d'attractivité ; mobilisons les moyens financiers permettant aux CMP, aux CMPP et aux services psychiatriques de répondre dans des délais convenables aux demandes, qui sont en forte progression !
Ce n'est malheureusement pas du tout le sens de cette proposition de loi qui, même remaniée, tend à calquer les mesures qu'elle prévoit sur le modèle de la médecine somatique, qui n'est pas approprié à la santé psychique.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, certes, le malaise provoqué par le dépôt d'une proposition de loi pro domo pour FondaMental a été pris en compte. Ainsi, l'opérateur unique et privé a disparu du texte et l'appellation « centres experts » a été supprimée de son intitulé. Pour autant, le remplacement par la reconnaissance d'équipes médicales assurant des soins de troisième recours dans des centres définis revient à réintroduire, sans débat public ni concertation avec la profession, une architecture en trois niveaux de soins, qui, aujourd'hui, n'existe pas en psychiatrie.
Si l'expertise psychiatrique existe dans des lieux divers et dispersés – centres de référence, centres d'expertise thématique, centres ressources ou de recours –, la pratique clinique produit aussi de l'expertise.
Comme le demande la Fédération hospitalière de France, il faudrait préalablement établir un état des lieux de ce qui s'apparente aux modèles reconnus dans d'autres pathologies de gradation des soins en trois niveaux, en documenter sous validation d'autorités indépendantes les impacts cliniques, économiques et de recherche observés et attendus.
Ensuite, si la pertinence de ce modèle d'organisation de l'offre est établie – je rappelle que ce n'est pas le cas aujourd'hui –, le temps sera venu, via une concertation approfondie, de définir un cahier des charges, les règlements d'organisation et de fonctionnement des opérateurs de niveau 3, leur statut, le périmètre des missions, les critères de qualité, les exigences de coordination avec la psychiatrie hospitalière et de secteur, les critères d'adressage et, enfin, leur positionnement dans l'offre de soins. De ce point de vue, la proposition de loi qui nous est soumise entretient un grand flou.
Ce travail d'élaboration n'a pas été fait et le législateur ne peut sauter ces étapes ou les accélérer, sous la pression d'un opérateur, en modifiant le code de la santé publique, alors même qu'aucune gradation de soins concernant d'autres disciplines n'y figure.
C'est aux ministères concernés et à l'État qu'il convient de définir par décret la gradation et les niveaux de soins, non au législateur.
Cette proposition de loi a été construite pour FondaMental et son modèle. À la suite des réserves exprimées par la grande majorité des personnes auditionnées par la commission des affaires sociales et du retrait de la référence à cet acteur, force est de constater que l'on ne sait plus trop sur quoi nous légiférons, d'autant que nous ne saurons rien des qualifications et compétences requises des équipes de troisième recours, comme des référentiels de formation concernés.
En effet, de la DGOS au Collège national des universitaires de psychiatrie (Cnup), en passant par la Fédération hospitalière de France, de la critique de la seule étude produite par FondaMental à son articulation variable avec la psychiatrie de secteur, rarement proposition de loi n'aura suscité autant de réserves lors des auditions organisées à son sujet.
Néanmoins, un consensus se dégage sur la nécessité d'une large concertation sur l'organisation des soins et le modèle de gradation des soins.
Il a en effet semblé impossible de pérenniser une offre et un modèle fondés sur l'étude d'une seule pathologie, dont les conclusions quant à son efficacité et à son efficience ont été extrapolées et reprises sans prudence dans l'objet de la proposition de loi. Il n'est qu'à voir : promesse de 18 milliards d'euros d'économies et division par deux des hospitalisations. Cette étude s'est révélée pleine de biais méthodologiques majeurs : absence de groupe témoin, faiblesse de la cohorte, biais de recrutement – j'en passe.
De plus, parce qu'il n'assure que le diagnostic suivi de recommandations thérapeutiques, sans prise en soins et suivi des patients, ce modèle répond mal à la demande des acteurs de la psychiatrie favorables à des centres de ressources d'expertise, mais intégrés à l'activité clinique des CHU ou des praticiens de secteur.
L'activité clinique paraît essentielle à un diagnostic d'excellence et surtout évolutif supposant un système intégratif, coopératif, évolutif garantissant la continuité des soins sans ruptures de parcours.
Il en est de même pour la recherche qui nécessite un cadre méthodologique et des modes de saisie protocolisés.
La recherche et les avancées scientifiques nourrissent la psychiatrie, mais l'approche expertale ne peut s'y réduire et conduire à une psychiatrie hors sol et déliée du soin.
La DGOS qui, bon an mal an, a laissé le modèle des centres experts prospérer sans grand suivi, concède que celui-ci n'a pas fait l'objet d'une évaluation scientifique indépendante et que le véhicule législatif n'est pas adapté.
Il nous semble aussi que le législateur n'a aucune légitimité pour trancher un débat académique et doctrinal sur le système expertal de la psychiatrie et son organisation, tout comme sur les orientations psychiatriques qui les sous-tendent. C'est pourtant ce que vous nous proposez.
C'est pourquoi, par cohérence, le groupe GEST votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la santé mentale constitue l'un des défis majeurs de notre temps. Elle a été élevée au rang de grande cause nationale en 2025 et chacun peut mesurer la portée de cette décision, tant les chiffres comme les témoignages nous rappellent, jour après jour, l'ampleur de ce fléau silencieux.
Nous savons combien les troubles psychiques pèsent sur nos concitoyens, sur leurs familles, mais aussi sur notre système de santé. Ils sont la première cause d'affection de longue durée, la première cause de dépenses de l'assurance maladie, la première cause mondiale de handicap acquis. Ils concernent chaque année près de 13 millions de personnes.
Les chiffres sont alarmants. Une personne sur cinq sera confrontée, au cours de sa vie, à un trouble psychique. Ces troubles débutent souvent précocement, puisque, dans près de 40 % des cas, ils apparaissent avant l'âge de 14 ans et, dans les trois quarts des cas, avant 25 ans. Le suicide est la première cause de mortalité entre 15 et 35 ans. Depuis la crise sanitaire, les indicateurs se sont dégradés, en particulier chez les jeunes.
Dans le même temps, notre système de soins psychiatriques fait face à des tensions durables : pénurie de professionnels, inégalités territoriales, allongement des délais d'accès aux prises en charge spécialisées. Ces constats imposent à la représentation nationale de poursuivre, sans relâche, la construction d'une politique fondée sur la prévention, le repérage précoce et la gradation des soins.
C'est dans ce contexte que notre collègue Nathalie Delattre a défendu au mois de janvier 2024 une proposition de résolution invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale, que la Haute Assemblée a adoptée à l'unanimité. À l'époque, elle a rappelé combien les parcours étaient jalonnés d'attentes, de ruptures, de pénuries, de souffrances parfois tues, souvent invisibles. Ces propos restent malheureusement encore d'actualité.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui s'inscrit dans cette continuité. Elle vise à reconnaître et à sécuriser l'action des centres experts en santé mentale. Depuis près de vingt ans, ces centres se sont structurés autour d'une prise en charge spécialisée et pluridisciplinaire, adossée à la recherche et à l'évaluation.
Ces structures interviennent auprès de patients dont les parcours sont souvent marqués par l'errance diagnostique, l'échec thérapeutique ou la complexité clinique. Elles constituent un recours précieux, en complément indispensable de la psychiatrie de secteur, pour affiner les diagnostics, proposer des stratégies thérapeutiques adaptées et faire progresser les connaissances scientifiques.
Pour autant, si l'utilité de ces centres experts est reconnue, ces établissements ne sauraient, à eux seuls, résumer l'offre de soins de troisième recours en psychiatrie, qui est assurée par une multitude d'acteurs. De la même façon, il n'était pas souhaitable de mentionner la fondation FondaMental dans le texte qui nous est soumis.
C'est pourquoi je tiens à saluer le travail accompli par notre rapporteure, qui a permis d'enrichir le texte et de lever un certain nombre de réserves légitimes.
La nouvelle rédaction de l'article 1er reconnaît plus largement le rôle de l'ensemble des équipes médicales assurant des soins psychiatriques de troisième recours. Elle affirme clairement leur place dans l'organisation des soins, tout en mettant l'accent sur leur nécessaire inscription dans une coordination territoriale. Cette évolution est bienvenue.
L'article 2 a été utilement précisé. Nous savons combien les cloisonnements persistants entre la psychiatrie, la médecine de ville et les acteurs de la santé mentale constituent un frein majeur à la continuité et à la lisibilité des parcours de soins. En rappelant explicitement la place de ces acteurs au sein des communautés professionnelles territoriales de santé et leur articulation avec les projets territoriaux de santé mentale, le texte renforce la coopération locale, condition indispensable d'une prise en charge efficace et coordonnée.
Au-delà des dispositifs, ce débat nous renvoie à une exigence plus large, celle de la lisibilité et de la cohérence de notre politique en matière de santé mentale. Reconnaître l'expertise, favoriser la coordination, soutenir la recherche, sans jamais perdre de vue la proximité et l'accompagnement humain : tel est l'équilibre que nous devons ensemble rechercher.
Mes chers collègues, le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales ne prétend pas résoudre la crise profonde que traverse la psychiatrie. Toutefois, il constitue une étape utile en faveur de la reconnaissance de l'expertise et de la coordination des acteurs, au service des patients les plus vulnérables.
C'est dans cet esprit que le groupe RDSE soutiendra cette proposition de loi. (Mme Anne-Sophie Romagny applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors même que la santé mentale a été érigée en grande cause nationale pour 2025, nous ne pouvons aujourd'hui que regretter que le Gouvernement n'ait pas été au rendez-vous de cet enjeu majeur pour nos concitoyens. L'instabilité gouvernementale ne doit pas être un prétexte. Libre à chacun d'assurer « continuité et cohérence » avec son prédécesseur du socle commun…
Pourtant, le sujet est fondamental, comme en attestent les constats préoccupants du rapport d'information sur la santé mentale publié au mois de juin dernier par nos collègues Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin.
Y sont notamment relevés une dégradation continue de la santé mentale depuis 2020, particulièrement chez les jeunes, dont près de 30 % sont exposés à un risque de troubles anxiodépressifs ; un mal-être alimenté par l'isolement, la précarité, les réseaux sociaux et un contexte international anxiogène ; une psychiatrie publique à bout de souffle, avec des centres médico-psychologiques saturés et un quart des départements dépourvus de pédopsychiatres.
Pour répondre à l'urgence, le Sénat, par la voix d'Alain Milon, que je tiens à remercier, prend ses responsabilités en proposant un texte visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique.
Créés en 2007, ces 55 centres ont démontré leur efficacité au travers d'une prise en charge pluridisciplinaire et spécialisée, plus de 20 000 patients évalués et une amélioration significative du pronostic des troubles psychiatriques sévères, avec une réduction des journées d'hospitalisation.
Leur reconnaissance officielle est donc une étape déterminante, puisqu'elle offre une réelle visibilité à la prise en charge de troisième recours au sein de l'offre de soins, garantissant ainsi leur pérennité tout en ouvrant la voie à un développement structuré en réseau.
Au-delà de ces avancées significatives, nous devons reconnaître que le texte initial comportait certains angles morts. Je tiens ici à saluer le travail de la rapporteure Chantal Deseyne, qui a permis de l'enrichir de manière substantielle lors de son examen en commission, en conciliant les attentes des différents acteurs de la psychiatrie et en écartant notamment le risque de financiarisation qui pesait sur la version initiale.
Créés pour appuyer la psychiatrie par des diagnostics de précision, ces centres experts n'ont de portée claire et efficace que grâce à une articulation forte avec la psychiatrie de secteur. Sans cela, leurs recommandations restent lettre morte, offrant une vitrine sans prise en charge. C'est la raison pour laquelle une attention particulière a été portée sur l'article 2, qui concerne l'organisation territoriale, notamment par l'intégration de la santé mentale au sein des CPTS, afin de renforcer les dynamiques de travail à l'échelle locale.
In fine, ce texte représente un premier pas solide et nécessaire, qui doit désormais s'inscrire dans une trajectoire plus large et durable en faveur du renforcement de la santé mentale sur l'ensemble du territoire.
Pour ce faire, voici quelques-unes des étapes qu'il nous reste à franchir : renforcer en priorité les centres médico-psychologiques, dont les délais d'attente excèdent parfois six mois ; développer les infirmiers en pratique avancée spécialisés en psychiatrie, dont l'apport est reconnu mais encore sous-utilisé ; améliorer la coopération entre tous les acteurs – généralistes, psychologues, santé scolaire, médico-social –, pour garantir un parcours de soins cohérent et continu.
Enfin, et c'est un sujet profondément inquiétant et qui me tient particulièrement à cœur pour en avoir vécu l'expérience lorsque j'étais maire, nous ne pourrons faire l'impasse sur la remise à plat des hospitalisations sous contrainte et des expertises psychiatriques judiciaires, qui, parfois, par manque de place en établissement spécialisé ou par confort, préfèrent fermer les yeux sur des situations inquiétantes qui laissent des familles entières dans le désarroi du non-diagnostic. En la matière, peut-être que les centres experts pourront nous aider.
Aussi, tout en remerciant le Sénat d'avoir enfin mis en lumière les questions liées à la santé mentale, le groupe Union Centriste votera ce texte dans l'espoir qu'il incite le Gouvernement à prendre ses responsabilités pour mieux faire vivre cette grande cause nationale, reconduite pour l'année 2026. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Demas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par notre collègue Alain Milon, qui porte sur la prise en charge des troubles psychiatriques les plus graves, est cruciale.
Tout d'abord, parce qu'elle marquerait la reconnaissance officielle, par la loi, du travail d'équipes médicales ultraspécialisées, qui interviennent au chevet de Français frappés par des troubles très forts, comme la bipolarité ou la schizophrénie.
Ensuite, parce qu'elle permettrait à la médecine française de mieux prendre en charge la santé mentale, la santé des gens, finalement. Le texte sur lequel nous travaillons, tel qu'il a été enrichi par notre commission, n'est ni plus ni moins qu'une tentative de « limiter l'hémorragie » entre le moment où le patient connaît ses premiers troubles sévères et celui où il bénéficie d'un diagnostic adapté.
Nous disons donc « oui » : oui à plus de diagnostics ; oui à ce que les professionnels de santé se coordonnent mieux pour détecter rapidement les troubles les plus graves.
Or parmi les offres de soins de troisième recours, les centres experts effectuent un travail formidable depuis 2006, parce qu'ils réintroduisent de l'attractivité dans une profession qui n'en connaît plus beaucoup.
Une telle innovation redonnera de l'oxygène à la psychiatrie ; il serait dommage de s'en priver. Je rappelle que, en dix ans, les centres experts ont permis l'évaluation de presque 20 000 patients et leurs travaux ont donné matière à plus de 160 publications scientifiques internationales.
Au-delà du modèle des centres experts, notre idée est de renforcer toute l'offre de soins de troisième recours, qu'il s'agisse des CHU, des centres spécialisés, des réseaux de recherche ou d'autres organismes.
Dans ce contexte, le seul point crucial est une gradation claire des soins et des centres de référence, afin d'éviter que les patients ne se perdent dans un parcours de soins fragmenté.
D'ailleurs, les infirmiers en pratique avancée en psychiatrie illustrent parfaitement cette nécessité de coordination. Leur rôle dans le renouvellement des prescriptions, le suivi des traitements et l'articulation des parcours est désormais reconnu par tout le corps médical, en particulier lorsque leur action permet de renforcer la prise en charge de proximité et de fluidifier l'accès aux soins de troisième recours.
Ce texte, comme nous le reconnaissons tous, est une étape nécessaire pour améliorer les parcours des patients en souffrance et des plus vulnérables, ainsi que pour limiter l'errance diagnostique.
Cependant, il faudra aller plus loin, pour que la santé mentale bénéficie d'une feuille de route claire, pour qu'on la considère autrement qu'au travers du simple renouvellement, en 2026, de la grande cause nationale de 2025, pour qu'elle ne soit pas qu'un beau slogan qu'on accroche aux murs des ministères tout en l'effaçant des tableaux d'affectation de crédits.
C'est à ces conditions seulement que nous répondrons vraiment à cet enjeu de santé publique. Je vous remercie donc, mes chers collègues, de voter pour la proposition de loi de notre collègue Alain Milon. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Muller-Bronn. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d'engager l'examen de la proposition de loi relative aux centres experts en santé mentale, il faut rappeler la gravité de la situation de la psychiatrie en France.
Ainsi, la pénurie de soins en santé mentale persiste depuis plus d'une vingtaine d'années, particulièrement dans les territoires ruraux et semi-ruraux, où le secteur psychiatrique est en grande difficulté.
En 2011, déjà, la Cour des comptes alertait sur les insuffisances du plan psychiatrie et santé mentale, lancé en 2005. Son rapport identifiait alors parfaitement les difficultés que nous constatons encore aujourd'hui : le manque de moyens humains et financiers, ainsi que le défaut de pilotage territorial et de coordination dans les soins psychiatriques.
Plus récemment, dans le cadre de leur mission d'information sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-19, nos collègues Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin nous ont rappelé qu'un tiers des postes de psychiatres publics étaient vacants, tandis que les centres médico-psychologiques, qui constituent la pierre angulaire de la prise en charge des patients, sont totalement saturés.
Parallèlement à cette crise structurelle, le nombre des personnes touchées par des pathologies mentales n'a cessé d'augmenter. Ainsi, selon les données de Santé publique France, 3 millions de personnes souffrent de troubles psychiques sévères et le suicide est la première cause de mortalité entre 15 et 35 ans. Les maladies mentales et les troubles psychiques touchent près d'un cinquième de la population, soit 13 millions de Français, selon l'OMS. Or la situation ne risque pas de s'améliorer, au vu des difficultés de notre pays.
Nous sommes face à un grave problème de société, auquel il est urgent de répondre de manière coordonnée. À cet égard, la proposition de loi que nous examinons a été remaniée en commission, notamment pour renforcer la coopération entre les différents professionnels de la santé mentale.
Son article 2 précise que ladite mission de coordination est assurée par les communautés professionnelles territoriales de santé, en vue de structurer les parcours en santé mentale et d'éviter les ruptures de prise en charge.
Cette nouvelle rédaction permettra, je l'espère, de rassurer les différentes associations de psychiatres qui ont exprimé leurs inquiétudes sur ce texte. En effet, ces dernières, sans nier l'importance de la recherche, qui caractérise l'activité des centres experts, nous ont alertés sur le risque d'un déséquilibre dans l'accès aux soins psychiatriques, aux moyens d'accompagnement et au suivi médico-social.
Après avoir modifié la proposition de loi initiale, nous l'adopterons dans cette version, qui reconnaît l'ensemble des acteurs. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie
Article 1er
Le chapitre Ier du titre II du livre II de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° La seconde phrase de l'article L. 3221-1 est ainsi modifiée :
a) Les quatre occurrences du mot : « des » sont remplacées par le mot : « les » ;
b) Les mots : « diversifiés » et « l'ensemble » sont supprimés ;
c) Après le mot : « psychiatrie », sont insérés les mots : « , les acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie » ;
2° Le dernier alinéa de l'article L. 3221-1-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette gradation implique la coordination des acteurs intervenant dans le parcours de soins des patients, notamment entre les psychiatres référents assurant la prise en charge de deuxième recours d'une part, et les équipes médicales assurant des soins de troisième recours dans les centres et les services hospitaliers spécialisés dans la prise en charge de certains troubles psychiatriques, d'autre part. » ;
3° Au 3° du I de l'article L. 3221-3, après le mot : « acteurs », sont insérés les mots : « , tels que les équipes médicales assurant des soins de troisième recours mentionnées à l'article L. 3221-1-1, ».
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L'article L. 1434-12 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, après la référence : « L. 1411-12 », sont insérés les mots : « , des acteurs chargés de mettre en œuvre la politique de santé mentale mentionnés à l'article L. 3221-1, » ;
2° (nouveau) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les actions mises en œuvre par la communauté professionnelle territoriale de santé dans le champ de la santé mentale s'articulent avec les projets territoriaux de santé mentale mentionnés à l'article L. 3221-2. – (Adopté.)
Article 3
Les éventuelles conséquences financières résultant pour l'État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble